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LE STATUT DES ESPECES ENVAHISSANTES EXOTIQUES D'ARBRES FORESTIERS EN AFRIQUE DU SUD6,7,8

par
Betserai Isaac Nyoka9

INTRODUCTION

Avec le développement véritable et projeté de la foresterie de plantation, la question du pouvoir envahissant potentiel est devenue une préoccupation croissante (voir l'article général sur le matériel forestier de reproduction de ce numéro de Ressources Génétiques Forestières). La FAO a initié un travail avec les corporations sur la biosécurité en alimentation et agriculture, qui inclut, à partir d'une perspective forestière, la question des arbres forestiers envahissants. Cet article est basé sur un rapport commissionné par la FAO intitulé `A case study on the status of invasive forest trees species in Southern Africa'' (Une étude de cas sur le statut des espèces envahissantes d'arbres forestiers en Afrique du Sud). L'objectif spécifique de cette étude était alors d'examiner la littérature disponible sur l'importance des espèces envahissantes d'arbres, leurs impacts sur la biodiversité et le développement économique dans les trois pays de Zambie, Zimbabwe et Afrique du Sud.

L'introduction documentée d'espèces d'arbres en Afrique du Sud date du milieu du 17ème siècle quand les premières espèces d'arbres ont été introduites en Afrique du Sud (Troup, 1932; Streets, 1962). Au Zimbabwe, le premier cas enregistré d'introduction d'arbres forestiers date de 1874 environ, quelques 16 ans avant l'occupation du pays par les colons européens (SRFC, 1956). 750 espèces d'arbres ont été introduites en Afrique du Sud (van Wilgen et al., 2001).

Le secteur de la foresterie de plantation, la source des bois d'_uvre et d'écorce pour le tanin, est entièrement basé sur des espèces d'arbres exotiques. La contribution sociale et économique de ce secteur aux pays d'Afrique du sud est montrée dans le tableau 1. En plus des bénéfices économiques concrets et directs dérivés des espèces d'arbres exotiques utilisées en foresterie commerciale, les espèces d'arbres exotiques sont également utilisées pour fournir du bois de feu dans les zones déficientes en espèces indigènes d'arbres, du fourrage, des fruits, des brise-vent, de l'ombrage, etc.

LES ESPECES ENVAHISSANTES D'ARBRES ET L'ETENDUE DE L'INVASION

L'introduction et l'utilisation consécutive d'espèces d'arbres exotiques en Afrique du Sud n'a pas eu lieu sans coût. Certaines de ces espèces introduites se sont naturalisées et devenues envahissantes, causant des dommages environnementaux immenses. Le tableau 1 montre quelques-unes des principales espèces d'arbres envahissantes en Afrique du Sud. Il apparaît que des espèces d'arbres exotiques d'une certaine gamme d'utilisations contribuent toutes à l'invasion. La surface totale envahie par des arbres exotiques en Afrique du Sud est d'environ 100 739 km2, soit 8,07 pour cent de la surface totale du pays (van Wilgen et al., 2001). Au Zimbabwe, la surface totale envahie n'est pas connue mais des estimations la placent à environ 450 000 hectares. Tous les écosystèmes majeurs d'Afrique du Sud et du Zimbabwe ont été affectés. La Zambie est considérée comme saine, bien qu'un manque de sensibilisation puisse contribuer à cette notion. Ce scénario peut être attribuable au fait que l'Afrique du Sud a le plus grand nombre d'espèces introduites ainsi que la plus longue période d'introduction d'espèces d'arbres sur plus de 300 ans. Treize espèces d'Acacia (A. baileyana, A. cyclops, A. dealbata, A. decurrens, A. elata, A. implexa, A. longifolia, A. mearnsii, A. melanoxylon, A. paradoxa, A. podalyriifolia, A. pycnantha et A. saligna) ont été déclarées espèces envahissantes ou mauvaise herbe en Afrique du Sud alors que six de ces mêmes espèces (A. decurrens, A. elata, A. mearnsii, A. melanoxylon et A. podalyriifolia) sont connues pour être envahissantes au Zimbabwe. Neuf espèces de Pinus (P. canariensis, P. elliottii, P. halapensis, P. patula, P. pinaster, P. pinea, P. radiata, P. roxburghii, P. taeda) ont été déclarées envahissantes en Afrique du Sud et 6 espèces de Pinus (P. elliottii, P. kesiya, P. patula, P. radiata, P. taeda, P. roxburghii) ont été identifiées comme envahissantes à des degrés divers au Zimbabwe. Les autres espèces envahissantes d'arbres existantes dans au moins deux pays sont Populus canescens, Psidium spp., Melia azedarach, Jacaranda mimosifolia, Albizia procera, Grevillea robusta, Bauhinia spp., Senna spp. et Caesalpinea decapetala et Cedrela toona, toutes en Afrique du Sud et Zimbabwe ainsi que Ziziphus mauritiana au Zimbabwe et en Zambie.

En dehors de Z. mauritiana, la plupart des espèces d'arbres exotiques de Zambie sont considérées comme non envahissantes. Il existe des preuves documentées que des espèces telles que P. patula et A. mearnsii, les espèces d'arbres les plus envahissantes en Afrique du Sud et au Zimbabwe, n'ont pas réussi en Zambie du fait de limitations environnementales.

Tableau 1: Résumé des statistiques forestières et les espèces ligneuses envahissantes étrangères dans trois pays d'Afrique du Sud

 

Afrique du Sud

Zimbabwe

Zambie

Surface des terres (000 ha)

122 760

38 685

74 39

Surface sous plantation (ha)

1.5 millions

118 000

57 000

Contribution des plantations au PIB

2%

3%

1%

Contribution de la foresterie de plantation

300 millions ($EU)

90 millions ($EU)

6 millions ($EU)

Nombre de personnes employées

100 000

13 600

na

Budget du programme de contrôle annuel

20 millions ($EU)

100 000 ($EU)

na

Surface non condensée affectée par les arbres envahissants

10.7 millions ha

450 000 ha*

na

Espèces principales envahissantes étrangères (plantation)

9 Pinus spp.

2 Acacia spp.

6 Pinus spp.

2 Acacia spp.

na

Espèces principales envahissantes étrangères (ornementales, brise-vent, ombrage, etc.)

11 Acacia spp.

Melia. azedarach,

Jacarandra. mimosifolia,

Populus canescens

Bauhinia spp.

4 Acacia spp.

M. azedarach,

J. mimosifolia,

P. canescens,

Bauhinia spp.

na

Espèces principales envahissantes étrangères (fruitiers)

Psidium guajava

P. cattleianum

P. guineense

P. guajava

P. cattleianum

Ziziphus mauritiana

Z. mauritiana

Espèces principales envahissantes étrangères (fourrage)

Prosopsis spp

na

na

na = information non disponible; *les chiffres sont des estimations

DOMMAGES ENVIRONNEMENTAUX CAUSÉS PAR DES ARBRES ENVAHISSANTS ET LEUR CONTROLE

Les dommages environnementaux documentés, causés par des espèces envahissantes d'arbres exotiques en Afrique du Sud, incluent la réduction des cours d'eau, le changement dans le statut des nutriments des sols, la réduction de la richesse spécifique, l'augmentation de la biomasse de certains écosystèmes et la pollution génétique (Van Wilgen et al., 2001).

Le contrôle des espèces envahissantes étrangères en Afrique du Sud a commencé dans les années 40 et dans les années 80 au Zimbabwe. Les premiers efforts furent largement non coordonnés et erratiques, et le résultat fut alors minime pour stopper leur invasion. Aujourd'hui les principales méthodes de contrôle sont mécaniques, chimiques, le feu et le contrôle biologique.

Les programmes de contrôle des espèces d'arbres envahissantes étrangères au Zimbabwe et en Afrique du Sud ont respectivement coûté 100 000 $EU et 20 millions $EU par an.

CONCLUSION

Une large gamme d'espèces d'arbres fut introduite en Afrique du Sud (Afrique du Sud, Zambie et Zimbabwe) pour une large gamme d'objectifs. Malheureusement, certaines de ces espèces se sont naturalisées et sont devenues envahissantes, menaçant la biodiversité de la région. L'Afrique du Sud est maintenant le pays le plus affecté par les espèces d'arbres envahissantes, suivi par le Zimbabwe.

Le prix de gestion des espèces d'arbres envahissantes étrangères doit être soupesé avec les bénéfices sociaux et économiques dérivés de ces espèces. L'industrie du mimosa, basée sur A. Mearnsii par exemple, une espèce d'arbre envahissante principale en Afrique du Sud et au Zimbabwe, contribue respectivement à 75 millions de $EU et 3 millions $EU par an. P. patula, une autre espèce d'arbres envahissante exotique d'Afrique du Sud et du Zimbabwe, est plantée sur une surface de 337 337 et 49 141 hectares respectivement et elle constitue une ressource de bois d'_uvre de plusieurs millions pour les industries de la pâte et du papier dans les deux pays.

Il existe par conséquent un besoin de prendre en compte les avantages et les inconvénients associés à chaque espèce et les décisions doivent être prises espèce par espèce plutôt par une approche globale, afin de mieux balancer les nécessités contradictoires.

Un examen plus global sur cette question des arbres forestiers envahissants dans le monde entier est initié par CABI pour la FAO. Les résultats préliminaires de cette revue seront présentés dans le prochain numéro de Ressources Génétiques Forestières.

BIBLIOGRAPHIE

SRFC. 1956. Exotic Forest Trees in the British Commonwealth. Southern Rhodesia Forestry Commission. 37 pp.

Streets R. J. 1962. Exotic Forest Trees in the British Commonwealth. Oxford University Press, Oxford. U.K. 750 pp.

Troup, R. S. 1932. Exotic Forest Trees in the British Empire. Claredon Press, Oxford. U.K.

Van Wilgen, B. W., Richardson, D. M. Le Maitre, D. C., Marais C. & Magadlela. 2001. The Economic Consequences of alien plant invasions: Examples of Impacts and approaches to sustainable management in South Africa. Environment, Development and Sustainability 3: 145-168.


6 Reçu en juin 2002. Langue originale: Anglais.
7 Article basé sur le rapport FAO `A case study on the status of invasive forest trees species in Southern Africa'. Forest Resources Working Papers . Forest Resources Development Service, Forest Resources Division, FAO, Rome. (Sous presse 2002).
8 Article présenté à l'atelier de travail sur la "Prévention et la gestion des espèces envahissantes étrangères: forger la coopération en Afrique du Sud", 10-12 Juin 2002, Lusaka, Zambie.
9 Forest Research Centre, P. O. Box HG 595, Highlands, Harare, Zimbabwe


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