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JAMAÏQUE[82]


1 INTRODUCTION

1.1 Structure du secteur agricole et contribution à l’économie

La superficie totale des terres agricoles était, lors du dernier recensement agricole de 1996, de 407 434 ha pour 187 791 exploitations. Quatre-vingt pour cent des terres sont situées dans des régions de collines ou de montagnes. L’île est traversée par une chaîne qui culmine au Pic Blue Mountain (2 256m) à l’est et qui décline vers l’ouest, par une série d’éperons rocheux et de ravins couverts de forêts, orientés nord-sud. La Jamaïque bénéficie d’un climat tropical. Les températures diurnes s’établissent autour de 32,2°C, alors que celles nocturnes sont plus fraîches (moins 9°C). La végétation est pour l’essentiel tropicale.

Le paysage agraire de la Jamaïque est marqué par la coexistence de situations extrêmes aussi bien pour ce qui est de la qualité des terrains que de la taille des exploitations. Les grandes plantations et les pâturages sont concentrées dans les plaines côtières alors que les petites exploitations sont regroupées surtout à l’intérieur des terres. Les petits agriculteurs - qui disposent d’exploitations de 5 acres (2,02 ha) ou moins - représentent quelque 78 pour cent de la communauté agricole et produisent principalement des racines, des légumes secs et des légumes. Les grandes exploitations, moins de un pour cent de l’ensemble, occupent environ 39 pour cent des terres agricoles et produisent pour l’essentiel du sucre, des bananes, du café, des piments et, dans une moindre mesure, des agrumes et du cacao pour les marchés d’exportation.

De 1991 à l’an 2000, la part de l’agriculture dans le PIB a varié de 9,2 pour cent en 1995 à 7,1 pour cent en l’an 2000 (environ 16 pour cent, lorsque l’on ajoute les produits agro-alimentaires). La production agricole a un effet multiplicateur sur l’économie car elle est liée à d’autres activités comme les transports, la commercialisation, le tourisme et le commerce local. À la Jamaïque, l’agriculture dépend encore totalement du développement rural. Elle joue un rôle significatif dans la lutte contre la criminalité et pour le maintien de la stabilité sociale à la fois dans les zones rurales et urbaines car elle permet d’atténuer l’exode rural.

L’agriculture emploie environ 22 pour cent de la main d’œuvre (approximativement 250 000 personnes), fait vivre 150 000 familles de petits exploitants et contribue à la sécurité alimentaire de la nation. Elle continuera a jouer un rôle vital dans le développement global du pays car c’est le secteur qui permet d’absorber le plus de main d’œuvre et donc d’atténuer la pauvreté diffuse et le chômage élevé.

1.2 Résultats récents obtenus par le secteur agricole

Au cours de la période 1981-1990 (1981 = 100) la production agricole a fluctué, passant de 90 points à 110 points. Ce mouvement a été suivi d’un accroissement soutenu de la production agricole dans son ensemble au cours de la période 1990-1996, au cours de laquelle la croissante totale a été d’environ 52 pour cent. Après une chute significative en 1997, la production a continue à régresser jusqu’en l’an 2000. En 2001, la production totale a augmenté de 5,5 pour cent par rapport à l’année précédente. L’année suivante, les pluies diluviennes de mai et juin devraient avoir un effet négatif sur la production.

Un certain nombre de facteurs ont contribué à la fermeté de la production au cours de la période 1990-1996. Au cours de cette période, le secteur agricole a connu une reprise après les dégâts provoqués par l’Ouragan Gilbert. Le dollar jamaïcain a subi une forte dévaluation au cours de cette période. La croissance a aussi été favorisée par la nécessité d’améliorer la productivité pour affronter la compétitivité accrue de l’économie mondiale.

Depuis 1996, le recul de la production est imputable à divers facteurs: mauvaises conditions météorologiques; taux d’intérêt élevés sur les prêts agricoles; contraction logique des investissements dans le secteur; déclin de l’ensemble de l’économie. Les mauvaises conditions météorologiques au cours d’une année civile, se répercutent sur les périodes successives de production, car les agriculteurs ont tendance à moins planter par la suite, probablement en raison du manque de disponibilités financières pour les semis. Pendant la période 1996-2001, la hausse des importations de produits agricoles a commencé à avoir une incidence sur la production interne car certains secteurs du marché local ont cédé la place à des produits importés plus compétitifs, et emballés

Les exportations de produits traditionnels, notamment de sucre et de bananes, sont les principales sources de recettes en devises étrangères (65 pour cent du total des recettes d’exportation pour l’an 2000). Le maintien des accords commerciaux préférentiels pour ces produits est un point fondamental de la stratégie à court et moyen terme de la Jamaïque auprès à l’OMC.

Les cultures non traditionnelles, comme les tubercules, les fruits, les légumes et les épices, ont enregistré une croissance importante depuis 1990. Elles ont bénéficié des répercussions positives de la dévaluation et des stratégies de commercialisation agressives adoptées pour les papayes, les ignames, les bananes plantains, les citrouilles et les patates douces. Toutefois les pommes de terre et les oignons, ont été remplacées dans une grande mesure, par les importations car ces produits n’étaient pas compétitifs. Malgré la concurrence accrue sur le marché intérieur, un certain nombre de produits non traditionnels ont pu résister. Environ 80 pour cent des achats de denrées alimentaires effectuées par les hôtels à la Jamaïque sont d’origine locale et il est important que cette situation soit encore renforcée.

1.3 Changements d’orientation et programmes au cours des deux dernières décennies

Au cours des années 80 et 90, la Jamaïque a considérablement modifié ses politiques pour suivre les programmes d’ajustement structurel préconisés par la Banque mondiale et le FMI qui ont défini les critères de la libéralisation des échanges pour la Jamaïque. Cette orientation est maintenant confirmée par l’OMC. Les modifications politiques spécifiques ont porté notamment sur:

En outre, d’autres politiques de libéralisation adoptées au niveau macroéconomique, comme la suppression des contrôles sur les échanges extérieurs, ont eu aussi des répercussions sur le secteur.

L’évaluation d’ensemble de l’incidence de ces modifications sur l’agriculture fait ressortir que ce secteur a encore besoin de nouveaux ajustements pouvoir devenir plus concurrentiel. Ces modifications ont été accompagnées à la fois par des coûts et des avantages pour l’économie et les divers groupes d’intérêt. D’aucuns estiment que le processus de suppression des droits, des contingents etc. devrait avoir lieu sur une période de temps plus longue («ils ont été trop nombreux et trop rapides»). Un certain nombre de petits producteurs, notamment d’oignons et de pommes de terre, ont été ruinés du fait de la meilleur qualité et des prix plus compétitifs des produits importés.

D’un point de vue positif, la libéralisation a permis aux offices de produits d’adopter, dans l’ensemble, une démarche plus pragmatique, et un nombre accru de particuliers ont pu améliorer leur gestion et dans l’ensemble leur fonctionnement. Du fait de la concurrence accrue sur le marché national, certains petits exploitants se sont rendus compte de la nécessité de respecter les normes et du besoin d’améliorer la présentation de leurs produits, surtout dans les supermarchés.

Les consommateurs ont profité de certains de ces aménagements. En particulier, les importations de lait en poudre sont devenues plus abordables pour les groupes à faible revenu. La politique des pouvoirs publics en vue de maintenir l’inflation à un niveau faible ou inférieur à 10 pour cent a été aussi favorisé par la baisse des prix du lait importé et d’autres produits. Toutefois, le secteur de l’industrie laitière et d’autres produits a accusé un net recul, du fait de l’ouverture des marchés à la concurrence déloyale des importations, fortement subventionnées.

Les importateurs et les détaillants ont été en général gagnants puisque leurs affaires ont prospéré alors que certains petits exploitants ont perdu des parts de marché et dans certains cas, ont dû abandonner leur activité.

Les pouvoirs publics, dans le cadre de la Politique agricole ont réaffirmé qu’ils s’engageaient à parvenir aux buts suivants:

Ces objectifs guident et conduisent les politiques commerciales que le pays tentera d’élaborer, encourager et défendre dans l’OMC et dans tout autre organe de négociation.

1.4 Participation aux efforts régionaux et multilatéraux d’intégration

La Jamaïque s’est engagée à ouvrir et à libéraliser son système d’échanges et a participé activement à plusieurs cycles de négociations multilatérales depuis qu’elle est devenue membre du GATT, en 1963. La Jamaïque participe à plusieurs accords commerciaux, notamment: le CARICOM, l’Initiative concernant le bassin des Caraïbes, Caribcan (Arrangement de commerce préférentiel Caraïbes-Canada), les accords CARICOM/Vénézuela et CARICOM/Colombie pour la coopération commerciale et économique, et l’Accord de libre échange CARICOM/République dominicaine. La Jamaïque participe aussi au processus de la ZLEA et aux négociations commerciales ACP/UE engagées en septembre 2002.

La libéralisation des échanges à la Jamaïque a été favorisée tout d’abord par les programmes d’ajustement structurel de la Banque mondiale dans les années 80 et 90, puis par les accords de l’OMC en 1994. Ces processus parallèles ont une forte incidence sur le secteur agricole jamaïcain qui doit affronter une réduction des exportations agroalimentaires et le risque d’être mis à l’écart déplacés sur le marché national, par l’accroissement des importations alimentaires.

Des négociations sur l’agriculture sont en cours, en concomitance avec l’OMC, la ZLEA et les négociations ACP/UE. Le défi présenté par trois négociations parallèles et significatives est très lourd pour un petit pays en développement, comme la Jamaïque. Toutefois, cette situation présente la possibilité de formuler une vaste politique économique et commerciale cohérente pour le secteur qui doit se confronter à la fois avec des partenaires traditionnels et avec de nouveaux arrivants, à l’échelle de l’hémisphère et des accords multilatéraux.

Le pays s’est toujours appuyé à des accords commerciaux non réciproques, comme les Conventions de Lomé ACP/UE et l’Initiative concernant le bassin des Caraïbes pour obtenir des accords préférentiels pour ses exportations agricoles. Comme le processus de libéralisation à l’échelle du globe et de l’hémisphère s’accélère, ces accords traditionnels seront probablement transformés en accords réciproques de libre échange, comme cela est prévu à l’article XXIV du GATT. Ce processus pourrait se traduire par la réduction des marges préférentielles pour les marchés traditionnels d’exportation ainsi qu’en une ouverture ultérieure du marché national aux importations en provenance de pays industrialisés comme l’Union européenne, les États-Unis et le Canada. Cela va poser du défi considérable à un petit pays doté d’un secteur agricole relativement faible et non concurrentiel. Parallèlement, la Jamaïque doit continuer à se placer de manière à pouvoir bénéficier de l’accroissement du flux des échanges et des investissements qui découlera probablement de ces nouvelles formes d’accords commerciaux.


[82] Le présent chapitre a été élaboré à partir d’une étude de cas réalisée pour la FAO par Mavis Campbell (Ministère de l’agriculture de la Jamaïque).

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