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5 QUESTIONS VISÉES ET ENJEUX DIVERS DANS LE CYCLE DE NÉGOCIATIONS EN COURS


Environ huit ans après la mise en œuvre de l’Accord sur l’agriculture de l’OMC, les obstacles commerciaux relatifs aux produits agricoles n’ont pas encore été supprimés. Pour les pays en développement, notamment le Zimbabwe, l’amélioration de l’accès aux marchés des pays développés n’a pas encore eu lieu. Pour le Zimbabwe, comme pour d’autres pays en développement, de nombreuses questions importantes doivent être abordées lors des négociations, pour que Accord sur l’agriculture puisse à l’avenir être efficace, dans le cadre des engagements pris lors de la quatrième réunion ministérielle de l’OMC, qui s’est tenue à Doha en 2001.

5.1 Accès aux marchés

Les réductions tarifaires n’ont pas nécessairement facilité l’accès aux marchés des pays développés (voir tableau 11). La moyenne des droits de douane sur les produits agricoles reste supérieure à celle des droits sur les produits industriels car la tarification a entraîné une protection douanière renforcée. Les réductions tarifaires ont aussi conduit à une dispersion accrue des droits. La structure des droits agricoles est devenue complexe, avec un recours fréquent aux droits spécifiques et à d’autres taux qui ne sont pas ad valorem. Dans les pays développés, la structure des droits devrait être mieux harmonisée, simplifiée, transparente et moins complexe. En outre, tous les droits devraient être convertis en droits ad valorem.

Tableau 11. Crêtes tarifaires par groupes de produits agricoles, pour les exportations du Zimbabwe, à destination de l’UE

Groupe de produits

Nombre de lignes tarifaires par fourchette tarifaire

Nombre de crêtes tarifaires

Part en pour-
centage

Total

20-29 %

30-99 %

>100 %

Viande, animaux vivants (1-2)

351

68

79

14

161

46

Lait et produits de la laiterie (4)

197

21

77

9

107

54

Fruits et légumes (7-8)

407

10

5

1

16

4

Céréales, farines, etc. (10-11)

174

29

75

0

104

60

Préparations de légumes, de fruits (20)

310

70

39

1

110

35

Préparations alimentaires diverses (19, 21)

90

27

8

0

35

39

Boissons et tabac (22, 24)

202

9

15

2

26

13

Autres produits agricoles (5-6, 13-14, 23)

231

4

14

4

22

10

Notes: Les crêtes tarifaires sont des taux de droit de 20 pour cent et plus. Il s’agit toujours de droits NPF. Les chiffres entre parenthèse dans la colonne «produits» font référence au numéros du SH.

Source: CNUCED, 1997, tableau 1-3.

Le niveau des contingents tarifaires de certaines exportations du Zimbabwe ont des effets limitatifs. Par exemple, le contingent tarifaire de 12 millions de kilogrammes de tabac octroyé par les États-Unis au Zimbabwe est contraire à l’esprit du GATT/OMC. Il protège le marché du tabac des États-Unis, il est conditionnel et il n’est pas transparent. Au cours du prochain cycle de négociations, les efforts devraient être faits pour éliminer progressivement les contingents tarifaires et incorporer toutes les possibilités d’accès au marché sur une base NPF. Les contingents tarifaires ne devraient pas être utilisés comme restrictions quantitatives. A cet effet, le Zimbabwe a proposé que:

Dans le secteur agricole, les crêtes tarifaires, relèvent pour l’essentiel de trois groupes de produits: les produits alimentaires de base; les fruits et légumes et l’agro-alimentaire (produits alimentaires transformés, FAO, 1999). Les produits pour lesquels on rencontre la fréquence la plus élevée de crêtes tarifaires et de progressivité des droits sont les produits agricoles de base - céréales, viande, sucre, lait, beurre et fromage - ainsi que ceux qui présentent un intérêt à l’exportation, pour les pays en développement comme le sucre, le tabac, le coton et les fruits et légumes (CNUCED, 1997). En effet, il n’est pas rare que ces crêtes tarifaires, dans l’OCDE, dépassent 100 pour cent. Par contre, une étude CNUCED/OMC a relevé que les droits agricoles supérieurs à 100 pour cent étaient rares dans les pays en développement (CNUCED, 1997). Une formule appropriée devrait être utilisée pour réduire ces droits extrêmement élevés, sur de grandes quantités, à des niveaux plus raisonnables. Les réductions tarifaires devraient être pondérées pour assurer que les produits sensibles, dans les pays développés, ne soient pas ultérieurement protégés.

Toute négociation agricole sur les droits de douane, devrait octroyer un traitement spécial et différencié aux pays en développement, comme c’est le cas à l’OMC. Les pays en développement devraient être autorisés à avoir une certaine flexibilité, c’est-à-dire à introduire des réductions tarifaires pour parvenir à des seuils concrets mesurables de développement, au lieu de fixer de simples délais à respecter.

Dans les pays développés, des niveaux élevés de protection sont fortement injustes car ils vident de tout sens l’Accord sur l’agriculture. Une étude du Programme économique d’ajustement structurel révèle que les consolidations finales de l’Union européenne, pour l’an 2000, sont supérieures de deux-tiers au moins à l’équivalent tarifaire réel pour 1989-1993(des trois-quarts pour les États-Unis). En outre, pour les principaux produits agricoles, les droits des pays développés sont environ deux fois plus élevés que ceux des pays en développement. Le blé et le maïs, ont des taux de droit consolidés de 94 pour cent pour le blé et de 90 pour cent pour le maïs, dans les pays en développement. Par contre, dans l’OCDE, la moyenne, au cours de la première année de mise en œuvre (1995) a été estimée à 214 pour cent pour le blé, à 197 pour cent pour l’orge et à 154 pour cent pour le maïs (FAO, 1996). Au cours du prochain cycle de négociations, le Zimbabwe devrait demander une révision des objectifs de réduction des droits de douane, à poursuivre dans un certain délai. Le but devrait être que les droits de tous les pays développés, pour commencer, puis ceux des pays en développement, convergent vers un certain niveau au cours d’une période donnée, afin de parvenir à des conditions similaires pour tous les agriculteurs des États membres.

L’octroi de clauses de sauvegarde spéciale présente un certain nombre de problèmes pour les pays en développement. La durée des clauses de sauvegarde spéciale, leurs critères d’application et les mécanismes de déclenchement sont invoqués de manière injustifiée. Cela doit être modifié pour mieux répondre aux besoins et aux conditions des pays en développement. Pour permettre aux agriculteurs de réagir à la concurrence accrue et de diversifier leur production face à la hausse des importations, ou de la baisse des cours, les pays en développement devraient être autorisés à percevoir des droits de clauses de sauvegarde spéciale à plus long terme. Ils devraient aussi demander une révision des mécanismes de déclenchement, qui limitent de manière injustifiée leurs exportations. Le droit d’utiliser les sauvegardes devrait être étendu aux pays en développement, notamment le Zimbabwe, qui n’ont pas «tarifé» ou mis une option préalable sur ce droit.

5.2 Soutien interne

Les questions de soutien interne sont controversées surtout entre les pays du Groupe de Cairns, l’Union européenne et le Japon et les pays en développement. Pour le groupe des pays en développement, un certain nombre de questions font l’objet de contestations. Ces pays estiment que le processus en cours, relatif à l’Accord sur l’agriculture, devrait se concentrer sur les questions relatives à la sécurité alimentaire et aux conditions d’existence dans les zones rurales.

Avant l’Accord sur l’agriculture, les pays en développement n’appliquaient pas en général de mesures de soutien et ne les inscrivaient pas figurer dans leurs listes. De ce fait, il est maintenant interdit d’appliquer ces mesures au-delà des niveaux de minimis. Les pays qui avaient une niveau élevé de MGS (en général les pays développés) ont été autorisés à les maintenir, en prévoyant une réduction progressive. Après avoir appliqué le programme de réduction de 20 pour cent, indiqué par l’Accord sur l’agriculture, certains pays développés ont encore des niveaux de soutien relativement élevés. En outre, le décrochage de la MGS des fluctuations des cours internationaux et des taux de change signifie qu’un pays peut respecter ses engagements de réductions de la MGS et en même temps connaître un accroissement du niveau réel de protection (c’est-à-dire le niveau de protection mesuré par la différence entre les prix courants à la production dans le pays et les cours mondiaux). En outre, les pays en développement ont des difficultés à calculer la MGS, du fait des changements excessifs des facteurs macro-économiques, comme une inflation excessive. Un pays qui connaît des taux d’inflation depuis la période de référence peut en fait avoir une MGS négative. Pour ce qui est de l’exemption des engagements de réduction de la MGS, on a enregistré divers problèmes concernant des critères choisis à cet effet, dans les mesures de la catégorie verte et de la limite de minimis. La limite de minimis de 10 pour cent ne fournit pas aux pays en développement la flexibilité pour la fourniture de soutien interne et plusieurs d’entre eux sont proches du plafond. Le critère, pour les mesures d’exemption de la catégorie verte, ne sont pas clairement définis, ce qui permet aux pays de déguiser des mesures de soutien qui ne pourraient pas répondre aux critères requis pour figurer dans les exemptions, au titre de la catégorie verte.

Dans cette optique, le Zimbabwe fera pression pour:

5.3 Subventions à l’exportation

Les subventions élevées, des pays de l’OCDE, ont des effets de distorsion sur les échanges et minent la production locale. En outre, elles déstabilisent et dépriment les cours agricoles. Le blé subventionné des États-Unis et de l’Union européenne a compromis la sécurité alimentaire, dans les pays en développement. Par exemple, les ventes par les États-Unis de 480 PL de blé, au Zimbabwe, en 1998, a maintenu les cours locaux à un niveau bas et a fortement affecté la viabilité de la production locale de blé. En outre, l’importation de blé subventionné bon marché, en provenance de l’Union européenne, par les pays à déficit céréalier de la SADC a compromis l’avantage comparatif du Zimbabwe pour la production de maïs et de blé, dans la région. En 1997, dans les 24 pays de l’OCDE, le soutien à la production pour le riz et la viande a été respectivement de 4,11 et 6,18 fois la valeur des exportations mondiales de ces pays (CNUCED, 1999).

Le recours constant aux subventions à l’exportation, par les pays développés, dans le cadre de l’Accord sur l’agriculture, est une violation évidente des règles de l’OMC qui interdisent le dumping. Le dumping perturbe la production locale et affecte les petits exploitants qui sont les producteurs les plus vulnérables, dans les pays en développement. Ces fortes subventions représentent un obstacle important pour les pays en développement, pour diverses raisons. Elles se traduisent par d’importants excédents vivriers dans les pays de l’OCDE, lesquels sont souvent exportés vers les pays en développement, en s’arrogant ainsi des marchés, au détriment des pays en développement exportateurs.

Les tentatives du Zimbabwe de développer ses débouchés régionaux et internationaux ont été fortement compromises par ces subventions à l’exportation. La suppression du soutien interne et des subventions à l’exportation, dans les pays développés, profitera au Zimbabwe aux secteurs du coton, de l’horticulture, du tabac, du sucre, de la viande de bœuf et du maïs. Des coûts de transport prohibitifs réduisent aussi les possibilités du Zimbabwe d’être compétitif sur le marché mondial. Toutefois, sa situation géographique lui permet de l’être sur les marchés régionaux, à condition toutefois que le dumping des denrées alimentaires, en provenance des pays développés soit contrôlé au sein de la région. La réductions des subventions à l’exportation et des soutiens internes stimuleront la croissance de l’horticulture.

5.4 Problèmes relatifs à la sécurité alimentaire et solutions proposées

La sécurité alimentaire est une question très controversée, dans les négociations sur l’agriculture. Pour les pays en développement, la sécurité alimentaire est étroitement liée à la sécurité nationale et à la souveraineté politique, car la plus grande partie de la population dépende de l’agriculture de subsistance. Au Zimbabwe, l’agriculture n’est pas une secteur de l’économie comme un autre. Il a d’importantes répercussions politiques, sur le soutien, les résultats économiques et notamment sur l’emploi, les disponibilités alimentaires, l’équilibre de la balance des paiements ainsi que sur les conditions d’existence de la population. La politique actuelle considère comme dangereux de dépendre des importations vivrières, car les réserves en devises étrangères, sont souvent limitées.

Dans cette optique, le Zimbabwe a pris un certain nombre de propositions axées autour de la «catégorie développement». Les pays en développement, en général, et le Zimbabwe, en particulier, estiment que les instruments suivants devraient figurer dans la rubrique sécurité alimentaire, de la catégorie développement:

Il conviendrait de créer une «catégorie développement», dotée d’instruments ayant les objectifs suivants:

1. Protéger et favoriser la capacité productive interne des pays en développement notamment pour les produits de base. Exclusion des principaux produits alimentaires des disciplines de contrôle des importations et de soutien interne, dans les pays en développement.

2. Appliquer, dans les pays en développement, le traitement spécial et différencié à tous les soutiens internes, octroyés à la production vivrière destinée à la consommation locale, ainsi que les soutiens à la production agricole des petits exploitants.

3. Renforcer la sécurité alimentaire et l’accès à la nourriture, surtout pour les plus démunis.

4. Créer, ou du moins soutenir les emplois des pauvres dans les zones rurales.

5. Protéger les agriculteurs, qui produisent des quantités suffisantes de produits agricoles de la vague d’importations bon marché

6. Assurer la flexibilité nécessaire pour octroyer les soutiens dont les petits agriculteurs ont besoin, notamment pour accroître leur capacité de production et leur compétitivité.

7. Mettre un terme aux importations bon marché et subventionnées qui envahissent les pays en développement.

8. Tous les pays en développement devraient pouvoir utiliser une approche positive, pour faire savoir quels produits agricoles ou quels secteurs ils souhaitent discipliner, au titre des dispositions de l’Accord sur l’agriculture. Seuls les produits déclarés par un pays sont soumis aux engagements de l’Accord sur l’agriculture.

9. Permettre aux pays en développement de réévaluer et d’ajuster leurs niveaux de droit. Lorsqu’il a été établi que les importations bon marché détruisent ou menacent les producteurs nationaux, les pays en développement devraient être autorisés à relever le niveau des droits consolidés sur les produits essentiels, pour protéger la sécurité alimentaire.

10. Interdire aux pays développés d’invoquer la clause de sauvegarde spéciale. La possibilité de recourir à cette clause devrait par contre être offerte à tous les pays en développement (en raison du faible niveau ou des volumes excédentaires).

Il est essentiel de soutenir la production interne de produits alimentaires, directement et indirectement, notamment pour les petits exploitants qui sont les plus vulnérables. Toutefois, les disciplines actuelles de l’Accord sur l’agriculture, relatives au contrôle des importations et au soutien interne entrave cet effort.


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