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1. CHANGEMENT PLANÉTAIRE OU RÉCHAUFFEMENT PLANÉTAIRE: LES PROBLÉMATIQUES


Le climat est le résultat de l'échange de chaleur et de masse entre les continents, l'océan, l'atmosphère, les régions polaires (calottes glaciaires) et l'espace. Barnett, Pierce et Schnur (2001) font valoir que «l'une des principales composantes du système climatique planétaire est l'océan; couvrant quelque 72 pour cent de la surface de la planète, il possède l'inertie thermique et la capacité de chaleur qui lui permettent de contribuer à maintenir et à renforcer la variabilité climatique. Bien que la température de surface des océans ait été utilisée dans les études de détection et d'attribution, apparemment aucune tentative n'a été faite pour exploiter les changements de température en profondeur. Une série d'observations récentes (Levitus et al. 2000) a montré que le potentiel de chaleur de la couche océanique haute a augmenté au cours des 45 dernières années dans tous les océans du monde, même si le taux de réchauffement varie considérablement entre les différents bassins océaniques». Barnett, Pierce et Schnur (2001) précisent également que «... un modèle climatologique qui reproduit le changement observé dans la température de l'air à l'échelle mondiale sur les 50 dernières années mais ne reproduit pas le changement observé dans le contenu de chaleur de l'océan ne peut pas être correct», alimentant ainsi la contestation des rapports récents comme des rapports antérieurs du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (IPPC 1990, 1996 et 2001) et des modèles et scénarios de changement climatique qui choisissent de mettre l'accent sur l'effet de forçage des gaz anthropiques à effet de serre pour expliquer les 150 dernières années de réchauffement de la surface terrestre.

Les chercheurs allemands Zorita et Gonzalez-Rouco (2000) ont comparé l'oscillation arctique (OA) dans deux modèles du climat planétaire (MCP) tout à fait à jour et très élaborés. Cette oscillation est importante parce qu'elle est étroitement corrélée avec le climat d'hiver dans l'hémisphère boréal, et avec certaines des pêcheries les plus productive dans le monde. Quand l'OA est forte, par exemple, l'Eurasie a des hivers plus doux que la normale, et les pêcheries pélagiques d'Afrique de l'Ouest prospèrent. Les auteurs ont ensuite comparé les prévisions relatives à l'OA en utilisant deux modèles: le MCP du Hadley Centre et le modèle météorologique l'Institut Max-Planck. D'abord, les deux modèles convergent l'un avec l'autre pour reproduire les schémas de circulation médiane d'hiver dans l'hémisphère boréal, et leur variabilité. Mais quand on introduit dans les modèles un forçage en augmentant les niveaux de gaz à effet de serre, les deux modèles prédisent des tendances différentes de l'OA qui devraient aussi avoir une incidence sur le changement régional simulé de la température de l'air. Une tendance négative de l'OA devrait affaiblir les hausses [prévisionnelles] de la température de l'air sur l'Eurasie et sur le sud-est des États-Unis et renforcer les accroissements de température sur le Groenland et l'ouest du Canada; une tendance positive devrait produire des effets inverses. Ils concluent, que «les prévisions de l'intensité des principales tendances de la circulation atmosphérique, même à l'échelle planétaire, ou bien ne sont pas encore fiables, ou bien dépendent fortement de la variabilité interne du modèle.»

De même Giorgi et Francisco (2000) ont réuni les résultats de cinq MCP différents pour 23 régions terrestres réparties sur tout le globe et ont comparé les prévisions résultantes de température et de précipitations pour les années 2070-2099 aux valeurs la période 1961-1990 prises comme référence. Ils ont commencé par déterminer avec quel succès chacun des modèles parvenait à reproduire le climat de référence de 1961-1990. Cette comparaison est très importante, parce que si les modèles ne parviennent pas à reproduire le climat actuel, ce qu'ils peuvent annoncer de l'avenir est sans intérêt. Ils ont constaté que certains modèles donnaient des résultats tout à fait proches des observations de référence (aucune erreur) pour certaines régions, mais que les données étaient très dispersées autour de la valeur médiane. Dans certains cas les erreurs de température étaient de plus de 5 °C. Certaines erreurs pour ce qui est des précipitations approchaient les 200 pour cent, mais elles étaient généralement inférieures à 100 pour cent, au moins de juin à août. Aucun modèle ne fait beaucoup mieux qu'un autre pour l'ensemble des régions. Vu leur incapacité de cartographier la situation actuelle, il est sans intérêt de s'arrêter aux projections qu'ils proposent pour le futur. Actuellement, les MCP donnent peu d'informations tant sur la circulation générale future que sur les réponses océaniques.

Le présent document ne se veut pas une réfutation supplémentaire et superflue des scénarios de réchauffement planétaire du IPPC, il a vocation de permettre à d'autres de reconnaître le forçage climatique à grande échelle qui a été enregistré dans les systèmes naturels. Ces enregistrements se sont faits dans les dépôts sédimentaires stratifiés, les calottes glaciaires, et sont livrés par diverses autres sources comme les anneaux du bois et les coraux, dans divers milieux répartis sur toute la surface du globe. Par exemple dans le même volume que l'article susmentionné de Barnett, Pierce et Schnur (2001), Zachos et al. (2001) montrent que les variances de la chimie du carbone et les variations du climat et de l'océan se concentrent sur toutes les fréquences de Milankovitch (voir glossaire), traduisant les différentes forces s'exerçant dans le système solaire et modifiant l'orbite annuelle de la Terre autour du Soleil à mesure que la force gravitationnelle dominante du Soleil entraîne notre système solaire sur son parcours dans l'espace.

Zachos et al. (2001) a effectué des analyses spectrales sur une série chronologique ininterrompue de 5,5 millions d'années, allant de l'Oligocène tardif au début du Miocène, à partir de deux échantillons recueillis en haute mer. Les carottes ont été prélevées dans l'ouest de la zone équatoriale de l'Atlantique. Apparaît une signature spectrale liée au climat et enregistrée dans la bande d'excentricité d'une période de 406 000 ans sur une durée de 3,4 millions d'années (il y a 20 à 23,4 millions d'années) ainsi que dans les bandes de 125 et 95 - 1 000 ans sur une durée de 1,3 millions d'années (il y a 21,7 à 23 millions d'années). En outre un transitoire glaciaire important à la limite de l'époque (~ 23 millions d'années), Mi-1, correspond à une congruence orbitale rare impliquant l'obliquité et l'excentricité de l'orbite terrestre autour du Soleil. L'anomalie, qui se décompose en une faible amplitude de la variance de l'obliquité (un nœud) et en un minimum de l'excentricité, a pour conséquence une période prolongée (~ 200 000 ans) d'orbites basses à effets saisonniers propices à l'extension des glaces sur l'Antarctique.

Pourquoi des enregistrements et des processus aussi anciens sont-ils aussi importants pour nos projections dans le futur? La chose la plus importante à ne pas perdre de vue à mesure que nous nous déplaçons dans le temps et dans l'espace est que le changement est de règle. La stabilité est improbable quelle que soit l'échelle - vu la hiérarchie des facteurs de forçage externes, le transfert d'énergie et le potentiel de mouvement entre ces forces externes et l'atmosphère terrestre, l'océan et les structures planétaires internes. Outre que, plus primordial encore, si un changement de caractère oscillant lié au comportement de la Terre à l'intérieur du système solaire s'est produit dans le passé, il est probable qu'il se manifeste à nouveau. Le message que nous adressent les études des paléoclimats est que les variations climatiques sont répétitives et qu'il faut faire appel à l'analogie historique pour apprécier les phénomènes régionaux et projeter leurs conséquences. Ce concept est à la base de ce qui suit, et explique pourquoi nous nous étendons longuement sur les études pertinentes.

1.1. Vue d'ensemble

Il nous faut tout d'abord constater que la Terre est une planète chaude et humide, qui a subi une série complexe de changements, lesquels ont donné naissance à la vie et à l'évolution de celle-ci selon une séquence de conditions très différentes. Celles-ci, à leur tour, ont produit des changements tellement spectaculaires qu'ils ont successivement détruit de nombreuses espèces résultantes. La première crise environnementale majeure s'est produite plusieurs millions d'années après que les bactéries initiales, fixatrices de soufre, soient devenues une forme de vie dominante. Les formes de vie caractérisées par la photosynthèse fixatrice d'anhydride carbonique ont évolué par la suite, et ont commencé à déverser de l'oxygène du fait de l'alternance de leur métabolisme entre le jour et la nuit, créant une atmosphère riche en un oxygène qui n'était pas simplement toxique, mais un véritable poison pour d'innombrables espèces sensibles. Il subsiste aujourd'hui de nombreuses bactéries anaérobies sensibles à l'oxygène qui survivent et continuent de remplir des fonctions importantes dans les écosystèmes terrestres, y compris dans notre flore intestinale et celles de tous les animaux, où ces symbiotes opèrent la conversion chimique de tout un assortiment d'hydrates de carbone, comme la cellulose et les sucres complexes, en divers composés solubles que les organismes peuvent utiliser. Méthane, CO2 et eau sont les sous-produits de toute l'activité métabolique qui s'effectue, que ce soit par nous ou par nos symbiotes.

Le fixation de l'azote fut l'étape suivante vers une écologie productive interactive, l'azote étant la matière première dans la formation des protéines. Vu la teneur naturellement élevée de l'atmosphère terrestre en azote, il s'avère que la quantité de CO2 disponible est le facteur qui limite la production écologique, et en tant que tel tout apport supplémentaire de CO2 intensifie la production végétale et «fait verdir» le monde, en produisant toujours plus d'hydrates de carbone nutritifs, et toujours plus d'oxygène. Du CO2 en plus ne pose pas un grand problème, quoi qu'en disent les médias et leur nouvelle rhétorique (cf. Idso 1982). De nombreuses espèces océaniques colonisatrices, telles les Coccolithophoridés, incorporent le CO2 dans la structure de leur coque, puis coulent vers les fonds océaniques avant qu'on ne les retrouve dans des formations géomorphologiques remarquables, par exemple dans les blanches falaises de Douvres. Le carbone contenu dans les végétaux et les animaux peut également être stocké sous forme de gisements de charbon ou de pétrole, avec le temps et dans les conditions climatiques voulues. Mais l'anhydride carbonique n'est pas le seul élément chimique qui limite la productivité biologique. Martin, Gordon et Fitzwater (1991) ont fait valoir que le manque de fer peut limiter la production primaire et secondaire dans les océans. Du fer est disponible dans les couches océaniques supérieures grâce aux vents, au volcanisme, ou à l'agitation de sédiments, et peut être transporté vers la surface par de puissantes turbulences.

Ensuite, il faut comprendre que le budget thermique de la Terre est commandé par deux processus distincts. Il y a perte continue de chaleur aux pôles, et de même absorption quasi continue de chaleur dans les régions équatoriales, en particulier dans les océans - ces deux phénomènes étant modulés par la dynamique du couvert nuageux. La dynamique énergétique résultante de la planète se manifeste par le jeu de l'humidité atmosphérique (à savoir nuages et types de nuage, et diverses formes de précipitations), le réchauffement et le refroidissement au niveau du sol, et les mouvements océaniques. Tous ces facteurs interagissent avec différentes fractions, entrantes et sortantes, du spectre de l'énergie électromagnétique. Ce n'est que depuis les générations les plus récentes de satellites orbitaux que nous avons une vision plus complète de la dynamique de la chaleur de la Terre. Il ne faut par ailleurs jamais perdre de vue que la couche de quelques mètres d'eau à la surface des océans contient plus d'énergie thermique que l'atmosphère tout entière. En outre, la majeure partie de l'énergie thermique atmosphérique est concentrée dans une couche d'à peine quelques milliers de mètres au dessus de la surface terrestre. En fait il faut se représenter la Terre comme une boule chaude couverte de couches fluides tièdes et fuyantes, avec deux pôles froids. Tous les flux de chaleur et d'énergie obéissent aux lois physiques rigoureuses de la thermodynamique, que l'homme ne peut perturber.

L'histoire montre clairement qu'un monde humide et chaud est optimal pour la vie humaine. On peut distinguer les sociétés par leur capacité de faire face ou non aux changements intervenus dans le système terrestre au cours des trois ou quatre derniers millions d'années. Nous avons toujours modulé nos dépendances pour survivre. Il n'existe aucune garantie que nous puissions continuer sur le même mode de croissance que l'actuel, en particulier du fait que nous modifions des habitats et d'autres bases de ressource qui ont, dans le passé, offert des options nouvelles. L'obligation de maîtriser notre croissance et de gérer des interactions concurrentielles est trop souvent ignorée, tandis que d'aucuns attribuent nos malheur à des causes fausses. L'obstination à nier l'évidence est l'un de nos plus vilains traits de caractère.

Les figures 1a à 1c montrent que la Terre est, le plus souvent, une planète chaude et humide qui offre une palette d'habitats et d'espèces que l'homme a utilisés pour son développement. L'autre fait important est que toutes les espèces actuellement existantes ont évolué et se sont adaptées à cette même dynamique climatique. Les espèces les plus mobiles et les plus adaptables sont les plus susceptibles de survivre à n'importe quelle dynamique climatique future, tandis que les espèces adaptées localement et n'ayant que peu de possibilités de déplacement d'un lieu vers un autre quand leur habitat est investi par de nouvelles conditions climatiques sont les plus susceptibles de se trouver sans parade - donc
de s'éteindre.

Figure 1a Représentation sur 900 000 ans des changements des températures superficielles de la Terre, tels que les interprètent de nombreux paléoclimatologues à partir des traces enregistrées dans les strates des roches sédimentaires, les sédiments stratifiés déposés sur le fond des océans, les glaces des hautes comme des basses latitudes, et pour les périodes plus récentes les anneaux de croissance du bois et d'autres témoins à stratification temporelle. Des baisses massives de température ayant eu pour effet de fortes expansions glaciaires se sont produites plus de dix fois sur la période, le réchauffement interglaciaire le plus récent s'étant produit il y a seulement environ 18 000 ans. Cela suggère que nombre d'espèces ont dû recoloniser les zones de hautes latitudes (>45 degrés nord ou sud) depuis que le couvert glaciaire s'est retiré.

Figure 1b Représentation des variations de la température mondiale au cours des 11 000 années avant le présent (AP) de part et d'autre d'une ligne de référence correspondant à la température moyenne, qui aide à visualiser la période (laquelle commence dans le coin inférieur droit de la figure 1a). Les longues périodes de climat relativement chaud ont été le contexte de la majeure partie de la civilisation humaine, et aussi de son extension vers les latitudes habitées les plus hautes.

Figure 1c Représentation de la température mondiale depuis l'an 900 de notre ère, avec toujours pour repère la ligne de référence de la température moyenne. Ce graphique commence vers le milieu de la double bosse de droite de la figure 1b. A noter que l'échelle de temps est le calendrier moderne.

1.2. Les saisons comme base d'explication de la variabilité de la Terre

Il importe d'admettre, répétons-le, que la Terre est une planète chaude et humide qui connaît des excursions vers le froid, avec davantage de formation de glace. Les oscillations saisonnières des niveaux d'ensoleillement et des apports énergétiques sont exacerbées aux pôles, alors que ces niveaux demeurent relativement constants à l'Equateur. La variabilité saisonnière moindre et la proportion relativement importante d'océan qui absorbe lumière et chaleur aux environs de l'Equateur induisent un réchauffement général dans la zone intertropicale. Les données historiques de la paléoclimatologie montrent que l'océan équatorial n'accuse pas de changement spectaculaire de température pendant les époques glaciaires. En revanche les océans polaires se développent considérablement, par conséquent les gradients thermiques nord-sud se creusent, rétrécissant les zones climatiques intermédiaires.

Le cycle annuel des saisons que nous connaissons est à la base de la diversité des écosystèmes et des espèces, ces deux formes de diversité étant les conséquences des changements continus du contexte géophysique. Le changement continu est un fait primordial dans la définition du contexte terrestre, dans lequel la vie comme nous la connaissons a évolué. Pratiquement toutes les espèces sont adaptées au changement, ou bien elles n'auraient aucune chance de survie au delà de quelques générations. La forme quasi-sphérique de la Terre, et la relation directe entre lumière et énergie incidentes et chaleur disponible, ainsi que le lent déplacement de l'axe de rotation de la planète intensifient les différences régionales d'irradiation solaire. Le déséquilibre est l'un des résultats des phases ascendantes et descendantes de l'éclairement solaire incident sous l'effet de la révolution orbitale de la Terre autour du Soleil, tandis que la planète tourne sur son axe, qui dérape légèrement et est incliné de 23 degrés sur le plan de révolution. Ainsi la saisonnalité est le résultat de l'inclinaison de l'axe de la Terre. Sans cette inclinaison, il n'y aurait pas de saisons.

L'absorption de l'énergie radiative du Soleil et le rayonnement réfracté d'énergie dans l'infrarouge (IR) sont affectés par l'albedo, c'est-à-dire par les propriétés réfléchissantes ou absorbantes de l'atmosphère terrestre, des étendues d'eau, et des différents couverts du sol. L'albedo est fortement déterminé par la couverture nuageuse et le type des nuages, par la couverture neigeuse, par les types de végétation et la phase de développement de celle-ci, ainsi que par la rencontre d'eau en phase liquide ou en phase vapeur. Tous ces facteurs ont leur propre distribution saisonnière dynamique.

Un excellent exemple des connaissances que nous avons récemment acquises provient de la communauté scientifique qui s'intéresse au Soleil, laquelle au bout de siècles d'observation a établi que la surface solaire manifeste une succession d'accroissements et de diminutions des nombres des taches solaires selon une périodicité de 11 à 13 ans. On a longtemps pensé que l'occurrence d'un grand nombre de taches solaires signifiait que le Soleil était en période de moindre activité. Aussi, jusqu'à ce que des satellites aient enfin été déployés pour mesurer le rayonnement solaire sans interférence de l'atmosphère terrestre, les scientifiques acceptaient aisément le concept d'une «constante solaire». Ce n'est que récemment qu'ont été identifiés des changements remarquables des émissions solaires, associés au cycle des taches solaires, et que l'on sait que plus de taches signifie davantage d'émission d'énergie solaire - précisément l'inverse de l'hypothèse généralement admise auparavant. En outre, deux phénomènes cycliques sont en cause, la nouveauté étant l'inversion la polarité magnétique du Soleil à chaque cycle solaire, qui provoque une fluctuation à deux pics d'une période d'environ 22 ans.

Alors qu'il est maintenant clair que l'émission radiative solaire n'est pas une «constante», d'après les mesures satellitaires faites depuis 1979 la variation reste jusqu'ici relativement faible (~ 2 watts par mètre carré - voir les figures 2a et 2b) - mais la série chronologique disponible est bien courte. En dépit de cette variation relativement petite, de très nombreuses études mettent en évidence des changement climatiques qui suggèrent que le double cycle solaire (2 x 11-13 ans), soit environ 22 ans, de rayonnement et d'inversion du champ magnétique solaire est aussi en cause (Friis-Christensen et Lassen 1991) et se manifeste souvent dans les variations hydrologiques régionales (cf. Perry 1994; 1995; 2000).

Pour récapituler les faits essentiels: 1) il y a perte continue de chaleur aux pôles, et simultanément 2) il y a absorption presque continue de chaleur dans les océans équatoriaux. La dynamique énergétique résultante à l'échelle de la planète est manifestée par le jeu de l'humidité atmosphérique (nuages, types de nuages, et diverses formes de précipitations); le réchauffement et le refroidissement alternés de la Terre; et les mouvements océaniques. Tous ces facteurs interagissent entre eux et avec les spectres de l'énergie radiative entrante et sortante. Ne pas perdre de vue que la couche superficielle (quelques mètres) de l'océan contient plus d'énergie thermique que l'atmosphère tout entière. La majeure partie de l'énergie atmosphérique est cantonnée dans une couche de quelques milliers de mètres au dessus de la surface terrestre.

Figure 2a Représentation des mesures satellitaires du rayonnement solaire et du nombre des taches solaires observés depuis que les mesures satellitaires ont commencé en 1979, d'après Hoyt et Schatten (1997). Les différences mesurées du rayonnement solaire sont très petites, d'environ 0,05 pour cent entre le maximum et le minimum. Par conséquent les valeurs estimées sont elles aussi très petites. Mais une augmentation à long terme d'approximativement 0,2 pour cent du rayonnement total semble s'être produite depuis le minimum de Maunder.

1.3. Le cycle hydrologique et les zones climatiques

Les régions équatoriales (la bande intertropicale) reçoivent un apport relativement plus important d'énergie, selon les phases du rayonnement solaire dans le spectre électromagnétique. Les nuages modèrent à la fois le rayonnement atteignant la surface, et régulent le taux de rétention du rayonnement infrarouge réfracté à toutes les interfaces. Les saisons déterminées par l'orbite annuelle de la Terre s'enchaînent, et c'est l'atmosphère qui lisse le plus rapidement les disparités dans l'énergie disponible. Par exemple à partir des mouvements de convection profonde - par lesquels l'énergie de la surface de l'océan est transférée vers l'atmosphère - les mouvements ultérieurs des nuages et des précipitations distribuent la chaleur (énergie) de la zone tropicale vers les pôles en passant par la zone tempérée. Ces processus s'étendent sur une durée comprise entre quelques jours et quelques semaines. Tandis qu'un cycle entier de transfert aux régions polaires par l'intermédiaire de l'atmosphère peut s'étaler sur plusieurs mois, voire plusieurs années si l'énergie est emmagasinée sous forme de neige, de glace, ou doit attendre les crues de printemps des cours d'eau consécutives à la fonte des neiges pour se remobiliser. Aux pôles la chaleur se disperse sans interruption vers l'espace par rayonnement infrarouge.

Figure 2b Représentation du rayonnement solaire par conversion des observations de taches solaires en rayonnement, en appliquant l'étalonnage de Hoyt et de Schatten (1997) dérivé des observations représentées à la figure 2a. La ligne continue plus grasse correspond à un lissage des valeurs sur 45 ans et fait mieux apparaître les tendances à long terme de l'activité solaire.

Le cycle de transport de la chaleur de la zone intertropicale vers les latitudes plus élevées par l'intermédiaire des courants océaniques est beaucoup plus lent. Sous l'effet des vents dominants et de la dynamique des masses d'eau profondes, les courants se forment et leur cheminement est infléchi par les forces de rotation de la terre - décrites par Ekman au siècle dernier (cf. Bakun, 1996, qui les rappelle) et par les forces de marée. Les océans, les lacs, et les cours d'eau effectuent des transferts d'énergie semblables, modulés par les phénomènes saisonniers locaux de précipitations, les vents de surface et les forces gravitationnelles tandis que l'élément liquide cherche son propre niveau d'équilibre dans les différents bassins. La dynamique interne océan-atmosphère de la Terre et les cycles hydrologiques en sont le résultat prééminent.

Tous ces transferts de masse et d'énergie créent des dynamiques locales. Ces dynamiques sont fonction des différences locales de chaleur qui produisent elles aussi des phénomènes de subsidence ou de convection; qui provoquent des vents; qui à leur tour interagissent pour évaporer l'eau (avec refroidissement local en surface); ou apporter un surcroît de précipitations. Le refroidissement superficiel par évaporation peut provoquer une condensation, un accroissement de la salinité et un accroissement de la densité de l'eau qui induisent la plongée des eaux de surface vers les profondeurs - et à diverses échelles la formation de courants. Que notre situation actuelle soit unique ou pas n'est pas vraiment la question principale, comme certains voudraient le faire croire.

De la perspective de l'observateur ou du scientifique de laboratoire, ces différents transferts peuvent sembler raisonnablement simples, et aisément modélisables. Cela est vrai jusqu'à ce que l'on commence à suivre chacun des processus depuis sa ou ses sources, au travers de points d'interaction innombrables, dont chacun est le siège de transitions ou de transformations. Par exemple les physiciens océanographes traitent l'eau douce et l'eau océanique comme des systèmes simples soumis à des pressions éoliennes et à des forces gravitationnelles. Or chaque type d'eau rencontre des environnements plus ou moins salins, et les interfaces sont immédiatement modifiées, car des interactions se produisent. Les changements subtils et prévisibles de la densité de l'eau douce, ou les interactions plus complexes en température et en salinité dans l'eau de mer sont reconnaissables à leurs interfaces physiquement mesurables, et chacun de ces changements peut conduire à un autre échelle de temps, et à une résolution habituellement plus lente de contenus énergétiques disparates. Le résultat final en est le système hydrologique hautement complexe de la planète (cf. Enzel et al. 1989; Gray 1990; Gray et Scheaffer 1991; Gross et al. 1996; Perry 1994, 1995, 2000; Perry et Hsu 2000; White et al. 1997; White, Chen et Peterson 1998; Lean et Rind 1998).

Sont présentes des myriades de discontinuités et de changements de phase, chacun agissant à une échelle spatio-temporelle différente de résolution des gradients énergétiques. Les changements d'état ou de composition chimique de l'eau sont les principaux facteurs des nombreux mécanismes physiques qui déterminent le climat et au sein desquels les échelles de temps varient. Ces interfaces peuvent également former des sortes de frontières écologiques relativement identifiables. Celles-ci se décalent à leur tour, en fonction de leur position générale 1) dans la géomorphologie de la Terre qui se modifie lentement, et 2) au regard des limites saisonnières relativement mobiles - à mesure que la Terre accomplit sa révolution annuelle autour du Soleil et suit celui-ci dans le temps et dans l'espace. Nous appelons ces grands schémas dynamiques des zones climatiques, et à l'échelle locale des microclimats.

Au niveau de la mer, près de la côte, le climat reflète la dynamique thermique saisonnière moyenne de la surface de l'océan et des vents de surface qui poussent et tirent leur charge d'énergie vers un état plus stable. Chaque milieu travaille pour atteindre un état énergétique plus uniforme. En quittant la plage pour l'intérieur des terres, on rencontre souvent diverses zones de collines, voire même une montagne. Ces éléments orographiques élèvent rapidement l'air de surface chargé et souvent presque saturé de vapeur d'eau vers une atmosphère généralement plus fraîche, et se forment des nuages, ou même des cristaux de glace, selon la latitude et la saison. Pendant que cette masse d'air poursuit son ascension pour suivre la voie de la résolution du rapport énergie/densité, une précipitation peut se former et tomber. Selon les conditions présentes au-dessous, l'humidité peut à nouveau s'évaporer, tomber sous forme de pluie, ou s'agréger pour être emportée vers le haut par des courants ascendants, ou parfois tomber sous forme de grêle, qui fond en puisant de l'énergie calorifique dans l'air et sur le sol.

Les événements de cette nature qui se produisent au-dessus de l'océan trouvent souvent plus rapidement leur résolution par dilution. Toutefois l'eau superficielle de l'océan peut se trouver rapidement enclose sous des lentilles d'eau douce, plus chaude et faiblement saline. Ce phénomène est souvent renforcé par l'écoulement des fleuves, qui provoque la constitution d'une nouvelle couche de complexité, car les lentilles d'eau douce peuvent interdire le mélange naturel sous l'effet du vent jusqu'à ce que le profil de salinité devienne progressivement plus propice au mélange, lequel est fonction des différences de salinité et d'un forçage externe. Par exemple en présence d'un fort phénomène de subsidence atmosphérique, par exemple en provenance d'une région polaire, l'eau douce de surface peut geler, abritant ainsi plus hermétiquement l'océan du mélange sous l'effet du vent. D'autre part, si les précipitations ont été peu abondantes, la même subsidence polaire peut évaporer l'eau saline océanique, en créant des courants sur-refroidis et de haute densité qui peuvent descendre loin à l'intérieur de la masse océanique, le long d'interfaces de densités spécifiques aux conditions de température et de salinité. L'air plus chaud et humide ainsi produit est transféré sur des distances souvent très longues avant qu'il ne soit refroidi, se condense, et par la suite précipite son eau.

La neige se produit souvent sous l'effet de la rencontre de masses denses d'air sec et froid avec des masses d'air plus humide et chaud - provenant d'une autre zone climatique - qui crée des strates rapidement refroidies dans lesquelles la vapeur d'eau gèle en formes cristallines. Ces cristaux, ou flocons, se posent relativement lentement au sol pour former un manteau isolant; ou bien ils sont transportés par le vent, ou ils glissent pour fusionner par la suite en amas de neige dure - voire en glace de glacier dans des conditions spécifiques - ou encore ils fondent tout simplement pour rejoindre les cours d'eau. Quel processus se produit à tel ou tel endroit dépend autant de l'altitude que la latitude, qui permettent d'avoir des glaciers sous l'Equateur à 5 000 mètres, ou des pluies saisonnières sous 60 °N ou 60 °S à basse altitude. La fonte saisonnière des neiges produit des écoulements d'eau douce, qui souvent rejoignent les océans à plusieurs centaines, voire milliers de kilomètres en aval du lieu des précipitations initiales.

L'écoulement de l'eau douce est déterminant pour de nombreuses pêcheries, par exemple la crevette, le crabe, et les espèces anadromes telles que les saumons et les anguilles. Même la formation saisonnière de glace a ses conséquences écologiques (Loeb et al. 1997). Tous les processus climatiques qui déplacent les limites des zones climatiques affectent le régime des précipitations et donc les pêcheries de ces espèces. Le climat régional et global peut changer et change effectivement rapidement lorsque certains seuils sont franchis. Certains systèmes de pêche reflètent tout à fait nettement ces changements, comme le notent Hjorth (1914, 1926) et Russell (1931, 1973) dans leurs travaux féconds. Aujourd'hui il est bien admis, même s'il en est mal rendu compte dans les évaluations régionales des stocks halieutiques, que les captures de poissons sont des indicateurs uniques du climat des écosystèmes, comme le décrit la littérature récente (Southward 1974 a,b; Southward, Butler et Pennycuick 1975; Southward, Boalch et Mattock 1988; Sharp et Csirke 1983; Loeb, Smith et Moser 1983 a,b; Garcia 1988; Ware et McFarlane 1989; Glantz et Feingold 1990; Kawasaki et al. 1991; Wares et Thompson 1991; Glantz 1992, Gomes, Haedrich et Villagarcia 1995; Mantua et al. 1997; Taylor 1999; Klyashtorin 1998, 2001). Nous avons fait bien du chemin depuis les intuitions de Baranov (1918, 1926).

1.4. Paléo-observations et transformations du climat

Au cours des dernières décennies, des chercheurs de pointe en paléoclimatologie - en travaillant à partir d'enregistrements anciens conservés dans les calottes glaciaires, les sédiments océaniques côtiers et lacustres, les coraux et autres organismes vivants - sont parvenus à la conclusion remarquable que des changements spectaculaires se sont fréquemment produits dans le climat, à des échelles de temps allant de quelques années à quelques décennies. Par exemple un groupe de paléoscientifiques a étudié les empilements de sédiments lacustres du lac Elk, dans le Wisconsin (Anderson 1992; Dean et al. 1984). Au moyen d'une panoplie de techniques modernes, à partir des sédiments annuels empilés dans les carottes extraites et représentant des séquences pouvant aller jusqu'à 11 000 ans, ils ont constaté que des transformations écologiques déterminées par le climat et faisant passer d'un écotone de prairie à la forêt boréale, puis à la forêt de la façade orientale nord-américaine se sont produites en l'espace de quelques années ou d'une décennie.

Le premier écotone - l'écotone type prairie - correspond à la dominance des systèmes actuellement considérés comme normaux de hautes pressions sur le Pacifique nord. Le dernier - celui de la forêt de la façade orientale - correspond à la dominance et au rapprochement des côtes du système atmosphérique que nous appelons l'anticyclone des Bermudes, qui pompe de l'air chaud et humide et l'achemine vers l'intérieur de l'Amérique du Nord et qui entretient ainsi les forêts de pins. L'écotone intermédiaire, donc le régime de forêt boréale, a régné dans les périodes où l'anticyclone du Pacifique nord et l'anticyclone des Bermudes étaient plus faibles, positionnés plus loin en mer, et où le régime des saisons était dominé par la subsidence arctique, à savoir quand les hautes pressions polaires mobiles (cf. Leroux 1998) dominaient, apportant les hivers froids et secs que supportent les espèces forestières boréales, et repoussant vers l'Equateur et vers l'océan les deux autres régimes.

Ces changements de régime de l'écotone sont «inscrits» dans les sédiments, les carottes de glace et dans la distribution des espèces végétales dans le monde (cf. Markgraf 2001). Comment nous renseignons-nous sur les océans, vu leur dynamique? Les problèmes ne sont pas insignifiants, car il est en effet plus difficile d'y prélever des échantillons, et de traduire en «analogies climatiques» les processus constatés. Cependant des études en nombres de plus en plus grands, en particulier depuis les travaux novateurs de Soutar et Isaacs (1974) et les suites qui leur ont été données par Baumgartner et al. (1989), montrent que les étendues océaniques connaissent des changements parallèles séquencés, qui ont des effets spectaculaires sur l'abondance des espèces, leur composition, et leurs changements de distribution.

Ces changements liés au climat ont eu des conséquences notables sur les sociétés locales ou régionales, de l'Arctique à la Terre de Feu, en Australie, en Afrique du Sud, comme dans tous les océans. Il est des raisons incontournables de ne ménager aucune solution permettant de prévoir, ou de diagnostiquer les symptômes de transitions climatiques imminentes, ou changements de régime. Les sciences de la Terre ont récemment effectué des percées qui pourraient nous rapprocher de l'objectif. Par exemple la vitesse de rotation de la Terre, exprimée en durée négative du jour (-DDJ) varie, apparemment sous l'effet de la somme de la dynamique interne de l'ensemble du «système terrestre». Des spécialistes russes des questions halieutiques et des sciences géophysiques (Klyashtorin, Nikolaev et Klige, (1998) et Klyashtorin, Nikolaev et Lubushin, en lecture) constatent que les changements de la DDJ de même que la structure temporelle des indices de circulation atmosphérique (ICA) sont les signes les plus apparents qui correspondent à des processus importants ayant une incidence sur les pêcheries. Ces concepts ont une importance critique pour faire changer la façon dont les pêcheries sont gérées, et passer d'une gestion rétrospective à des méthodes véritablement prévisionnistes. Notre hypothèse de travail est que les changements de la température de l'air à la surface de la Terre (dT) et la dynamique régionale de circulation atmosphérique peuvent éclairer les variations océaniques et environnementales, et donc les structures temporelles de productivité des pêcheries (Klyashtorin 1998; Sharp 2000; Sharp, Klyashtorin et Goodridge 2001 a, b).

L'un des indices des changements climatiques mondiaux est l'anomalie de température de l'air en surface (dT), qui est mesurée sans interruption depuis 140 ans. La variabilité annuelle de dT est réputée être très forte, et un lissage considérable (sur 13 ans) des séries chronologiques correspondantes est nécessaire pour faire apparaître les tendances à long terme de la température (figure 3a). Les séries chronologiques lissées de dT en moyenne annuelle (figure 3b) font apparaître des fluctuations multidécennales avec des maxima dans les années 1880, les années 1930, et les années 90 (Halpert et Bell 1997; Bell et al. 2000), tandis que l'ICA (figure 3c) y répond également. Ces fluctuations se produisent sur le fond d'une tendance séculaire à l'élévation de la température de 0,06°C/10 ans (Sonechkin, Datsenko et Ivaschenko 1997, Sonechkin 1998).

Figure 3a

Le transfert atmosphérique (anomalie AT et indice de circulation atmosphérique), l'anomalie de la température mondiale (dT), et l'indice de durée du jour (-DDJ) sont bien mesurés depuis les 100 à 150 dernières années. Les fluctuations régulières à long terme de ces indice sont bien corrélées, quoique décalées dans le temps. Les oscillations multidécennales de l'anomalie AT se produisent avant les fluctuations périodiques de la DDJ (14 à 16 ans) et celles de dT (16 à 20 ans), ce qui permet de prévoir la dynamique probable de cette dernière bien à l'avance. Pour des raisons pratiques, les météorologues ne travaillent pas avec l'anomalie AT proprement dite, mais utilisent le produit de son accumulation (à savoir la somme séquentielle des anomalies AT).

Figure 3b

Figure 3c

Figure 3 Dynamique à long terme des indices climatiques et géophysiques étudiés: 3a anomalie de la température mondiale (dT): 1 - annuelle moyenne, 2 - annuelle moyenne, lissée en moyenne mobile sur 13 ans; 3b indice de la vitesse de rotation de la Terre (-DDJ); 3c indice de circulation atmosphérique par latitude (ICA zonale). Figures communiquées par Leonid Klyashtorin, communication personnelle.

L'indice de circulation atmosphérique (ICA) a été proposé par Vangeneim (1940) et Girs (1971) comme caractérisant les processus atmosphériques à l'échelle hémisphérique (hémiplanétaire). On ne dispose de séries chronologiques fiables pour cet indice que pour les 110 et quelques dernières années. La direction dominante du transport de masses d'air pour chaque élément dépend de la structure de la pression atmosphérique sur une étendue immense, par exemple de l'Océan atlantique à la Sibérie occidentale. Ces informations sont d'abord analysées puis présentées sous forme de cartes quotidiennes des champs de pression atmosphérique sur la région délimitée par 45 °O, 75 °E, 20 °N et le Pôle nord. Une structure de circulation analogue est aussi probablement de règle pour l'hémisphère austral, pour des données équivalentes.

L'occurrence de chaque élément (C, O ou E) est définie comme le nombre de jours pendant lesquels s'exerce le déplacement dominant de la masse d'air. La somme des occurrences de chacune des trois composantes pour l'année égale 365. Pour chaque série d'années, l'occurrence du transfert atmosphérique dominant s'exprime par l'anomalie de transfert atmosphérique (l'anomalie AT) qui, comme il est montré, est le résultat de la soustraction de la moyenne correspondante pour une période de temps définie. Ainsi la somme des anomalies AT des trois composantes de base (C, O et E) pour la même période est toujours égale à zéro. La série chronologique résultante (anomalie AT cumulée) est dénommée indice de circulation atmosphérique (ICA), où l'ICA est la série chronologique des anomalies intégrée pour une période quelconque de mesures. Klyashtorin (1998) fait valoir la forte corrélation entre les prises commerciales de poissons dans les grandes pêcheries du monde et les ICA calculés par l'Institut russe de l'Arctique (figure 4).

Le concept selon lequel les régimes hémisphériques de temps (météorologique) sont cycliques et liés aux forces atmosphériques n'est ni nouveau, ni particulièrement controversé. Les relations caractéristiques entre les changements de régime climatique et l'histoire hydrologique de longue durée peuvent être admises sans discussion, vu que les séries de données sont cohérentes, étalées sur une longue période et correctes. La hausse et la baisse du niveau des systèmes lacustres continentaux sont enregistrées depuis de nombreuses décennies, et dans certains cas comme celui du Nil, depuis près de 2 000 ans. Il est par exemple bien connu des hydrologistes russes que la forme de pression atmosphérique avec dominance de l'ICA-C signifie un accroissement du transfert du nord vers le sud des précipitations. Alternativement, le climat régional dans son ensemble devient plus continental au cours des «époques méridionales», à savoir que les différences de température entre l'été et l'hiver sont plus grandes.

Au cours des quelques décennies passées il a très souvent été question de la cause de l'abaissement du niveau de la mer d'Aral et d'autres éléments du système hydrologique russe, parallèlement à l'intensification de l'agriculture et à la mise à contribution de toujours plus de réserves d'eau pour l'irrigation. La figure 5 contribue à expliquer les baisses à long terme inquiétantes du niveau de la mer d'Aral, juste dans l'ouest du lac Balkhach.

Figure 4 Représentation des indices climatiques atmosphériques pour la période superposée aux débarquements commerciaux de régime «régional chaud» pour les douze grandes pêcheries décrites dans Klyashtorin (2001 cf. figure 14). L'ICA (O-E) indique les périodes dans lesquelles les champs de vents dominants de surface sont zonaux, et l'ICA (C) indique les périodes dans lesquelles les vents sont principalement méridionaux. Noter la concordance relative des crêtes de production des pêcheries sous les deux régimes d'ICA (O-E et C).

1.5. Enjeux locaux

La nécessité fondamentale de trouver de la nourriture, et en particulier de fournir des protéines en quantité suffisante à une population en accroissement constant est une gageure. Le fait désormais évident est que, avec la stabilisation actuelle et même les baisses de certaines productions des pêches océaniques, nous commençons à perdre des options tandis que les habitats perdent leur vocation agricole et que davantage de poisson pourtant directement consommable sert à soutenir la culture de poissons et de crevettes. Sous la pression de l'accroissement de population actuel, une meilleure utilisation pourrait sans doute être faite des protéines du poisson en réservant une plus grande partie des captures à la consommation humaine directe plutôt que de les employer à la culture de produits à plus haute valeur ajoutée au prix d'une conversion inefficace en produits d'alimentation d'autres espèces.

Figure 5 On constate la bonne concordance entre le volume du lac Balkhach et la forme de l'ICA - C (méridionale) de l'indice climatique atmosphérique de Klyashtorin (ci-dessus). La mer d'Aral et les autres bassins hydrologiques régionaux manifestent depuis récemment une tendance à reprendre du volume. Ces données appuient également des prévisions raisonnablement positives de changements écologiques.

La figure 6 situe dans un contexte temporel et climatique des exemples connus de changements de la société et du régime des pêcheries qui semblent être correspondre à des changements pareillement bien répertoriés et brutaux du climat, quoiqu'à un peu plus long terme (voir figure 1c). Les exemples de réponses liées au climat du hareng de l'Atlantique nord, du hareng de Bohuslän et des pêcheries andines liées aux influences solaires ne présentent pas de rapports évidents avec les causalités locales pour chaque phénomène. Les avancées et les retraits des glaces, le refroidissement et le réchauffement de l'habitat océanique général, et les séquences de périodes humides et sèches sont lisibles dans le monde entier, et c'est là la mission du programme PAGES Pôle-Equateur-Pôle (cf. site Web PEP-PAGES). Les variations séquencées régionales et mondiales du climat sont étudiées et archivées par les institutions nationales (cf. site Web du Centre de prévision du climat de la NOAA, site Web de la CSIRO), l'instrument le plus ancien étant le dispositif de mesure du débit du Nil près du Caire. Au cours des dernières décennies les sciences climatologiques appliquées ont mis l'accent sur le phénomène El Niño, désormais élargi pour inclure le phénomène La Niña ou les phases neutres.

Depuis le début de la période chaude post-médiévale, allant de 1280 à 1400, un temps chroniquement frais et sec, avec localement des sécheresses et des phénomènes météorologiques extrêmes accompagnés d'une baisse de la sécurité alimentaire à l'échelle régionale, a mis en mouvement diverses forces sociétales concurrentes (cf. Thompson et al. 1995, Braudel 1985). Les tensions sociétales associées au climat de cette époque ont encore été aggravées par la période encore plus fraîche que nous appelons maintenant la «petite ère glaciaire», qui a été le moteur du changement qui a ouvert l'ère des explorations et des grandes découvertes.

Figure 6 Représentation d'une série chronologique d'anomalies C14 résultant des émissions solaires, mise en regard de réponses sociétales caractérisées et d'informations corrélées relatives tant à l'accroissement des stocks de hareng de la Baltique qu'à la constitution de la Ligue hanséatique, correspondant aux réchauffements et aux refroidissements spectaculaires autour de la «petite ère glaciaire» dans la région. Au cours de cette période les colonies de nordiques en Islande et les cultures péruviennes des basses terres et des hauts plateaux ont connu des changements très profonds. Beaucoup d'autres changements sociétaux sont corrélés avec des changements du climat, tant soudains que progressifs, ce qui appuie la thèse que les cultures humaines, elles aussi, ont répondu aux changements du climat au même titre que toutes les espèces au cours de l'histoire de la Terre.


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