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3. RÉACTIONS ÉCOLOGIQUES RÉGIONALES FACE AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES


La productivité primaire des océans régionaux est une mesure de la croissance et de la reproduction d'algues et d'autres plantes (voir Smith 1978; Ursin 1982; Pauly et Tsukayama 1987, Pauly et al 1989; Longhurst 1995; Longhurst et al. 1995; Polovina, Mitchum et Evans 1995; Ware 1995; Sharp, Klyashtorin et Goodridge 2001a,b; 2002). Comme dans un jardin potager, la croissance qui en résulte est un enchaînement complexe des nutriments disponibles, de la lumière et des températures. L'océan, et par conséquent les plantes océaniques, réagissent aux conditions météorologiques locales comme la vitesse du vent, le couvert nuageux et la lumière solaire incidente. La production primaire n'est que la première de plusieurs étapes de la transformation des nutriments et de dioxyde de carbone en éléments constitutifs des cellules vivantes.

Pour faciliter la présentation de la dynamique à l'échelle écologique et régionale, le mieux est de continuer à se référer au Fichier de données intégrales sur les interactions océan-atmosphère (COADS) mentionné ci-dessus, qui illustre quelles sont, selon les archives disponibles sur les pêcheries, les périodes marquées par les transitions les plus importantes, comme pour la pêche à la sardine dans le Pacifique ou la pêche au large du nord-ouest de l'Afrique. La vitesse du vent est directement liée à l'énergie thermique (température) et à la dynamique du cycle hydrologique mondial qui en résulte. Il existe beaucoup de données indirectes mesurées qui permettent de déterminer la situation des climats régionaux. L'on trouvera ci-après une description des analyses qui ont été faites des différents indices de l'atmosphère et du vent. L'un des résultats de la dynamique climat-océan-atmosphère-biosphère est le changement mesuré de la vitesse de rotation de la Terre, parfois appelé durée négative du jour (-DDJ). Les considérations exposées ci-après ont pour but de faire mieux comprendre les processus interdépendants, les données indirectes qui permettent de les analyser et les diverses échelles temporelles et spatiales qui doivent être prises en considération pour pouvoir prendre des décisions mieux informées.

3.1. Variations à long terme de la productivité

Au XXe siècle, des scientifiques spécialisés dans les pêcheries ont donné d'innombrables exemples et cité une documentation abondante pour montrer que la dynamique des pêcheries comporte des éléments dépassant de beaucoup les poissons et les pêcheurs seulement (voir Hjort (1914, 1926), Revelle (1947 John Isaacs, Scheiber 1990), Bakun et al. (1982), Bakun (1996), Sharp et Csirke (1983), Csirke et Sharp (1983), Glantz (1992), Sharp (1997), Boehlert et Schumacher (1997), parmi bien d'autres). Leur thèse commune est que les océans, et par conséquent les pêcheries, sont liés à des processus dynamiques et des forces indirectes de plus grande envergure. Ensemble, ces forces et ces processus descendent jusqu'au plan local, le plus important, où interviennent les processus biologiques critiques individuels des poissons. Les questions liées à la pêche se sont articulées autour de mesures locales et régionales assez directes de toute une série de facteurs, qu'il s'agisse de la vitesse du vent, des remontées d'eau froide, des courants descendants, de la production primaire ou des interactions entre les espèces. Ce mouvement a progressé lentement et de façon tout à fait indépendante des sciences limnologiques. Ses bases proviennent des études menées en laboratoire et sur le terrain au sujet de l'évolution des premiers poissons océaniques (Sharp 1981a, 2000). L'écologie des systèmes a enfin pris pied dans le monde pragmatique de la gestion des pêcheries.

La plupart des espèces océaniques se développent le mieux à une température située près du milieu de leur gamme de tolérance (voir la figure 14 ci-après, qui illustre par différentes couleurs les écostrates les plus usuels). Pour la plupart des espèces locales, une température proche de l'extrême chaud ou froid de cette gamme de tolérance ou la dépassant cause un stress thermique accru (Sharp 1998). La production primaire est alimentée par des processus saisonniers, modulés par le vent et la lumière, et est souvent la plus active à l'interface entre ces «compartiments». Les espèces dont la gamme de tolérance est plus large présentent souvent des caractéristiques physiologiques et anatomiques uniques et nombre des espèces de ce groupe parviennent à de grandes dimensions à l'âge adulte et migrent sur de grandes distances. Il n'y a en réalité pas beaucoup de généralisations que l'on puisse faire sur la localisation la plus probable de ces espèces dans le réseau trophique, étant donné que la plupart des poissons, à la naissance, sont de petits organismes situés aux niveaux inférieurs de la chaîne alimentaire avant de la remonter. D'autres, comme la baleine, le requin baleine ou la raie, ne dépassent jamais le stade de l'alimentation à base de plancton. Ces espèces survivent le mieux à la limite, tandis que les tortues marines se nourrissent principalement de méduses, qui sont composées d'eau à 90 pour cent, scénario apparemment impossible.

Figure 14 Perspectives pragmatiques des zones climatiques saisonnières des océans mondiaux en mai et novembre, mois où les variations saisonnières sont les plus extrêmes. Les zones de transition sont les températures climatologiques à une profondeur de 30 mètres, c'est-à-dire l'isobathe où les gradients thermiques sont les plus marqués et constituent les compartiments écothermiques naturels ou écotones. Les limites de température sont >26 °C; 23 °C; 20 °C; 14 °C; 9 °C; 5 °C; et 2 °C et au-dessous, fourchettes à l'intérieur desquelles ont évolué les divers écosystèmes océaniques. Les schémas à l'isobathe de 90 mètres en disent plus long sur la production primaire en fonction de la réduction de la lumière et de la température que les températures de surface de la mer (TSM) à elles seules. La productivité globale saisonnière de chaque écotone reflète des interactions physiques et écologiques dynamiques.

Le système prédateur-proie, connu sous l'appellation de réseau trophique, commence à prédominer après les transformations chimiques initiales induites par la lumière et définit les relais d'énergie et de matières à l'intérieur de toute la pyramide trophique et de l'écosystème en général. Dans tous les écosystèmes aquatiques, la production primaire est saisonnière du fait que les vents, la lumière et les nutriments nécessaires varient avec le temps, selon les conditions météorologiques et le climat. Cela constitue par conséquent la première corrélation avec la variabilité biologique. Les résultats des études paléoclimatiques, paléosédimentaires et climatiques montrent clairement que l'on se trouve en présence de schémas de changements climatiques et de réactions écologiques marines de caractère mondial. Par exemple, les études des sédiments anoxiques non perturbés du bassin de Santa Barbara, au large de Los Angeles, ont permis de retracer l'évolution dynamique de l'abondance de sardines, d'anchois et d'autres poissons pendant près de deux millénaires (voir Soutar et Isaacs 1974, Baumgartner et al. 1989, Sharp 1992b), changements qui n'ont manifestement pas été causés par la pêche étant donné que celle-ci n'existait pas avant la fin du XIXe siècle.

Comme la majorité des données relatives à l'environnement recueillies grâce à des instruments de mesure ne remontent qu'à 1950 environ, voire à une date plus récente encore, il n'est que trop facile, sur la base des courtes séries chronologiques, de dessiner des graphiques, de faire des analyses et de présenter des tendances qui, souvent, s'avèrent être trompeuses pour ce qui est des schémas climatiques futurs. L'important, pour comprendre et replacer dans le contexte approprié les corrélations entre les observations disponibles sur de longues périodes temporelles et les données relatives à des périodes de plus courte durée utilisées par les fanatiques du réchauffement de l'atmosphère, est de comparer la variabilité relative sur une échelle standard des séquences de données recueillies sur des périodes plus courtes et plus longues. L'un de nos principaux arguments consistera à mettre en relief le fait que les 50 dernières années pour lesquelles des données détaillées sur le climat sont disponibles sont remarquables par leur absence de dynamisme et par leur faible variation par rapport aux données recueillies sur une période d'un siècle, voire davantage. En dépit des variations à plus long terme de l'équilibre énergétique de la Terre, ces dernières paraissent refléter des schémas climatiques saisonniers raisonnablement stables, même s'il est clair que ces schémas peuvent aller d'un extrême à l'autre très rapidement (c'est-à-dire en quelques décennies - voir Shen et al. 1992; Southward, Butler et Pennycuick 1975; Southward, Balch et Mattock 1988; Allen et Anderson 1993). C'est ce que l'on appelle les changements climatiques. Le climat est le schéma saisonnier moyen escompté à longue échéance, tandis que le temps tient aux phénomènes saisonniers plus variables qui peuvent être constatés. Méconnaître ces dynamiques et leur contexte dans le domaine des pêcheries (voir Gulland 1983; Hilborn et Walters 1992 - examiné dans Sharp 2000) a été à l'origine de l'échec persistant des modèle de gestion des ressources.

3.2. Comportements d'écosystèmes océaniques spécifiques

1. Les systèmes tropicaux sont l'un des meilleurs exemples des bénéficiaires de l'intensification des processus climatiques, ou des changements climatiques, à mesure que leurs limites s'élargissent et se contractent, mais rien, dans leurs parties intérieures proches de l'Equateur, ne menace une dynamique écologique particulière. Les vastes plateaux et récifs tropicaux se définissent pour une large part par leurs capacités de s'adapter à des transformations rapides. Il ne faut pas oublier que même la Grande barrière de récif est un nouveau venu relatif dans le réchauffement récent intervenu depuis le dernier âge glaciaire, il y a seulement 18 000 ans. L'élévation de 130 mètres à peu près du niveau de la mer n'a pas été un obstacle dans la mesure où elle a créé un nouveau substrat et a permis à ce système majeur d'offrir encore plus sur le plan écologique.

a) Les îles et monts sous-marins où se trouvent des volcans actifs produisent des sillages ou colonnes de Taylor qui mélangent la partie supérieure de la colonne au profit des espèces marines régionales et des nutriments qui, à leur tour, débouchent sur une production régulière ou parfois saisonnières. L'on trouve à l'intérieur et autour de ces caractéristiques une quantité étonnante d'espèces. Les récifs, selon leur emplacement et la zone climatique où ils se trouvent, alimentent un nombre incroyable d'espèces dont certaines des plus grandes espèces sessiles, comme le tridacne, bivalve géant, qui atteignent de très grandes dimensions et un âge avancé, tandis que d'autres espèces ont une vie plus éphémère et plus agitée, devant grimper les échelons de la hiérarchie et passer d'un «refuge» ou créneau à celui qui correspond aux dimensions supérieures dès lors qu'il se trouve ouvert par la prédation de haut en bas (Polovina 1984a, b).

b) Les grands migrateurs comme les dauphins et les scombridés sont également caractérisés par des taux de croissance étonnants et d'énormes appétits qui, pendant toute leur vie, les conduisent d'un endroit à un autre à la recherche de proies toujours plus grandes (Abbes et Bard 1999, Bertrand et Josse 1999). Le recrutement local de la plupart des espèces de poisson qui vivent autour des récifs et des îles est indubitablement affecté davantage par les courants, les vents saisonniers et les tempêtes occasionnelles, mais la plupart d'entre elles tendent à y rester jusqu'à l'âge adulte. Les jeunes sujets vont et viennent de là où ils sont nés du fait qu'ils vivent à la surface ou près de la surface, ou ils «suivent le vent» pour être mangés ou, en définitive, trouver un «créneau» ouvert qu'ils puissent occuper. Très vraisemblablement, les taux de mortalité des espèces de poisson qui vivent autour des récifs sont inimaginables. L'on pourrait peut-être mieux présenter le problème comme suit: les taux de survie sont erratiques et modestes dans le meilleur des cas.

Figure 15 Les trombes marines tropicales et les stratocumulus constituent des cellules de convection profonde actives à partir de la surface de la mer. L'énergie des océans, sous forme de vapeur d'eau, est transférée à l'atmosphère, qui la transporte en amont et vers les pôles.

c) La convection profonde (figure 15 ci-dessus) dans les mers chaudes équatoriales et le long de la zone de convergence intertropicale (ZCIT) diffère, par sa nature, du forçage entraîné par les vents de surface qui poussent vers des latitudes supérieures la perte thermique produite essentiellement par l'évaporation et des changements énergétiques qui se produisent par la suite dans les océans. Le couvert nuageux est le principal mécanisme de rétention thermique aux latitudes supérieures tandis que, vers l'Equateur, ce sont la dynamique des couches marines, la capacité de produire plus de vapeur d'eau et la rotation nocturne rapide et la séquestration de la charge thermique des mers tropicales (particulièrement à une température de surface de la mer >27.5 °C) qui prédominent. Ce que cela signifie, c'est que, la nuit, sous chaque nuage, les mers tropicales s'approfondissent et l'habitat tropical se développe. Cela a plusieurs avantages pour des prédateurs des océans tropicaux comme le thon, le marlin et les mammifères marins à l'interface extrêmement mobile où les gradients thermiques constituent les limites des écotones À leur tour, ces gradients entraînent des concentrations de nutriments, une production primaire, des espèces de plancton et des concentrations de prédateurs, petits et grands. Les gradients entraînent également des différences de pression à la surface, et par conséquent des vents qui affectent la convergence et la divergence, forces importantes l'une et l'autre dans l'interaction écologique et la production et la vulnérabilité des pêcheries.

Lorsque, sous l'effet d'El Niño et de l'oscillation australe (OAEN), le temps se réchauffe, la ZCIT se déplace vers l'Equateur, autrement dit passe plus de temps au-dessus de l'Amérique centrale et de l'Afrique du Nord, ce qui entraîne une profonde modification des schémas hydrologiques et des schémas des précipitations sur terre ainsi qu'un déplacement des caractéristiques saisonnières des océans. Ces dynamiques météorologiques constituent une autre série de possibilités. Des manifestations climatiques, comme le réchauffement et le refroidissement du temps causées par l'OAEN, se traduisent par des niveaux différents de productivité. Le réchauffement et les ruissellements d'eau douce causent souvent des floraisons considérablement d'algues qui entraînent parfois l'anoxie ou des effets toxiques puis des hécatombes parmi les poissons qui aboutissent à un apport rapide d'énergie aux formes trophiques inférieures et en quelque sorte un recyclage dirigé des nutriments qui évite la prédation de haut en bas. Les îles de guano sont particulièrement importantes pour la production locale. Les invertébrés benthiques et insulaires bénéficient ainsi de «poussées» occasionnelles d'aliments qui peuvent les aider à se multiplier par le biais d'une reproduction accrue et des schémas de dispersion uniques liés aux courants. Des courants erratiques peuvent entraîner une colonisation d'habitats épars ou dépeuplés. Ces colonies peuvent ne pas attirer les prédateurs qui se trouvent dans les régions côtières et insulaires à plus forte densité de population, ce qui permet une repopulation future par le biais des habitats indépendamment des poussées d'anoxie, de toxines ou de prédateurs.

2A. Ecosystèmes de transition subtropicaux - il s'agit de systèmes de pêcheries bien documentés. Après l'effondrement de la pêche à la sardine en Californie, pendant la période 1940-50, puis de l'anchoveta péruvien au début des années 70, les recherches halieutiques ont été intensifiées dans les courants limitrophes de l'est (voir Schwartzlose et al. 1999, Sharp 2000). Pendant tout le XXe siècle, les enseignements tirés des études sur les pêcheries régionales ont été diffusés dans le monde entier et, peu à peu, appliqués par analogie à beaucoup d'espèces côtières et hauturières. L'effondrement de la pêche à la morue et d'autres importantes pêcheries dans le nord-ouest de l'Atlantique pendant les années 80 a entraîné un autre changement d'emphase, le public comprenant enfin que même des connaissances scientifiques poussées ne suffisent pas pour gérer les ressources biologiques. La formulation des politiques constitue un élément tout aussi important, de même que les statistiques des captures et/ou des méthodes d'enquêtes indépendantes sur les pêcheries mal conçues. Un excès de zèle dans le développement des flottes de pêche semble être le dénominateur commun des crises contemporaines, les gouvernements nationaux aussi bien que les programmes d'aide extérieure ayant encouragé une augmentation des prises en dépit d'indications biologiques et économiques montrant manifestement que les limites ont déjà été atteintes, voire dépassées.

a) Les courants de Californie et de Humboldt ont en commun une étonnante gamme d'espèces et un cycle périodique de répartition et d'abondance mais sont tout à fait différents pour ce qui est de leur potentiel de production. Pendant la période de capture maximum au large des côtes de Californie, pendant les années 30 et 40, les prises de sardine variaient entre 500 000 et 700 000 tonnes par an, tandis qu'au début des années 80, les prises d'anchois ont atteint le chiffre jusqu'alors inégalé d'environ 300 000 tonnes. La pêche à la sardine de Californie a été maintenue à un niveau peu élevé tandis que la pêche à la sardine dans le golfe de Californie a été florissante depuis 1980 environ et a atteint le chiffre maximum d'un peu plus de 250 000 tonnes en 1988, avant de baisser puis de reprendre à nouveau en 1996-97 pour se situer à quelque 200 000 tonnes. Les prises de sardine au large de la côte ouest de la Baja California par les flottes de pêche de l'île de Cedros et de la baie de Magdalena ont été au total de 10 000 à 35 000 tonnes depuis 1960. Récemment, le total des prises de sardine de californie, dont l'habitat va maintenant de la Baja California à la Colombie britannique, s'est stabilisé à un niveau d'environ 360 000 tonnes.

b) Les trois régions de production de sardine et d'anchois au large du nord et de la côte du sud du Pérou et du nord et du centre du Chili ont produit des prises d'anchois qui se sont montées au chiffre de 12 millions de tonnes (principalement du nord du Pérou) au début des années 70, avant de s'effondrer. Les sardines d'Amérique du Sud, dont les captures étaient presque nulles, ont commencé à augmenter en 1976 environ et ont atteint leur niveau maximum de 12 millions de tonnes en 1984-85 après que cette espèce eut recolonisé les trois régions. Les prises récentes représentent au total un peu plus de 400 000 tonnes. Simultanément, les captures d'anchoveta sud-américaines ont été d'environ 8 millions de tonnes par an, sauf en 1998, lorsque le phénomène El Niño, très marqué cette année-là, a fait retomber les prises à moins de 1,7 million de tonnes.

c) Le chinchard, qui coexiste dans les régions côtières en se nourrissant de ces deux autres espèces pélagiques, connaît apparemment de mêmes efflorescences, sur un cycle un peu plus long. Le chinchard étend son habitat des zones côtières où il se nourrit, le long de la zone de convergence des vents d'ouest allant du centre du Chili à la Nouvelle-Zélande puis en mer de Tasmanie. Les premiers échantillons conservés dans les musées néo-zélandais remontent à 1946. L'efflorescence, l'extension de l'habitat et l'effondrement plus récent de cette espèce se sont produits pendant la période allant du milieu des années 80 jusqu'en 1995 environ, date à laquelle les prises ont atteint près de 5 millions de tonnes.

d) Les pêcheries sud-africaines et namibiennes sont caractérisées par un schéma d'efflorescence et d'effondrement semblable à ceux qui existent au Japon et en Amérique du Sud, avec deux centres de production primaire, situés l'un au large de la région du Cap et l'autre au nord de Walvis Bay. Il s'agit dans les deux cas de régions où il existe de fortes remontées d'eau froide le long des côtes, surtout dans la région du Cap, sous l'effet de la dynamique de l'OAEN de l'océan Indien. L'arrivée directe vers le sud-ouest, jusqu'en Afrique du Sud, d'eau superficielle chaude en provenance d'Indonésie entraînée par les périodes de réchauffement causé par l'OAEN crée de longues périodes de réchauffement et de refroidissement des eaux côtières qui créent des possibilités très différentes pour les deux espèces pélagiques prédominantes et leurs prédateurs.

e) Fréon (1984) et Belvèze et Erzini (1983) ont étudié les corrélations entre les indices de remontées d'eau froide (vitesse et direction du vent) et l'évolution des prises de sardine au large de l'Afrique de l'Ouest, pendant la même période décrite par Gray et Scheaffer (1991) à la figure 16, et ont analysé la corrélation entre ces processus de transition de 1969-1971 et l'évolution de la production des pêcheries de la région. Aujourd'hui, ces résultats ne surprendraient personne car cela est également le cas d'autres systèmes de courants limitrophes de l'est. En fait, comme on le verra plus loin, la plupart des autres pêcheries font apparaître des variations de régime d'une époque à l'autre.

Figure 16 Illustre, sur la base des études de Gray et Scheaffer (1991), un changement régional de climat constaté dans le Sahel à la fin des années 60 juste à l'est de la zone de pêche dans la région des remontées d'eau froide au large des côtes marocaines.

2B. Courants limitrophes de l'ouest - Le courant chaud de l'Atlantique Sud (Gulf Stream), le courant du Brésil et le courant de Kuroshio ont très peu en commun, qu'il s'agisse des espèces présentes ou des niveaux de productivité. Le courant chaud de l'Atlantique Sud et les régions au large de la côte sur le golfe du Mexique donnent à l'Amérique du Nord l'une de ses principales pêcheries, celle de menhaden. La gamme d'espèces de prédateurs, thonidés, marlins, bars d'Amérique, etc., qui constituent la majorité des espèces pêchées dans la région sont saisonnières et varient selon les cycles annuels de production entraînés près du littoral par les remontées d'eau froide. Le courant du Brésil est extrêmement côtier et crée un situation beaucoup plus chaude et plus tropicale, une influence plus grande étant exercée par l'eau douce provenant de l'Amazone et des autres cours d'eau que celle qui est observée dans les deux autres régions prises en exemple. La sardinelle du Brésil est la seule espèce équivalente, et les prises sont beaucoup moins variables, tendant à osciller entre 100 000 et 200 000 tonnes par an.

a) Le nord-ouest de l'océan Pacifique jouxte la zone chaude et répond à cette dynamique et, de la même façon, la mer du Japon est directement influencée par le courant froid d'Oyashu en provenance de la région polaire et a ses propres impulsions décennales. Le cycle de la sardine a été bien documenté et est marqué par le même schéma anticyclique, avec ces efflorescences régionales d'anchois. La sardine paraît bénéficier d'influences méridionales plus puissantes qui accroissent la température de l'eau dans la mer du Japon ainsi que le long du littoral oriental de la Corée et du Japon, tandis que l'anchois et le hareng de Hokkaido semblent préférer une influence plus septentrionale, lorsque l'Oyashu est plus fort et que l'Hohaido et la mer du Japon reçoivent de plus grands apports d'eau froide du nord. En 1998, les prises japonaises d'anchois ont dépassé 2 millions de tonnes, contre 1 million de tonnes de prises pour les flottes de pêche chinoise et taïwanaise, et moins de 200 000 tonnes au large du Japon. Les prises japonaises de sardine ont atteint leur niveau maximum à la fin des années 80, période pendant laquelle elles ont atteint 5,5 millions de tonnes, mais ont ensuite diminué régulièrement pour tomber ces dernières années à un niveau variant entre 300 000 et 500 000 tonnes (voir la figure 7).

b) La dynamique Somalie-mer d'Arabie, comme on l'a vu, dépend directement de la mousson et tel est le cas aussi des différentes pêches qui sont menées dans cette région extrêmement saisonnière et productive. Il y a dans la région d'abondants bancs de sardinelle, mais la pêche est peu développée et celle qui existe est fort saisonnière, les régions proches du littoral étant affectées par l'anoxie causée par les hyper-floraisons d'algue sous l'influence des vents de la mousson. La sardinelle est forcée de se réfugier dans les estuaires ou de migrer vers des conditions plus propices, sous peine de disparaître. Ses prédateurs sont exposés à des conditions semblables et sont encore plus sensibles, de sorte que leurs migrations reflètent la dynamique saisonnière de la région, et qu'ils quittent les régions côtières difficiles pour gagner une mer plus ouverte, ce qui crée des ressources abondantes pour les nombreuses communautés insulaires de la région.

3. Zones tempérées et tourbillons océaniques - les écosystèmes océaniques sub-polaires semblent bien réagir à toutes les étapes et phases du forçage climatique. La mer du Nord est un autre cas unique, la majorité des espèces qui y vivent en ayant été exclues pendant des milliers d'années durant le dernier âge glaciaire. Le repeuplement et le développement, dans cet environnement relativement peu profond, des nombreuses espèces qui sont devenues la principale ressource halieutique de tant de groupes culturels divers sont en soi intéressants. Quoi qu'il en soit, les espèces qui constituent les principales ressources halieutiques semblent remarquablement s'adapter aux changements climatiques à court terme. Ce fait, à lui seul, est intéressant aussi.

a) Les pêcheries dans la partie orientale de l'Atlantique Nord et en mer du Nord sont celles qui ont suscité les recherches qui, peu à peu, ont fait mieux comprendre la corrélation entre le climat et les pêcheries. Southward, Butler et Pennycuick (1975) ont décrit comment, dans la Manche, les oeufs de sardine et le plancton, vers le bas de la chaîne alimentaire, évoluent de façon synchrone avec ce que l'on a appelé le «cycle de Russell» (voir Russell 1973 - figure 17, dans la section suivante). Cushing et Dickson (1976) ont passé en revue l'état des connaissances concernant la réaction des pêcheries dans l'Atlantique Nord face aux forces climatiques et sont parvenus à plusieurs limites. Reconnaissant que les différentes régions étaient «reliées» par les processus atmosphériques et qu'il existait plusieurs «états» distincts, variables selon des échelles temporelles différentes, ils ont établi des corrélations.

b) Cushing (1982) a finalement tiré parti du nombre croissant de collations à long terme qui sont devenues disponibles et a beaucoup contribué à intégrer les séries de données provenant de différentes régions du monde. Particulièrement intéressantes ont été ses interprétations des mouvements vers le nord des animaux pendant la période chaude qui s'est étendue des années 20 aux années 40. Il a identifié divers schémas de déplacement des espèces selon les changements de direction des vents de surface et d'autres encore entraînés par l'intensification des courants, tandis que les espèces plus océaniques réagissaient manifestement à l'expansion de leurs habitats plus chauds vers des latitudes plus élevées. Le chapitre 5 de son étude et les tableaux qu'il contient constituent une bonne base de prévision des comportements des poissons face à un réchauffement de régions spécifiques. L'on sait aujourd'hui que de telles observations sont inappréciables.

c) Plus récemment, Alheit et Hagen (1997) ont décrit la corrélation entre la pêche au hareng et à la sardine en Europe et les conditions météorologiques hivernales ainsi que l'influence de l'oscillation de l'Atlantique Nord (OAN). L'histoire de la pêche au hareng dans la région de Bohuslan qui relie la Baltique et la mer du Nord contient une série d'enseignements qu'il importe d'apprendre. La figure 6 indique les période approximatives des allées et venues du hareng de la Baltique. Alheit et Hagen ont identifié plusieurs périodes d'hivers rudes - périodes caractérisées par des apports d'eau douce puis des inversions et une anoxie dans la région de la Baltique - qui forcent ces espèces à s'éloigner de la côte pour parvenir à un environnement moins hostile via la région de Bohuslan, où il existe des fjords profonds. Il y a des périodes de plusieurs dizaines d'années pendant lesquelles le hareng se trouve près des côtes, où il est capturé au moyen de sennes de rivage et de filets fixes, et d'autres périodes pendant lesquelles il n'y a pas de hareng du tout près des côtes. Cette situation a changé dès qu'est apparue la senne coulissante et que les pêcheurs sont devenus plus mobiles.

Figure 17 Illustre les données rassemblées par Southward (1974a,b), et Southward, Butler et Pennycuick (1975), dont il ressort qu'il y a eu dans une évolution bipolaire (cycle de Russell) dans la faune de la Manche à partir de 1938 environ, qui s'est inversée à la fin des années 60.

La sardine européenne préfère un habitat plus chaud que le hareng et l'on a constaté des périodes d'abondance, par alternance avec la pêche au hareng dans la région de Bohuslan. En Norvège, la pêche au hareng pendant le frai de printemps suit un schéma semblable à celui de la sardine. Les variations sont apparemment liées à la sévérité des hivers due à la faiblesse de l'oscillation de l'Atlantique Nord lorsque la pression atmosphérique au niveau de la mer baisse au large des côtes de l'Islande, ce qui permet l'arrivée masses d'air froid en provenance de Sibérie. En revanche, lorsque l'oscillation de l'Atlantique Nord est plus forte, les vents de l'ouest, plus puissants, empêchent l'arrivée des masses d'air froid en provenance de Sibérie et transportent un air plus chaud sur l'Atlantique Nord.

Ces deux états de l'oscillation de l'Atlantique Nord ont des conséquences assez opposées dans l'ouest de l'Atlantique Nord en ce sens que la forte oscillation attire des masses d'air froid de la région de l'Alaska et du Groenland qui renforcent le courant du Labrador ainsi que ses effets de refroidissement et sa subsidence, et qui sont probablement à l'origine des cycles de la morue et du hareng dans la région du Canada et des États-Unis. Des forces semblables sont en jeu dans la mer du Japon où le hareng va et vient du littoral de la Corée du Nord, en alternance avec les périodes de la sardine dont il a été question plus haut. Cette dynamique est décrite plus en détail dans Kawasaki et al. (1991).

d) Beaucoup de chercheurs sur les pêcheries ont peu tenu compte de l'impact des tourbillons océaniques, les spécialistes de la biologie marine ayant défini ces régions comme des déserts océaniques du fait de la faiblesse des niveaux de production primaire qui ont été mesurés. Cependant, si l'on analyse les séries chronologiques de données concernant la pêche à l'hameçon en mer (Fonteneau 1997, commenté dans Sharp 2001), la situation apparaît comme différente. La question évidente à se poser devient celle-ci: «Si ces tourbillons sont si peu productifs, pourquoi y trouve-t-on tant de milliers de tonnes de poissons prédateurs et de mammifères marins qui y fraient, se nourrissent et se reproduisent?». Il va de soi que, pour une large part, les résultats de la pêche dépendent du forçage saisonnier et de l'adéquation des engins de pêche aux différentes espèces présentes (voir Hela et Laevastu 1971; Sharp 1976, 1978; Marsac et Hallier 1991; Abbes et Bard 1999). Pour la plupart, ces poissons et leurs proies vivent à de grandes profondeurs.

4. Les espèces polaires et celles qui vivent dans les grandes profondeurs marines sont celles qui sont le moins comprises. Aux latitudes les plus élevées, il est difficile d'avoir accès aux poissons toute l'année et, jusqu'à une date relativement récente dans l'Antarctique, la pêche de la plupart de ces espèces était essentiellement une pêche de subsistance. Les espèces qui vivent dans les grandes profondeurs sont mal comprises aussi. La longévité de certaines d'entre elles a presque pris les proportions d'un mythe et l'on a estimé que les poissons de quelques espèces vivent sensiblement plus de 200 ans. Or, bien d'autres espèces des grandes profondeurs, en particulier les mollusques décapodes, ont des cycles biologiques annuels ou de durée relativement limitée. Les processus annuels de recrutement des espèces arctiques et des espèces des grandes profondeurs sont fort difficiles à évaluer étant donné que les cohortes annuelles tendant à se déplacer et que le vieillissement des individus soulève des questions complexes (Gauldie et al. 1991; Gauldie et Sharp 2001).

Manifestement, ce sont les espèces qui vivent dans les hautes latitudes et dans les grandes profondeurs qui ont le moins à craindre d'un risque de refroidissement du climat. Elles peuvent néanmoins être affectées par des périodes de réchauffement prolongées, ne serait-ce que par ce que beaucoup d'autres prédateurs, réagissant eux aussi aux effets de concentration produits par l'expansion des zones climatiques chaudes, empièteront sur leur habitat, lui-même rétréci. Il en résultera un raccourcissement des distances et par conséquent des gradients plus marqués entre les divers écocompartiments océaniques, définis par les gammes de températures à l'intérieur de chaque gradient. La plupart des espèces des grandes profondeurs, du fait de leur habitat relativement diffus, échappent tout simplement aux pêcheries commerciales. Cependant, l'une des espèces les plus productives du monde est celle du lieu jaune de l'Alaska, dont les prises atteignent quelque 4 millions de tonnes par an. Étant donné que cette espèce est omnivore et essentiellement cannibale, il semble peu probable que son abondance relative soit affectée, à moins que les groupes ne soient concentrés par la même série de pressions écologiques et physiologiques que celles dont il est question plus haut.

Il se pose néanmoins un certain nombre de questions qui appellent des réponses, particulièrement pour ce qui de la synchronie apparente de nombre des changements de régime observés au niveau des hémisphères ou des bassins océaniques. Ce qu'il faut, semble-t-il, c'est analyser de façon systématique le forçage polaire.

3.3. Simultanéité par rapport aux transitions systématiques

L'ouvrage de Leroux (1998) intitulé Dynamic Analysis of Weather and Climate indique quelles sont les corrélations les plus probables avec les périodes de refroidissement polaires, telles qu'elles se manifestent par ce que Leroux appelle les anticyclones polaires mobiles (APM), qu'il définit comme «d'immenses disques d'air dense qui, pour l'essentiel, sont responsables des variations de pression, de la rapidité et de la direction des vents, de la température, de l'humidité, de la nébulosité et des précipitations». Ces anticyclones résultent des schémas de pertes thermiques polaires qui refroidissent l'air, causent des subsidences et créent un air dense et froid qui se dirige vers l'est et vers l'Equateur, où son impact se conjugue à celui de la topographie et des océans (comme cela a été décrit ci-dessus dans le cas de la sardine et du hareng en Europe). Ces masses d'air dense et froid absorbent la chaleur et l'humidité superficielles et, à mesure qu'elles avancent vers les latitudes plus chaudes et acquièrent suffisamment d'énergie, peuvent finir par entrer en contact avec l'atmosphère tropical humide à haute énergie, laquelle résulte à son tour de la convection profonde le long de la convergence intertropicale et des zones maritimes chaudes de l'ouest du Pacifique et de l'est de l'océan Indien. Le résultat final de ces processus locaux générés par la convection profonde est le transfert vers les pôles de la chaleur équatoriale. Leroux (1998) a énuméré les raisons pour lesquelles les couches inférieures de la troposphère, particulièrement la couche limite planétaire, doivent retenir le plus l'attention pour expliquer la dynamique locale des conditions météorologiques et forçage océanique:

Leroux souligne ensuite l'importance des anticyclones polaires mobiles et avance l'hypothèse selon laquelle ces anticyclones «déterminent les variations perpétuelles des conditions météorologiques et des variations climatiques, quelles que soient les échelles temporelles. Tout cela est finalement lié aux variations de la vitesse de rotation à long terme de la Terre ou à la durée négative du jour, de même que toutes les interactions dépendent des mouvements de vapeur d'eau de la surface terrestre dans l'atmosphère ainsi que des divers échanges d'énergie qu'entraînent les mouvements contraires de la basse atmosphère et des systèmes continentaux et océaniques.» Cela sera discuté plus en détail ci-dessous.

Les conséquences écologiques sont multiples, qu'il s'agisse d'inondations saisonnières, de sécheresses ou du couvert nuageux, qui modifient la productivité terrestre, des remontées d'eau froide entraînée par la vélocité et la direction des vents, de la lumière que laisse passer le couvert nuageux et des cascades écologiques de tous ces éléments à travers les écosystèmes aquatiques. À l'aboutissement de tous ces processus se trouve l'homme qui, avec des technologies de plus en plus nombreuses et des masses toujours plus affamées, essaie de faire face à toutes les variations. Ce dilemme est à la base de la plupart des interactions entre l'homme et l'environnement et des craintes que suscitent les nombreux processus terrestres qui échappent à la volonté de l'homme, en comparaison de ceux que celui-ci a déjà manifestement modifié.

Après mûre réflexion, l'on constate, sur la base de nos interprétations convergentes, que les arguments de Leroux sont très proches de notre propre expérience et de nos propres interprétations des origines du forçage, particulièrement manifeste dans la dynamique océanique, et des réactions correspondantes des écosystèmes, quelles que soient les échelles temporelles.

Essentiellement, cette convergence réside dans plusieurs «faits»:

1. Les régions polaires se trouvent toujours dans une situation caractérisée par un budget de rayonnements négatif et génèrent par conséquent une subsidence par le biais du refroidissement des couches inférieures de l'atmosphère à l'origine des anticyclones polaires mobiles qui se dirigent par la suite vers l'Equateur et vers l'est sous l'effet de l'énergie provenant de la rotation de la Terre, avançant là où la résistance est moindre, c'est-à-dire à travers la banquise et l'océan Polaire ou à travers les plaines jusqu'à atteindre les continents. Dans l'Antarctique, les APM circulent vers le nord-est dans l'océan austral jusqu'à ce qu'ils rencontrent une limite continentale, qu'ils suivent vers le nord puis vers l'ouest pour former les alizés austraux et contribuer aux moussons saisonnières le long de l'Equateur, dans l'océan Indien.

2. Comme les masses terrestres sont plus nombreuses et plus vastes dans l'hémisphère nord, la circulation des APM est plus diverse et est affectée directement par les conditions météorologiques saisonnières le long de leur cheminement terrestre. Les APM créent non seulement les alizés mais aussi influent sur la fréquence des tempêtes liée aux différents cheminements des APM. Chaque région de l'hémisphère nord a affecté des appellations différentes aux fortes interactions saisonnières entre les APM et le relief, c'est-à-dire l'effet venturi, la restriction des Balkans qui crée les vents étésiens (également appelés, selon les sous-régions, vents meltemi, vardar, struma ou buria) (Leroux 1998) tandis qu'à l'ouest de l'Amérique du Nord, il y a les vents Santana dans le sud de la Californie ou les vents Chinook sur les contreforts est des montagnes rocheuses.

3. Lorsque les APM provenant de la Sibérie et du désert de Gobi convergent avec ceux provenant de la mer de Béring, ils se trouvent renforcés et déferlent sur le Pacifique Nord en direction sud-est jusqu'à être détournés vers le sud par les montagnes rocheuses. Les autres APM qui se forment au nord et à l'est des montagnes rocheuses traversent les plaines d'Amérique du Nord en direction du sud-est et peuvent causer des événements aussi extrêmes que les trois gels d'hiver qui, entre 1983 et 1988, ont décimé le secteur des agrumes en Floride, alors qu'un tel événement ne s'était pas vu dans la région depuis plus de 40 ans.

4. La force et la fréquence des APM varient, de sorte que leurs convergences ont des conséquences et créent des schémas très divers et peuvent renforcer - ou ne pas renforcer - les alizés régionaux «escomptés». Les alizés de l'Equateur sont dominés par les courants de surface qui se dirigent vers l'est et qui érodent ainsi la température à la surface de la mer à l'est des portions équatoriales de l'océan Atlantique et de l'océan Pacifique et causent, par suite de la pression, une accrétion d'eau de surface chaude et peu saline dans l'ouest du Pacifique, l'humidité évaporée étant transportée d'est en ouest, entraînant des précipitations. Ces effets, joints à ceux de la rotation vers l'est de la Terre, des limites continentales de l'Asie et de l'Australie et des effets de seuil peu profond de l'archipel indonésien, ont également un impact sur le niveau de la mer.

Lorsque les alizés fléchissent dans la région équatoriale du Pacifique, l'onde de gravité (ou onde de Kelvin) qui caractérise beaucoup des réchauffements provoqués par l'OAEN se trouve libérée. Ce phénomène est accompagné d'un mouvement vers l'est des températures de la surface de la mer, résultat complexe du déplacement des ondes de gravité des eaux de surface de la région chaude (bien que ce soit essentiellement des eaux chaudes infrasuperficielles qui soient transportées vers l'est). Ces processus, qui entraînent à la fois de la chaleur et de l'humidité de l'Equateur, renforcent par leur interaction la convection profonde provenant de l'expansion vers l'est de la limite de la région chaude. Les nuages en résultant étant transportés vers l'est et vers les pôles, ils absorbent plus de chaleur de la partie supérieure des océans sous l'avancée des nuages et recréent ainsi leurs origines une fois après l'autre.

Les phénomènes liés à l'OAEN ont, depuis la manifestation d'El Niño en 1982-83, suscité un immense effort de recherche. En dépit des programmes intensifs d'observation sur place ou à partir de satellites, il subsiste une série de questions concernant le ou les mécanismes qui déclenchent le relâchement des alizés équatoriaux qui se traduit par la libération de l'énergie stockée à la surface dans l'ouest du Pacifique (White et al. 1997; White, Chen et Peterson 1998). De façon analogue mais inverse, l'océan Indien entrepose de la chaleur à son extrême oriental proche de la région chaude, autour de l'archipel indonésien, où seules quelques ouvertures sont suffisantes pour permettre le passage des eaux chaudes de niveau plus élevé provenant de la région chaude du Pacifique. LeBlanc et Marsac (1999) ont donné une description utile de la corrélation qui existe entre les comportements de la partie occidentale et de la partie orientale de l'océan Indien ainsi que de la corrélation avec la dynamique de la région chaude du Pacifique.

La thèse de Leroux conduit à s'interroger sur la nature véritable des sources de variation des alizés équatoriaux sur toutes les échelles temporelles. Chose remarquable, il se dégage une réponse satisfaisante pour ce qui est du mécanisme de déclenchement des réchauffements causés par l'OAEN. Une variation relativement modérée de la force et de la fréquence des APM tend à renforcer ou à affaiblir les alizés équatoriaux. Manifestement, la disparition ou une diminution marquée de la force et par conséquent de la portée des APM - peut-être par suite d'une moindre perte de chaleur aux pôles - pourrait affaiblir ou affaiblirait les alizés équatoriaux et peut-être pourrait renforcer les alizés à des latitudes plus élevées. Ces phénomènes portent à penser qu'il existe des mécanismes directs pouvant expliquer le déclenchement assez saisonnier des réchauffements causés par l'OAEN. Etant donné les données recueillies au sujet des pêcheries dans les zones tempérées de l'hémisphère nord et de leur forçage, la dynamique des APM explique aussi pourquoi il peut y avoir des variations, d'une période à l'autre, de la fréquence et de l'intensité des événements provoqués par l'OAEN.

Le refroidissement de l'hémisphère sud pendant l'hiver est très marqué et des APM fréquents et intenses se déplacent librement autour de l'océan austral, se dirigeant vers l'Equateur. Leur fréquence et leur intensité ne diminuent que légèrement pendant l'été par suite aussi bien des schémas d'insolation saisonnière que de la dynamique du couvert nuageux de la région. Dans l'hémisphère nord, la fréquence et l'intensité des APM qui traversent l'Asie, l'Atlantique Nord, l'Amérique du Nord et les océans changent de façon dynamique en fonction du couvert nuageux au-dessus des régions polaires ainsi que des caractéristiques climatiques qui ont marqué pendant la période immédiatement précédente les vastes masses continentales qu'ils doivent traverser. Pour affecter les processus aux latitudes inférieures, ils doivent être renforcés soit par le terrain, soit par l'énergie que renferme la surface des océans, ou par les deux. Des mois d'été chauds et secs tendraient à renforcer le déplacement vers le sud de l'énergie des APM à travers les vastes régions d'Asie et d'Amérique du Nord. Dès qu'un APM chargé d'énergie rencontre les masses d'air équatorial humide se déplaçant vers l'est et vers le pôle, il les renforce, accélère leur mouvement vers le pôle et déplace vers le pôle l'énergie latente qu'elles contiennent. Il y a donc entre les deux phénomènes une interaction qui facilite les transferts d'énergie nécessaires pour équilibrer les gradients thermiques à la surface de la terre. Il va de soi que tous ces processus dépendent de la dynamique physique des couches superficielles et infrasuperficielles des océans (Broecker 1991, 1997) et des processus à plus long terme entraînés par le climat.

En résumé, le scénario qui apparaît comme étant probablement prédominant est que l'intensité de la subsidence à l'un des pôles ou aux deux facilite l'équilibre thermodynamique de l'Equateur et les gradients thermiques des pôles. En outre, les trajectoires des puissants APM contribuent au transport dans l'atmosphère de la chaleur équatoriale, tant sensible que latente, transportée vers le pôle (vers l'est dans le Pacifique et l'Atlantique, et vers l'ouest dans l'océan Indien; voir le site web du Warm Pool ou autres sources équatoriales). L'énergie équatoriale disponible est une fonction de la convection profonde au-dessus des mers tropicales (ou des forêts humides) dont la température superficielle dépasse le seuil de 27 °C-28 °C, ainsi que des vents dans la haute troposphère. Le dénominateur commun est la perte de chaleur et la subsidence aux pôles. Comment ces processus sont-ils régulés? Quelle qu'en soit la source, ils ont une impulsion quasi périodique de 50 à 70 ans qui ressort aussi bien des données conservées que des schémas de changement des écosystèmes.

3.4. Prévisions - du passé vers l'avenir

En définitive, les enseignements à tirer du changement climatique sont que nous devons accorder beaucoup d'attention au passé et en tirer des enseignements pour apprendre des schémas qui se sont produits antérieurement. Il existe trois séries de projections du climat mondial reposant sur l'histoire passée, deux de Doug Hoyt (figure 18) et de Joseph Fletcher, climatologues l'un et l'autre de réputation internationale, qui sont fondées sur des données indirectes remontant à plus d'un millier d'années. La troisième est une description des schémas enregistrés au cours du siècle écoulé, qui ont été liés à la vitesse de rotation de la Terre (-DDJ), à l'ICA et à l'AT, comme indiqué plus haut. Il s'agit d'une étude qui a été présentée et revue par d'autres climatologues pour être publiée immédiatement dans une revue géophysique russe respectée.

Si la perspective de Hoyt peut être considérée comme une anticipation réaliste, le monde devrait se refroidir de 3 °C ou 5 °F au cours des 8 000 prochaines années. Pendant les 2 000 prochaines années, la terre se refroidira d'environ 0,4 °C. Il convient de noter en outre que 70 pour cent des 10 000 dernières années ont été plus chaudes que récemment. L'on peut consulter le site web de Hoyt pour se procurer les informations de référence nécessaires qui expliquent le raisonnement de causalité que lui-même et d'autres ont utilisé pour prédire des tendances au refroidissement dans un avenir assez immédiat, dès 2016-2020.

Figure 18 Illustre la contribution de Doug Hoyt aux prévisions du climat futur compte tenu de l'influence du soleil sous la température moyenne de la Terre. La ligne bleue est l'actuelle période interglaciaire et la ligne rouge la dernière période interglaciaire. Ces courbes ont été reliées de manière à correspondre à ce qu'il est advenu lorsque la Terre est sortie du dernier âge glaciaire, en suivant la même ligne temporelle (tiré du site web de D. Hoyt, adresse URL à l'appendice).

Joseph Fletcher offre un examen particulièrement instructif de ce que l'on sait actuellement sur le climat et a établi une projection de l'évolution du climat mondial au cours du siècle à venir (figure 19). Fletcher a été l'un des principaux éléments à l'origine de l'établissement et de l'administration du Fichier de données intégrales sur les interactions océan-atmosphère (COADS), où la plupart des chercheurs sur le climat se procurent les données servant de base à des observations historiques. Il tient ses données à jour et s'en sert beaucoup pour sa synthèse. Son hypothèse sur l'évolution du climat au XXIe siècle est fondée sur la probabilité que les processus passés sont cycliques et se répéteront sur une période de 170 à 180 ans.

Sa projection primaire est fondée sur la plus longue série de données sur l'activité solaire tirées de carottes prélevées dans la calotte glaciaire. Les concentrations de béryllium 10 sont utilisées pour évaluer le vent solaire entraîné par l'activité du Soleil. Pour ses projections, Fletcher a ensuite recherché les éléments de la série de données sur les concentrations passées de Be10 correspondant aux tendances récentes, sur une période d'environ 170 ans. La tendance actuelle des émissions à la surface du Soleil et d'environ 1,3 Watt par mètre carré de plus qu'il y a 170 ans, lorsque le petit âge glaciaire a pris fin et que l'irradiation solaire a repris sa tendance à la hausse pour remonter à ce qu'elle était lors des périodes chaudes précédentes. La période sur laquelle porte la projection a été ajustée de 1,5 Watt par mètre carré depuis 1970 environ et prolongée en utilisant la partie «tronquée» des 170 ans de données après environ 1810 en les reportant sur les données récentes.

Ces mesures sont indiquées en violet (données passées) et en vert (points de correspondance au début de la projection) sur la courbe des tendances de la figure 19. Cette figure comprend également deux autres mesures fiables, l'une (en haut) tirée de la figure 12c, qui extrapole, sur la base du concept de similitude sur 170 ans, les écarts de la vitesse du vent dans la partie la plus méridionale (région du monde la plus chargée d'énergie) de l'océan Indien, selon les données du fichier COADS. Le graphique encadré au bas de la figure est un simple indice du nombre des carrés de latitude-longitude 4x4 où la température de la surface de la mer est égale ou supérieure à 29 °C dans la région chaude indopacifique. Les deux séries de données correspondent aux tendances des données touchant l'activité solaire à long terme.

Cela étant, il ne faut pas oublier ce que nous savons déjà grâce à d'autres données et aux discussions passées. Récemment, Klyashtorin et al. (1998) ont constaté que la courbe d'anomalie AT a une forme semblable à celle de la -DDJ, avec cependant un décalage, dans ce dernier cas, de 14 à 16 ans. Si l'on repousse vers la droite la courbe d'anomalie AT de 15 ans, on obtient une bonne coïncidence des courbes AT et -DDJ (figure 20). La partie droite de la courbe d'anomalie AT peut par conséquent être utilisée comme approximation de la tendance -DDJ au cours des quelque 10 premières années du XXIe siècle. À la différence de l'anomalie AT, la dynamique -DDJ est caractérisée par une double crête (a et b), comme nous l'avons déjà vu dans la figure 4. Les crêtes primaires (a) coïncident avec les maximums des anomalies AT après déplacement et les crêtes secondaires (b) sont déphasées par rapport à ces maximums. Les raisons de ce phénomène ne sont pas encore claires, mais l'augmentation actuelle de la -DDJ devrait probablement s'inverser d'ici à 2004-2007, comme cela s'est produit pendant les années 1890 et les années 50.

Figure 19 Illustre la projection du climat mondial établie par Joseph Fletcher en se fondant sur l'hypothèse de base selon laquelle les schémas se répètent sur un cycle d'environ 170 ans. En ajoutant les écarts de vitesse du vent tirés du fichier COADS et l'indice des dimensions de la couverture de la région chaude indopacifique (encadré au bas du graphique), la correspondance générale des tendances des diverses séries de données rassemblées indépendamment conduit à accepter la projection de Fletcher concernant le climat «à attendre au cours du prochain siècle».

La figure 21 illustre la série de données originelles épurées de la tendance concernant la température de l'air à la surface de la Terre en dT et AT. Le décalage dans la phase de la tendance cyclique de dT par rapport à celle d'AT est d'environ 19 ans. Cela correspond aux conclusions préliminaires tirées sur la base de l'analyse qualitative (comparaison visuelle) des séries chronologiques.

Figure 20 Illustre la dynamique de la série chronologique de données concernant la -DDJ et l'anomalie AT de 1850 à 2010 environ: 1) -DDJ (moyenne annuelle épurée de la tendance); 2) anomalies AT aplanies sur la base d'une moyenne sur 21 ans; 3) déplacement vers la droite, de 12 ans, de cette dernière série de données. Les crêtes indiquées a et b sont les crêtes primaires et secondaires de la -DDJ. Voir le texte pour une explication plus détaillée.

Figure 21 Compare la dynamique de l'anomalie AT et dT épurée de la tendance. 1) ligne pointillée en gras: tendance cyclique prédominante de l'anomalie AT sur une période de 59,35 ans; 2) ligne continue en gras: tendance cyclique prédominante de dT épurée de la tendance sur une période de 59,42 ans. Le décalage entre la tendance cyclique de dT et la tendance cyclique de l'anomalie AT est de 19 ans.

Les courbes de l'anomalie AT et de dT (figure 22 ci-dessous) ont également une configuration semblable mais l'anomalie AT précède dT de 16 à 18 ans. Si l'on repousse sur la droite de 18 ans la courbe de l'anomalie AT, l'on obtient une coïncidence presque complète des deux courbes mais, en l'occurrence, le reste de l'anomalie AT se poursuit dans l'avenir, de sorte qu'il est possible de prédire la dynamique de dT pendant au moins les 15 années à venir.

Figure 22 Illustre la série chronologique de données concernant la dynamique de l'anomalie de la température mondiale (dT) et de l'anomalie AT: 1) dT (épurée de la tendance et aplanie par application d'une moyenne sur 13 ans); 2) anomalies AT aplanies par application d'une moyenne sur 21 ans; et 3) courbe des anomalies AT déplacée de 17 ans.

La courbe déplacée des anomalies AT (ligne 3) sur la figure 22 permet de s'attendre que l'augmentation actuelle de la dT mondiale se ralentira ou cessera au cours des deux à trois prochaines années et sera suivie d'une diminution assez régulière (d'environ 0,18 °C par rapport à sa valeur actuelle) à partir de 2015. Il faut également tenir compte du fait que la figure 21 présente pour dT une courbe épurée de la tendance. Si l'actuelle tendance historique de la température (décrite par Sonechkin 1998; Sonechkin, Datsenko et Ivaschenko 1997) se poursuit dans l'avenir, la diminution prévisible de l'anomalie de la température mondiale (dT) d'ici à 2015 sera d'environ 0,12 °C. Il se peut néanmoins que la tendance passée se ralentisse au début du XXIe siècle, auquel cas la diminution prévisible de dT sera d'environ 0,15 °C d'ici à 2015. Il y a lieu de souligner également, à ce stade, que cette prévision ne porte que sur la tendance de dT et ne peut pas prédire avec exactitude la température mondiale moyenne en 2015.

James Goodridge, qui était avant de partir à la retraite chef des services climatologiques de l'Etat de Californie, tient constamment à jour, pour le compte de l'Etat, les données climatiques nouvellement arrivées. En outre, il s'intéresse beaucoup, d'une manière plus générale, au forçage du climat et aux prédictions offertes par Klyashtorin et ses collègues. L'une des premières analyses que Goodridge a faites après avoir appris les corrélations avec la -DDJ a porté sur certains des processus locaux et sur des différences enregistrées sur l'ensemble du bassin du Pacifique. Les figures 23 et 24 illustrent plus en détail les corrélations entre les remontées locales d'eau froide et la pression au niveau de la mer sur l'ensemble du bassin et la valeur de la -DDJ.

Figure 23 Est un graphique de l'indice de la durée du jour et des remontées d'eau froide au large de San Francisco, en Californie. Ces deux indices ont été créés au moyen de moyennes mobiles sur neuf ans, extrapolées pour correspondre à la période couverte. Cette figure et le graphique de la figure 24 nous montrent qu'il existe un forçage direct, alimenté par le vent, en synchronie avec la DDJ conformément aux indices du climat atmosphérique à l'ouest et à l'est (ICA/E-O) établis par Klyashtorin.

Figure 24 Illustre la corrélation intéressante qui a existé au cours des 125 dernières années entre la durée du jour et la pression au niveau de la mer à Tokyo. Il y a lieu de noter que dans ce cas également, ce phénomène est en synchronie avec l'alternance réchauffement/refroidissement des températures à la surface de la mer qui affecte la faune marine du nord de l'océan Pacifique.

Le dénominateur commun est que l'anchois et les autres espèces assimilées qui vivent dans le courant limitrophe d'est se multiplient pendant les périodes de remontées d'eau froide. La sardine et les espèces voisines vivant dans les régions plus chaudes semblent «faire face» à ces périodes de fortes remontées d'eau froide en subsistant en petites colonies, habituellement vers l'Equateur et au large, juste au-delà de l'influence directe des baisses de température dues aux remontées d'eau froide. Elles attendent la possibilité de recoloniser leur habitat littoral et de se multiplier pendant les périodes de remontées relativement moindres d'eau froide qui coïncident avec l'affaiblissement des vents le long de la côte et l'arrivée, à terre, de conditions océaniques légèrement plus chaudes.

Les cycles biologiques plus longs de la sardine et du hareng et leurs propensions à migrer avantagent également leur répartition et leur permettent de profiter rapidement de tout relâchement de la situation le long des zones des grandes remontées d'eau froide. De même, les harengs de la mer du Nord et de la Baltique ou de Terre-Neuve viennent du large pour rechercher le long des habitats côtiers (Iles et Sinclair 1982; Alheit et Hagen 1997) les localités qui répondent à leurs besoins et qu'ils peuvent recoloniser. D'un autre côté, l'anchois et les espèces associées n'ont que des options à court terme et doivent trouver un habitat local qui leur offre des possibilités de frai et des remontées d'eau froide de l'intensité qu'ils semblent trouver le long des côtes partout où des promontoires créent des turbulences. Il s'agit souvent de petites caractéristiques permanentes comme des baies bien lessivées par les marées et où la circulation des eaux de remous est raisonnablement stable, ce qui réduit au minimum l'anoxie. Toutes les dynamiques océaniques connexes sont mues par les effets éloignés de la dynamique océan-atmosphère imputables au climat.

Il y a aussi d'innombrables espèces démersales qui, de même, sont «réglées» sur ces divers «régimes». Les cycles de répartition et d'abondance de la plupart des prédateurs migratoires reflètent aussi les mêmes schémas que leurs proies préférées. Il n'en demeure pas moins que les changements les plus dramatiques de la production concernent les massives pêcheries pélagiques des systèmes du courant limitrophe, bien qu'il existe de fortes variations dans presque toutes les gammes de température jusqu'aux systèmes de pêcheries polaires (voir Parrish et MacCall 1978; Iles et Sinclair 1982; Sharp et Csirke 1983; Leggett, Frank et Carscadden 1984; Moser, Smith et Eber 1987; Wyatt et Larrañeta 1988; Baumgartner, Soutar et Ferreira-Bartrina 1992; Hollowed et Wooster 1992; Hollowed, Bailey et Wooster 1995; Beamish et Boulton 1993; Francis et Hare 1994; Hare et Francis 1995; Polovina, Mitchum et Evans 1995; Mantua et al. 1997). L'exposé très convaincant et l'étude ultérieure de suivi de Kawasaki (1983) et de Kawasaki et al. (1991) concernant la sardine japonaise et la synchronie apparente des cycles de population de sardines dans le Pacifique de l'hémisphère nord et ceux du courant de Humboldt ont stimulé les recherches actuelles sur le climat et les pêcheries.


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