Page précédente Table des matières Page suivante


Chapitre 5. Facteurs affectant l'efficacité agronomique des phosphates naturels - analyse d'études de cas


Le chapitre 4 a passé en revue plusieurs approches et méthodes pour l'évaluation des phosphates naturels (PN) pour l'application directe. Il a été montré que l'étape finale d'une telle évaluation est la détermination de leur efficacité agronomique au champ en raison de la nécessité d'intégrer une gamme de facteurs et d'interactions en conditions pratiques de culture. L'information obtenue du programme d'évaluation au champ devrait être interprétée afin de fournir des recommandations pour les agriculteurs concernant l'application directe des PN. Ceci nécessite une compréhension correcte de l'influence des divers facteurs qui affectent la dissolution et l'efficacité agronomique des PN. Les principaux facteurs sont: la réactivité des PN, les propriétés des sols, les conditions climatiques (particulièrement les précipitations), et les types de cultures effectuées.

Ce chapitre examine l'influence de ces facteurs sur l'efficacité agronomique des PN. En outre, il présente des études de cas sur l'utilisation des PN dans des pays sélectionnés représentant différentes régions géographiques afin d'illustrer comment ces facteurs et leurs interactions influencent les performances agronomiques des PN. Ces pays comprennent le Mali et Madagascar (Afrique), l'Inde (Asie du Sud), l'Indonésie (Asie du Sud-Est), la Nouvelle-Zélande (Océanie), le Venezuela et le Brésil (Amérique latine). Bien qu'il y ait une variation considérable des types de sol, des conditions agroclimatiques et des cultures effectuées dans les régions et les pays, les facteurs fondamentaux affectant l'efficacité agronomique des PN restent les mêmes. Comme plusieurs revues exhaustives sur l'utilisation des PN ont été déjà publiées (Khasawneh et Doll, 1978, Hammond et al., 1986b, Bolan et al., 1990, Sale et Mokwunye, 1993, Rajan et al., 1996, Chien, 2003a), ce chapitre se concentre sur l'analyse de l'importance des principaux facteurs mentionnés ci-dessus.

FACTEURS AFFECTANT L'EFFICACITÉ AGRONOMIQUE DES PHOSPHATES NATURELS

Réactivité des PN

La réactivité des PN est une mesure du taux de dissolution des PN dans des conditions standard de laboratoire ou dans un sol donné et dans des conditions données de champ (Rajan et al., 1996). Cela exclut les variations du taux de dissolution provoquées par le changement des propriétés des sols et par l'influence des plantes. La composition chimique et la dimension des particules déterminent la réactivité des PN. Les PN d'origine sédimentaire sont généralement les plus réactifs et, en conséquence, adaptés à l'application directe.

Les propriétés chimiques qui influencent la réactivité des PN sont la structure cristalline du phosphate (apatite) et la présence des matériaux accessoires, particulièrement le carbonate de calcium (chapitres 3 et 8). L'augmentation de la substitution du carbonate par rapport au phosphate dans la structure cristalline améliore généralement la réactivité des PN. Cette substitution a comme conséquence une diminution du paramètre cristallographique a et également un affaiblissement de la structure du cristal d'apatite (Lehr et McClellan, 1972, Chien 1977b). Les PN les plus réactifs sont ceux ayant un rapport molaire PO4/CO3 de 3,5 à 5.

Le carbonate de calcium est le minéral accessoire le plus abondant dans les PN. Comme le carbonate de calcium est plus soluble que les minéraux phosphatés les plus réactifs chimiquement (Silverman et al., 1952), sa dissolution augmente la concentration en calcium (Ca) et le pH à la surface du phosphate. Ainsi, il n'est pas surprenant que le carbonate de calcium accessoire puisse réduire le taux de dissolution des PN dans certains sols (Anderson et al., 1985, Robinson et al., 1992). Cependant, en conditions de champ, la lixiviation et l'absorption par la plante peuvent enlever des ions calcium. L'importance de l'enlèvement par la lixiviation peut varier selon le sol, les conditions climatiques et le mode d'application du PN. Pour un engrais appliqué en surface, l'effet du carbonate de calcium peut être minimal même si sa teneur est élevée, comme il a été démontré avec le PN de Chatham Rise (Nouvelle-Zélande), qui contenait 27 pour cent de carbonate de calcium libre (Rajan, 1987). D'autre part, avec un PN incorporé, plus de 15 pour cent de carbonate de calcium libre peuvent diminuer l'efficacité du PN dans un sol alcalin chaulé (Habib et al., 1999).

Comme les PN sont des matériaux relativement insolubles, la dimension de leurs particules a une importance considérable sur leur taux de solubilisation dans le sol. Plus la dimension des particules est petite, plus grand est le degré de contact entre le PN et le sol et, en conséquence, plus fort est le taux de dissolution du PN. Par ailleurs, l'augmentation du nombre de particules de PN par unité de poids de PN appliqué améliore les chances pour les poils absorbants de rencontrer des particules de PN. Ainsi, l'application de PN finement broyés (habituellement moins de 0,15 millimètre) augmente le taux de dissolution des PN et l'absorption du phosphore des PN dans un sol donné. Du côté négatif, en raison de leur nature pulvérulente, l'application de matériaux finement broyés est source de difficultés pratiques.

Parmi les diverses méthodes pour mesurer la réactivité des PN (chapitres 3 et 4), un test rapide pour déterminer la réactivité des PN est l'extraction des PN avec des solutions chimiques diluées, par exemple de l'acide citrique à 2 pour cent (AC), de l'acide formique à 2 pour cent (AF) ou du citrate d'ammonium neutre (CAN). Le phosphore (P) extrait est habituellement exprimé en pourcentage du phosphore total. En général, plus l'extractibilité chimique des PN dans ces solutions est grande, plus forte est leur réactivité et, en conséquence, leur efficacité agronomique (chapitre 4). Le niveau de l'extractibilité chimique requis pour que les PN soient agronomiquement efficaces varie avec le sol et les conditions climatiques, particulièrement les précipitations. En Nouvelle-Zélande et en Australie, le niveau recommandé d'extractibilité pour les pâturages permanents est de 30 pour cent du phosphore total soluble dans l'acide citrique à 2 pour cent, alors que pour les cultures dans la Communauté européenne, la solubilité recommandée est de 55 pour cent dans l'acide formique à 2 pour cent. Les valeurs de phosphore extractible devraient toujours être considérées en même temps que le phosphore total des PN.

Alors que le phosphore chimiquement extractible est un bon indicateur de la réactivité des PN, certains PN peuvent avoir de faibles indices d'extractibilité mais sont quand même efficaces agronomiquement. Par exemple, bien que le PN de Mussoorie (Inde) ait un taux de phosphore soluble dans l'acide citrique de 8 pour cent du phosphore total, il est considéré comme aussi efficace agronomiquement que le superphosphate dans certains sols. L'augmentation de l'efficacité agronomique est attribuée à l'oxydation du sulfure de fer en acide sulfurique et à l'acidulation localisée du PN. Le sulfure de fer est présent en association intime avec les cristaux d'apatite. En outre, le PN contient du carbone organique (1,14 pour cent) dans sa composition minéralogique, ce qui est susceptible d'améliorer sa porosité interne et, en conséquence, la dissolution du phosphore (PPCL, 1982).

Propriétés du sol

Pour qu'un PN donné soit agronomiquement efficace, il doit non seulement se dissoudre, mais le PN dissous doit également être disponible pour les plantes. Les propriétés du sol qui favorisent la dissolution du PN sont un pH bas (moins de 5,5), une faible concentration d'ions calcium en solution, un niveau de fertilité phosphatée bas et une teneur en matière organique élevée.

Acidité du sol

La dissolution du PN peut être exprimée par l'équation:

Ca10(PO4)6F2 + 12 H2O ‡ 10Ca2+ + 6H2PO-+ 2F -+12 OH -
(Phosphate naturel) (eau) (produits de dissociation)

Bien que la réaction ci-dessus soit pour un PN de type fluoroapatite, elle s'applique à d'autres minéraux du groupe des apatites comprenant des PN réactifs (PNR). Comme indiqué dans l'équation ci-dessus, la dissolution du PN a comme conséquence la libération d'ions hydroxyle dans la solution. La neutralisation, par l'acidité du sol, des ions hydroxyle libérés permet au processus de dissolution des PN de continuer. Dans le cas des PN où le phosphate a été substitué par des ions carbonate, les ions hydrogène peuvent également être nécessaires pour neutraliser des ions hydroxyle formés par la libération des ions carbonate dans la solution (Chien, 1977b). Chaque ion carbonate (CO32- se lie à deux ions hydrogène et forme une molécule d'eau et de l'anhydride carbonique. Ainsi, un approvisionnement adéquat en ions hydrogène est d'importance primordiale pour une solubilisation continue des PN (chapitre 4).

Les indicateurs de la fourniture d'ion hydrogène sont le pH du sol et l'acidité potentielle (mesurée par titration après un déplacement par une base forte). Le pH du sol indique l'importance de l'offre en ions hydrogène à un moment donné, tandis que l'acidité titrable renseigne sur l'approvisionnement en ions hydrogène à plus long terme. Une relation positive linéaire a été rapportée entre le pH initial et l'acidité potentielle dans les sols australiens (Kanabo et Gilkes, 1987). A titre indicatif, l'utilisation des PN, selon leur réactivité, est généralement recommandée dans les sols avec un pH égal ou inférieur à 5,5. La dissolution du PN diminue avec l'augmentation du pH jusqu'à 5,5 mais le déclin est plus rapide au-dessus de ce niveau de pH (Bolan et Hedley, 1990 et chapitre 4). Quand on prend en compte un grand nombre de sols, l'acidité potentielle peut être un meilleur indicateur de la dissolution des PN (Babare et al., 1997).

Capacité d'échange cationique, calcium et magnésium échangeables

Pour une dissolution continue du PN, il est important que l'autre produit principal de la réaction, l'ion calcium, soit enlevé ou que sa concentration dans la solution du sol soit maintenue à un niveau plus bas que dans le film entourant la particule de PN en cours de solubilisation. Il est possible de réaliser ces conditions s'il y a des sites adéquats d'échange cationique disponibles sur le sol pour adsorber les ions calcium libérés par le PN, ou si le calcium est entraîné en dehors de la zone de dissolution du PN. Ces emplacements d'échange cationique disponibles pour l'adsorption du calcium sont donnés par la différence entre la capacité d'échange cationique du sol et le calcium échangeable (Bolan et al., 1990, Robinson et Syers, 1991).

Des études récentes suggèrent qu'un fort niveau de magnésium échangeable (Mg) dans les sols peut augmenter la dissolution des PN (Perrott, 2003). Cette théorie suggérerait que, comme le magnésium est retenu par les sols plus fortement que le calcium, la présence du magnésium sur les emplacements d'échange du sol peut bloquer l'adsorption du calcium libéré par la dissolution du PN et faciliter de ce fait son évacuation du système sol-engrais. Ceci aurait pour effet d'augmenter la dissolution du PN. Dans les sols avec un pH bas (moins de 5,5), le calcium et le magnésium échangeables seront invariablement bas (faible saturation en bases) et, en conséquence, il y aura de faibles concentrations de ces ions en solution.

La capacité d'échange cationique des sols est également étroitement liée à la texture des sols. Les sols sableux ont habituellement une faible capacité d'échange cationique et, par conséquent, ne permettent pas un stockage adéquat pour le calcium libéré par le PN. Ceci entraîne une réduction de la solubilisation et de l'efficacité agronomique des PN. Les deux autres scénarios se produisent dans des zones ayant des précipitations suffisantes. Le premier se passe quand le calcium libéré peut être enlevé de la proximité des particules de PN, avec un effet positif sur la dissolution de PN et sur leur efficacité agronomique. Le second se rencontre dans le cas où des précipitations excessives peuvent entraîner la lixiviation du phosphore en dessous de la zone d'enracinement des cultures et réduire l'efficacité agronomique des PN. Cependant, en raison de leur libération lente, les PN sont susceptibles d'être plus avantageux que les engrais hydrosolubles dans certaines circonstances (Bolland et al., 1995).

Concentration en phosphore de la solution du sol et capacité de rétention du phosphore

Comme la concentration en phosphore dans les solutions de sol est habituellement très faible (0,05 à 0,5 mg/litre), elle influence peu la dissolution du PN. Néanmoins, certains rapports indiquent que plus la capacité d'adsorption du phosphore des sols est grande, ce qui a comme conséquence l'épuisement du phosphore dans la solution du sol, plus la dissolution du PN est importante (Chien et al., 1980a). Ce n'est pas la capacité d'adsorption de phosphore en soi qui affecte la dissolution des PN mais le nombre d'emplacements disponibles pour adsorber le phosphore libéré du PN et, en conséquence, pour maintenir une faible concentration de phosphore en solution à proximité des particules de PN.

Quand on considère un grand nombre de sols, la variation du taux de solubilisation des PN dans le sol peut être mieux expliquée en tenant compte de la capacité d'adsorption de phosphore du sol en plus de l'acidité potentielle (Babare et al., 1997). Bien qu'une capacité accrue d'adsorption de phosphore puisse favoriser la dissolution des PN, sa disponibilité dépendra du statut phosphaté du sol et de la quantité de PN supplémentaire.

FIGURE 12
Représentation schématique de la courbe de réponse d'une culture à l'apport de PN sur un sol sévèrement déficient en P

Quand de faibles quantités de PN sont apportées à des sols sévèrement déficients en P, les sols adsorbent fortement presque tout le phosphore dissous avec une augmentation très faible du phosphore dans la solution du sol. Ceci résulte en une augmentation très faible de la production des cultures (zone A dans la figure 12). A des niveaux plus élevés d'application de P, comme le phosphore en solution augmente et passe au-dessus de la concentration seuil pour l'absorption nette de phosphore par la plante, le rendement de la culture augmente rapidement (zone B de la figure 12) (Rajan, 1973, Fox et al., 1986). Les sols avec un statut phosphaté moyen sont susceptibles d'être dans la région correspondant au début de la zone B. Dans ce cas, le PN dissous est susceptible d'influencer le rendement des cultures. Ainsi, les sols devraient de préférence avoir un niveau de fertilité phosphatée «moyen ou supérieur» pour tirer un bénéfice immédiat de l'application du PN à la dose d'entretien. La dose d'entretien est équivalente à la quantité de phosphore enlevée par la culture. Dans de tels sols, le phosphore disponible pour la plante peut servir de phosphore starter pour l'établissement de la culture et le début de la croissance, ce qui, ensuite, aide les racines à utiliser plus efficacement le PN. C'est un effet semblable à celui du phosphore hydrosoluble sur l'efficacité des PN (chapitre 9). La zone C de la figure 12 représente le plateau de rendement atteint aux niveaux élevés de PN appliqués.

Matière organique du sol

Une autre propriété des sols qui augmente la dissolution des PN et leur disponibilité pour les plantes est la teneur en matière organique du sol (Johnston, 1954b, Chien et al., 1990b). Ceci semble provenir de: (i) la capacité élevée d'échange cationique de la matière organique, (ii) la formation de complexes calcium-matière organique et (iii) la présence d'acides organiques solubilisant le PN et bloquant des emplacements d'adsorption du phosphore sur le sol.

La capacité d'échange cationique de la matière organique est plus grande que celle des minéraux argileux. Selon leur teneur en argile, la capacité d'échange cationique des sols minéraux peut s'étendre de presque rien à 60 cmol/kg, tandis que celle de la matière organique peut excéder 200 cmol/kg (Helling et al., 1964). La capacité élevée d'échange cationique de la matière organique implique une plus grande capacité de rétention des sols pour le calcium, ce qui entraîne une dissolution supérieure du PN. Les fractions humiques et fulviques de la matière organique forment des complexes avec le calcium (Schnitzer et Skinner, 1969), qui peuvent également réduire la concentration de calcium en solution, entraînant ainsi une solubilisation accrue des PN. La teneur en matière organique des sols tropicaux est généralement inférieure à 2 pour cent.

Quand des cultures annuelles sont récoltées, une grande proportion des résidus des systèmes racinaires et, dans certains cas, une fraction des parties aériennes sont laissées au sol. La décomposition des résidus de récolte dans le sol a comme conséquence la production de nombreux acides organiques, tels que les acides oxalique, citrique et tartrique (chapitre 9). Ces acides pourraient dissoudre le PN en fournissant des ions hydrogène nécessaires pour neutraliser les ions hydroxyle produits quand le PN se dissout et en formant des complexes avec des cations, particulièrement le calcium des PN. Les ions organiques et l'humus peuvent également réduire la capacité de rétention de phosphore dans les sols en bloquant des emplacements d'adsorption du phosphore et en formant des complexes avec des hydroxydes de fer et d'aluminium, entraînant une augmentation de la concentration du phosphore en solution (Manickam, 1993).

La logique voudrait que l'incorporation de PN au cours d'un travail entre deux cultures soit le plus bénéfique pour les agriculteurs. Une telle pratique permettrait aux résidus de la culture en décomposition, et à toute litière animale qui pourrait avoir été appliquée, d'augmenter la libération du phosphore du PN. L'application précoce de PN donnerait également du temps pour la réaction du PN avec le sol et la libération d'une certaine quantité de phosphore avant que la prochaine culture ne soit établie.

Les conditions climatiques

Les précipitations sont le facteur climatique le plus important influençant la dissolution des PN et leur efficacité agronomique. L'augmentation de la teneur en eau du sol provoquée par les précipitations ou l'irrigation accroît la dissolution des PN (Weil et al., 1994). Le processus est affecté par la rapide neutralisation des ions hydroxyle libérés et le déplacement du calcium et des autres produits de réaction en dehors de la zone voisine des particules de PN. Un approvisionnement en eau adéquat encourage la croissance de la plante et l'absorption du phosphore par les racines, entraînant ainsi une plus grande efficacité agronomique des PN. Pour les PN appliqués en surface, des expérimentations en Australie et en Nouvelle-Zélande indiquent une nécessité d'avoir des précipitations annuelles d'au moins 850 millimètres pour que les PN soient agronomiquement semblables aux engrais hydrosolubles (Hedley et Bolan, 1997, Sale et al., 1997b). Cependant, les besoins en précipitations dépendent des conditions de sol.

Chien et al. (1980b) ont rapporté que la température n'a que peu ou pas d'influence sur la solubilité des PN et, en conséquence, sur leur efficacité agronomique, pour des températures comprises entre 5 et 35°C.

Espèce cultivée

Les espèces végétales diffèrent dans leur demande et modèle d'absorption de phosphore aussi bien que dans leur capacité d'absorber le phosphore dans la solution du sol (Helyar, 1998, Baligar, 2001). En outre, les espèces végétales présentent des différences dans leur capacité d'accéder aux formes difficilement accessibles de phosphore qui sont indisponibles à d'autres plantes (Hocking et al., 1997, Hinsinger, 1998, Hocking, 2001). Parmi celles-ci, quelques plantes peuvent dissoudre et absorber les produits de la dissolution de PN (Hinsinger et Gilkes, 1997). Par exemple, les pâturages permanents, les cultures arborées et les cultures pérennes exigent un approvisionnement régulier en phosphore sur une longue période. Puisque les PN se dissolvent graduellement dans le sol et fournissent du phosphore à dose régulière, des quantités croissantes de PN sont appliquées comme engrais phosphatés pour les cultures mentionnées ci-dessus (Ling et al., 1990, Pushparajah et al., 1990, Chew, 1992). L'efficacité agronomique élevée des PN atteinte avec ces cultures reflète en partie la nature acide des sols et la densité élevée du système racinaire. La densité élevée de racines facilite l'exploration intensive d'un grand volume de sol pour le phosphore en raison de la présence d'un grand nombre de racines fines par volume de sol.

Les légumineuses sont particulièrement adaptées à l'utilisation des PN. Elles sont efficaces pour la solubilisation des PN et en absorbant les produits de dissolution en raison de leurs besoins en calcium et de l'acidification due à la fixation de l'azote (N) dans le sol à proximité du système racinaire (rhizosphère) (Ankomah et al., 1995, Kamh et al., 1999). Cet effet peut être utilisé pour améliorer la nutrition phosphatée d'une culture intercalaire ou de celle de la culture suivante dans une rotation (Horst et Waschkies, 1987, Vanlauwe et al., 2000).

Quelques espèces végétales (par exemple colza, lupins et pois d'Angole) ont été étudiées en raison de leur capacité à sécréter des acides organiques qui entraînent une augmentation de la solubilisation des PN (Jones, 1998, Hoffland, 1992, Adams et Pate, 1992, Ae et al., 1990, Montenegro et Zapata, 2002). Des études récentes (Chien, 2003) indiquent que les PN réactifs peuvent avoir des applications potentielles même dans des sols alcalins avec des cultures sécrétant des acides organiques telles que le colza (canola) (chapitre 9).

Les cultures qui possèdent une capacité élevée d'absorption de calcium sont plus adaptées pour l'utilisation de PN. A cet égard, l'éleusine est la plus appropriée pour l'usage des PN, suivie du mil et du maïs (Flach et al., 1987).

Les procédures de gestion

Les quatre procédures importantes de gestion qui peuvent influencer l'efficacité agronomique des PN sont: le placement du PN par rapport aux plantes, la dose d'application, la période d'application et l'apport de chaux.

Placement du PN

Afin de réaliser une efficacité agronomique maximum des PN, le produit devrait de préférence être répandu uniformément et incorporé au sol de la surface jusqu'à la profondeur nécessaire. La profondeur de l'incorporation pour les cultures annuelles peut être de l'ordre de 100 à 150 millimètres. L'incorporation facilite une plus grande solubilisation des PN en augmentant le contact entre le sol et les particules de PN. Elle augmente également l'absorption du phosphore par la plante en fournissant un plus grand volume de sol enrichi en phosphore. En outre, il y a une plus grande probabilité qu'une racine rencontre une particule de PN en cours de solubilisation.

Dose d'application du PN

La décision sur la dose d'application de PN doit être basée sur le statut phosphaté du sol indiqué par les analyses de sol (chapitre 6, Perrott et al., 1993, Perrott et Wise, 2000), sur le taux prévu de dissolution du PN et sa disponibilité pour les plantes (chapitre 9, Perrott et al., 1996, Rajan et al., 1996). La méthode d'analyse de sol à employer dépend de l'engrais phosphaté appliqué précédemment (forme hydrosoluble ou PN). Suivent quelques directives générales:

Période d'application du PN

Dans les sols très acides (pH inférieur à 5,5) avec une capacité élevée de rétention de P, l'incorporation du PN juste avant le semis est recommandée afin de réduire au minimum la transformation de phosphore dissous en formes indisponibles pour les plantes (Chien et al., 1990b). Cependant, dans les sols moins acides (pH aux environs de 5,5-6) avec une faible capacité de rétention du P, l'incorporation du PN 4 à 8 semaines avant le semis est préférable. Ceci laisse le temps pour une solubilisation du PN et sa mise à la disposition des plantes. Les expérimentations de laboratoire ont prouvé que cela peut prendre 4 à 8 semaines pour que les PN atteignent leur solubilité maximum (Barnes et Kamprath, 1975).

L'utilisation du PN pour le riz irrigué exige une attention particulière parce que le pH du sol augmente généralement lors de l'inondation. Pour cette raison, il est recommandé d'appliquer le PN au sol environ deux semaines avant la mise en eau (Hellums, 1991).

Application de chaux

L'incorporation de chaux a un effet néfaste sur la dissolution des PN dans le sol parce que cela augmente la concentration du calcium en solution et réduit l'acidité du sol. Cependant, le chaulage peut augmenter la disponibilité du phosphore dissous pour les cultures en augmentant le pH du sol et en réduisant la toxicité aluminique. En raison des effets ci-dessus, quand le chaulage doit être fait pour relever le pH du sol jusqu'à 5,5, la chaux peut être appliquée en même temps que le PN, mais de préférence pas en mélange avec le PN. Ceci peut éliminer la toxicité aluminique tout en encourageant encore la dissolution du PN. Quand le pH du sol doit être augmenté au-dessus de 5,5, le chaulage devrait de préférence être fait environ six mois après l'incorporation du PN de sorte que la dissolution du PN ne soit pas radicalement réduite.

ÉTUDES DE CAS

Mali

Le secteur agricole du Mali concerne 80 pour cent de la population. Cependant, moins de 10 pour cent des 2,7 millions d'hectares de terre cultivée reçoivent des engrais. Le pays importe 70 000 tonnes d'engrais par an. Cet engrais est appliqué principalement sur des cultures de rente telles que le coton, le riz et l'arachide. Cette quantité représente moins de 15 pour cent des éléments nutritifs exportés par les cultures. Les autorités ont longtemps essayé d'améliorer la situation, en particulier en utilisant le PN local.

Production de PN de Tilemsi

Le Mali a un gisement relativement important de phosphate naturel d'origine sédimentaire, situé dans la vallée de Tilemsi à environ 120 kilomètres au nord de Bourem. Klockner Industrie Anlagen GMBH (1968) a entrepris une étude détaillée pour son exploitation. Les réserves ont été estimées à 20 millions de tonnes avec une teneur moyenne en P2O5 de 27 à 28 pour cent. Le PN est facile à extraire avec des couches de recouvrement minces. L'exploitation a commencé en 1976, faisant partie d'un projet de coopération technique Mali-Allemagne. Ceci a comporté l'installation à Bourem de (i) une unité de production d'électricité, (ii) un broyeur, (iii) des machines de criblage/cyclonage et d'ensachage et (iv) des équipements de stockage. La capacité de production était de 36 000 tonnes par an. La production réelle a été d'environ 1 000 tonnes par an dans les années 70, 3 000 tonnes par an dans les années 80 et 10 000 tonnes par an dans les années 90 avec une pointe à 18 560 tonnes de PN en 1991. Depuis lors, la production est devenue aléatoire en raison de l'instabilité politique dans la région de la mine.

Avec une production de 10 000 tonnes par an, le coût de production estimé était de 20,6 dollars EU par tonne de matière première arrivant à Bourem. Ce prix grimpait à 78,5 dollars EU par tonne pour le produit broyé et ensaché départ usine, et jusqu'à 157 dollars EU par tonne livrée à Sikasso, dans la principale zone d'utilisation, à 1300 kilomètres au sud. Le prix estimé du superphosphate triple (TSP) arrivé à Sikasso était de 273 dollars EU par tonne, ce qui représente 0,60 dollars EU par kg de P2O5 par rapport à 0,54 dollars EU par kg de P2O5 pour le PN de Tilemsi. Cette différence n'est pas importante (Truong et Fayard, 1993).

Une analyse du coût montre que le coût de broyage et de mise en sac (57,9 dollars EU par tonne) à Bourem est trop élevé. Bourem étant située dans le désert, tous les composants pour la production y compris fioul, sacs, pièces de rechange, entretien, ainsi que la main d'œuvre, sont très chers. Le transfert de l'usine à Ségou ou à Koulikoro, 1 100 kilomètres au sud pourrait induire d'importantes économies. Le raccordement au réseau national hydroélectrique serait possible, et beaucoup d'équipements d'une grande ville sont disponibles, notamment la sécurité requise pour assurer une production régulière. Le coût de transport est également très élevé (78,5 dollars EU par tonne). Les bateaux traditionnels (capacité 10-20 tonnes) peuvent naviguer toute l'année sur le fleuve Niger. Presque 95 pour cent des marchandises transportées vont du sud au nord, et seulement 5 pour cent dans le sens opposé. Ainsi, il serait possible de tirer profit de cette disponibilité de retour de fret pour transporter le PN de Tilemsi à moindre coût.

Évaluation et utilisation du PN de Tilemsi

Le PN de Tilemsi est une roche moyennement réactive, avec un P2O5 total de 29 pour cent, dont 61 pour cent solubles dans l'acide formique. Par conséquent, il convient pour une application directe. Depuis 1977, beaucoup d'études ont été entreprises en conditions contrôlées et naturelles couvrant les principales zones pédoclimatiques et systèmes de culture dans le pays. Les résultats ont montré que l'efficacité du PN de Tilemsi dépend largement de la répartition des précipitations. Son efficacité agronomique relative (EAR) est en moyenne d'environ 80 pour cent par rapport au TSP.

TABLEAU 20
Rendement de mil, d'arachide, de sorgho, de coton et de maïs avec PN de Tilemsi et TSP, Mali, 1982-87

Engrais

Rendement de grain Kg/ha/an

Productivité Kg/unité de P2O5/an

Témoin avec N et K

676


Application de base de PN de Tilemsi 120 kg P2O5/ha

1 110

3,6

Application annuelle de TSP 30 kg P2O5/ha

1 302

3,4

Les institutions de recherche recommandent une application annuelle de PN de Tilemsi de 100 à 200 kg/ha, ou 300 à 400 kg/ha pour une rotation. Le PN devrait être appliqué sur la jachère et être incorporé en labourant tardivement à la fin de la saison des pluies. Le gouvernement du Mali a essayé de favoriser l'utilisation du PN de Tilemsi par l'intermédiaire des services nationaux et provinciaux de vulgarisation, et des compagnies de développement pour les cultures de coton, d'arachide, de riz et de canne à sucre. La seule compagnie vendant des quantités significatives (environ 5 000 à 10 000 tonnes par an) de PN de Tilemsi aux agriculteurs a été la Compagnie Malienne pour le Développement des Textiles (CMDT). La CMDT joue un rôle technique, social et économique important dans la région.

Dans la période 1982-87, le gouvernement du Mali a conduit un projet engrais par l'intermédiaire de l'Institut d'économie rurale et du centre international de développement des engrais (IFDC) dans les cinq principales régions pédoécologiques, à savoir: Mopti (mil), Kayes (arachide), Ségou (mil), Koulikoro (sorgho) et Sikasso (coton et maïs). Henao et Baanante (1999) ont fait une analyse complète des résultats, y compris une évaluation économique. Le tableau 20 présente un résumé des résultats agronomiques. Dans les expérimentations à moyen et long terme, le PN de Tilemsi est pratiquement équivalent au TSP par unité de P2O5.

Madagascar

La situation des engrais à Madagascar est très préoccupante. La consommation totale est d'environ 15 000 tonnes par an pour 1,7 million d'hectares de terres cultivées. L'exportation des éléments nutritifs par les cultures s'élève à 205 000 tonnes (N + P2O5 + K2O). Ceci signifie que le taux de remplacement couvre moins de 4 pour cent des éléments nutritifs enlevés. Par conséquent, la surexploitation des sols progresse.

A Madagascar, les gisements de PN sont limités, avec des réserves estimées à 600 000 tonnes. Ceux-ci sont sous forme de guanos déposés sur des récifs coralliens, qui sont répartis sur un archipel connu sous le nom des îles Barren (Ratsimbazafy, 1975). Plus de la moitié de ces dépôts (312 000 tonnes) sont situés sur l'île d'Andrano. Puisque ces dépôts sont situés sur des récifs coralliens, l'exploitation exige des efforts spéciaux afin de préserver l'écologie de l'archipel. Ceci limite l'exploitation à 10 000 tonnes par an et exige le remplacement du PN extrait avec la même quantité de terre, qui doit être transportée de l'île principale vers les récifs coralliens.

Les PN des îles Barren sont réactifs. Par exemple, les solubilités dans l'acide formique des PN d'Andrano, d'Androtra et de Morombe excèdent toutes 70 pour cent (en pourcentage du P2O5 total). L'efficacité agronomique de ces PN a été encore confirmée dans une expérimentation en pot où les trois PN ont été appliqués à la dose de 100 mg de phosphore par kilogramme de sol dans 100 g d'un sol acide (Andosol) de Madagascar (pH de 4,3). Trois récoltes mensuelles de la plante test Agrostis ont été réalisées. Les coefficients de disponibilité de ces PN, définis comme: ((absorption de phosphore [PN] - absorption de phosphore [témoin])/(absorption de phosphore [TSP] - absorption de phosphore [témoin])) x 100, étaient tous supérieurs à 100 après une récolte, et pour les trois récoltes. Ces résultats montrent que les PN des îles Barren sont très réactifs, et qu'ils sont équivalents ou supérieurs au TSP en termes d'efficacité agronomique (Truong et al., 1982).

Deux essais au champ à long terme ont été conduits sur les Hauts Plateaux de Madagascar, où le pH du sol est de 4,5 et les précipitations annuelles de 1200 millimètres. Ces essais ont mis en jeu des cultures de maïs et de riz pendant huit et neuf ans respectivement. Le PN a été appliqué à une dose de 400 kilogrammes de P2O5 par hectare pour le maïs et de 300 kilogrammes de P2O5 par hectare pour le riz. Il y a eu des augmentations marquées du rendement par rapport au témoin au cours du temps. Celles-ci se sont élevées à 25 000 kilogrammes de maïs sur huit ans et à 5 020 kilogrammes de riz sur neuf ans (IFDC-CIRAD-ICRAF-NORAGRIC, 1996). Ainsi, la réactivité du PN et des conditions favorables de sol et de climat ont eu comme conséquence une bonne efficacité des PN.

Coût de production

Madagascar n'a aucun équipement pour la production d'engrais, aussi l'investissement en capital et en personnel de gestion pour une petite usine n'est pas profitable. Il vaut mieux louer les services d'une usine exploitant la dolomie à Antsirabe pour broyer et mettre en sac le PN. Par conséquent, le coût de production inclura l'exploitation des PN d'île d'Andrano, le transport par barge de débarquement (bateau atterrissant directement sur la plage) au port de Morondava, le transport de retour du sol à Andrano, le transport par camion de Morondava à Antsirabe, et les broyage et ensachage à l'usine. Le coût estimé départ usine est de 102 dollars EU par tonne (0,51 dollar EU par kg de P2O5) par rapport à 418 dollars EU par tonne (0,92 dollar EU par kg de P2O5) pour le TSP. Ces données mettent en exergue la rentabilité du PN local d'Andrano par rapport à l'engrais phosphaté hydrosoluble importé.

Inde

En 1990/91, l'Inde a importé des matières premières pour les engrais pour un coût de 338 millions de dollars EU et a fabriqué des engrais pour une valeur de 608 millions de dollars EU (Srinivasan, 1994). La majeure partie de l'engrais utilisé dans le pays est sous forme d'azote, et la croissance de la consommation des engrais phosphatés n'a pas suivi celle des engrais azotés. En conséquence, il semble y avoir un déséquilibre dans l'utilisation des éléments nutritifs. On estime que 46 pour cent des sols indiens ont une teneur faible en phosphore disponible, 52 pour cent ont un statut phosphaté moyen et 2 pour cent ont un statut phosphaté élevé (Tandon, 1987). Ainsi, il est nécessaire d'augmenter l'application d'engrais phosphatés afin d'atteindre une productivité plus élevée.

L'Inde importe environ 70 pour cent du PN nécessaire pour la production d'engrais phosphaté et tout le soufre élémentaire (S), principalement pour l'utilisation dans l'industrie des phosphates (Tandon, 1991). Il y a d'importants gisements de PN dans différentes parties du pays: PN de Mussoorie (Uttar Pradesh), PN de Purulia (West Bengal), PN de Jhabua (Madya Pradesh), PN de Singhbhum (Bihar) et PN de Kasipatnam (Andra Pradesh). Bien que les réserves totales estimées soient de 130 millions de tonnes, environ 60 pour cent des gisements sont de qualité inférieure et peu adaptés pour la fabrication de superphosphate simple ou triple (Jaggi, 1986). De tous les PN indiens, le gisement de Mussoorie (réserves estimées à 45 millions de tonnes) et probablement celui de Purulia (10 millions de tonnes) sont considérés comme utilisables en application directe. Un PN magmatique peu réactif de l'état du Rajasthan (PN de Jhamar-kotra) qui n'est probablement pas adapté à l'application directe est cependant commercialisé par Rajasthan State Mines and Minerals Ltd sous le nom de Raji Phos. Les réserves totales de PN estimées sont de 77 millions de tonnes avec une teneur en phosphore allant de 5 à 16 pour cent. En 1998, le PN appliqué directement représentait environ 11 000 tonnes de phosphore, soit 0,6 pour cent de la consommation totale de 1,8 million de tonnes de phosphore.

En Inde, les sols acides occupent environ 49 millions d'hectares de terres agricoles. Le pH du sol est inférieur à 5,5 dans 29 millions d'hectares, avec des valeurs de 5,6 à 6,5 pour le reste (Tandon, 1987). Presque 70 pour cent des terres cultivées d'Inde sont en régime pluvial et peuvent ne pas convenir pour l'application directe du PN. En première approximation, si l'on suppose une demande en phosphore de 30 kg par hectare et par an, alors les besoins de phosphore à partir des PN dans les sols ayant un pH de moins de 5,5 sont de 234 000 tonnes de phosphore par an, soit 2,6 millions de tonnes de PN par an si le phosphore est apporté sous forme du PN local de Mussoorie.

De nombreuses expérimentations au champ ont prouvé que l'efficacité agronomique du PN de Mussoorie pourrait être égale ou semblable à celle des engrais phosphatés solubles dans les sols ayant un pH de moins de 5,5 avec les cultures de plantation, les légumineuses, le riz et le maïs quand la teneur en eau du sol est adéquate (Tandon, 1987, Poojari et al., 1988). Dans les sols ayant des valeurs de pH plus élevées, des PN peuvent devoir être appliqués sous forme de phosphate naturel partiellement acidulé (PNPA) (Basak et al., 1988, Chien et Hammond 1988) (Figure 13) ou en mélange avec des engrais hydrosolubles (Singaram et al., 1995).

Le PN indien le plus largement répandu, le PN de Mussoorie, contient 8 à 9 pour cent de phosphore total, 1,14 pour cent de carbone organique et 4 pour cent de soufre (sulfure). Le phosphore soluble dans l'acide citrique du PN finement broyé (dimension de particule de moins de 0,15 millimètre) représente moins de 10 pour cent, ce qui correspond environ à un tiers de la réactivité du PN de Caroline du Nord non broyé. L'oxydation du soufre des sulfures en acide sulfurique et la réaction de cet acide sur la francolite augmenterait la dissolution du PN de Mussoorie et améliorerait ainsi son efficacité agronomique. Il a été démontré que l'oxydation du S dans des granules composés de PN et de soufre augmente la dissolution du PN (Rajan, 1983). Cependant, le PN contient 15 pour cent de carbonates libres, qui peuvent détourner l'effet de l'oxydation du soufre. En outre, le PN de Mussoorie contient du carbone organique (1,14 pour cent) dans la composition minéralogique, ce qui est susceptible d'améliorer sa porosité interne et, en conséquence, la dissolution du phosphore du PN.

FIGURE 13
Effet de l'acidulation partielle du PN de Mussoorie sur les rendements de riz (pH sol 7,9) et de blé (pH sol 6,0)

Source Source: Chien et Hammond, 1988.

TABLEAU 21
Rendement en riz et en maïs avec le PN de Mussoorie, le SSP et un mélange 1:1 PN de Mussoorie/SSP

Traitements

Rendement en riz (tonnes/ha)

Rendement en maïs (tonnes/ha)

Dose (kilogramme P/ha)


0

17,5

35,0

52,0

0

17,5

35,0

52,0

SSP

2,0

2,2

2,6

2,8

5,2

6,6

9,0

10,9

PN de Mussoorie


2,3

2,5

2,9


6,3

8,2

10,5

PN-SSP de Mussoorie (1:1)






7,1

9w,6

10,7

Évaluation au champ du PN de Mussoorie

Le PN de Mussoorie était agronomiquement aussi efficace que le superphosphate simple (SSP) dans un essai au champ avec du riz sur un sol acide (pH d'environ 5,0) de colline d'Uttar Pradesh (tableau 21) (Mishra, 1975). Dans un autre essai conduit sur une culture de maïs en sol acide avec un pH plus élevé (pH 5,8), le PN de Mussoorie a donné 95 pour cent du rendement du traitement SSP tandis qu'un mélange 1:1 était aussi bon que le SSP (PPCL, 1980). Du fait que le coût de l'unité de phosphore dans le PN de Mussoorie est 54 pour cent moins cher que le phosphore du SSP, une économie de 46 pour cent peut être faite sur le coût de la fertilisation de la culture de riz.

Le PN de Mussoorie s'est également avéré efficace sur des sols ayant un pH élevé pourvu qu'il y ait un approvisionnement adéquat en eau d'irrigation (Singaram et al, 1995). Cette conclusion est basée sur une expérimentation entreprise pendant plus de trois saisons pour étudier la réponse des cultures à l'application directe aussi bien que l'effet résiduel des engrais phosphatés. Le sol de l'expérimentation était une terre calcaire, brun-rougeâtre, argilo limoneuse (Ustropept typique) contenant des argiles kaolinite et montmorillonite. Le sol avait un pH eau de 8,02, et contenait moins de 1 pour cent de matière organique. Les traitements incluaient SSP, PN de Mussoorie et un mélange de SSP et de PN de Mussoorie à trois doses d'application, et un témoin sans phosphore. Trois cultures ont été semées successivement: éleusine, maïs et Vigna mungo. Des engrais ont été appliqués sur l'éleusine et le maïs mais pas pour le Vigna mungo. Toutes les cultures ont reçu l'irrigation nécessaire.

A partir des courbes de réponse de rendement, les valeurs de substitution (VS) des engrais testés ont été calculées comme la quantité de phosphore total appliquée sous forme de SSP qui est nécessaire pour produire 90 pour cent du rendement maximum, divisée par le phosphore total de l'engrais testé qui est nécessaire pour produire le même rendement. Ainsi, un rapport inférieur à 1 indique que l'engrais testé est moins efficace que le SSP. Les valeurs de substitution d'engrais pour l'éleusine étaient de 0,42 pour le PN de Mussoorie et de 0,68 pour le mélange SSP/PN de Mussoorie. Ainsi, la valeur de fourniture de phosphore par le PN de Mussoorie était égale à 42 pour cent de celle du SSP. Cependant, concernant l'application des engrais sur le maïs, les valeurs respectives étaient 1,25 et 1,39. L'effet résiduel du PN non solubilisé depuis l'application précédente a pu contribuer aux valeurs de substitution excédant 1. Les rendements de Vigna mungo pour la dose de phosphore qui donne 90 pour cent du rendement maximum avec une application directe de SSP étaient de 0,74 tonne pour l'application de SSP, de 0,74 tonne pour le mélange SSP/PN de Mussoorie et de 0,82 tonne pour le PN de Mussoorie.

L'analyse économique (tableau 22) montre que les retours nets pour l'application du PN de Mussoorie et du mélange SSP/PN de Mussoorie étaient marginalement meilleurs que pour le SSP (Singaram et al., 1995).

Les calculs ci-dessus ne tiennent pas compte de la valeur nutritive de la composante soufre du SSP. La valeur attribuée au soufre dépendra du statut du soufre dans les sols. Tous les sols n'ont pas besoin d'une application de soufre. Une première application de PN peut avoir comme conséquence une réduction de rendement pour la première culture. Ensuite, avec des applications sur les cultures suivantes, il peut y avoir de plus grands gains. Cependant, les bénéfices financiers ne sont pas particulièrement importants pour les agriculteurs. Néanmoins, l'utilisation des PN locaux peut avoir comme conséquence un avantage financier substantiel pour le pays en tant que tel. Ceci résulte de l'économie de devises étrangères quand les PN locaux remplacent les importations. Par conséquent, une subvention peut être nécessaire pour encourager les agriculteurs à utiliser des PN.

Tableau 22
Retours nets pour les engrais phosphatés apportés sur l'éleusine, le maïs, et Vigna mungo cultivés avec l'effet résiduel

Engrais

Eleusine

Maïs

Vigna mungo

Total

Retour net ($EU/ha)

SSP

438

487

315

1 240

PN de Mussoorie + SSP

438

495

316

1 249

PN de Mussoorie

435

496

346

1 277

Indonésie

L'Indonésie a longtemps appliqué des PN sur les cultures pérennes telles que l'hévéa, le palmier à huile, le cocotier, le caféier, le cacaoyer et le théier. La demande estimée est de 500 000 tonnes par an mais la consommation est d'environ 50 000 à 100 000 tonnes par an, avec la majeure partie des PN venant de Jordanie, de Tunisie, d'Algérie, du Maroc et de Christmas Island.

Les ressources locales de PN se composent de nombreux gisements de guano phosphaté et de calcaire phosphaté dans les grottes. La Direction des ressources minérales a estimé que toutes les réserves représentaient 700 000 tonnes (Harjanto, 1986). La qualité de ces PN est très bonne avec une teneur en P2O5 total s'échelonnant de 28 à 39 pour cent et un phosphore soluble dans l'acide formique de 54 à 80 pour cent du P2O5 total. Par conséquent, ces PN conviennent à l'application directe.

Un consortium a étudié les gisements de phosphates dans la région de Ciamis et de Tuban à Java Ouest (BPPT-BRGM-CIRAD-TECHNIFERT-SPIE BATIGNOLLES, 1989). Le consortium a trouvé des réserves de 3 millions de tonnes de PN environ dans la région de Ciamis à Java Ouest. En fait, il y a beaucoup de dépôts nouvellement formés qui sont solubilisés et recristallisés dans du calcaire. Les phosphates se trouvent également en imprégnations de crandallite et de whittokite dans les sols argileux, qui sont des produits d'érosion du même calcaire. Des échantillons provenant de cette étude ont été employés dans des expérimentations en pot et au champ.

Performance des PN de Ciamis

Une expérimentation en pots a été entreprise pour comparer trois PN (Malang, Bluri et Senori) de la région de Ciamis avec le TSP comme engrais de référence, tous étant appliqués à la même dose de 100 mg de phosphore par kilogramme de sol podzolique de Singkut, Sumatra, avec un pH de 4,5. Les traitements, avec cinq répétitions, incluaient un témoin sans phosphore. Deux plantes test (Agrostis et soja) ont été plantées l'une après l'autre dans des pots contenant 150 g de sol afin de mesurer les effets directs et résiduels. Les EAR (EAR = (rendement dû au PN -rendement du témoin)/(rendement dû au TSP - rendement du témoin) x 100) des trois PN étaient au-dessus de 100 pour les productions de l'Agrostis tandis que les PN de Malang et Bluri avaient des EAR au-dessus de 100 pour le soja. Une étude séparée d'incubation a été également réalisée avec les mêmes PN dans le même sol. Les PN ont augmenté le phosphore disponible au même niveau que le TSP. Ils ont également augmenté le calcium échangeable et ont diminué l'aluminium échangeable de manière plus radicale que le TSP. Ainsi, les PN de Ciamis ont été aussi efficaces que le TSP dans ces études.

TABLEAU 23
Efficacité agronomique relative des PN pour des cultures sur un Hapludult typique, Pelaihari, Kalimantan

Sources de PN

Maïs
1ère culture

Riz pluvial 2ème culture

Niébé 3ème culture

Maïs 4ème culture

Riz pluvial 5ème culture

Moyenne 5 cultures

OCP, Maroc

47

104

150

121

128

110

Gafsa, Tunisie

114

105

162

113

108

119

Djebel Onk, Algérie

25

98

162

130

133

109

ICS, Sénégal

69

99

112

118

95

98

OTP, Togo

41

89

50

130

120

86

Ciamis, Indonésie

106

114

212

90

122

128

Un essai de deux ans au champ avec cinq cultures consécutives a été effectué sur un Ultisol abandonné (pH 4,3) dans la province de Kalimantan sud. L'objectif était d'évaluer la performance du PN de Ciamis par rapport à des sources de PN d'Afrique du Nord et de l'Ouest, en utilisant un superphosphate local hydrosoluble (SP 36) comme engrais de référence (Sri Adiningsih et Nassir, 2001). Les engrais phosphatés ont été appliqués à une seule dose de 300 kilogrammes de P2O5 par hectare, avec un témoin sans phosphore. Le PN de Ciamis et le PN fortement réactif de Gafsa (Tunisie) étaient semblables à l'engrais hydrosoluble en termes d'efficacité agronomique pour la première culture et pour les quatre cultures suivantes (tableau 23). La performance des autres PN s'est améliorée au cours des cultures successives.

Une analyse économique simple a montré qu'une forte application d'engrais phosphaté a augmenté le revenu net de l'agriculteur. L'augmentation était de 1050 dollars EU pour le superphosphate hydrosoluble, et 1264 dollars EU pour les PN broyés (Sri Adiningsih et Nassir, 2001). Ceci démontre comment les PN locaux de Ciamis peuvent être utilisés avantageusement pour la production de cultures vivrières, en particulier pour la récupération des sols dégradés abandonnés par les agriculteurs.

Une usine pilote a été installée à Ciamis avec une capacité de 10 000 tonnes/an. En 1999, le coût de production estimé comprenant l'exploitation, le broyage, le séchage et l'ensachage était de 50 dollars EU par tonne de produit commercial contenant 25 pour cent P2O5 (0,20 dollar EU par kg de P2O5). Les prix du marché du phosphate hydrosoluble (SP 36 avec 36 pour cent P2O5) et du PN importé (Gafsa avec 31 pour cent P2O5) étaient de 171 dollars EU et 114 dollars EU la tonne (0,47 et 0,38 dollars EU par kg de P2O5), respectivement. Une coentreprise a été signée avec une compagnie japonaise pour lancer l'exploitation de la mine. La demande augmente mais le problème est d'assurer un approvisionnement régulier en produit commercial.

Nouvelle-Zélande

Le pastoralisme basé sur des pâturages permanents de ray-grass/trèfle blanc constitue environ 90 pour cent de l'agriculture en Nouvelle-Zélande pour la production de produits laitiers, de moutons, de bœufs et de cerfs. Considérant que les plantes fourragères utilisent principalement l'azote atmosphérique fixé par les plants de trèfle, du phosphore seul est appliqué comme engrais. Les pâturages permanents sont particulièrement adaptés à l'usage des PN parce que: (i) ils ont besoin d'un approvisionnement régulier en phosphore sur une longue période, (ii) ils possèdent une densité élevée de racines et (iii) les légumineuses (le trèfle dans ce cas) sont des utilisateurs efficaces du PN en raison de leur affinité pour le calcium et de l'effet d'acidification de la fixation d'azote sur la rhizosphère. En outre, la plupart des sols de NouvelleZélande sont légèrement acides (pH 5 à 6) avec des régimes adéquats de précipitations (plus de 850 millimètres de précipitations par an), ce qui favorise la dissolution des PN (Hedley et Bolan, 2003). Environ 10 pour cent des engrais phosphatés sont appliqués en tant que PN réactifs (environ 142 000 tonnes de PNR), et on rapporte que les PN gagnent environ 1 pour cent du marché des phosphates chaque année (Quin et Scott, 2003). Comme l'application de PN est autorisée en agriculture biologique, il existe une incitation pour utiliser les PN dans certaines situations.

La première série d'essais pour évaluer les PN comme engrais phosphatés a commencé en 1932 (Hedley et Bolan, 1997). Depuis le milieu des années 70, les études systématiques ont inclus de nombreux essais au champ, des expérimentations en serre et des tests en laboratoire (Hedley et Bolan, 2003).

Les résultats des essais au champ montrent qu'il pourrait y avoir un délai avant que les PN commencent à être efficaces, et il peut être nécessaire d'attendre 4 à 6 applications annuelles avant que les PN réactifs deviennent aussi efficaces que le TSP. Dans ces essais, les PN étaient appliqués en surface et non incorporés au sol. Le délai peut être attribué au temps nécessaire pour que les PN soient incorporés au sol par l'effet de l'activité des vers, des précipitations, etc. et que le phosphore des PN se dissolve. De plus, comme la concentration en phosphore autour des particules de PN est d'environ 4 mg par litre (Watkinson, 1994b), il faudra plus de temps pour le PN que pour le SSP afin que le phosphore diffuse dans le sol et soit absorbé par les plantes. Des études ont montré que, même après quatre applications annuelles de PN de Caroline du Nord, la concentration de phosphore en solution n'augmente pas de manière significative en dessous de 20 millimètres de profondeur dans un sol ayant une forte rétention pour le phosphore (Rajan, 2002).

Le déclin de la production absolue de matière sèche dans les premières années a pu être substantiel dans les sols ayant une faible fertilité phosphatée. Cependant, dans les sols ayant une fertilité moyenne à supérieure, la diminution peut être inférieure à 10 pour cent (Quin et Scott, 2003), en raison de l'augmentation de la production des pâturages résultant de l'application d'engrais phosphatés qui est supposée être faible dans ces endroits. En Nouvelle-Zélande, le PNR est appliqué de plus en plus avec du phosphore hydrosoluble afin d'augmenter son efficacité agronomique (chapitre 9).

Actuellement, un kilogramme de phosphore d'un PNR coûte 0,87 dollar EU, tandis qu'il coûte 1,07 dollars EU avec du SSP si le sol n'exige pas de soufre. Ainsi, le phosphate des PNR est 20 pour cent moins cher. Une stratégie prometteuse est d'encourager l'application de PNR avec du phosphore soluble, ce qui est susceptible d'avoir comme conséquence le même niveau d'efficacité agronomique que l'application de phosphore soluble (chapitre 9). Les économies réalisées en employant du PNR seront inférieures si la valeur du soufre dans les engrais est prise en compte. Ainsi, la rentabilité des PNR par rapport aux engrais solubles dépendra de la situation du soufre dans les sols en plus des facteurs environnementaux et de gestion (Sinclair et al., 1993a, Rajan et al., 1996). Une incitation spécifique pour l'utilisation de PNR en Nouvelle-Zélande est liée à sa possibilité d'emploi dans l'agriculture biologique.

Amérique Latine

L'application directe de PN a suscité beaucoup d'attention en Amérique latine durant les 20 dernières années. Les expérimentations ont évalué le potentiel agronomique et économique des PN locaux trouvés dans chaque pays. L'objectif principal a été de déterminer si ces PN pouvaient être utilisés après broyage, ou modifiés pour produire des PNPA, ou soumis à des températures élevées pour produire des thermophosphates, afin de réduire la dépendance des pays par rapport aux engrais phosphatés hydrosolubles importés (Casanova, 1995). Les résultats ont montré que l'utilisation de PN est recommandée pour certaines sources et dans certaines conditions (Casanova, 1998, Lopes, 1998, Besoain et al., 1999).

Les savanes situées dans les zones tropicales et subtropicales sont un des principaux enjeux de l'agriculture en Amérique latine. Les sols, principalement des Ultisols et Oxisols, sont fortement lessivés, avec une faible fertilité, très acides et avec une capacité élevée de rétention (Von Uexkull et Mutert, 1995). Par conséquent, l'utilisation d'engrais phosphaté est importante pour maintenir et augmenter la productivité agricole dans ces sols (Casanova, 1992). Cette situation, ainsi que les grandes réserves de PN (particulièrement au Venezuela et au Brésil) et le coût élevé des engrais phosphatés importés, a favorisé une diversification dans la production des engrais phosphatés en utilisant des sources de PN dans ces pays (Casanova, 1995). On a proposé plusieurs stratégies pour un usage plus raisonné des engrais phosphatés. Les études de cas suivantes sur le Venezuela et le Brésil illustrent comment des PN locaux peuvent être modifiés et employés efficacement par des agriculteurs.

Venezuela

Avec 2 650 millions de tonnes, le Venezuela a les troisièmes plus grandes réserves de PN en Amérique latine (après le Mexique et le Pérou). La teneur en P2O5 total va de 20 à 27 pour cent et la solubilité du P2O5 dans l'acide citrique à 2 pour cent s'échelonne de faible à moyenne, en utilisant les critères de solubilité rapportés par Hammond et Leon (1983).

Des directives de gestion pour l'application directe des PN broyés ou modifiés ont été développées au cours des 20 dernières années pour les cultures annuelles et pérennes pour différentes conditions de sol et de climat (Casanova, 1992, Casanova et al., 1993). Les conditions de nutrition phosphorée de ces cultures, ainsi que les méthodes et les doses d'application et leurs effets résiduels, ont été déterminées en utilisant des expérimentations en laboratoire, en serre et au champ et des évaluations commerciales de ces sources de phosphore (Casanova et al., 2002b). Ce travail a fourni les bases pour l'ouverture d'une usine d'engrais permettant de produire des PNPA granulés avec une capacité de 150 000 tonnes/an. Le PN est partiellement acidulé à 60-75 pour cent avec de l'acide sulfurique produit localement (chapitre 10).

Un certain nombre de facteurs encouragent l'utilisation de PNPA d'une telle usine au Venezuela. Environ 75 pour cent des sols de ce pays sont acides et les conditions climatiques sont principalement tropicales avec des précipitations moyennes d'environ 1 000 mm par an. Il y a un million d'hectares de cultures annuelles et 6,5 millions d'hectares de cultures pérennes (Comerma et Paredes, 1978).

Une évaluation commerciale récente des résultats agronomiques et économiques de l'utilisation de PNPA dans la réhabilitation des pâturages dégradés de l'état de Monagas a trouvé que cette approche avait très bien réussi. L'évaluation a impliqué 30 exploitations agricoles utilisant un système avec deux types de production (lait et viande) basé sur les pâturages fortement dégradés à Brachiaria brizantha. La dégradation des pâturages découlait du surpâturage et des faibles quantités d'engrais apportées aux sols qui étaient très déficients en azote et phosphore. Le pâturage dégradé croissait jusqu'à 20-25 centimètres et couvrait 30 à 40 pour cent de la surface du sol. Les rendements en matière sèche étaient de 300 kg par hectare et par coupe et ce fourrage contenait 2 à 3 pour cent de protéines brutes et avait une mauvaise digestibilité. La production laitière moyenne par animal était de 3 à 5 litres par jour.

Ces pâturages dégradés ont été remis en état avec une application, par hectare, de 200 kilogrammes de PNPA et de 100 kilogrammes d'urée mélangés à 3 kilogrammes de graines de Stylosanthes capitata au début de la saison des pluies.Le tableau 24 montre les résultats obtenus avec cette approche.La teneur en protéines brutes du fourrage a grimpé jusqu'à 6 pour cent, les concentrations de phosphore, calcium, magnésium, fer (Fe), cuivre (Cu), zinc (Zn) et manganèse (Mn) ont augmenté jusqu'à des niveaux suffisants, alors que la production laitière par animal passait à 8 litres par jour dans le troupeau de 100 animaux. Après un an, le poids des animaux était passé de 350 kilogrammes sur les pâturages dégradés gérés de manière traditionnelle à 470 kilogrammes avec le système de gestion «Stylosanthes - PNPA - urée». L'augmentation des bénéfices était de 90 dollars EU par jour pour la production laitière et de 15 600 dollars EU pour la production de viande pour le troupeau de 100 animaux.

La remise en état du pâturage dégradé avec la méthode traditionnelle en exécutant le labour du sol, la fertilisation avec de l'engrais soluble, les herbicides, le semis de nouvelles graines, ainsi que l'attente jusqu'à ce que le pâturage couvre le sol, coûte 462 dollars EU par hectare par rapport à 77 dollars EU pour le traitement avec le PNPA. Ainsi, chacun des 33 agriculteurs a amélioré ses pâturages, sa production de lait et de viande et sa rentabilité dans un système de production durable avec la technologie des PNPA.

L'impact social est incarné par le fait que les agriculteurs ont maintenant un engrais phosphaté disponible chez plus de 175 marchands d'engrais à travers le pays, à un prix concurrentiel de 49 dollars EU par tonne comparé au TSP soluble importé (148 dollars EU par tonne). Les deux engrais sont semblables en termes d'efficacité agronomique et économique.

TABLEAU 24
Comparaison entre un pâturage remis en état en utilisant le traitement «Stylosanthes capitata - PNPA-urée» et un pâturage dégradé traditionnel, état de Monagas, Venezuela

Paramètre mesuré

Pâturage remis en état traitement PNPA

Pâturage dégradé

Rendement du pâturage (tonnes MS/coupe)

1,8

0,3

Composition du fourrage (base MS)



Protéine brute (%)

6,4

3,0

P (%)

0,15

0,08

K (%)

1,02

0,50

Ca (%)

0,26

0,20

Mg (%)

0,46

0,25

Fe (mg/kg)

332

214

Cu (mg/kg)

5

1

Zn (mg/kg)

45

37

Mn (mg/kg)

154

83

Production laitière (litres/animal/jour)

8

5

Coût de réhabilitation ($EU/ha)

77

462

Brésil

Le Brésil a des réserves de 376 millions de tonnes de PN, avec une gamme de teneurs en P2O5 total allant de 24 à 38 pour cent. Cependant, la solubilité du P2O5 dans l'acide citrique à 2 pour cent est faible pour les PN principalement ignés (2,6 à 4,8 pour cent). Le Brésil utilise environ 4 600 tonnes de phosphore par an (presque 3 pour cent de la consommation mondiale). Les approches adoptées au Brésil ont été soit d'importer des engrais hydrosolubles ou des PN réactifs, soit de traiter les PN locaux à température élevée dans un mélange avec des laitiers basiques afin de produire du thermophosphate (Tableau 25).

Une étude de Lopes (1998) indique une expérimentation entreprise sur un Oxisol argileux avec un pH de 4,2 qui avait reçu 2,2 tonnes de chaux par hectare. Les différents engrais phosphatés, y compris les PN locaux (Araxa, Patos et Catalao), ont été épandus la première année à 200 et 800 kilogrammes de P2O5 par hectare. Les résultats (tableau 25) prouvent que les PN brésiliens ont un faible indice d'efficacité agronomique (IEA). En cinq ans de cultures annuelles, l'IEA était inférieur à 50 pour cent pour tous les PN aux deux doses de P2O5, sauf le PN de Patos à 800 kg/ha. Avec l'Andropogon, cultivé pendant trois années après les cultures annuelles, l'IEA était considérablement plus élevé, sauf pour le PN de Catalao. Le fort IEA pour le PN de Gafsa indique bien que ce produit est une source efficace de phosphore dans ces sols acides.

TABLEAU 25
IEA des engrais phosphatés dans un Oxisol argileux du Brésil central, basés sur des données d'absorption de phosphore sur cinq ans avec des cultures annuelles, suivies de trois ans avec un pâturage d'Andropogon

Engrais phosphaté

200 kilogrammes P2O5/ha

800 kilogrammes P2O5/ha

Culture annuelle

Andropogon

Total

Culture annuelle

Andropogon

Total

TSP *

100

100

100

100

100

100

Gafsa

93

110

104

106

106

106

Thermophosphate Mg

92

142

113

110

119

114

Thermophosphate IPT

45

84

60

88

98

92

Araxa **

27

69

41

47

74

58

Patos **

45

81

59

56

91

70

Catalao **

8

36

17

26

43

33

* IEA % = [(rendement de la culture en utilisant le PN - rendement de la culture témoin)/(rendement de la culture avec l'engrais de référence (TSP) - rendement de la culture témoin)] x 100.

** PN du Brésil

Lopes (1998) décrit également des technologies, développées à partir d'une série d'études de laboratoire, de travail en serre et d'expérimentations sur le terrain, qui ont transformé des millions d'hectares de terre improductive en terres fortement productives. Les meilleures stratégies développées pour accumuler un capital phosphaté dans ces sols sont:

L'étude de Lopes (1998) précise que ces stratégies de gestion, développées dans la région des Cerrados au Brésil, ont permis que des millions d'hectares soient développés avec des systèmes de production «culture -bétail». Enfin ces résultats démontrent que des sols tropicaux fortement lessivés, acides, dépourvus d'éléments nutritifs peuvent être aussi productifs que les meilleurs sols du monde avec l'utilisation de cette technologie appropriée.


Page précédente Début de page Page suivante