Olivier Évrard, avec Paul Mathieu
Olivier
Évrard, Consultant
Paul Mathieu, Fonctionnaire principal, Division du
développement rural de la FAO
Les systèmes de culture itinérants (agriculture sur brûlis) jouent un rôle essentiel pour la subsistance des populations montagnardes (minorités ethniques) de la République démocratique populaire lao, principalement dans le nord du pays. Les récentes législations foncières visent notamment à encourager la fixation de ces populations et leur transition vers des systèmes agraires stabilisés (riziculture de bas-fonds notamment). Le processus dallocation des terres se réalise dans un contexte très difficile, marqué par des migrations mal contrôlées et des approches sectorielles de la part des administrations et de nombreux projets de développement. En outre, les populations montagnardes cherchent à sécuriser leurs systèmes dexistence et leur accès à la terre moyennant différentes stratégies qui sont difficilement intégrées par les politiques foncières et de sédentarisation: défrichements illégaux, réseaux migratoires pour laccès à la terre dans dautres zones que celles dorigine, locations et ventes informelles de terre réalisées en marge des procédures légales.
La plupart des populations montagnardes dAsie du Sud-Est sont confrontées depuis au moins deux décennies à des défis majeurs qui mettent en cause à la fois la durabilité de leurs modes de vie traditionnels et leur insertion dans les espaces écologiques, économiques et politiques des États. Jusquà une période récente, ces populations ont bénéficié dune relative autonomie sur le plan politique et conservé la maîtrise de vastes territoires forestiers sétendant souvent de chaque côté des frontières internationales. Ces populations qui pratiquent toutes - mais selon des modalités différentes - une agriculture itinérante sur défriche-brûlis, sont aujourdhui fortement touchées par les politiques de développement rural visant à sédentariser et à intensifier leur agriculture en les regroupant sur les piémonts et en modifiant les règles de la tenure (Magallanes et Hollick, 1998; Laungaramsri, 2002). Il sagit pour les nouveaux États nations non seulement de faciliter lintégration économique et culturelle de groupes dits «minoritaires» mais également de contrôler et dexploiter plus facilement les ressources forestières des régions montagneuses.
Dans ce contexte, le cas du Laos apparaît exemplaire. Le dernier recensement établit une liste de 48 groupes ethniques[96] différents, parmi lesquels les groupes non taï représentent presque 40 pour cent de la population totale et constituent localement des majorités parfois écrasantes. Sur une population totale dun peu plus de 5 millions dhabitants, au moins 100 000 familles (environ 600 000 personnes) survivent grâce à la pratique exclusive de lessartage[97] dans un des pays les plus boisés dAsie du Sud-Est et lun des plus riches en termes de biodiversité. Les ressources forestières représentent 34 pour cent des recettes de lÉtat, et ce chiffre atteint 50 pour cent certaines années. De plus, près de 80 pour cent de ses habitants (dans les zones rurales mais également périurbaines) utilisent quotidiennement des produits forestiers ou des zones forestières dans le cadre de leurs activités de subsistance. En fin, les forêts leur procurent du bois, de la nourriture, de lénergie et des produits médicaux; elles jouent également un rôle symbolique et religieux important. Les produits forestiers non ligneux, pousses de bambou, poisson, légumes, champignons, cardamome, rotin, résines notamment, représentent quant à eux 55 pour cent du revenu des villageois (Ministère de lagriculture et des forêts [MAF], 2003: 78).
Les dirigeants du pays ont mis en place depuis la fin des années 80 une politique de déplacements à grande échelle des populations montagnardes vers les vallées - historiquement sous-peuplées par rapport à leur potentiel agricole - et les axes routiers[98]. Ces déplacements ont pour but daccélérer la transition agricole (abandon de lagriculture sur brûlis au profit de la riziculture inondée) et dassurer la valorisation et la préservation du patrimoine forestier, en constante dégradation depuis une cinquantaine dannée (voir encadré 1, p. 120). Il sagit également de rentabiliser les infrastructures construites dans les zones rurales (routes, hôpitaux, écoles) et de faciliter lintégration économique et culturelle de populations minoritaires et dispersées: homogénéisation des formes dhabitat et des compétences linguistiques, arrêt des rites sacrificiels et diffusion du bouddhisme notamment.
La réforme foncière mise en uvre au début des années 90 est directement liée à ces différentes composantes de la politique de développement rural menée par le Gouvernement. Elle constitue la phase ultime de la «déterritorialisation» des minorités montagnardes (Goudineau, 2000) et lun des aspects de leur «reterritorialisation» autour des options et des principes dé finis par lÉtat. Dans le domaine agricole et forestier une option clairement «conservationniste» a de lourdes répercussions sur le mode de vie des populations rurales les plus démunies et qui dépendent le plus de la forêt pour leur subsistance. À noter surtout les difficultés de lÉtat à encadrer ce processus et à maîtriser les différents termes (écologiques, politiques et humains) dune équation foncière particulièrement instable et complexe.
Systèmes agroforestiers, populations minoritaires et dynamiques spatiales dans le nord du Laos
Dun point de vue linguistique, on distingue habituellement quatre groupes ou familles de langues au Laos: taï, mon-khmer, miaoyao et tibéto-birman. Les trois derniers groupes sont bien souvent implantés dans les zones montagneuses, les Mon-Khmers (ensemble austroasiatique) qui sont les premiers occupants de la région et environ 20 pour cent de la population nationale. Les populations miao-yao (Hmongs, Yao notamment) et tibéto-birmanes (Iko, Lahu)[99] quant à elles ne sont présentes dans le nord du Laos que depuis le milieu du XXe siècle.
Les populations véritablement autochtones pratiquent toutes une agriculture sur brûlis (essartage) avec une mise en culture des parcelles pendant une seule année et une longue période de friche arborée[100] (de sept à 15 ans selon les régions) par la suite. Les types de mobilité diffèrent assez nettement cependant entre le nord et le sud du pays. Dans le premier cas (groupes Khmou, Lamet), la duolocalité de lhabitat est souvent très marquée au cours de lannée agricole (les maisonnées se dispersant dans les essarts pendant quatre à six mois revenant par la suite au sein du village). Lorsque la pression foncière augmente, un groupe de migrants colonise une nouvelle colline et acquiert progressivement une autonomie économique et rituelle vis-à-vis de la localité dorigine. Ces dynamiques de scission et dessaimage des localités correspondent à une organisation sociale de type segmentaire centrée sur le village. Cette organisation permet inversement des processus de fusion, particulièrement sensibles au sein des sociétés montagnardes de type segmentaire, des fragments de lignages pouvant émigrer et intégrer des localités déjà constituées appartenant au même ensemble ethnique. Lorganisation sociale des Austroasiatiques du sud du pays (Kantou, Pacoh, Ta Oï, Talieng) est similaire, mais les territoires villageois sont plus vastes et les villages, au lieu de se scinder comme au nord, se déplacent périodiquement dans leur intégralité.
Les deux autres types de populations montagnardes (langues miao-yao: Hmongs, Yao, Lentèn; langues tibéto-birmanes: Iko, Lahou, Lolo) sont caractérisées, pour une partie dentre elles, par une mobilité non circulaire et par une colonisation de nouveaux territoires plus rapide que chez les Austroasiatiques du nord. Cela est particulièrement vrai dans le cas des populations miao-yao, où le village napparaît que comme le regroupement temporaire de quelques maisonnées sur une dizaine ou une vingtaine dannées. Une structuration villageoise plus stable est observable chez les Tibéto-Birmans mais, là également, lessaimage ou le déménagement des localités peut seffectuer à un rythme relativement rapide. Les populations de langue taï[101] (au sein desquelles les Lao forment, à lintérieur du territoire national, une majorité relative), ont, dès le début de leur implantation dans la région (début du second millénaire), progressivement colonisé les fonds de vallée en y pratiquant la riziculture inondée (souvent associée cependant à un essartage de complément). Cette technique agricole a permis une certaine stabilité des villages, avec des dynamiques dessaimage en réponse à la pression foncière ou pour se rapprocher dun carrefour commercial. La mobilité villageoise et intravillageoise reste cependant importante, que ce soit en raison de conflits internes, pour fuir une région non sécurisée ou bien, durant la période coloniale, pour échapper aux impôts et aux corvées (Goudineau, 1997: 4).
Les déplacements sont donc une donnée essentielle du mode de vie et doccupation de lespace de ces populations. Les conditions contemporaines daccès à la terre (appauvrissement, intégration économique, politiques étatiques de développement rural) tendent à rendre ces migrations à la fois plus diverses, plus imprévisibles et plus étendues géographiquement. Pour assurer au mieux sa survie, chaque maisonnée cherche à sécuriser son accès au foncier en fonction dopportunités dont les ressorts peuvent être multiples: relations familiales et sociales, incitations de ladministration, possibilités de vente de rizières déjà aménagées, etc. Dans cette recherche de la sécurité foncière, les divers types de déplacements - spontanés, encadrés ou induits, familiaux ou mobilisant toute une communauté villageoise - sont un aspect central des stratégies des groupes sociaux. Simultanément, les politiques foncières de lÉtat visent à organiser et orienter ces mouvements, mais ont des effets en grande partie imprévus et déstabilisateurs.
ENCADRÉ 1 Ko toklong tong ban. Accord rédigé par les équipes du DAFO et signé par le comité villageois sur les frontières du village et laffectation productive des espaces (LUP). Il sagit normalement dun document écrit, mais il semble que dans certains cas, il nexiste quun simple accord oral entre ladministration villageoise et les équipes techniques chargées du processus dallocation. Un accord intervillageois sur les frontières des finages est également parfois rédigé et signé par des représentants des différents villages concernés. Bay mob sid nam say din so khao ou plus couramment Bay mob ti din. Certificat Temporaire dUsage de la Terre (TLUC: Temporary Land Use Certificate), signé par le ou les représentants de la maisonnée concernée, valable trois années, non transférable. Sanya kan nam say ti din. Contrat dUsage de la Terre (LUC, Land Use Contract). Il est joint au précédent et indique lusage que lagriculteur sengage à faire de sa terre au cours des trois années suivantes. Pen vad ti din. Carte de parcellaire, jointe aux deux documents précédents. |
RÉFORME FONCIÈRE ET ALLOCATION DES TERRES
La réforme foncière a été mise en place progressivement à partir des années 90 en réponse à la fois aux pressions de laide internationale et à la volonté des dirigeants lao de contraindre les agriculteurs montagnards à intensifier leurs systèmes de production et à se sédentariser dans des régions de plaine ou de piémonts. Les deux documents de référence de la réforme foncière au Laos restent encore aujourdhui la Loi sur les forêts (no 96/NA11) et la Loi foncière (33/PDR du 31 mai 1997). La première établit la classification officielle des forêts sur le territoire national en cinq grandes catégories: les forêts de protection et les forêts de conservation (aucune activité humaine); les forêts de production (chasse et cueillette); les forêts dégradées (agriculture et plantations) et les forêts en régénération (friches arborées de plus de cinq ans retirées des terres agricoles disponibles). La seconde, quant à elle (et notamment les Articles 17, 18, 21 et 22), formule le cadre juridique relatif au foncier rural. LÉtat alloue à chaque famille, sous la forme de Titres dusage temporaires (Temporary Land Use Allocation Certificates [TLUC]), jusquà 25 ha de terres par unité de main-duvre. Ces TLUC sont transmissibles aux descendants et considérés comme une première étape vers une immatriculation foncière complète, mais ils ne sont valables que trois ans (Article 18), ne peuvent être transférés par voie onéreuse avant quun titre permanent ne soit délivré (Article 57). Le bénéficiaire peut en outre en être privé si lusage quil fait de la terre nest pas conforme aux réglementations en vigueur (Article 62).
Le processus dallocation des terres seffectue dans chaque village selon une procédure identique, présentée officiellement par le MAF dans son instruction de 1996 sur lallocation foncière[102] et mise au point conjointement par lInstitut de recherches agricoles et forestières (NAFRI) et la Division du planning et de linventaire forestier (FIPD) du MAF. Cette méthodologie contenait auparavant huit étapes, mais elle fut modifiée en 2001 et en compte désormais 10. Dans ce processus, le plan dusage des terres (Land Use Planning [LUP], kan vang pén nam saï ti din, en lao) concerne la collectivité villageoise dans son ensemble tandis que lallocation foncière proprement dite (mob din mob pha, en lao) seffectue au niveau des maisonnées. Un zonage dufinage villageois est effectué en fonction des degrés de pente avant détablir les plans dusages des terres, cest-à-dire laffectation productive des espaces villageois en fonction de leurs caractéristiques et des potentiels locaux, puis de répartir les terres agricoles entre les maisonnées[103].
Au cours du processus dallocation, au moins quatre documents officiels sont rédigés et signés par les villageois, le plus important étant le Certificat dusage temporaire (bay mob sid nam say din so khao ou plus couramment bay mob ti din) délivré à chaque foyer au sein des villages concernés. Daprès les statistiques du SCREC de la fin de 2003, des TLUC ont été délivrés depuis 1991 à plus de 330 000 foyers (50 pour cent du total national) dans 5 365 villages (40 pour cent du total national). Daprès un autre document en cours de publication par le MAF (MAF, 2003: 65), il sagirait plutôt de 6 188 villages et de plus de 370 000 foyers. Chaque fermier recevant en moyenne deux ou trois parcelles, on estime quentre 600 000 et 1 000 000 de TLUC ont été délivrés au cours de la dernière décennie. Aucun dentre eux na pour linstant été transformé en titre définitif, de sorte que de nombreux TLUC sont désormais arrivés à expiration mais continuent dêtre considérés par les agriculteurs comme des preuves de leur droit sur les terres quils occupent. La transformation du TLUC en titre permanent nécessiterait que les représentations locales du MAF procèdent à une évaluation de la mise en valeur de la parcelle au cours des trois années écoulées sur la base du «contrat dusage de la terre» (sanya kan nam say ti din) signé en même temps que le TLUC. Cest précisément cette évaluation qui pose un problème aujourdhui car aucun critère ni barème na été établi pour linstant (Évrard, 2003: 17).
Restriction de laccès aux espaces forestiers et paupérisation des populations montagnardes
Une enquête commissionnée en 2003 par la Banque asiatique de développement (BAsD) sur la pauvreté au Laos (BAsD, 2001: 38-39), indique que lallocation foncière est citée par les villageois comme première cause dappauvrissement dans trois régions sur quatre (nord, est et centre). Ce résultat très négatif provient de plusieurs facteurs étroitement liés les uns aux autres: lesprit général de la réforme, la réduction de laccès à la terre, la détérioration des conditions de vie locales et labsence dintensification de lagriculture.
Les documents officiels récents opèrent une distinction claire entre deux formes dagriculture sur brûlis: soit cyclique (dans laquelle un champ est cultivé une seule année, parfois deux, puis laissé en friche arborée pendant une longue période, le nombre dannées de friche arborée dépendant du degré de pression foncière dans la région considérée), soit itinérante ou «pionnière» (le sol est alors défriché, cultivé jusquà épuisement puis abandonné) (GoL, 2003: 55)[104]. La première de ces deux formes est considérée comme potentiellement durable lorsque la pression foncière reste faible. Des enquêtes récentes montrent que cette distinction est très théorique et quune politique restrictive et contraignante est généralement appliquée. Lagriculture sur brûlis cyclique est tout juste tolérée mais de façon transitoire et avec des friches arborées dune durée maximale de quatre ans, durée à partir de laquelle un recru forestier est considéré comme une forêt en régénération, dans laquelle les coupes ne sont plus autorisées[105]. Leffet de cette politique est de contraindre les agriculteurs à changer leur système de production en réduisant leur espace disponible ou, en dautres termes, en créant de façon réglementaire une rareté foncière.
La détermination des services techniques du MAF à réduire les espaces disponibles pour lagriculture sur brûlis saffiche clairement dans les statistiques du RSCEC: 82 pour cent des surfaces allouées depuis 1995 (jusquen 2002) ont été classées comme zones forestières (MAF, 2003: 43). Parmi celles-ci, les forêts dusage courant (pa som say: cueillette, récolte de bois, chasse) représentent un quart du total, les forêts «en régénération» (pa feun fou: friches arborées de plus de cinq ans retirées des surfaces agricoles utilisables) 15 pour cent et les forêts dégradées (pa soud som: essartage toléré avec des friches arborées de trois ans au maximum) seulement 2 pour cent. Partout, à lissue de lallocation foncière, les surfaces protégées sont plus importantes que celles destinées à lusage. Les études locales menées par lunité socioéconomique de lInstitut national de recherches agricoles et forestières (NAFRI) confirment clairement cette tendance: dans les 66 villages du district de Namo (province dOudomxay) concernés par lallocation foncière, les terres classées comme forêts représentent 88 pour cent de la surface totale et seulement 8 pour cent dentre elles ont été classées comme forêts dégradées.
Cette réduction des espaces disponibles sopère au détriment des conditions de vie et de la sécurité alimentaire des foyers. Avec la réduction drastique des temps de friche arborée (trois à quatre ans désormais contre 10 à 15 ans auparavant), et dans un contexte où les techniques névoluent pas, ou peu, la fertilité des champs daltitude décroît fortement, les récoltes de paddy chutent parfois de plus de moitié (Chamberlain et Phomsombath, 2003: 35-39) et le temps nécessaire au désherbage ne cesse daugmenter en raison de la prolifération des plantes adventices. En outre, en raison de la pression foncière et démographique sur certaines zones de la forêt, de nombreux produits forestiers se raréfient. Il sagit dune tendance extrêmement inquiétante car non seulement ces produits forestiers représentent 55 pour cent en moyenne du revenu monétaire des foyers ruraux (PNUD, 2001: 78), mais en outre ils constituent la ressource la plus importante pour les foyers les plus démunis, et leur principale protection contre linsécurité alimentaire. La raréfaction de ce type de ressource concerne surtout les produits destinés à lalimentation et au commerce: cardamome, fougères, certaines variétés de pousses de bambou et miel notamment (National Agriculture and Forestry Research Institute (NAFRI) et Lao-Swedish Upland AgricultureForestry Research Programme (LSUAFRP), 2003a et 2003b).
CARTE 1
Organisation territoriale du
Laos du Nord
1 District cité dans le texte.
2 Nom de province.
Les effets de lallocation foncière sur les superficies de cultures sur brûlis sont difficiles à estimer et varient suivant les régions. Officiellement, les surfaces exploitées selon la méthode sur brûlis ont diminué de 37 pour cent depuis 1996 et le nombre de maisonnées pratiquant cette forme dagriculture aurait baissé de plus de 50 pour cent. (Ces statistiques doivent être considérées avec précaution car il est très difficile de collecter des informations précises et complètes[106]). En outre, cette tendance globale varie considérablement selon les régions: de 2001 à 2003, les surfaces concernées par lagriculture sur brûlis ont diminué de moitié dans le sud et le centre, mais seulement dun quart dans les provinces du nord; deux de ces dernières, Louang Nam Tha et Houaphan, ont même vu leurs surfaces de brûlis augmenter au cours de cette période[107].
Face à la réduction de leurs ressources naturelles, les agriculteurs montagnards ne disposent pas dalternatives viables sur le long terme. Le soutien technique de la part des services publics reste très faible: une étude commissionnée par la BAsD révèle que sur les 91 villages étudiés dans43 districts, aucun navait reçu daide technique directe pour lintensification de lagriculture, aussi bien sous forme de développement de rizières dans les basfonds que de cultures commerciales en altitude (PNUD, 2001: 81). Il existe bien entendu des cas positifs où les pratiques agricoles sintensifient et où les revenus des agriculteurs augmentent. Ces cas limités résultent sans doute plus de conditions préalables favorables à lévolution des systèmes agraires et au développement dune agriculture commerciale que de la politique dallocation des terres. Ainsi, dans le district de Kentao (sud de la province de Sayabouri), la proximité du marché thaïlandais a directement contribué à la mécanisation et à la spécialisation de lagriculture locale dabord dans la production de coton puis de maïs. Le seul effet de lallocation foncière a été dencourager le labour des réserves foncières car les paysans craignaient de perdre leurs terres sils ne les mettaient pas en valeur. Il existe dautres exemples de ce genre, notamment dans le sud du pays, mais il sagit là dexceptions localisées.
ENCADRÉ 2 Au cours des 50 dernières années, le couvert forestier du Laos na cessé de décliner. En 2003, les zones forestières[108] représentaient 41,5 pour cent du territoire contre 47 pour cent en 1992 et 64 pour cent au milieu des années 60. Outre leur superficie, les forêts sont également plus fragmentées: les compartiments de forêts de moins de 10 ha représentent à lheure actuelle 6,7 pour cent du total contre seulement 1 pour cent en 1992, tandis que les compartiments de forêts de plus de 1 000 ha sont passés de 88 pour cent à 54 pour cent de la surface forestière totale durant la même période. La valeur commerciale des forêts lao a décliné au cours de la dernière décennie et cela semble particulièrement vrai dans la partie centrale du pays (MAF, 2003: 14). Malgré les évidences apportées depuis longtemps par les scientifiques, ethnologues, géographes et agronomes notamment, cette réduction des espaces forestiers est systématiquement attribuée à lagriculture sur brûlis. Pourtant, toutes les études menées sur les systèmes dessartage basés sur de longs cycles de friche arborée ont montré que:
En cas daccroissement démographique rapide et de raréfaction des terres disponibles, des dysfonctionnements peuvent apparaître (raccourcissement des temps de friche arborée, baisse de la fertilité du sol, mise en culture de zones jusque-là préservées) et conduire à une «crise» du système agraire. Cependant, lévolution ne va pas nécessairement jusquà son terme et les paysans, lorsquils y sont contraints par la pression démographique, peuvent développer certaines cultures de rente ou investir massivement dans laménagement de rizières en terrasses (Viet Nam du Nord) par exemple. Lagriculture sur brûlis constitue donc un capital de savoirs et de savoir-faire et non un système technologique figé ou nécessairement destructeur. |
ALLOCATION FONCIÈRE ET DÉPLACEMENTS DE POPULATIONS: LA QUADRATURE DU CERCLE
Cet impact socioéconomique globalement négatif est fréquemment attribué à des méthodes trop peu participatives et à la volonté des services du MAF de réaliser lallocation en une seule fois, le plus rapidement possible et de façon identique dans tous les villages. Les membres du SCREC interrogés durant la mission ont affirmé passer entre 30 et 45 jours dans chaque village pour réaliser lallocation foncière, mais il sagit dans ce cas de procédures «pilotes», au cours desquelles ils forment les personnels locaux du MAF avant de continuer leur action dans un autre district. En temps normal, daprès la plupart des observateurs (Jones, 2001: 85), il semble que le processus ne durerait quentre cinq et 14 jours. Lallocation foncière est-elle donc une bonne idée mal appliquée? Au-delà des problèmes de méthode, il est évident que lallocation des terres se réalise, notamment dans les zones rurales du nord, dans un contexte extrêmement défavorable, marqué par des recompositions territoriales de grande ampleur et des migrations mal contrôlées par lÉtat. Selon lavis de certains hauts responsables lao), même si elle est mieux organisée et appliquée, lallocation foncière ne pourra donner de bons résultats que lorsque cesseront les déplacements continuels de villages ou de fractions de villages, dans de nombreux cas entrepris ou provoqués par ladministration elle-même. Depuis trois décennies maintenant, le Gouvernement de la République démocratique populaire lao encourage les villages montagnards à quitter les hauteurs et à venir sinstaller dans les vallées, souvent sans assurer les mesures daccompagnement nécessaires pour garantir lamélioration ou le simple maintien des conditions de vie des populations ainsi déplacées. Plusieurs études ont déjà démontré le coût social très élevé de cette politique qui accroît de façon spectaculaire et durable la mortalité dans les villages déplacés (Goudineau, 1997; Romagny et Daviau, 2003).
Un autre problème réside dans labsence de concertation entre les services concernés au moment de létablissement et par la suite au moment de la mise en uvre des plans quinquennaux à léchelle des districts. La planification des déplacements et regroupements de villages est du ressort du pouvoir des cabinets des chefs de districts et des gouverneurs provinciaux; celle de lallocation foncière dépend par contre des représentations des bureaux locaux et provinciaux du MAF. La collaboration entre ces institutions est minimale et dans bien des cas les déplacements de villages annulent les éventuels effets bénéfiques des actions des services du MAF. Une étude de lunité socioéconomique de lInstitut de Recherches Agronomiques et Forestières (NAFRI, 2002) dans le district de Phonexaï (province de Louang Prabang) met clairement cette difficulté en évidence. Dans ce district, 35 villages doivent être déplacés et/ou regroupés au cours de la période 2001-2005 sur un total de 72 (presque 50 pour cent!)[109]. Le but affiché des autorités est de réduire à 41 le nombre total de villages dans le district. Cela représente le déplacement de 1 725 familles, soit 11 472 personnes, chiffre bien au-delà des capacités de gestion de ladministration locale daprès les rédacteurs du rapport. Ainsi dans le village de Houeï Maha (union de deux villages auparavant distincts, lun khmou lautre hmong), 180 nouvelles familles doivent arriver au cours des prochaines années et sinstaller avec les 92 familles déjà présentes. Ladministration locale a besoin de 52 millions de kips pour le réseau dadduction deau et de 100 millions de kips pour lamélioration de la piste existante. Le responsable du district essaie dobtenir cette somme auprès de projets de développement étrangers, pour linstant sans succès, mais cela nempêche pas les administrateurs de poursuivre les objectifs annoncés en 2001, alors que la mortalité sur les sites daccueil augmente fortement et que les conditions de vie y sont souvent plus difficiles que sur les sites dorigine[110].
Larrivée permanente de nouveaux foyers à Houeï Maha (77 depuis qua été effectuée lallocation des terres) a très vite rendu caducs les arrangements signés avec les autorités du district sur le partage des espaces agricoles. En prenant en compte à la fois laccroissement naturel de la population et les plans de déplacements de villages par les autorités, on peut en effet estimer que le village comptera 294 familles et 2 117 personnes en 2020 (contre 92 en 2002). La demande de terres cultivables à cette date sera denviron 2 400 à 3 000 ha, mais les études indiquent quil ny a que 1 225 ha de terres agricoles disponibles sur le finage villageois, soit une capacité denviron 90 à 120 personnes dans un système agraire basé sur trois à quatre ans de friche arborée. En dautres termes, les autorités ont alloué deux fois et demie moins de terres que nécessaire aux villageois pour maintenir ou améliorer leurs conditions de vie, et ce même en comptant les terres agricoles mises en réserve lors du zonage et de lallocation (entre 10 et 15 pour cent en moyenne dans chaque village concerné).
COMPÉTITION POUR LACCÈS À LA TERRE ET RELATIONS INTERETHNIQUES
Dans un contexte où la mobilité et la pression foncière saccroissent et où, dans le même temps, les techniques de production évoluent peu, les villageois tentent de maintenir leur niveau de vie en essayant daccéder à de nouvelles terres qui leur permettront de compenser les rendements décroissants de leurs essarts. Les stratégies développées dans ce contexte peuvent être relativement complexes, notamment dans la moitié nord du pays, et impliquer à la fois des migrations spontanées et des arrangements avec des membres dautres groupes ethniques.
Souvent, les villageois ne cherchent pas à obtenir plus de terres auprès des autorités (afin déviter de payer des taxes supplémentaires) mais défrichent illégalement dans des zones forestières reculées ou dans des zones non revendiquées par les premiers occupants. Soixante-dix pour cent des cas de ce genre ont été recensés dans la moitié nord du pays (Bantheung, Soukhan et Noven, 2000: 11). Ces défrichements sont facilités, dans le cas des villages déplacés, par lautorisation fréquemment donnée aux villageois de pratiquer une résidence alternée entre lancien et le nouveau site (preuve de lincapacité des autorités à appliquer la loi de façon aussi ferme quil est prévu dans les textes officiels)[111]: les migrants défrichent lespace qui leur est affecté dans le nouveau village tout en continuant un essartage de complément sur lancien site. La double morphologie de lhabitat caractéristique de certains groupes dessarteurs (notamment les populations austroasiatiques du nord du pays) perdure ainsi malgré le processus de sédentarisation. Parfois, des villages déplacés, ou des familles de migrants, prennent possession de terres vacantes en plaine sans attendre dobtenir lautorisation de ladministration. En 1994, un cas de ce type avait fait du bruit dans la province de Louang Nam Tha: plusieurs dizaines de familles hmong originaires des régions du nord-est du Laos étaient arrivées soudainement en taxi après avoir entendu à la radio nationale un message du vicegouverneur, lui-même dorigine hmong, qui indiquait que des terres aménageables en rizières étaient libres près de lune des pistes principales de la province. Après de premiers mois difficiles et des rapports conflictuels avec certains de leurs voisins, ces familles occupent encore aujourdhui les mêmes terres quau moment de leur arrivée.
La location ou lachat de parcelles, en altitude ou en plaine, deviennent également de plus en plus fréquents. Dans le premier cas, le dédommagement peut seffectuer soit en nature, soit sous forme de paiement de la taxe foncière à la place du propriétaire. Cette situation tend à favoriser les résidents les plus anciens, au détriment des immigrants ou des jeunes ménages. Il a également été observé une tendance à la location, et parfois à la vente, de terres cultivables pour la plantation darbres de rente (teck notamment) à des personnes nappartenant pas au village. Cela procure de largent à certaines familles mais réduit leurs surfaces agricoles et menace leur avenir. Lachat de terres, quant à lui, met souvent en relation des occupants anciens et des familles déplacées, parfois issues de groupes ethniques distincts. Ainsi, dans le village de Houeï Maha cité précédemment, les populations khmou (autotchtones) vendent progressivement leurs terres aux nouveaux arrivants hmong puis utilisent le capital ainsi constitué pour rejoindre dautres familles khmou installées dans une province du sud du pays. Au moment de la transaction avec les nouveaux arrivants hmong, ces familles khmou donnent aux acheteurs leurs TLUC comme preuve de la cession de leurs droits. Le problème est que cette cession est doublement illégale: dune part les TLUC ne peuvent pas être vendus et, dautre part, leur période de validité a en général expiré au moment de la transaction. En outre, ces transactions informelles ne sont pas enregistrées, ne serait-ce quà titre informatif, par les autorités locales, doù un décalage de plus en plus important entre les données «officielles» et la réalité des arrangements fonciers dans les villages. Dans un contexte marqué par une recrudescence des conflits fonciers, labsence de suivi de ces transactions informelles rend également plus difficile léventuelle intervention des autorités locales pour gérer et arbitrer les conflits.
Enfin, laccès à la terre pour les populations minoritaires peut également être assuré par la constitution de «réseaux migratoires» mêlant une dimension à la fois institutionnelle et interpersonnelle. Le patronage dun haut responsable provincial originaire du même groupe ethnique peut, par exemple, assurer à des migrants montagnards la possibilité de sinstaller en plaine ou bien dans une zone concernée par un projet de développement national ou international[112]. Toutefois, il peut également sagir de dynamiques de plus longue durée reposant sur le maintien de relations dentraide et dassistance mutuelle entre un premier groupe de migrants et ceux restés sur le site dorigine (redistribution de bénéfices tirés dune activité commerciale, accueil temporaire de certains parents venant comme travailleurs saisonniers, étudiants, militaires). Une fois une «tête» de réseau constituée, par intégration politique ou économique, de nouvelles familles arrivent de la région dorigine chaque fois que celle-ci connaît un excédent démographique trop important par rapport à ses potentialités agricoles. Au sein de cette seconde vague de migrants, on trouve en général des familles relativement aisées ayant réussi à se constituer un capital suffisamment important pour acheter des terres en plaine. Ce phénomène est attesté notamment dans la région Phou Noï (province de Phongsali) où les familles parties en plaine au cours des 10 années précédentes comptent toujours parmi les plus riches de leur village (Évrard, 1998). Les données démographiques disponibles montrent par ailleurs très clairement la «descente» des populations montagnardes originaires de Phongsali vers Oudomxaï et Louang Nam Tha et les recompositions territoriales en cours dans tout le nordouest du Laos (Bouthavy et Taillard, 2000: 56-57). De cette manière sest développé depuis la fin des années 80 un phénomène de «course à la rizière» dans les principales plaines du nord du pays, à Müang Sing, Louang Nam Tha, Oudomxaï et Boun Neua notamment.
CONCLUSIONS
Les interventions foncières ont des effets déterminants sur les conditions de vie et les stratégies dadaptation des populations montagnardes. Les observations qui précédent montrent les difficultés de mise en uvre des politiques foncières, en raison de plusieurs facteurs interdépendants: i) limportance des déplacements pour ces populations; ii) les approches sectorielles des administrations; et iii) les difficultés dintégrer de façon cohérente les propositions techniques (sédentarisation des systèmes agraires), sociales (déplacements organisés par lÉtat) et les stratégies de subsistance et de sécurisation foncière des populations elles-mêmes.
Dans un contexte où la mobilité et la pression foncière saccroissent et où les techniques de production évoluent peu, les villageois doivent se débrouiller pour maintenir leur niveau de vie, cest-à-dire concrètement pour accéder à de nouvelles terres qui leur permettront de compenser les rendements décroissants de leurs essarts. Les transactions foncières émergentes (locations, ventes) jouent un rôle croissant dans les stratégies de subsistance mais elles restent largement informelles, et donc invisibles, en raison de leur décalage par rapport aux législations et aux programmes fonciers étatiques (allocation et titrage des terres). Une meilleure connaissance des dynamiques de déplacement, des perceptions de la sécurité et des pratiques foncières informelles des populations permettrait sans doute aux projets et aux programmes étatiques de mieux intégrer les stratégies paysannes dans leurs modes dintervention et donc de réaliser des actions mieux adaptées et plus durables.
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[96] Les appellations de
«groupes autochtones»ou de «peuples indigènes»
(indigenous people) ne peuvent sappliquer quà une
partie seulement des populations montagnardes du Laos, certaines dentre
elles sétant installées assez récemment dans ce pays.
Pour une analyse critique de ces notions et de celle «dethnies
minoritaires» dans le contexte des États socialistes de la
péninsule indochinoise, voir larticle de Goudineau
(2000). [97] Sans compter les nombreuses familles dagriculteurs pour lesquelles lagriculture sur brûlis intervient comme complément à la riziculture inondée. [98] Le Gouvernement affirmait au début des années 90 vouloir déplacer vers les basses terres un quart de sa population totale (soit environ un million de personnes à cette époque) et dépeupler ainsi un tiers de son territoire, essentiellement les régions montagneuses (Goudineau, 2000), programme dont lampleur relative est sans équivalent en Asie du Sud-Est. Dans le nord et le centre du pays, les déplacements de populations montagnardes vers les plaines et les vallées sont aujourdhui aussi importants que les migrations vers les villes (Bouthavy et Taillard, 2000: 56). [99] Environ 10 pour cent de la population du pays concentrés exclusivement dans la partie nord du pays. [100] Contrairement aux jachères des systèmes agraires du Moyen-Âge en Europe, les friches arborées ne font lobjet daucun travail du sol et elles ne sont pas non plus fertilisées par les déjections des animaux délevage. La reconstitution de la fertilité de la terre sopère simplement en laissant la forêt se régénérer, processus qui demande théoriquement au moins une dizaine dannées. [101] Le terme taï désigne la famille linguistique et lensemble des locuteurs (les Shan, les Lao, les Lü, les Siamois) et thaï les habitants de lactuelle Thaïlande. [102] Instruction du MAF 0822/AF de 1996 (Instruction on Land and Forest Land Allocation Management and Use). [103] Au cours de la procédure dallocation des terres, les zones forestières, celles destinées à lélevage ainsi que les terres agricoles «mises en réserve» (utilisables en fonction des besoins futurs) sont attribuées au communautés villageoises dans leur ensemble (terres communales) et les terres agricoles (rizières, essarts, jardins) aux maisonnées. La délivrance des TLUC dans un village peut ne concerner quune partie des maisonnées, celles qui nont pas accès à des rizières ou bien dans une proportion insuffisante. [104] Ces classifications apparaissent inadéquates puisque les systèmes agraires constituent en fait presque toujours une mosaïque de techniques et de pratiques différentes: dans certaines zones de plaine, les habitants pratiquent encore lagriculture sur brûlis comme préalable ou supplément à la riziculture inondée tandis que certains villages montagnards ont réussi à développer des rizières en terrasse ou des plantations permanentes. En dautres termes, il ne sagit pas ici de classer ces pratiques en catégories totalement séparées les unes des autres mais dévaluer la part de chaque technique dans un système donné. En fait, une analyse basée sur les modes de vie des agriculteurs montre que la plupart des foyers du Laos sappuient pour leur subsistance sur une multitude de techniques et dactivités agricoles ou non agricoles (chasse, cueillette, agriculture, jardinage, vannerie, élevage, tissage) soit pour leur propre consommation, soit à des fins commerciales (PNUD, 2001: 74). Si toutes ces activités sont prises en compte pour définir les systèmes agraires, ceux-ci apparaissent rapidement bien plus nombreux. Le MAF a récemment publié une classification en 10 catégories, tandis que Chazée (1998: 186-189) a identifié 15 systèmes agraires différents au Laos. [105] LArticle 35 de la Loi sur la forêt de 1996 met en place des incitations financières pour les agriculteurs acceptant de ne pas les arbres sur les friches arborées de cinq ans et plus. LArticle 20 indique lui que les forêts de régénération deviennent ensuite des forêts «de protection» ou des forêts de «conservation». [106] Limpact réel de lallocation foncière en termes de sédentarisation des pratiques agricoles reste très flou: les essarts illégaux, très nombreux notamment dans le nord, ne sont, par définition, pas pris en compte dans ces statistiques. [107] Données fournies en novembre 2003 par le Centre de réduction de lagriculture sur brûlis et de vulgarisation agricole (RSCEC) au sein du MAF. [108] Définition légale au Laos: couverture de la canopée dau moins 20 pour cent, hauteur minimale de 5 m et superficie minimale de 0,5 ha. [109] Les raisons invoquées pour les déplacements: villages situés sur des zones cruciales dun bassin versant; opium; implantation dactivités de développement trop difficile; villages situés en dehors des ZPD; population inférieure à 50 familles. Concernant ce dernier point, largument apparaît spécieux: 17 villages sur les 35 qui doivent être déplacés par le district de Phonesaï sur la période 2001-2005 sont composés de 50 familles ou plus (NAFRI-LSUAFRP 2002: 3-4). [110] Certains villageois de Huay Maha bénéficiaient par exemple dun système dadduction deau dans leur village dorigine. [111] Parfois, lamende que les villageois payent pour leurs essarts illégaux est considérée par eux comme une façon de légaliser leur occupation. [112] Lintégration politique de membres des minorités ethniques est très sensible au Laos aux niveaux local et régional. Depuis 1975, les responsables provinciaux sont issus en général dun groupe montagnard majoritaire localement. Par exemple, dans la province dOudomxaï, le gouverneur est dorigine khmou, ses deux adjoints dorigine hmong et lü. Chacun dentre eux exerce la fonction de gouverneur de la province pendant deux ans puis redevient ladjoint dun des deux autres. Le même phénomène sobserve dans la plupart des provinces du nord, par exemple celles de Bokèo et de Louang Nam Tha, où Hmong et Khmou sont représentés au plus haut niveau, mais également aux échelles intermédiaires. La place faite aux cadres dorigine ethnique à léchelon des provinces et des districts contraste cependant avec leur sousreprésentation à léchelon national. |