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ANNEX 1. Cameroun


Projets de développement piscicole et vulgarisation agricole au Cameroun par J. Kouam.

Bien que possédant de nombreux atouts pour la pisciculture, le développement de cette activité n’a, jusqu’à présent, pas comblé les attentes au Cameroun. Au regard de l’ensemble des activités piscicoles menées dans ce pays depuis plus de 30 ans (excepté le projet PIC du Peace Corps et celui actuellement en cours avec l’ICLARM), on est bien surpris de voir qu’en dehors des investissements (construction des étangs, équipement et réfection des structures de production piscicole, etc.) réalisés au cours de ces projets, les activités piscicoles entreprises n’ont pas réussi à engendrer un auto-développement durable du secteur. Plusieurs raisons peuvent être suggérées pour tenter d’expliquer cette situation et en tirer des conséquences: (i) la durée de certains projets très courts (2 à 3 ans), malgré des approches plus participatives et donc potentiellement durables, ne permet pas à la population de bien comprendre le message à transmettre; (ii) l’absence d’un plan directeur de l’aquaculture conduit à un manque d’objectif et un désordre dans la planification et la mise en œuvre des projets d’investissements; (iii) l’absence des essais en champ: la quasi-totalité des essais des activités à entreprendre se font à la station aquacole en conditions optimales ayant peu de choses à voir avec les conditions paysannes réelles où les résultats sont censés être répliqués. Le projet ICLARM en cours financé par DFID semble esquisser une approche permettant d’innover; (iv) le suivi déficient des producteurs, et lorsque ce suivi est consistant, une formation insuffisante des encadreurs directs sur le terrain; (v) le lien centre d’alevinage-moniteur-pisciculteur trop fort: les alevins produits à la station aquacole ou centre d’alevinage parviennent aux pisciculteurs par l’intermédiaire du moniteur piscicole. Le moniteur a été jusque très récemment, le seul en contact avec le pisciculteur, et ce dernier ne connaît pas le plus souvent où se trouve la station aquacole ou le centre d’alevinage émetteur du produit. Les pisciculteurs dans l’impossibilité de s’approvisionner ailleurs de manière fiable que via le moniteur piscicole abandonnent les étangs lorsque ce dernier ne peut efficacement faire son travail pour une raison ou une autre; (vi) l’absence du volet étude après projet: pendant le déroulement de ces projets, il y a apport de capitaux pour le financement des moyens de travail, de la logistique, de la motivation des intervenants et des vulgarisateurs pour mener à bien les activités. A la fin du projet, ces conditions favorables pour le travail n’existent plus à tous les différents niveaux du projet. Toutes les activités sont alors paralysées voire arrêtées. Chaque projet doit investir substantiellement pour préparer la durabilité de l’après projet en tirant profit des leçons antérieures.

Historique et chronologie des Projets

Les débuts de la pisciculture au Cameroun remontent à 1948, année où fut construit le premier barrage à vocation piscicole à Yaoundé. Au début des années 50, l’intérêt suscité par cette nouvelle technique a été tel que près de 5 000 barrages/étangs ont été aménagés dans le centre et l’est du pays. La production n’a pas été à la hauteur des espoirs, ce qui a conduit à un abandon progressif des infrastructures. Face à cette situation, le Gouvernement a souscrit en 1968 à un projet régional UNDP/FAO de développement de la pisciculture couvrant le Congo, le Gabon, la République centrafricaine et le Cameroun dont le siège était à Bangui. Jusqu’en 1972, ce projet a permis la formation de moniteurs piscicoles sur les nouvelles techniques de polyculture, de production d’alevins de Clarias gariepinus, d’“engineering” piscicole et surtout de la pisciculture associée aux porcs, aux poulets et à la riziculture.

Parallèlement, en 1969, le Gouvernement a sollicité l’assistance sur le terrain de volontaires du Corps de la paix (USA) qui ont pu assister près de 2 000 pisciculteurs ruraux en activité dans l’ex-Cameroun occidental. Dans la foulée, certains organismes comme OXFAM (UK) et la SELF HELP FUND (USA) ont supporté le programme piscicole, avec respectivement l’aménagement de la station de Bambui (Nord-Ouest), la construction d’une station aquacole moderne d’environ 4 ha de superficie en eau à Ku-Bome (Nord-Ouest), plus l’introduction au Cameroun de la carpe commune Cyprinus carpio de race israélienne.

En 1972, suite à la réunification du Cameroun oriental et du Cameroun occidental, le Fonds national forestier et piscicole (organisme para-statal de l’Etat camerounais), a été mandaté pour le financement, le suivi et l’exécution du programme piscicole sur le territoire national.

En 1973, l’UNDP a approuvé le financement d’un projet national pour le développement de la pisciculture. Basé à Foumban (Ouest du Cameroun) ce projet, exécuté par la FAO, a permis jusqu’en 1976 de réfectionner et d’agrandir l’ancienne station piscicole de Foumban la portant de 0,36 ha à 3,30 ha de superficie en eau, de former 52 moniteurs piscicoles, de mettre au point une technique de production en masse d’alevins de poisson-chat (Clarias gariepinus) et de contribuer au perfectionnement des techniques d’élevage de cette espèce, du tilapia du Nil, de la carpe commune et de l’Heterotis.

En 1974, le champ d’intervention des volontaires du Corps de la Paix a été élargi, couvrant ainsi toutes les provinces où la pisciculture pouvait être une vocation.

En 1978, la Banque mondiale a subventionné à concurrence d’environ 40 millions de FCFA un projet visant à l’amélioration de la pisciculture dans la province de l’Est, dans le cadre d’un programme de développement rural intégré au sein de la Zone d’actions prioritaires intégrées (ZAPI). Entre autres acquis de ce projet, 600 étangs privés de 300 m² en moyenne ont pu être réaménagés, de même que la station aquacole de Bertoua qui a été agrandie et est passée de 0,3 ha à 1 ha de superficie en eau. Le centre de démonstration piscicole (environ 0,8 ha de superficie en eau) de Doume a aussi vu le jour à l’occasion de ce projet

En 1980, l’Agence américaine pour le développement international (USAID) a prêté main forte à la relance de la pisciculture villageoise dans les provinces du Nord-Ouest et de l’Ouest.

En 1987, la Direction des pêches et l’ex-Institut de recherches zootechniques, avec l’appui financier du CRDI (Canada), a mené une étude sur la pisciculture intégrée à l’élevage (porcs et poulets) dans les provinces de l’Ouest et du Nord-Ouest. Les résultats obtenus en stations (6,5 à 8,7 t/ha/an du poisson en pisciculture-aviculture à Foumban et 6 à 7,2 t/ha/an en porciculture-pisciculture à Kubome) ont été confirmés dans des étangs de pisciculteurs bien choisis. Le volet technique a été précédé par une enquête socio-économique définissant la typologie des pisciculteurs dans ces deux provinces, qui a fait ressortir le niveau essentiellement artisanal et de subsistance de la pisciculture.

Dès 1988, suite aux difficultés rencontrées avec la reproduction des poissons-chats et des carpes en captivité, la gestion des étangs de barrage et l’abandon massif des étangs familiaux, le Corps de la paix, de concert avec la Direction des pêches, a revu la politique de vulgarisation piscicole des volontaires. Ainsi est né le «Projet de pisciculture intensive camerounaise» (PIC), qui focalise son approche sur la monoculture du tilapia en étangs de dérivation. Ce projet qui a pris fin en 2000 et s’est déroulé surtout dans certaines régions des provinces du Centre, de l’Est et de l’Adamaoua, a eu des résultats plutôt encourageants: là où le projet s’est déroulé normalement, des «farmer leaders» (pisciculteurs plus aptes) ont été identifiés et ont assuré la vulgarisation auprès des membres de leur association. Tous les pisciculteurs ainsi suivis sont devenus autosuffisants en alevins et, à ce jour, gèrent assez bien leurs étangs.

Depuis 1992, le gouvernement camerounais a libéralisé la vie associative. Il en est résulté une profusion de groupes paysans et d’ONG encadreuses, avec la bénédiction de bailleurs de fonds de la communauté internationale. En pisciculture, certaines ONG comme le CIFOR (basé à Bafoussam) ou le CEPID (Yaoundé) ont inclus dans leur programme d’activités la vulgarisation piscicole. Leurs interventions sont ponctuelles, car leur capacité d’intervention sur le terrain est très réduite, avec des volumes de financement généralement modestes. Quand elles reçoivent un financement pour des activités piscicoles, certaines essayent de les réaliser usant, tant bien que mal, leurs propres connaissances; d’autres plus honnêtes requièrent les services temporaires d’un spécialiste pour accomplir la tâche. Malgré la modicité des moyens, l’impact réel dans certaines localités de l’action de ces ONG reste perceptible.

De 1995 à 1998, le Projet d’appui au développement de l’activité piscicole à Yemessoa financé par la Coopération française a eu pour but de relancer la pisciculture dans le village. Pour y parvenir, le projet a, entre autres, transformé des étangs de barrage en étangs de dérivation, initié les pisciculteurs à la polyculture (tilapia et poisson-chat) et à la fertilisation des étangs, et leur a appris à donner un aliment complémentaire (sous-produits agricoles localement disponibles tels que des cabosses de cacao) aux poissons. A la fin du projet les pisciculteurs ont obtenu un rendement moyen de l’ordre de 150 kg de poisson par étang de 300 m² par cycle d’élevage de huit mois (soit environ 6,5 t/ha/an).

En 2000, le «Department for International Development (DFID)» de la Grande Bretagne a financé à concurrence d’un million de livres sterling pour cinq ans, un projet de développement de systèmes intégrés agriculture-aquaculture chez les paysans de la zone péri-forestière du Cameroun. L’objectif visé est la réduction de la pauvreté et l’amélioration de la qualité de vie des populations rurales. Le système dénommé «Farmer Scientist Research Partnership (FSRP)» est mis en œuvre par l’ICLARM (actuellement WorldFish Centre).

La pisciculture est quasi inexistante dans la zone soudano sahélienne à cause du manque d’eau. Cependant, des tentatives ont été faites aux bords de deux grandes retenues d’eau, à Maga et à Lagdo. A Maga, la Société d’expansion et de modernisation de la riziculture de Yagoua a introduit la pisciculture dans les casiers rizicoles. En outre, depuis 1986, le projet japonais de développement de la pêche artisanale continentale a élargi ses activités par la construction d’un centre d’alevinage à Maga dans le but de promouvoir la pisciculture en étangs de dérivation, en canaux d’irrigation des rizières et en cages dans la retenue.. A Lagdo, dans le cadre du projet de la mission d’étude et d’aménagement de la vallée supérieure de la Benoué, un centre de pisciculture a été construit en 1987 à Ngounougou, en aval du barrage, comportant 28 étangs en dérivation d’une superficie totale de 1,7 ha. Sa raison d’être a été d’inciter les populations situées en aval de la retenue à élever des poissons en étangs de dérivation, dans les casiers rizicoles afin de parer à la baisse progressive de la production du barrage. A ce jour, malheureusement, aucun paysan n’a essayé, dans l’un ou l’autre site, d’imiter l’innovation. L’échec de ces tentatives, tant à Maga qu’à Lagdo, provient du fait de la proximité des retenues d’eau des populations cibles. Celles-ci en obtiennent du poisson sans effort, et même en saison des pluies, les mares d’eau temporaires appelées yarées sont peuplées de poissons. Elles préfèrent utiliser leurs sous-produits agricoles pour leurs animaux plutôt que pour des poissons qui, selon elles, grandissent bien sans apport de nourriture dans les mares et la retenue.

Evolution de la structure de la vulgarisation

Au Cameroun, le secteur traditionnel est prédominant dans l’appareil de la production agricole: 90 pour cent des superficies cultivées, 90 pour cent de la production totale et 94 pour cent de la production vivrière. Le secteur moderne est constitué essentiellement d’exploitations agro-industrielles, ciblant l’huile de palme, le sucre, le caoutchouc, le riz, le coton et la banane d’exportation.

La vulgarisation agricole est assurée par le Ministère de l’agriculture (MINAGRI), le Ministère de l’élevage, des pêches et des industries animales (MINEPIA) et diverses ONG de développement rural. Ces institutions focalisent leurs actions vers le secteur traditionnel. Les deux ministères cités, compte tenu des nombreuses mutations survenues en leur sein depuis leur création, n’ont pu mettre en place une politique cohérente de vulgarisation. Depuis les années 50, les mutations des structures chargées de la vulgarisation agricole peuvent être résumées comme suit.

Au cours des années 50, l’institution chargée de promouvoir la politique en matière agricole (MINAGRI) était l’Inspection générale de l’agriculture. Avec l’indépendance en 1960, elle devient le Ministère de la production rurale et comprend trois directions techniques au niveau central dont la Direction des eaux et forêts (encadrant entre autres la pisciculture) et la Direction de l’agriculture. Avec la réunification des Etats fédéraux en 1961, le Ministère de la production rurale disparaît, éclatant en deux Secrétariats d’Etat au Développement rural, un pour chaque Etat fédéré, dont la charge était en fait de gérer les structures qui étaient déjà en place. Dans le même temps, fut confiée au Ministère fédéral de l’économie et du plan la charge du Développement rural au sens large. De toute évidence, les deux secrétariats nouvellement créés fonctionnaient très différemment. Dans un souci d’harmonisation, le Gouvernement fédéral créa à l’intérieur du Ministère de l’économie et du plan, la Direction de l’animation et du développement. Une première réorganisation institutionnelle voit le jour en 1967et les deux secrétariats créés en 1961 fusionnent; on parle désormais d’un Secrétariat d’Etat au Développement rural avec quatre directions techniques dont la Direction de l’agriculture et la Direction des eaux, forêts et chasse. Une deuxième réorganisation est opérée en 1968. La Recherche agronomique qui a commencé à figurer dans l’organigramme en 1967, prend de l’importance en passant d’un service à une sous-direction. Aucune allusion n’est encore faite à la vulgarisation agricole au sens strict.

La réforme de 1972 marque une étape très importante dans l’évolution des institutions. C’est l’unification du Cameroun. L’administration centrale est profondément restructurée. Le Ministère de l’agriculture remplace le Secrétariat d’Etat; les services extérieurs sont renforcés. Une Division centrale du développement rural est créée, mais les sociétés de développement qui dépendaient de la Direction de l’animation et du développement rural au Ministère de l’économie et du plan continuent à dépendre de cette tutelle, qui en outre se voit confiée la charge de recherche agronomique qui jusqu’ici relevait de la Direction de l’agriculture. On parle pour la première fois de vulgarisation en termes de pré-vulgarisation et de développement communautaire. La nouvelle structure compte cinq directions techniques, dont la Direction de l’agriculture et de l’animation rurale et la Direction des eaux, forêts et chasse. Les changements intervenus en 1974 voient la restructuration de la Direction de l’agriculture qui ne comporte plus de sous-direction, mais plutôt trois services parmi lesquels le Service de la vulgarisation et de l’animation qui se voit, entre autres, attribué la charge de la formation et du perfectionnement, à la place de l’ancienne Direction de la formation et de la statistique agricole dissoute. Les services extérieurs deviennent des Délégations provinciales de l’agriculture. En 1976, le mouvement coopératif, sous l’impulsion du Gouvernement, subit des mutations importantes.

D’un autre point de vue, le pays compte à ce moment une vingtaine de sociétés de développement ou missions chargées de préparer la mise en œuvre d’une vingtaine de projets. L’étude, le suivi/évaluation et la coordination de tous ces nouveaux organismes auxquels il faut ajouter les projets déjà en cours d’exécution ont justifié la création de la Direction des études et projets après la dissolution de la Division centrale du développement rural. La nouvelle structure comporte huit directions techniques qui seront toutes reconduites après la réorganisation de 1983.

En 1989, La Direction des études et projets éclate en une Direction des enquêtes agro-économiques et de la planification agricole et une Division des projets agricoles. La Direction de l’agriculture se voit, au sein du Service de formation et de perfectionnement des Agents de lutte, confiée les missions du CREPHY défunt.

L’analyse de ce qui vient d’être exposé fait apparaître la reconduction permanente au cours des années, de trois groupes de programmes par les pouvoirs publics, à savoir: programmes agricoles (production et distribution du matériel végétal, engrais, lutte phytosanitaire et mécanisation agricole); programmes d’aménagement de l’espace rural; programmes de structuration du milieu rural (encadrement des paysans, mouvement coopératif, jeunes agriculteurs et formation rurale).

S’agissant de l’encadrement des paysans au sein du MINAGRI, il était l’œuvre des Secteurs de modernisation dans les années 50 et au début des années 60. Mais ces structures ont dû disparaître par la suite car leur efficacité a été mise en doute à partir de 1964. En remplacement, on a mis en place un système expérimental d’encadrement composé de plusieurs structures dont on ne s’était pour le moins soucié de la cohérence. Le PNVRA verra le jour en 1988 (voir ci-dessous).

Le Ministère de l’élevage, des pêches et des industries animales (MINEPIA) voit le jour en 1972 avec l’avènement de la République Unie du Cameroun. Ce nouveau ministère regroupe les services de l’ancien Secrétariat d’Etat à l’élevage de l’ex-Cameroun oriental et les services vétérinaires de l’ancien Secrétariat d’Etat au Développement rural de l’ex-Etat du Cameroun occidental. D’après le décret de création de ce ministère, il comprend une administration centrale et des services extérieurs. L’administration centrale comprend le secrétariat général, la division des programmes, et quatre directions dont celle des pêches maritimes (siège à Douala). Les services extérieurs comprennent les secteurs provinciaux, et les sous-secteurs, avec des bases dans cinq provinces dont Bamenda, Kounden, Yaoundé, Wakwa et Maroua. Il comprend aussi deux établissements spécialisés, les centres de formation zootechnique et vétérinaire de Maroua et de Jakiri. En 1976, deux postes de conseillers techniques et un poste de secrétaire particulier sont créés, et les directions sont réduites à deux, dont la Direction des pêches maritimes.

Le Ministère de la recherche scientifique et technique (MINREST), ministère de tutelle de la recherche agricole et principal pourvoyeur des formations innovantes pour les vulgarisateurs, voit le jour en 1992. Il comprend plusieurs instituts de recherche, dont l’Institut de recherche agricole et l’Institut de recherche zootechnique et vétérinaire, fusionnés en 1997 en l’Institut de recherche agricole pour le développement (IRAD). L’IRAD comprend une direction scientifique animant une relation permanente avec le PNVRA du MINAGRI. Il dispose d’unités de recherche disséminées dans le pays, avec des chercheurs bien formés pour appuyer l’animation de la formation continue de techniciens spécialisés conformément aux stratégies de fonctionnement du programme.

Le PNVRA, principal organisme de vulgarisation

Plusieurs types d’organismes opèrent en milieu rural dans le domaine de l’encadrement et de la vulgarisation. Parmi eux on note des institutions gouvernementales qui travaillent sous l’égide de départements ministériels bien déterminés; il y a aussi des organismes confessionnels et des organisations non-gouvernementales. Le Programme national de vulgarisation et de recherche agricoles (PNVRA) apparaît proéminent parmi ces organismes.

Ce programme regroupe les efforts de trois ministères: le MINAGRI, le MINEPIA et le MINREST. Dans cette symbiose, le MINAGRI et le MINEPIA mettent en commun leurs capacités de vulgarisation (personnel, structures d’appui à l’encadrement, moyens logistiques, budgets, etc.), tandis que le MINREST mène une recherche plus effective qui répond aux préoccupations immédiates des producteurs et contribue à la formation des vulgarisateurs.

Ce programme a débuté en 1988 au MINAGRI par une phase pilote, en 1996 et 1997 ont été signées des conventions de collaboration avec respectivement le MINREST et le MINEPIA. C’est en 1999 que le MINEPIA a effectivement commencé à contribuer au programme. Il s’achève en 2004 et est financé à concurrence de 11,5 millions de dollars EU par an par l’Etat camerounais et des bailleurs de fonds internationaux (IDA, IFAD, FED).

L’approche de vulgarisation préconisée est inspirée du système ‘Training and Visit’ (T&V). Cette approche de vulgarisation s’adresse à une masse de paysans dont les objectifs ne sont pas clairement définis. Sur le terrain, ce système a montré ses limites dans la quantification des résultats obtenus. Il s’est avéré en outre très coûteux et peu flexible dans sa démarche. C’est ainsi que le projet a introduit des adaptations successives en vue de répondre aux préoccupations des producteurs.

La méthode par laquelle les conseils techniques atteignent les producteurs s’inscrit dans une démarche qui intègre successivement: la programmation périodique, le diagnostic participatif de l’exploitation agricole, le test en milieu paysan, la formation des vulgarisateurs, la démonstration en milieu réel auprès des paysans, le suivi, la supervision et l’évaluation des activités.

La programmation est un moyen à travers lequel le système de vulgarisation s’organise pour exécuter ses activités au cours d’une période (année, campagne agricole, etc.). C’est un exercice de planification qui prélude l’ensemble des interventions. Elle consiste à ordonner les activités, à leur attribuer des responsables et des délais, et à leur affecter un budget. Le diagnostic participatif de l’exploitation permet d’identifier les problèmes des producteurs, de les classer par priorité, d’en rechercher des solutions et d’en établir des stratégies d’intervention. Trois types de diagnostic de l’exploitation sont pratiqués: le diagnostic discontinu de base qui s’effectue tous les deux ans, le diagnostic continu dans le sillage des visites et supervisions d’appui technique, et le diagnostic discontinu d’approfondissement qui est une phase d’investigation plus approfondie.

La formation est un moyen d’appropriation, de maîtrise et de recyclage des vulgarisateurs sur des technologies nouvellement élaborées et/ou diffusées ou en cours de diffusion. Elle se fait à travers l’atelier de revue de technologie et la formation de quinzaine. Le suivi, la supervision et l’évaluation sont les moyens de vérification et d’appréciation des effets produits par l’intervention des vulgarisateurs. Un système d’indicateurs accompagne la mise en œuvre de ce processus.

Dans sa stratégie de vulgarisation le PNVRA a procédé à un recentrage de ses activités d’appui autour de promoteurs de différents niveaux:

a) Appui apporté aux organisations des producteurs de base: conseils techniques aux producteurs pour la mise en œuvre de micro-projets; renforcement des capacités organisationnelles de gestion, d’approvisionnement en intrants et de commercialisation des produits agricoles; formation des responsables des organisations et fourniture de petit équipement et matériel de bureau; acquisition de matériels végétal et animal améliorés.

b) Associations professionnelles et interprofessions producteurs professionnels orientés vers le marché, organisés autour de certaines filières porteuses dont celles de l’ananas, de la pomme de terre, de l’oignon, du palmier à huile, et de la banane plantain. L’appui donné vise au renforcement de ces filières et porte sur: la formation des responsables des organisations et la fourniture de petit équipement et matériel de bureau; l’accès aux intrants, la production et la commercialisation; le renforcement des capacités managériales des responsables de ces organisations et de l’interprofession. Les conventions de collaboration signées avec ces organisations précisent les arrangements institutionnels et organisationnels, et définissent les responsabilités de chacun des acteurs et l’évolution de celles-ci vers une prise en charge progressive de ces bénéficiaires. Elles précisent également les indicateurs, outils et mécanismes de suivi techniques et financiers. Ces arrangements sont assortis d’objectifs annuels quantifiés en termes de productions et de revenus, de programmes d’activités à mettre en œuvre et de budgets.

c) Appui via des prestataires de services privés: la rationalisation des interventions sur le terrain se traduit dans certaines localités par le redéploiement du personnel vers des zones non encore suffisamment pourvues. Les services d’appui dans ces localités anciennement couvertes sont confiés à des prestataires privés opérant dans ces localités, sur la base de conventions signées de gré à gré avec l’administration en tenant compte de leur implantation dans le milieu et de leur capacité à contribuer efficacement à la réalisation des objectifs du projet.

d) Appui au développement de la participation des bénéficiaires: l’approche participative niveau village (APNV) en constitue l’outil de mise en œuvre. Le suivi et la coordination des actions planifiées sont confiés à un Comité de coordination ayant en son sein des comités spécialisés, dont le Comité de suivi des activités de vulgarisation.

e) Appui aux efforts de lutte contre le VIH/SIDA en milieu rural: l’évolution du taux de prévalence du VIH/SIDA au Cameroun et la réalisation qu’il est l’une des causes de la diminution des forces productives dans les campagnes ont amené le PNVRA à s’impliquer activement dans les efforts nationaux de lutte contre cette pandémie en milieu rural, en vue de susciter des changements de comportement tant au sein du personnel de vulgarisation que des populations rurales.

Dans le programme du PNVRA, la vulgarisation concerne sept domaines dont: cultures vivrières et maraîchères; cultures pérennes et fruitières; semences et matériel animal; production animale; aquaculture et pêches.

Les Agents de vulgarisation de zone (AVZ) essayent autant que possible de résoudre les problèmes de pisciculture des paysans, malgré le problème posé par la notion d’Unité de démonstration du système T&V inapproprié pour la pisciculture.

Dans l’organigramme du volet vulgarisation PNVRA, l’AVZ est le dernier maillon qui est en contact avec les paysans. Il organise au niveau du village une Assemblée villageoise au cours de laquelle il réalise son diagnostic participatif. L’APNV vise à renforcer la participation des communautés villageoises à l’élaboration des stratégies d’un développement intégré et endogène. Sa réalisation s’inscrit dans un cadre multidisciplinaire cohérent qui fait appel à des domaines de compétence apparentés et variés tels que santé, animation, équipement et infrastructure rurale, agriculture, élevage, crédit rural, etc. Actuellement, l’APNV fait appel à la participation de tous les acteurs de développement en milieu rural (ministères, sociétés et projets de développement, ONG, autorités administratives et locales, organisations paysannes, etc.) dans la planification, l’exécution, le suivi et l’évaluation des activités de développement, sur la base des diagnostics opérés avec les villageois. Au cours de l’Assemblée villageoise, les villageois mettent en place un Comité de suivi des activités de vulgarisation dans le village. A l’issue de ce DP, des problèmes relevant de l’agriculture, de l’élevage, de la pisciculture et des pêches sont relevés et les paysans sont groupés par type de problème ou formation de groupes de contact potentiels. Pour les problèmes posés, si des solutions existent en vulgarisation, le projet à travers des techniciens spécialisés, organise une formation à l’attention des superviseurs des secteurs pour le suivi et des AVZ pour la transmission vers les paysans à travers des Unités de démonstration. Dans le cas où des solutions n’existeraient pas, on a recours à la recherche. Ici, deux cas de figure se présentent: (i) si les solutions sont disponibles, la recherche organise alors, à l’intention de techniciens spécialisés, un Atelier de revue technologique au cours duquel on leur transmet le savoir; les techniciens spécialisés à leur tour iront former les superviseurs des secteurs et les AVZ; (ii) si les solutions ne sont pas disponibles, on fait un appel d’offre à la recherche sur base compétitive pour une recherche des solutions en station. Le résultat obtenu est ensuite testé en milieu paysan pour contrôler son adaptabilité. Si ce test est concluant, la recherche organise un Atelier de revue technologique.

Dans la nouvelle orientation du projet en cours d’élaboration, qui devrait prendre effet immédiatement, l’option est de s’écarter résolument d’un encadrement de masse qui est diffus et de s’orienter vers une vulgarisation mieux ciblée et de qualité. En bref, l’AVZ va désormais s’occuper des Groupes de producteurs avec des objectifs clairement définis. A partir de ces objectifs, l’AVZ établira un programme de travail. Les visites de l’AVZ auprès de ces groupes seront fonction de ce programme de travail. Compte tenu de la complexité de certains objectifs, l’AVZ sera épaulé de temps à autre soit par les superviseurs des secteurs, soit par les techniciens spécialisés. Il n’est pas exclu que dans certaines situations, l’AVZ soit remplacé par des techniciens spécialisés. Sur le terrain actuellement, les AVZ ont des formations différentes: vétérinaire, zootechnicienne, agronome, pêche et aquaculture. Leur niveau de formation est soit infirmier vétérinaire, infirmier-adjoint ou agent vétérinaire; soit technicien supérieur d’agriculture, technicien d’agriculture, technicien-adjoint ou agent d’agriculture; soit technicien des pêches, technicien-adjoint des pêches; soit technicien d’aquaculture ou technicien-adjoint d’aquaculture. Les techniciens adjoints et les agents sont acceptés comme AVZ en raison de leur compétence prouvée dans l’exercice de leurs fonctions. Les AVZ sont au nombre de 1 295 dans les zones agro-écologiques à potentialités piscicoles pour appuyer environ 10 000 pisciculteurs, soit une proportion de 1 AVZ pour 7 pisciculteurs. Certains d’entre eux sont dotés de moto pour leur déplacement. Les autres attendent encore, en faisant leur travail à pied ou en utilisant les transports en commun.

Carte du Cameroun montrant les cinq zones agro-écologiques.


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