Page précédente Table des matières Page suivante


9 Conserver l’agro-biodiversité pour la stabilité de la production agricole - Didier BAZILE (CIRAD-Tera), Mamy SOUMARE (IER)[15] et Jacques DEMBELE (IER)


I. RESUME

Dans la zone cotonnière du Mali, la culture des céréales s’intensifie rapidement. En raison de la faible productivité des variétés locales, les agriculteurs se tournent vers le maïs qui valorise mieux les intrants. Cette culture est devenue récemment la céréale dominante au sud de la zone cotonnière. Son développement concurrence fortement les céréales traditionnelles. Pour enrayer la disparition des céréales locales, le défi à relever consiste à remonter leur productivité pour en faire une alternative plausible dans un système de culture intensifié.

Notre étude se situe dans la zone de Koutiala à la limite nord de l’aire d’extension du maïs (900 mm de pluviométrie annuelle). Pour limiter le risque hydrique important sur maïs, la stratégie adoptée par les paysans consiste à semer celui-ci sur les terres les plus profondes du bas glacis (meilleure fertilité et meilleure réserve hydrique). De plus, la saturation de l’espace agricole limite les nouvelles défriches aux zones difficiles à mettre en valeur par l’agriculture et où seuls le mil et le sorgho offrent une espérance de rendement. Le sorgho est alors marginalisé sur les moins bonnes terres du fait de sa rusticité.

La recherche d’une rente immédiate via le maïs et le coton fait oublier la rentabilité incertaine de ces cultures. Il faut donc reconsidérer l’opportunité de chaque culture pour concevoir un système de production agricole optimisé et durable. Cela revient à se poser la question: faut-il opter pour une productivité faible mais stable dans le temps (avec les céréales traditionnelles) ou pour une productivité forte avec un risque non géré par toutes les exploitations agricoles (avec le maïs)?

Notre discussion est centrée sur le lien entre la dégradation des terres (baisse de fertilité) et la baisse de productivité agricole. L’analyse spatiale montre que cette dernière peut simplement être le reflet d’une mise en valeur de terres de plus en plus impropres à l’agriculture. La dispersion/stabilité des rendements, pour le maïs et pour le sorgho, est analysée en termes de coût d’opportunité des céréales. La diversité des écotypes de sorgho présente alors un avantage comparatif sur le maïs pour mettre en valeur les différents écosystèmes de l’exploitation agricole.

II. INTRODUCTION

Le Mali est un pays largement agricole (80 % de sa population). L’agriculture s’exerce dans des conditions climatiques aléatoires avec des risques de sécheresse importants et parfois catastrophiques (1972-1973 et 1983-1984). La pluviométrie diminue du sud vers le nord, si bien que l’agriculture pluviale comporte un risque qui est intégré dans les stratégies agricoles. La production agricole malienne subit, en conséquence, des fluctuations importantes de sa production vivrière principalement liée au démarrage de la saison des pluies (TRAORE et al., 2000). La production céréalière est essentiellement constituée de cultures pluviales dans la zone agricole ayant une pluviométrie annuelle supérieure à 600 mm: le mil et le sorgho sont présents dans toute cette zone; le maïs est surtout présent dans les régions axant plus de 900 mm de pluie par an.

Depuis plusieurs décennies, on assiste au développement très important de la culture du coton sous l’impulsion de la CMDT. En zone Mali-sud, l’augmentation de la fertilité des sols, conséquence de la fertilisation apportée sur le cotonnier, entraîne une demande importante pour l’intensification des cultures. Comme les performances des céréales locales sont faibles, le paysan se tourne vers le maïs considéré comme la céréale qui valorise le mieux l’arrière-effet de la fertilisation apportée sur le cotonnier. La culture du sorgho diminue et se marginalise sur les sols les plus pauvres. L’érosion variétale qui en découle est importante (KOURESSY et al., 2003).

Le présent article montre comment le potentiel de production du maïs est rarement atteint à la limite nord de son aire d’extension. Cette espérance de rendement fait encourir un risque élevé au paysan. L’analyse comparée des résultats techniques de cette culture avec celle du sorgho nécessite de bien préciser la position de la parcelle sur la toposéquence pour s’assurer de la faisabilité d’une telle comparaison (CRIADO, 2002; DEMBELE et al., 2003). Pour s’adapter à la fois aux contraintes du climat et de la disponibilité de main d’œuvre agricole, la gestion d’une palette de variétés de sorgho offre une souplesse de dates de semis (photopériodisme), et une souplesse d’adaptation aux différents environnements de l’exploitation agricole (rusticité) (ALTIERI, 1999; CLEVELAND et al., 1994; COLLINS et al., 1999; GARCIA-BARRIOS et al., 2002; GOLLIN et al., 1999; SAVITA et al., 2001; SCHULZE et al., 1994; STAVEREN et al., 1986). Cette écologie du sorgho répond bien à l’objectif premier du paysan qui est d’assurer un minimum de production quelle que soit l’année (BAZILE et al., 2003).

III. MATERIELS ET METHODES

Dans le Mali-sud, on peut identifier quatre zones agroécologiques selon le niveau de concurrence qui existe entre les céréales traditionnelles (mil-sorgho) et le maïs (KOURESSY et al., 2003). Dans le sud-ouest du pays (Bougouni), la culture du maïs est ancienne et domine celle du sorgho, car les précipitations moyennes annuelles sont plus élevées que dans le reste de la zone cotonnière (1.100 à 1.400 mm). De même à Sikasso où la pluviométrie moyenne est voisine de celle de Bougouni, on note une diversité des systèmes de culture avec la présence de tubercules (igname, patate douce, pomme de terre, etc.). Malgré une culture traditionnelle du sorgho dans cette région, la pénétration du maïs est très visible dans les assolements depuis 5 ans et le maïs est désormais plus cultivé que le sorgho et le mil. Dans les régions de Fana et de Koutiala, au centre et à l’est du pays, la pluviométrie est en moyenne de 800 à 1.000 mm par an. Dans ces régions, la culture intensive du maïs présente un risque hydrique élevé. L’engouement des paysans pour l’intensification est tel que le maïs se développe malgré l’incertitude de rendement et une rentabilité non avérée.

Dans le cadre du projet «Agro-biodiversité du sorgho au Mali», 3 villages représentatifs de chacune des trois zones d’extension du maïs ont été étudiés mais nous ne présenterons ici que les résultats du village de Kaniko (15 km à l’est de Koutiala) qui marque bien la limite climatique nord pour la culture du maïs.

Une enquête exhaustive sur la structure des exploitations (N=91) a été menée en mai 2002. Une analyse factorielle des correspondances a permis de caractériser les systèmes de production (BENOIT-CATTIN et FAYE, 1982) pour construire une typologie fortement orientée sur la place du sorgho dans les systèmes de culture (GIRAUDY et al., 1997; PERROT, 1993). Trente-cinq exploitations choisies de façon raisonnée à partir de la typologie constituent notre sous-échantillon d’étude. Le parcellaire a été levé sur le terrain avec un global positioning system (GPS) afin de déterminer précisément la surface cultivée et de pouvoir localiser les parcelles dans le terroir. A cette occasion, la culture, la variété et la surface estimée de la parcelle par le paysan[16] ont été recueillies pour décrire l’assolement 2002. Un suivi détaillé de l’itinéraire technique [en cours de campagne agricole] de 92 parcelles de sorgho (77 ha) et de maïs (78 ha) a été conduit en retenant par exploitation toutes les combinaisons de variétés par type de sol (tableau 1, figure 2).

Figure 1: Extension de la culture du maïs depuis sa zone traditionnelle de culture

Tableau 1: Plan d’échantillonnage à Kaniko

No. exploitations

No. échantillon d’exploitations

Parcelles suivies

Maïs

Sorgho

91

35

50

42

Figure 2: Village de Kaniko: Localisation des parcelles suivies en fonction des types de sol

IV. RESULTATS ET DISCUSSIONS

a) Le maïs dans les exploitations agricoles, un bon indicateur d’intensification

Le village de Kaniko est situé au cœur du vieux bassin cotonnier du Mali. 90 % des exploitations sont équipées pour la culture attelée et ont accès aux intrants

Figure 3: Typologie des exploitations de Kaniko

avec la culture du coton. L’analyse du système de culture montre que la surface en coton est bien corrélée à la surface totale (R2 = 0,92). Cela signifie que la part du coton dans l’assolement est relativement constante pour Kaniko (30 %). Même si le maïs reste très lié au coton dans la rotation, suivant les recommandations de la CMDT, il est intéressant de noter que le sorgho est semé à part égale avec le maïs derrière le coton. Les variables d’intensification (équipement et accès aux intrants) permettent de discriminer les 91 exploitations agricoles du village. Il apparaît qu’au sein des 3 classes de surface du maïs, on note une relation inverse entre l’âge du chef d’exploitation et la surface consacrée aux céréales traditionnelles (mil-sorgho). L’accumulation de capital avec l’âge permet d’intensifier les pratiques agricoles.

b) Saturation de l’espace agricole et marginalisation du sorgho sur les versants

On peut noter deux grandes étapes dans l’évolution de l’agriculture au Mali. Tout d’abord, l’accroissement de la production s’est trouvé limité par la capacité des ruraux à travailler des surfaces plus importantes. Le développement de l’équipement et l’adoption de la culture attelée a permis de lever ce facteur limitant de la main d’œuvre et de poursuivre l’extension des surfaces cultivées. C’est alors que les défrichements ont atteint une limite physique, dans les zones à forte densité de population, car l’ensemble des terres arables étaient déjà mis en cultures. Les terres restantes correspondent à des terrains à fortes contraintes agricoles c’est pourquoi l’intensification est devenue la seule solution pour augmenter la productivité des terres les plus fertiles. Les cultures de rente bénéficient de cet effort d’intensification alors que les céréales traditionnelles sont marginalisées sur les sols les plus pauvres.

Les deux exploitations agricoles présentées à la figure 4c reflètent bien la stratégie générale d’assolement du village de Kaniko. Le maïs est cultivé sur les sols les plus profonds avec une richesse minérale élevée (présence d’argile et de limons). Le risque hydrique est toujours évité tant pour la sécheresse (sols drainants à fort taux d’éléments grossiers, pente marquée) que pour l’excès d’eau (sols à hydromorphie temporaire en bordure de marigot). Ces sols sont alors valorisés par les céréales traditionnelles (sorgho et mil) qui sont moins exigeantes et permettent, du fait de leur rusticité, d’avoir une espérance de rendement, certes limitée, mais quasi-certaine quelles que soient les conditions climatiques de l’année.

Figure 4a. Occupation prioritaire des terres du bas glacis (en jaune) en 1952

Figure 4b: Occupation progressive du plateau cuirassé (en orange) en 2000

Cas de l’exploitation de Fousseyni A. SANOGO L’exploitation agricole est morcelée en deux parties: cuirasse et glacis. Sur le glacis, les sols limono-argileux permettent la culture du coton et des céréales. Sur la partie de cuirasse, le fort pourcentage d’éléments grossiers des sols est défavorable aux cultures exigeantes en eau (maïs et coton). On note alors l’importance accordée à la culture du sorgho sur cette partie de l’exploitation. Le maïs y est malgré tout cultivé sur de petites parcelles avec des formes irrégulières qui doivent se superposer à des sols plus profonds (désagrégation de la cuirasse).

Cas de l’exploitation de Seydou SANOGO n°1 Les meilleurs sols de l’exploitation sont réservés au maïs et au coton alors que mil et sorgho sont marginalisés sur les sols plus sableux avec une réserve hydrique et une richesse minérale moindres.

Figure 4c: Stratégies d’assolement des exploitations de Kaniko

L’évolution de la productivité des céréales sur 20 ans donne un avantage très net au maïs dont les cultivars modernes rentabilisent bien les charges liées à l’intensification dès lors qu’il est semé sur les sols fertiles. Néanmoins, il y a lieu de s’interroger sur l’avenir avec la mise en valeur de moins bonnes terres pour l’agriculture, liée à une saturation progressive de l’espace. En effet, même si le sorgho est marginalisé sur les versants et les plateaux cuirassés, la stagnation des rendements doit être considérée comme un critère de réussite en conditions difficiles.

Figures 4d et 4e: Evolution de la production nationale céréalière et des rendements

Cet avantage, au niveau national, de la culture du maïs par rapport aux céréales traditionnelles contribue à accentuer la concurrence entre les cultures. Il en ressort que contrairement à l’hypothèse de départ d’une érosion génétique plus marquée au nord qu’au sud à cause de la péjoration climatique récente (avec la descente des isohyètes), on observe une disparition des variétés beaucoup plus importante au sud (jusqu’à 60 % des écotypes entre 1978 et 1999).

c) Le maïs peut produire plus que le sorgho, mais à quel prix?

L’analyse de variance ne permet pas de mettre en évidence une différence significative entre les rendements des parcelles de sorgho (û = 589 kg/ha) et de maïs (û = 780 kg/ha) sur le village de Kaniko (zone de Koutiala) en 2002. Cela s’explique par une dispersion plus importante des rendements sur maïs (figure 5). En effet, le nombre d’échecs sur maïs est considérable (20 %). Cela tient à la fois au risque hydrique élevé mais aussi à la sensibilité du maïs à l’acidité (sur versants) et à l’exigence d’une bonne fertilité du sol. C’est pourquoi, il est couramment admis et conseillé de placer le maïs derrière le coton dans la rotation pour qu’il valorise l’arrière effet de la fertilisation apportée sur le cotonnier.

Figure 4f: Evolution du nombre de variétés entre 1978 et 1998 par zone climatique

La rusticité du sorgho se caractérise par un regroupement autour de la moyenne alors que pour le maïs l’aplanissement de la courbe de Gauss vers les forts rendements offre une probabilité de fort rendement [rarement atteint] que les paysans se fixent comme objectif de production. Cette courbe schématise bien le risque encouru par le paysan avec le maïs.

Figure 5: Distribution des rendements de maïs et de sorgho à Kaniko en 2002

La production à l’hectare masque la rentabilité des différentes spéculations dans un système en voie d’intensification. En effet, 98 % des parcelles de maïs bénéficient d’une fertilisation alors qu’une seule parcelle de sorgho (2,4 %) reçoit de l’engrais. Le paysan doit donc raisonner à partir de la marge brute à l’hectare pour prendre en compte les charges en engrais et pesticides sur la parcelle.

Code

Culture (N)

Précédent (N-1)

11

Maïs

Maïs

12

Maïs

Sorgho

13

Maïs

Mil

16

Maïs

Coton

20

Sorgho

Autre

21

Sorgho

Maïs

22

Sorgho

Sorgho

23

Sorgho

Mil

26

Sorgho

Coton

Figure 6: Comparaison des marges brutes à l’hectare selon le précédent cultural

Notre analyse montre que le maïs est le plus mauvais précédent quelle que soit la culture. Cela laisse supposer que la fertilisation apportée ne compense pas les exportations puisqu’elle laisse le sol à un niveau de fertilité plus bas que celui obtenu avec un précédent mil ou sorgho sans aucune fertilisation. Est-ce que la valorisation des pailles des céréales traditionnelles (très forte biomasse à l’hectare) permet d’assurer une production agricole plus durable qu’une agriculture intensive mal maîtrisée dont les intrants ne compensent pas les exportations? La question mérite d’être posée surtout quand le rendement du sorgho avec un précédent coton est significativement différent de celui du sorgho derrière une céréale alors que la différence de rendement n’est pas significative pour le maïs selon les différents précédents (céréales/coton) (tab. 2).

Tableau 2: Analyse de variance sur les rendement (kg/ha)


Culture (N)

Précédent (N-1)

N

Sous-ensemble pour alpha =.05


REGPREC




1

2

211

Sorgho

Céréale

35

511,71


111

Maïs

Céréale

8

547,50

547,50

16

Maïs

Coton

39

794,36

794,36

26

Sorgho

Coton

10


1044,00

Signification




,074

,156

Les moyennes des groupes des sous-ensembles homogènes sont affichées. F de Ryan-Einot-Gabriel-Welsch

Tableau 3: Analyse de variance sur la Marge Brute (Francs CFA/ha)


Culture (N)

Précédent (N-1)

N

Sous-ensemble pour alpha =.05


REGPREC




1

2

111

Sorgho

Céréale

8

44.511,42


211

Maïs

Céréale

35

45.401,25


16

Maïs

Coton

39

65.908,57

65.908,57

26

Sorgho

Coton

10


91.937,68

Signification




,154

,240

Les moyennes des groupes des sous-ensembles homogènes sont affichées. F de Ryan-Einot-Gabriel-Welsch

On peut ainsi conclure que la rotation coton-sorgho est la stratégie qui valorise le mieux l’arrière-effet de la fertilisation apportée sur coton puisque la Marge Brute à l’hectare est significativement différente du maïs et du sorgho avec un précédent céréale (tab. 3). L’analyse des fréquences sur les parcelles avec un précédent coton (N = 49) montre que dans le cas du maïs, 60 % des parcelles ont un rendement inférieur à 1 tonne à l’hectare alors que c’est l’inverse pour le sorgho avec 60 % des parcelles dont le rendement dépasse 1 tonne/ha.

Il apparaît donc très important de conserver la diversité contenue dans les écotypes locaux pour valoriser des écosystèmes marginaux et difficiles à mettre en valeur avec les cultivars modernes trop exigeants.

d) Construction de la biodiversité et conservation in situ

Quelle que soit la céréale (mil, sorgho ou maïs), le nombre de variétés semées une année donnée est très faible au sein d’une exploitation agricole. En effet, dans plus de 70 % des cas, 1 seule variété est semée, même si on compte plus de 10 variétés disponibles au sein du village.

Figure 7: Pourcentage d’exploitation (N = 640) selon le nombre de variétés semées par céréale en 2003

Les paysans sèment deux variétés une même année, s’ils ont une exploitation morcelée sur deux niveaux de la toposéquence ou s’ils testent une nouvelle variété. La diversité est alors gérée à l’échelle du village. Les paysans puisent dans le pool de diversité variétale du village pour répondre à la spécificité de leurs besoins, pour faire face à la variabilité climatique inter-annuelle en déplaçant les variétés d’un écosystème à un autre, mais aussi pour avoir de la souplesse dans les semis.

Le paysan ne correspond pas à l’échelle adéquate d’intervention pour la conservation de la biodiversité in situ, mais la gestion-conservation doit se situer à un niveau supérieur tel que le village, la communauté ou une union de producteurs. Au lieu de conserver la biodiversité en tant que telle, il serait préférable de comprendre les mécanismes favorables à son émergence pour essayer de les perpétuer dans un système souple et adapté aux contraintes actuelles des sociétés rurales. Une approche participative peut permettre à la fois de conserver mais aussi d’améliorer le pool génétique existant.

V. CONCLUSIONS

L’activité humaine, et en particulier agricole, est souvent perçue comme un facteur de dégradation de l’environnement. Pourtant, la diversité variétale entretenue par des générations de paysans offre l’opportunité d’exploiter différents faciès du milieu. Le potentiel des variétés traditionnelles est sous-exploité et il est important de bien évaluer cette diversité génétique pour qu’elle soit mieux prise en compte dans les schémas de sélection. Malgré des efforts croissants lors des prospections, pour recueillir une information in situ sur les variétés, rarement celle-ci est analysée au même titre que les recherches menées sur les cultivars améliorés dans les stations agronomiques.

Les variétés traditionnelles de sorgho poussent dans une grande diversité d’environnements où elles sont stables et souvent plus productives que beaucoup de variétés modernes. La stabilité de la production du sorgho montre que le choix du maïs n’est pas toujours rentable, y compris après une culture de coton. Le paysan doit donc réfléchir au coût d’opportunité de ses céréales à la parcelle en s’appuyant sur la marge brute générée à l’hectare et non pas seulement sur un rendement potentiel.

Les centres de recherche agronomique essaient de répondre à l’accroissement de la population mondiale en proposant des variétés à fort rendement. L’analyse de la richesse variétale des sorghos maliens montre qu’il est possible de s’appuyer sur les variétés locales pour proposer une alternative plausible dans un système céréalier en cours d’intensification.

VI. REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier M. Cheick Tidiane DOUCOURE, service Suivi-Evaluation de la CMDT, pour l’accès aux données d’archives de 1974 à nos jours, les paysans de Kaniko pour leur disponibilité et l’ensemble de mes collègues de l’IER pour leurs commentaires tout au long de ce travail.

VII. REFERENCES

ALTIERI, M.A., 1999. The ecological role of biodiversity in agroecosystem. Agriculture, Ecosystems and Environment, 74 (1-3): 19-31.

BAZILE, D., M. SOUMARE, D. DEMBELE., C.H. DIAKITE, 2003. Rural strategies for managing agroecosystems and improvement of sorghum biodiversity. A case study of Mali. In: SSSG (Editor), International Conference on “Managing Soils for Food Security, Human Health and the Environment: Emerging Strategies for Poverty Alleviation. Soil Science Society of Ghana, Accra (Ghana).

BENOIT-CATTIN, M., J. FAYE, 1982. L’exploitation agricole familiale en Afrique soudano-sahélienne. Techniques Vivantes. Presses Universitaires de France, Paris (FRANCE), 98 pp.

CLEVELAND, D.A., D. SOLERI; S.E. SMITH, 1994. Do folk crop varieties have a role in sustainable agriculture? Bioscience, 44(11): 740-751.

COLLINS, W.W.; C.O. QUALSET (Editors), 1999. Biodiversity in agroecosytems. Advances in Agroecology. CRC Press, New York, 334 pp.

CRIADO, A., 2002. La pénétration du maïs dans les systèmes de cultures céréaliers mil-sorgho de la zone Mali sud: analyse en terme de coût d’opportunité et impact sur la sécurité alimentaire, DESS Economie agricole internationale, Université Paris Sud XI, Paris, 109 pp.

DEMBELE, J., K. KONE, 2003. Analyse de la place du sorgho dans les stratégies d’allocation du foncier dans l’assolement: cas du village de Kaniko (Koutiala, Mali). Maîtrise de Géographie Thesis, Université du Mali /FLASH, Bamako (Mali), 47 pp.

GARCIA-BARRIOS, L.; M. GONZALES-ESPINOSA, 2002. Do plant diversity and composition affect agroecosystem sustainability? Evidence from mesocosmos experiments in Chiapas, Mexico. Ecological Society of America Annual Meeting Abstracts, 87: 21.

GIRAUDY, F., J. GIGOU, M. NIANG, 1997. Le sorgho et les autres céréales dans les systèmes de culture de la zone Mali-sud. In: A. RATNADASS, and, al. (Editor), Amélioration du sorgho et de sa culture en Afrique de l’Ouest et du Centre. CIRAD/ICRISAT, Bamako (Mali), pp. 167-173.

GOLLIN, D.; M. SMALL, 1999. Valuing genetic diversity: crop plants and agroecosystem. In: C.O. QUALSET (Editor), Biodiversity in Agroecosystem. Advances in agroecology. CRC Press, New York, pp. 237-265.

KOURESSY, M. et al., 2003. La dynamique des agroécosystèmes: un facteur explicatif de l’érosion variétale du sorgho. In: R. PELTIER (Editor), Organisation spatiale et gestion des ressources et des territoires ruraux. 25-27 février 2003. CNEARC/CIRAD/ENGREF, UMR SAGERT, Montpellier (France).

PERROT, C., E. LANDAIS, 1993. Comment modéliser la diversité des exploitations agricoles. Les Cahiers de la Recherche Développement, 33: 24-40.

SAVITA, P. et al., 2001 Agricultural practices versus biodiversity., Sustainable management of forests India. International Book Distributors; Dehra Dun; India, pp. 147-151.

SCHULZE, E.-D., H.A. MOONEY (Editors), 1994. Biodiversity and ecosystem function. Ecological Studies, 99. Springer-Verlag, Berlin (D), 525 pp.

STAVEREN, J.P.V., W.A. STOOP, 1986. Adaptation aux types de terroirs des toposéquences d’Afrique de l’Ouest de différents génotypes de sorgho par rapport aux cultivars locaux de sorgho, de mil et de maïs. Agronomie Tropicale, 41(3-4): 203-217.

TRAORE, S.B. et al., 2000. Adaptation à la sécheresse des écotypes locaux de sorghos du Mali. Sécheresse, 11(4): 227-237.


[15] Institut d’Economie Rurale (IER), B P262, CRRA Sotuba, Bamako, Mali
[16] Cette surface donnée par le paysan est celle dont il dispose pour calculer ses doses d’intrants à l’hectare d’après les recommandations générales de la CMDT.

Page précédente Début de page Page suivante