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Focus / 2007

Cet article s'inspire de Gestion des interactions Environnement-élevage, un rapport au Comité de l'agriculture de la FAO (COAG), qui siègera à Rome du 25 au 28 avril 2007

Concilier élevage et environnement

Faute de mesures correctrices, l'impact de l'élevage sur l'environnement "prendra des proportions catastrophiques"...

Une récente étude de la FAO (lire ici) a constaté que l'élevage est l'une des causes principales des problèmes mondiaux d'environnement les plus pressants, à savoir le réchauffement de la planète, la dégradation des terres, la pollution de l'atmosphère et des eaux et la perte de biodiversité.

"L'avenir des interactions entre élevage et environnement dépendra de la manière dont nous résoudrons l'équilibre entre deux demandes concurrentes: produits animaux pour l'alimentation, d'une part, et services environnementaux, d'autre part ". Selon un rapport au Comité de l'agriculture (COAG), la FAO souligne les principales mesures correctrices nécessaires de toute urgence pour affronter l'impact de l'élevage sur l'environnement et "éviter qu'elle prenne des proportions catastrophiques".

 1  Encourager l'efficacité au moyen de prix de marché adéquats

Le niveau actuel des prix de la terre, de l'eau et des ressources fourragères mises en oeuvre pour la production animale ne reflète pas, dans de nombreux cas, leur rareté réelle. Il en résulte une utilisation excessive de ces ressources par le secteur de l'élevage et des inefficacités considérables. Toute politique formulée à l'avenir pour protéger l'environnement

"Les externalités environnementales doivent être expressément prises en compte dans les politiques par l'application du principe 'pollueur payeur'"
devra, en conséquence, introduire une tarification adéquate pour les principaux intrants du secteur, par exemple en introduisant une facturation à plein coût de l'eau et des droits de pâture. Si une kyrielle de solutions techniques éprouvées sont disponibles pour atténuer les impacts environnementaux, leur adoption et application à grande échelle exigera des « signaux prix » qui traduisent plus étroitement la rareté relative des facteurs de production, ainsi que la correction des distorsions à l'origine des incitations actuelles insuffisantes pour une utilisation efficace des ressources. L'évolution récente des marchés de l'eau dans certains pays est un pas dans la bonne direction.

 2  Corriger les externalités environnementales

L'élimination des distorsions de prix est de nature à améliorer l'efficacité technique de l'utilisation des ressources naturelles, mais pourrait ne pas être suffisante. Les externalités environnementales, tant négatives que positives, doivent être expressément prises en compte dans les politiques par l'application du principe «pollueur payeur ». Les éleveurs qui engendrent des externalités positives devront être rémunérés, soit par les bénéficiaires immédiats (cas des utilisateurs d'eau en aval), soit par le public dans son ensemble (ex. piégeage du carbone résultant d'une inversion de la dégradation des pâturages. La taxation des dommages environnementaux et l'incitation aux services environnementaux pourrait bien s'accentuer à l'avenir, d'abord en s'attaquant aux externalités au niveau local, mais de plus en plus aux impacts transfrontières.

 3  Accélérer les progrès technologiques

Un certain nombre de solutions techniques sont susceptibles de diminuer l'impact de la production animale. Par exemple, dans les systèmes de cultures fourragères et de gestion intensive des pâturages, de bonnes pratiques agricoles peuvent réduire le recours aux pesticides et les pertes d'engrais, et les systèmes d'élevage extensif peuvent également contribuer à la préservation de la biodiversité en adoptant des approches sylvopastorales. Les progrès technologiques doivent se concentrer sur l'amélioration des aspects alimentaires, génétiques et sanitaires. La recherche et les méthodes de gestion relatives à la production fourragère doivent viser des rendements plus élevés dans le cadre de systèmes de production mieux adaptés aux conditions locales et plus respectueux de l'environnement.

 4  Réduire les impacts environnementaux et sociaux négatifs de la production intensive

Les problèmes environnementaux causés par les systèmes de production industriels - qui représentent 80 pour cent de la croissance du secteur de l'élevage- dérivent essentiellement de leur concentration dans des zones favorisées par un accès au marché ou la disponibilité d'aliments pour animaux.

"Les élevages industriels devraient être situés, autant que faire se peut, à proximité de terres agricoles susceptibles d'absorber leurs déchets"
Les élevages industriels devraient être situés, autant que faire se peut, à proximité de terres agricoles susceptibles d'absorber leurs déchets. Les solutions comprennent le zonage, des plans de gestion des nutriments obligatoires, les incitations financières et la facilitation d'accords contractuels entre éleveurs et cultivateurs. Il est également nécessaire de recourir à la législation pour affronter les problèmes de résidus de métaux lourds et de produits pharmaceutiques au niveau des aliments du bétail et des déjections, et des impacts environnementaux liés à la production intensive de céréales fourragères et autres aliments concentrés.

 5  Réorienter le pâturage extensif pour la fourniture de services environnementaux

Le coût d'opportunité de la production animale extensive est en train de changer, à mesure que s'intensifie la compétition pour d'autres utilisations

"S'intensifie la compétition pour d'autres utilisations des terres à pâturages, comme les services liés à l'eau, la conservation de la biodiversité et les biocarburants"
des terres à pâturages, comme les services liés à l'eau, la conservation de la biodiversité et les biocarburants. Étant donné le potentiel mondial de piégeage de carbone des vastes étendues consacrées aux pâturages, il est nécessaire d'élaborer et de mettre en oeuvre des mécanismes permettant de mettre à profit cette solution potentiellement économique aux problèmes du changement climatique. Le passage des pratiques actuelles de pâture, qu'on peut qualifier d'« extractives », à la fourniture de services centrés sur l'environnement soulève deux questions primordiales: comment redistribuer les bénéfices dégagés par ces services, et comment traiter les populations pauvres dont la subsistance dépend de l'élevage extensif? Il ne sera pas aisé de rémunérer, par une simple fixation de prix du produit, la totalité des services environnementaux rendus par une forme durable d'élevage. Il faut créer également d'autres possibilités d'emploi et mettre en place des filets de sécurité sociale -intégrés dans d'autres activités de développement rural.

Les prochains défis. Les impacts de l'élevage sur l'environnement ne font pas l'objet de l'attention nécessaire, dit le rapport de la FAO: "Il s'agit donc essentiellement d'un problème de nature institutionnelle et politique portant notamment sur le manque de mécanismes propres à fournir un feedback environnemental, la prise en compte des diverses externalités et l'intégration dans l'organisation du secteur d'une fonctionnalité de préservation des ressources naturelles communes".

Le premier défi qui s'impose est de susciter une prise de conscience, de la part des parties prenantes du secteur, de l'ampleur des problèmes environnementaux et de la manière dont les mesures correctrices ne doivent pas se limiter à la protection d'écosystèmes spécifiques. "La mobilité intrinsèque de l'élevage lui permet de changer de localisation sans trop de gros problèmes," dit la FAO. "Par exemple, l'intensification peut alléger la pression sur les pâturages, mais aggraver celle sur les cours d'eau".


"La mobilité intrinsèque de l'élevage lui permet de changer de localisation sans trop de gros problèmes"
Le fait que tant de gens dépendent de l'élevage pour vivre limite les options ouvertes aux décideurs et les contraint à des arbitrages difficiles et politiquement délicats. Une expansion commerciale du secteur, tirant pleinement parti des économies d'échelle et permettant l'amélioration des normes de sécurité sanitaire des aliments, entravera la survie des petits producteurs. De même, les distorsions et les externalités peuvent être corrigées, mais la hausse des coûts des intrants qui en dérive sera à la charge des consommateurs.

Quatre lignes d'action. Étant donné que les ressources planétaires sont limitées et que la demande d'une population de plus en plus nombreuse et riche exerce une pression croissante sur l'environnement, il est impératif pour le secteur de l'élevage d'évoluer radicalement. La FAO suggère quatre grandes lignes directrices:

Premièrement, poursuivre les efforts visant à assurer une utilisation efficiente des ressources dans la production animale en apportant des corrections aux prix des intrants et en remplaçant les méthodes actuelles de production peu satisfaisantes par des méthodes de production avancée.

Deuxièmement, accepter que l'intensification de l'élevage soit inévitable, mais rendre ce processus écologiquement durable, par ex. par le recyclage des déchets sur les terres agricoles et l'application de technologies appropriées, en particulier pour la conduite de la production fourragère et du traitement des déchets.

Troisièmement, adapter la production basée sur les herbages de façon à lui assigner, comme objectif important, voire prioritaire dans les zones vulnérables, la fourniture de services environnementaux.

Quatrièmement, dépasser les cadres stratégiques existants au niveau local, national et international - Une volonté politique forte et pressante est indispensable pour entamer le processus d'action et d'investissement nécessaire pour conjurer les risques d'un immobilisme pour l'environnement".

Le rapport propose que la FAO crée un programme spécifique pour aborder les interactions élevage-environnement par le biais de consultations de haut niveau, d'une assistance aux pays pour formuler et mettre en oeuvre des cadres de politique propres à affronter les problèmes environnementaux transfrontières, et la préparation de directives, de documents d'orientation et d'instruments d'aide à la décision.

  • Lire le rapport intégral de la FAO au COAG: Gestion des interactions Environnement-élevage (PDF, 134K)
  • Voir aussi Focus: Agriculture et environnement, Boom de l'agroalimentaire, et Affronter la pénurie d'eau
  • Pour la liste intégrale des documents du COAG
Publié en avril 2007
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