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CHAPITRE 2

2.  SOURCES D'ENERGIE ET INTERACTIONS

Pour comprendre le fonctionnement de la télédétection, il faut d'abord comprendre quelques principes physiques qui sont à sa base. Pour cela, il est nécessaires de connaître le rayonnement électromagnétique et ses interactions avec les différentes composantes de l'environnement. Les éléments nécessaires à l'obtention d'un signal “ télédétecté” sont : la source d'énergie, l'atmosphère, la cible et le capteur. Ce chapitre traite des trois premiers éléments. Les capteurs ainsi que le traitement et l'interprétation du signal seront évoqués dans les chapitres ultérieurs.

2.1   Le rayonnement électromagnétique (REM) et ses propriétés

Le rayonnement électromagnétique est une forme d'énergie qui ne peut être observée que par son interaction avec la matiére. Le REM est composé de deux composantes, électrique et magnétique; il est affecté par les propriétés électrique et magnétique de la matière avec laquelle il est en contact. Deux hypothèses sont généralement utilisées pour décrire le comportement du REM : le modèle ondulatoire et le modèle corpusculaire. Les deux modèles sont valables et tous deux sont importants pour la télédétection ; cependant les spécialistes préférent généralement appliquer le modèle ondulatoire.

La figure 2.1 présente une série d'ondes électro-magnétiques qui traversent l'espace. Les composantes électrique et magnétique sont en phase et sont toujours perpendiculaires l'une à l'autre et aussi perpendiculaires à la trajectoire. Pour cette raison, il est plus simple de considérer l'onde comme une seule entité sans faire de distinction entre les deux composantes. L'orientation de l'onde, (c'est-à-dire son plan de déplacement) s'appelle la polarisation. Le REM produit naturellement contient des ondes qui sont polarisées d'une façon aléatoire ; des filtres de polarisation peuvent être utilisés pour choisir les ondes qui ont une polarisation particulière. Les sources de REM créées par l'homme telles que les systèmes radar produisent quelquefois des ondes avec une seule polarisation, le plus souvent verticale ou horizontale par rapport à la surface. Certains types de matériaux peuvent être distingués par leur tendance à “dépolariser” ces ondes.

La distance physique entre la crête d'une onde et la suivante s'appelle la longueur d'onde et est souvent désignée par la lettre grecque Lambda (λ). Le nombre de longueurs d'ondes qui passent sur un point donné dans l'espace pendant une période déterminée s'appelle la fréquence, elle-même désignée par les lettres f ou v. Comme chaque longueur d'onde représente un cycle complet de l'onde, la fréquence est généralement exprimée en nombre de cycles par seconde ou Hertz (Hz). Un hertz égale à un cycle par seconde.

Quelle que soit sa longueur d'onde, le REM se déplace avec la même vitesse (c), soit approximativement, 300 millions de mètres par seconde dans le vide. Le rapport entre la vitesse, la longueur d'onde et la fréquence est obtenu comme suit:

c = λ f

Il est donc possible de déterminer soit la fréquence, soit la longueur d'onde d'une onde électromagnétique, à condition de connaître la troisième valeur. Le changement de vitesse du REM quand il passe d'un milieu à un autre s'appelle la réfraction. Dans la plupart des cas cependant, on peut considérer la vitesse (c) comme une constante.

Figure 2.1

Figure 2.1   Une onde électromagnétique et ses composantes

Sauf dans certains systémès radar, on utilise plus souvent la longueur d'onde que la fréquence pour décrire le REM. La figure 2.2 montre comment les différentes parties du spectre électromagnétique sont désignées en bandes de longueurs d'ondes. Les bandes qui intéressent la télédétection sont les suivantes:

 (i)   l'ultraviolet photographique, dont les longueurs d'ondes vont de 0,3 à 0,4 micromètres (μm) (300–400 nanomètres); le rayonnement ultraviolet à ondes plus courtes est absorbé par l'ozone dans la haute atmosphère;

(ii)   le visible, avec des longueurs d'ondes entre 0,4 et 0,7 μ m; cette région contient toutes les couleurs de la lumière perceptibles par l'oeil humain;

(iii)  le proche infra-rouge, avec des longueurs d'ondes entre 0,7 et 3μ m; bien que non visible, on peut le détecter à l'aide par de films à émulsions sensibiles aux infra-rouges dans la gamme de 0,7 à 1,3 μ m;

(iv)  le moyen infra-rouge, avec des longueurs d'ondes entre 3 et 8μ m; comme dans le cas des bandes d'ondes courtes, l'énergie dans cette région provient surtout de la radiation solaire refléchie et ne contient pas d'information sur les propriétés thermiques des matériaux;

(v)  l'infra-rouge (thermique) lointain, avec des longueurs d'ondes de 8 a 1000μ m; cette région comporte des radiations terrestres en rapport avec l'émission thermique.

(vi)  les micro-ondes, avec des longueurs d'ondes entre l millimètre et 100 centi-mètres; on peut se servir de cette région pour mesurer l'émission terrestre mais elle est également importante pour les capteurs actifs comme les systèmes radar.

Il faut préciser que ces divisions sont arbitraires et que le spectre électromagnétique, par définition, est le continuum d'énergie qui va de kilomètres à nanomètre en longueurs d'ondes. Les ondes parcourent 3 × 108 mètres par seconde et ont la capacité de se propager dans le vide, comme, par exemple, l'espace intersidéral. Les grandes catégories énumérées ci-dessus peuvent être encore subdivisées. C'est ainsi que, dans la bande visible, les longueurs d'ondes entre 0,4 et 0,5 μ m correspondent approximativement à la lumière bleue et celles entre 0,6 et 0,7 μ m à la lumière rouge. Une définition encore plus fine est également possible suivant la résolution spectrale de tel ou tel capteur.

C'est le modèle ondulatoire qui convient le mieux pour décrire le trajet du REM à travers l'espace, et le modèle corpusculaire pour décrire comment le détecter et le mesurer. Conformément au modèle corpusculaire, le REM est émis en unités discrètes appelées quanta ou photons. Quand un photon émis d'un objet arrive jusqu'au capteur, il donne lieu à une réaction physique qui peut être amplifiée et mesurée. Il peut s'agir de l'exposition d'un grain de nitrate d'argent dans une émulsion de pellicule ou d'une tension dans un système électronique. La théorie du quantum de Planck énonce que l'énergie d'un photon peut être décrite par la relation:

E = hf

E = quantité d'énergie en Joules,

h = constante de Planck de 6,626 × 10-34 Joules par seconde

f = fréquence du rayonnement

Il est donc clair que plus la fréquence du REM est haute, plus son énergie est grande, ce qui facilite sa détection. De plus la relation entre la vitesse, la longueur d'onde et la fréquence (c = λ.f) indique que plus la longueur d'onde est courte, plus la quantité d'énergie est grande. Comme il y a moins d'énergie dans les bandes de grandes longueurs d'ondes, les capteurs qui fonctionnent dans ces régions ont généralement une résolution spatiale plus grossière parce qu'ils doivent rassembler des photons sur une surface plus grande pour recevoir un signal mesurable.

Figure 2.2

Figure 2.2   Le spectre électromagnétique montrant les bandes utilisées en télédétection

A l'exception des capteurs actifs qui fournissent leur propre éclairage, la télédétection dépend du rayonnement des sources naturelles. Qu'il s'agisse du rayonnement solaire réfléchi ou du rayonnement émis directement par la surface et l'atmosphère de la terre, il est primordial de comprendre quelques principes fondamentaux. Toute matière qui est à une température plus élevée que le zéro absolu (273° C ou 0° Kelvin) émet d'une façon constante un rayonnement électromagnétique. La quantité du REM émis par un objet et sa distribution spectrale (c'est-à-dire la gamme de longueurs d'ondes) peuvent être décrites graphiquement par une courbe d'émission spectrale comme dans la figure 2.3. Cette courbe est celle d'un objet hypothétique idéalisé, appellé corps noir, qui est capable d'absorber et de réémettre toute l'énergie qu'il reçoit, quelque soit la longueur d'onde.

Deux rapports indiquent la quantité et les caractéristiques spectrales du REM émis par un corps noir en fonction de la température. Selon la loi de Stefan Boltzmann, l'émittance énergétique augmente proportionnellement à la puissance quatrième de la température, tandis que selon la loi de déplacement de WEIN, la valeur de crête de la température émise est d'autant plus grande que la longueur d'onde est courte. On peut constater le déplacement des longueurs d'ondes en fonction de la température quand on chauffe un morceau de métal : à froid, il n'émet pas de lumière visible mais en chauffant il rayonne d'un rouge foncé, puis orange, puis jaune et enfin blanc à des températures élevées.

Figure 2.3

Figure 2.3  Tracé du rayonnement d'un corps noir en fonction de la longueur d'onde, avec la température comme variable. (D'après T.M. Lillisand et R.W. Kiefer, 1979).

Bien que les corps noirs soient hypothétiques, les matériaux réels suivent généralement le même chemin d'émission, au moins à l'intérieur de certaines gammes de longueurs d'ondes. Ces matériaux, cependant, émettent moins de REM qu'un corps noir à la même température. Le rapport entre l'émission réelle et théorique s'appelle l'émissivité du matériau. A cause des différences d'émissivité, il est parfois possible de distinguer entre deux matériaux qui ont la même température de surface, grâce aux différentes quantités de radiations qu'ils émettent.

Le rayonnement du soleil peut être évaluée au moyen de la courbe d'émission spectrale pour un corps noir à 6000° Kelvin, tandis que le rayonnement de la terre (considérée comme un ensemble) est analogue à celui d'un corps à 300° Kelvin. La valeur de crête du rayonnement solaire est d'environ 0,5 micromètres (500 nm) dans la partie visible du spectre alors que celle de l'énergie terrestre est d'environ 9,7 micro-mètres dans l'infra-rouge thermique. Pour l'étude des phénomènes observables seulement à des longueurs d'ondes courtes, on ne peut donc, en général, procéder à la saisie des données que de jour (sauf s'il s'agit de détecter la bioluminescence) ou bien alors utiliser un capteur actif.

2.2   Interactions Atmosphériques

L'énergie qu'un capteur reçoit d'une cible choisie doit passer à travers l'atmosphère. Les composants gazeux et les particules de matière dans l'atmosphère peuvent affecter l'intensité et la distribution spectrale de l'énergie, et gêner ou empêcher les observations des caractéristiques de surface. L'importance de ces effets atmosphériques dépend de facteurs tels que la longueur du trajet, les longueurs d'ondes observées et les variations quotidiennes des conditions atmosphériques. Dans le cas de l'énergie réfléchie, l'atmosphère intervient aussi bien entre la source de lumière et la cible, qu'entre la cible et le capteur. En ce qui concerne les longueurs d'ondes émises, la situation est plus simple parce que la cible est la source de lumière.

L'effet le plus facilement perceptible de l'atmosphère à des longueurs d'ondes visibles est celui de la diffusion. La diffusion est simplement la réflexion de l'énergie par des particules de l'atmosphère; bien que ces particules soient petites, elles peuvent, ensemble, avoir un effet assez important s'il y en a des quantités significatives. La diffusion de Rayleigh est causé par des molécules atmosphériques et des particules infimes bien plus petites que les longueurs d'ondes des radiations sur lesquelles elles agissent. Cette diffusion intervient principalement dans les parties ultraviolettes et bleues du spectre et c'est elle en fait qui donne au ciel son apparence bleue pendant la journée. Elle est aussi une des causes principales de la brume sur les images. La diffusion de Mie est des particules sphériques comme la poussière ou la vapeur d'eau qui sont approximativement de la même taille que les longueurs d'ondes sur lesquelles elles agissent. Bien que la diffusion de Mie se produise sur toute la longueur du spectre photographique (de l'ultra-violet à l'infra-rouge lointain), elle en général davantage affecte les longueurs d'ondes plus longues, que celles de Rayleigh. Quand le REM rencontre des particules beaucoup plus grandes que la longueur d'ondes concernée, il se produit une diffusion non sélective. Le terme non-sélectif veut dire que toutes les longueurs d'ondes solaires réfléchies sont affectées de façon plus ou moins égales. Ainsi, les gouttelettes d'eau dans les nuages ou les bancs de brouillard sont des diffuseurs non-sélectifs; ils apparaissent blancs parce que toutes les longueurs d'ondes sont réfléchies. Etant donné leurs grandes longueurs d'ondes, les capteurs micro-ondes ne sont pas affectés par la diffusion atmosphérique et sont par conséquent capables de “voir” à travers les nuages.

A cause de la diffusion, l'énergie qui est reçue par le capteur est faite des réflexions provenant aussi bien de l'atmosphère que de la cible. La composante réflexion atmosphérique est considérée comme la luminance énergétique du trajet et des algorithmes complexes sont nécessaires pour corriger cet effet. Avec des diffuseurs non-sélectifs, tels que les nuages, aucune radiation de la cible ne parvient au capteur, au moins dans les bandes visibles et infra-rouges. Avec des diffuseurs de Rayleigh et de MIE, on peut mesurer l'effet de la luminance du trajet “en regardant” des objets très sombres, qui reflètent relativement peu d'énergie dans plusieurs bandes acquises en même temps. Au plan visuel, la diffusion a pour effet de donner une image plus diffuse au contraste général moins marqué.

Contrairement à la diffusion qui redirige le REM et atténue le détail, l'absorption atmosphérique diminue la quantité d'énergie dans certaines bandes de longueurs d'ondes. Bien que l'atmosphère soit essentiellement transparente dans la partie visible du spectre, il y a plusieurs régions dans lesquelles elle est partiellement ou totalement opaque. Plusieurs gaz dans l'atmosphère absorbent ou “piègent” l'énergie à ces longueurs d'ondes qui s'appellent les bandes d'absorption. La figure 2.4. illustre le pourcentage du REM qui peut passer à travers l'atmosphère en fonction de la longueur d'onde. Les systèmes de capteurs sont uniquement conçus pour opérer dans les fenêtres atmosphériques, dans les régions de non-absorption du spectre ou la transmission est élevée.

Quand les molécules de gaz absorbent le REM, leur niveau d'énergie s'élève; cette énergie est ensuite réémise sous forme de chaleur, ou radiation thermique infra-rouge. Les émissions atmosphériques peuvent dégrader le signal qui parvient au capteur à partir de la cible de la même façon que la diffusion affecte l'énergie réfléchie. Là encore, on peut corriger cet effet en comparant les mesures enregistrées simultanément dans les différentes bandes.

Figure 2.4

Figure 2.4  Transmission de l'énergie à travers l'atmosphère en fonction de la longueur d'onde. Les fenêtres atmosphériques sont les régions de longueur d'ondes de grande transmittance. Les gaz responsables de l'absorption sont indiqués. (D'après F.F. Sabins, Jr., 1978).

2.3   Interactions des cibles

Quand le REM et la matière agissent, l'un sur l'autre agissent, le REM peut être réfléchi, absorbé ou transmis. Dans le paragraphe précédent, nous avons évoqué ces interactions par rapport à l'atmosphère. Ce qui, cependant est intéressant, du point de vue de la télédétection, c'est surtout de savoir comment le REM est modifié par les environnements terrestres et marins. A certains égards, les inter-actions terrestres sont plus faciles à décrire, car, dans la plupart des cas, elles se produisent à la surface de la terre où la transmission n'est pas un facteur important. Dans l'environnement marin, par contre, certaines longueurs d'ondes sont transmises; l'énergie qui parvient au capteur peut venir de la surface de l'eau, des substances dans la colonne d'eau ou des matériaux des fonds marins.

La réflexion d'énergie d'une surface est généralement qualifié de réflexion spéculaire ou diffuse (voir figure 2.5.). Il y a réflexion spéculaire quand l'énergie qui est réfléchie par la surface continue son trajet dans une seule direction et l'angle de réflexion est égal à l'angle d'incidence. Ceci est le type de réflexion qui est observée sur des miroirs ou sur une surface de mer calme à des longueurs d'ondes visibles. Avec la réflexion diffuse, en revanche, l'énergie réfléchie est divisée ou diffusée dans toutes les directions. En réalité, la plupart des surfaces ne réfléchissent pas de façon ni parfaitement spéculaire, ni parfaitement diffuse, mais se trouvent à mi-chemin entre ces deux extrêmes.

Pour les besoins de la télédétection, c'est le contenu spectral de la réflexion diffuse qui généralement fournit la plupart des renseignements, du moins sur la composition des matériaux de surface. La réflexion spéculaire, cependant, peut être utile pour caractériser la rugosité de surface et la géométrie de différentes aires. En fait, c'est le rapport rugosité de surface/longueur d'onde de l'énergie incidente qui, avec l'angle d'incidence, détermine si une surface est un réflecteur spéculaire ou diffus. La lumière brillante du soleil, réfléchi par une nappe d'eau étale, c'est-à-dire lisse est un exemple de réflection avec spéculation; à mesure que la surface de l'eau se ride, la réflectance devient plus diffuse à moins que le soleil ne soit bas a l'horizon. En mesurant la rugosité relative de l'eau, on peut ainsi par la suite calculer la vitesse du vent. De plus, les surfaces qui sont des réflecteurs diffus à telle longueur d'ondes peuvent être des réflecteurs spéculaires à telle autre longueur d'ondes plus grande. La mesure simultanée de deux ou plusieurs longueurs d'ondes, permet donc de faire la distinction, par exemple entre plages de sable et plages de gravier, ou encore glace lisse et glace rugueuse.

Figure 2.5

Figure   2.5 Réflexion radar spéculaire et diffuse (D'après T.E. Avery et G.L. Berlin, 1986)

Dans la pratique, cependant, la réflectance spéculaire est plus souvent une entrave qu'un atout. C'est la structure de la réflexion spectrale plus que la rugosité de surface qui permet généralement de déterminer les processus chimiques ou biologiques opérant en surface. Quand le REM frappe un objet, certaines longueurs d'ondes sont réfléchies tandis que d'autres sont absorbées ou transmises. Dans le spectre visible, cette réflectance sélective de certaines longueurs d'ondes est perçue en termes de couleur. La quantité d'énergie réfléchie par un objet dans des différentes longueurs d'ondes (par rapport à l'énergie qu'il reçoit) s'appelle la réflectance spectrale, celle-ci étant une propriété intrinsèque de chaque matériau. Les caractéristiques de réflectance de différents matériaux peuvent être représentées graphiquement par une courbe de réflectance spectrale comme le montre la figure 2.6. Sur cette dernière donnent, les valeurs types de réflectance pour l'eau des océans et le pétrole brut. Comme on peut le constater, à telles longueurs d'ondes, certains matériaux se distinguent facilement, alors qu'à telles autres, ils apparaissent comme parfaitement identiques. L'idéal serait de trouver une bande unique qui permette de séparer toutes les caractéristiques présentant de l'intérêt pour la télédétection. En pratique, ceci n'est pas toujours possible. Il faut donc avoir des mesures simultanées à partir de plusieurs bandes. Quand il s'agit de faire la différence entre deux ou plusieurs caractéristiques ayant des courbes on a la prise de réflectance spectrale, par exemple pour différentes espèces de plantes, on peut effectuer la saisie des données à partir d'une bande très étroite ou les différences de réflectance sont maximisées. Autre solution: utiliser un capteur sensible à de petites variations dans les valeurs de réflectance, c'est-à-dire, dote d'une bonne résolution radiométrique. Ces techniques peuvent également servir à détecter des variations ou des changements à l'intérieur d'un type donné de matériau.

Avec des matériaux qui ne transmettent pas le REM, l'énergie incidente qui n'est pas réfléchie est absorbée. Comme dans le cas de l'atmosphère, l'énergie absorbée est ensuite réémise, généralement sous forme de chaleur. Comme déjà expliqué, la quantité d'énergie émise est fonction de la température et de l'émissivité du matériau (voir figure 2.7). Etant donné que l'énergie émise par la terre est la plus importante dans la région infra-rouge thermique et que l'émissivité de l'eau est essentiellement constante dans cette gamme, les mesures infra-rouge, pourvue qu'elles vient calibrées, permettent de déterminer les températures de la surface de l'eau avec un degré raisonnable de précision. Bien que de telles mesures puissent aussi être faites pour les matériaux terrestres, il est plus difficile, vu les variations de l'émissivité d'un matériau à un autre, de déterminer la température absolue que la température relative. A noter que l'énergie n'est émise que de la surface et que les conditions sous la surface peuvent être assez différentes. Par exemple, une pellicule d'huile à la surface de l'eau donc l'impression d'être plus froide que l'eau sous jacente à la même température, parce que l'huile a une émissivité plus basse. Cette caractéristique peut servir à détecter les dégazages illicites ou à diriger des opérations de nettoyage.

Figure 2.6

Figure 2.6  Réflectance spectrale de l'eau de mer et d'une fine couche de pétrole brut. (D'après F.F Sabins, Jr., 1978)

Figure 2.7

Figure 2.7  Effet des différences d'émissivité sur la température radiante. (D'après F.F sabins, Jr. 1978)

Il existe un autre type d'émission, dite fluorescente, dans laquelle la radiation absorbée est réémise en une longueur d'onde plus large sans qu'elle soit d'abord convertie en énergie thermique. Plusieurs minéraux entrent en fluorescence dans le spectre visible quand ils sont exposés au rayonnement ultraviolet. Les longueurs d'ondes émises par les matériaux fluorescents sont en général divisées en plusieurs bandes très étroites et bien définies, ce qui est caractéristique de certains matériaux. Pour les applications marines, la fluorescence peut être utilisée pour identifier la chlorophylle, les algues, et différents types de polluants. La fluorescence se produit naturellement grâce au rayonnement solaire ou peut être provoquée par des capteurs actifs équipés de laser. Pour détecter la fluorescence, cependant, il est nécessaire d'avoir un capteur avec une résolution spectrale suffisamment fine.

La transmission du REM à travers l'eau a son importance quand on a besoin d'informations sur les conditions ou les phénomènes sous la surface. Cependant, la transmission est essentiellement limitée au spectre visible et atteint son niveau le plus puissant aux longueurs d'ondes bleues et vertes (voir figure 2.8). De toute évidence, la transmission se fait mieux en l'eau claire qu'en eau trouble (voir figure 2.8.b). Ce qui est peut-être moins évident, c'est que la crête de transmettance se déplace vers des longueurs d'ondes un peu plus longues à mesure que l'eau devient plus trouble. La transmettance peut être altérée par certains matériaux organiques dissous, naturels et artificiels.

Figure 2.8a

Figure 2.8a  Absorption de la lumière par 10 m d'eau pure en fonction de la longueur d'onde. (D'après P.K. Weyl, 1970)

Figure 2.8b

Figure 2.8b  Variation de la transmission de lumière en fonction de la profondeur pour les différentes eaux de mer. (D'après P.K. Weyl, 1970)

L'énergie qui détecte un capteur peut être réfléchie par la surface de l'eau, par des particules en suspension dans la colonne d'eau ou par les matériaux du fond. Comme le pourcentage de lumière transmis diminue, la capacité de “voir” dans l'eau diminue également parce que l'énergie s'atténue en approchant et en s'éloignant du réflecteur. Les particules en suspension produisent un effet de diffusion analogue à celui des aérosols atmosphériques; si la concentration est assez faible, leur réflectance se surimposes à celle des matériaux des fonds marins. A fortes concentrations, les particules en suspension peuvent carrément arrêter la transmission vers les profondeurs et à partir de ces dernières. En l'absence de réflexion des fonds, on peut utiliser la réflectance de l'eau pour mesurer la concentration des matériaux en suspension. La présence de chlorophylle est particulièrement intéressante pour l'aménagement des pêches, car c'est un indice de productivité primaire. Au fur et à mesure que le niveau de la chlorophylle augmente, la réflectance descend entre 0,4 et 0,5 μ m et à fortes concentrations, la réflectance s'accroît entre 0,5 et 0,6 μ m. Les sédiments en suspension déchargés par les cours d'eau sont des réflecteurs particulière-ment puissants. La cartographie de ces courants sédimentaires permet d'étudier la configuration du mélange et de la circulation des eaux. Les mesures dans la bande 0,6 et 0,7 μ m font apparaître un degré plus élevé de corrélation avec les concentrations de sédiments en suspension. Comme, toutefois elles réfléchissent si fortement sur une large gamme de longueurs d'ondes, les grandes concentrations de sédiments peuvent gêner ou empêcher les mesures de la chlorophylle.

Chaque chercheur ayant ses propres objetifs, ce qui pour l'un peut être un “bruit” peut constituer pour l'autre un “signal”. L'énergie qui parvient éventuellement à un capteur est réfléchie ou émise par divers composants de l'environnement. Si l'on connaît les schémas des réactions spectrales de ces composants, on peut déterminer les régions spectrales optimales à étudier. Le milieu marin offre des possibilités et des défis particuliers à cause de ses caractéristiques spectrales et de sa nature dynamique. On examinera dans les chapitres suivants, les appareils dont on dispose pour son étude.


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