8. EVALUATION DE LA QUALITE DU POISSON


8.1 Méthodes sensorielles
8.2 Méthodes biochimiques et chimiques
8.3 Méthodes physiques
8.4 Méthodes microbiologiques


La plupart du temps le mot "qualité" se réfère à l’aspect esthétique et à la fraîcheur ou au degré d’altération que le poisson a subi. Il peut aussi comprendre des aspects de sécurité tels que l’absence de bactéries et parasites pathogènes ou produits chimiques toxiques. Il est important de se souvenir que la notion de "qualité" implique des choses différentes pour des gens différents et que c’est un terme qui doit être défini en association avec le produit concerné. Par exemple, on pense souvent que c’est le poisson consommé dans les quelques heures post mortem qui possède la qualité la meilleure. Cependant les poissons très frais qui sont en rigor mortis sont difficiles à fileter et peler et sont souvent impropres au fumage. Par conséquent, pour le transformateur, les poissons un peu plus vieux qui ont dépassé la rigor mortis sont plus appréciés.

Les méthodes d’évaluation de la qualité du poisson frais se divisent en deux catégories: sensorielles et instrumentales. Le consommateur étant, en fait, le juge final de la qualité, la plupart des méthodes chimiques et instrumentales doivent être en accord avec l’évaluation sensorielle avant d’être utilisées en laboratoire. Les méthodes sensorielles doivent cependant être appliquées scientifiquement, dans des conditions soigneusement contrôlées, pour que les effets de l’environnement sur les essais, les partis pris personnels etc. puissent être réduits.

8.1 Méthodes sensorielles

L’évaluation sensorielle est définie comme la discipline scientifique utilisée pour évoquer, mesurer, analyser et interpréter les réactions aux caractéristiques des aliments perçues par les sens: la vue, l’odeur, le goût, le toucher et l’ouïe.

La plupart des caractéristiques sensorielles peuvent seulement être mesurées de manière subjective par les humains. On a cependant fait des progrès dans le développement d’instruments qui peuvent mesurer des changements particuliers de qualité.

Les instruments capables de mesurer des paramètres faisant partie du profil sensoriel sont l’Instron, le Rhéomètre Bohlin pour mesurer la texture et d’autres propriétés rhéologiques. Des méthodes microscopiques associées aux analyses d’images sont utilisées pour vérifier les changements structurels et le "nez artificiel" pour évaluer le profil d’odeurs (Nanto et al., 1993).

Processus sensoriel

Dans l’analyse sensorielle, l’aspect, l’odeur, la flaveur et la texture sont évalués par les sens humains. Scientifiquement, la procédure peut être divisée en trois étapes. Détection d’un stimulus par les organes des sens humains, évaluation et interprétation par un processus mental et finalement réponse aux stimuli par la personne concernée. Il existe des variations entre les individus dans la réponse au même taux de stimuli qui peuvent contribuer à une réponse non concluante du test. Les réactions aux couleurs et les sensibilités aux stimuli chimiques peuvent, par exemple, différer largement d’une personne à l’autre. Les daltoniens ne détectent pas certaines couleurs. Certaines personnes ne peuvent pas percevoir le goût de rance et certaines réagissent faiblement à la flaveur du produit congelé entreposé. Il est très important de reconnaître ces différences quand on choisit et forme des juges pour l’analyse sensorielle. L’interprétation du stimulus et la réponse doivent être formulées très soigneusement de façon à recevoir des réponses objectives qui décrivent les caractéristiques du poisson en cours d’évaluation. Il est très facile de répondre objectivement à la question: le poisson est-il en rigor (complètement raide) mais le juge doit être mieux entraîné s’il doit décider si le poisson est post ou pre rigor. Une évaluation subjective, où la réponse est fondée sur la préférence du juge pour un produit, peut être utilisée dans des domaines comme la recherche d’un marché ou le développement de produits nouveaux où la réaction du consommateur est nécessaire. En contrôle-qualité, l’évaluation doit être objective.

Méthodes sensorielles

Les tests analytiques objectifs utilisés en contrôle-qualité peuvent être divisés en deux groupes: des tests discriminatifs et des tests descriptifs. Les tests discriminatifs sont utilisés pour déterminer s’il existe une différence entre des échantillons (test triangulaire, épreuve de classement). Les tests descriptifs sont utilisés pour déterminer la nature et l’intensité des différences (tests de profil et de qualité). Les tests subjectifs sont des tests affectifs fondés sur une mesure de préférence ou d’acceptation.

Test discriminatif
Y-a-t-il une différence ?
-Test triangulaire
- Classement
Test descriptif
Quelle est la différence
ou la valeur absolue
et de quelle grandeur?
- Méthode d’indice de qualité
- Echelle structurée
- Profil
Test affectif
Y-a t-il une différence significative?
- Test de marché

Figure 8.1 Méthodes d’analyse sensorielle

Dans la suite, des exemples de tests discriminatifs et descriptifs seront donnés. Pour de plus amples informations concernant les tests de marché, le lecteur peut consulter Meilgaard et al.(1991).

Evaluation de la qualité du poisson frais

Méthode de l’indice de qualité

Pendant les cinquante dernières années, plusieurs schémas ont été mis au point pour l’analyse sensorielle du poisson cru. La première méthode moderne et détaillée a été réalisée par la Torry Research Station (Shewan et al., 1953). L’idée de base était que chaque paramètre de qualité est indépendant des autres paramètres. Plus tard, l’évaluation a été modifiée en rassemblant un groupe de données caractéristiques devant être exprimé par une note. Ceci donne une valeur numérique unique pour une large variété de caractéristiques. En Europe aujourd’hui, la méthode la plus largement utilisée pour l’évaluation de la qualité par les services d’inspection et dans l’industrie des pêches est le schéma UE introduit dans la décision du conseil No 103/76 de janvier 1976 (tableau 5.2). Il y a trois niveaux de qualité dans ce schéma, E (extra), A et B où E est la qualité supérieure et B le seuil au-dessous duquel le poisson est écarté de la consommation humaine. Le schéma UE est communément accepté dans les pays de l’UE pour l’évaluation sensorielle. Il y a encore cependant quelques désaccords du fait que le schéma ne prend pas en compte les différences entre espèces car il n’utilise que des paramètres généraux. Le guide multilingue pour les degrés de fraîcheur UE pour les produits de la pêche (Howgate et al., 1992) suggère une mise à jour du schéma UE où des schémas particuliers pour le poisson blanc, les squales, le hareng et le maquereau sont développés (Annexe E).

Une nouvelle méthode, Méthode d’Indice de Qualité (MIQ), développée au départ par l’unité de Recherche alimentaire de Tasmanie en Australie (Bremner et al., 1985) est maintenant utilisée par le Laboratoire de Lyngby (Jonsdottir, 1992) pour le cabillaud frais et congelé, le hareng et le lieu noir. Dans les pays nordiques et en Europe, il est également appliqué à la rascasse du Nord, à la sardine et au flet.

Tableau 8.1 Schéma d’évaluation de la qualité utilisé pour noter l’indice de qualité par une échelle de défauts (Larsen et al., 1992)

Paramètres de qualité

Caractère

Points (glace/eau de mer)

Aspect général Peau 0 Brillant luisant
1 Brillant
2 Terne
Tâches de sang sur les ouïes 0 Sans
1 Petit 10-30%
2 Gros 30/50%
3 Très important / 50-100%
Rigidité 0 Raide en rigor mortis
1 Elastique
2 Ferme
3 Mou
Ventre 0 Ferme
1 Mou
2 Eclaté
Odeur 0 Fraîche, algue/métallique
1 Neutre
2 Moisi/aigre
3 Viande pas fraîche/rance
Yeux Clarté 0 Claires
2 Brumeux
Forme 0 Normaux
1 Plats
2 Concaves
Branchies Couleur 0 Caractéristique, rouge
1 Pâle, décolorée
Odeur 0 Fraîche, algue/métallique
1 Neutre
2 Douceâtre/légèrement rance
3 Aigre puante, pas fraîche/rance
Total des points   (min. 0 et max. 20)

La MIQ est fondée sur les paramètres sensoriels significatifs pour le poisson cru quand on utilise de nombreux paramètres et un système de cotation des défauts de 0 à 4 (Jonsdottir, 1992). Elle utilise un système pratique de cotation dans lequel le poisson est classé et les points correspondant aux défauts sont enregistrés. Les notes de toutes les caractéristiques sont alors additionnées pour donner une cotation sensorielle générale que l’on appelle l’indice de qualité. La note 0 est attribuée au poisson très frais. Cette note augmente au fur et à mesure que le poisson se dégrade. La description de l’évaluation de chaque paramètre est rédigée dans une directive. Par exemple, une note de zéro défaut pour l’aspect de la peau du hareng indique une peau très brillante qui n’est présente que sur un hareng fraîchement pêché. L’aspect de la peau à un stade ultérieur d’altération devient moins brillant et terne et mérite une note de 2. La plupart des paramètres choisis sont du même type que ceux d’autres schémas d’analyse sensorielle. Après la description littérale, les notes de tous les paramètres, pour chaque description, s’échelonnent de 0 à 1, 0 à 2, 0 à 3 ou 0 à 4. On donne de plus faibles cotations aux paramètres les moins importants. Les notes individuelles ne dépassent jamais 4 et, de cette façon, aucun paramètre ne peut déséquilibrer le résultat. Le tableau 8.1 montre un schéma pour le hareng. Il faut noter qu’il est nécessaire d’établir un nouveau schéma pour chaque espèce (le schéma pour le cabillaud est donné en Annexe D).

Il existe une relation linéaire entre la qualité sensorielle exprimée par une cotation des défauts et la durée de conservation sous glace, ce qui permet de prévoir la durée possible de conservation sous glace. La courbe théorique de défaut a un point fixe (0,0). Son maximum doit être fixé soit au point de rejet du poisson par l’évaluation sensorielle, par exemple pour le produit cuit (voir ci-dessous l’échelle structurée) ou bien déterminé autrement comme temps maximum de conservation. Dans l’évaluation du poisson cuit, les deux tests sensoriels parallèles exigent un panel sensoriel expérimenté, même s’ils ne servent qu’à établir le schéma. Plus tard, il ne sera pas nécessaire d’examiner le poisson cuit pour prévoir la durée restante de conservation. La MIQ ne suit pas le dessin d’une courbe en S admis traditionnellement pour la détérioration du poisson glacé pendant le stockage (Figure 5.1). Le but est d’obtenir une ligne droite qui permet de distinguer entre la qualité du poisson au début de la phase de palier et à la fin de cette même phase (Figure 8.2).

Figure 8.2 Combinaison des courbes sensorielles pour le poisson cru S(T) et le poisson cuit

Quand un lot de poisson dans la Figure 8.2 atteint un total de 10 points de défaut, il peut être conservé sous glace encore 5 jours. Pour prévoir la durée de conservation restante, la courbe théorique peut être convertie comme le montre la Figure 8.3.

Figure 8.3 Courbe pour prédire la durée de stockage restante de harengs stockés sous glace ou en eau de mer à 0oC

Un marchand de poisson peut vouloir savoir combien de temps son achat restera vendable si le poisson est immédiatement stocké sous glace. Un acheteur au marché au poisson peut être intéressé à connaître le nombre de jours pendant lequel le poisson a été conservé sous glace depuis sa capture et connaître ainsi le temps pendant lequel il peut encore être commercialisable. Ces indications peuvent être obtenues à partir d’un échantillon de poisson avec un taux de dégradation connu en utilisant la méthode d’indice de qualité.

Echelle structurée

On peut aussi utiliser des test descriptifs pour la détermination de la qualité et les études de conservation en appliquant la méthode d’échelle structurée. Celle-ci donne au paneliste une échelle réelle montrant divers degrés d’intensité. Quelques références détaillées sont choisies, souvent fondées sur le travail d’un panel parfaitement entraîné. Les descriptifs doivent être soigneusement choisis et les panelistes formés de façon à être d’accord sur les termes. Les termes objectifs doivent être préférés aux termes subjectifs. Si possible, des normes sont incluses à certains points de l’échelle. On peut facilement réaliser ceci avec des concentrations de sel différentes, mais c’est plus difficile dans d’autres cas, comme le degré d’altération. La méthode la plus simple (Tableau 8.2) peut être: 1. pas de mauvais goût/odeur, 2. goût/odeur légèrement mauvais et 3. goût/odeur mauvais prononcés, où la limite d’acceptabilité se situe entre 2 et 3. Cette méthode a été développée ensuite en une évaluation intégrée de filets cuits de poisson gras et maigre (voir exemple à l’Annexe E).

Une échelle en 10 points est utilisée comme le décrit le chapitre 5.1. Les changements sensoriels et une impression générale d’odeur, goût et texture sont évalués de manière intégrée. L’interprétation statistique fait appel au test t de comparaison des moyennes et à l’analyse de la variance (voir exemple à l’Annexe F).

Tableau 8.2 Evaluation du poisson cuit

Qualité

Points

  Ni goût ni odeur désagréables

I

Odeur/goût caractéristiques
de l’espèce
Très frais, algues
Perte d’odeur/goût

10
9
8
7

Acceptable     Neutre

6

  Légers mauvais goût/odeur

II

Légers mauvais goût/odeur
tels que de souris, d’ail, de pain, aigre, fruité, rancide

5
4

Limite d’acceptabilité

Rejet Mauvais goût/odeur forte

III

Forts mauvais goût/odeur
tels que choux avariés NH3
H2S ou sulfures

3
2
1

Evaluation de la qualité des produits de la pêche

L’évaluation des produits de la pêche peut être réalisée à la fois par un test discriminatif et par un test descriptif.

Test triangulaire

Le test discriminatif le plus utilisé dans l’analyse sensorielle du poisson est le test triangulaire (Norme ISO 4120, 1983), qui indique s’il y a ou non une différence entre deux échantillons. Les juges reçoivent trois échantillons codés, on leur indique que deux de ceux-ci sont identiques et que le troisième est différent et on leur demande d’identifier ce dernier.

L’analyse des résultats du test triangulaire est faite en comparant le nombre de bonnes réponses avec le nombre que l’on pourrait obtenir uniquement par le hasard. Pour vérifier ceci, on doit consulter le tableau statistique à l’Annexe A. Le nombre d’identifications correctes est comparé au nombre attendu en utilisant le tableau statistique, par exemple si le nombre total de réponses est 12, on doit obtenir 9 réponses correctes pour réaliser une réponse significative (niveau de risque 1 %).

Les tests triangulaires sont utiles pour déterminer par exemple si une substitution d’ingrédients apporte une différence décelable dans un produit. Les tests triangulaires sont souvent utilisés pour sélectionner les juges d’un panel de dégustation.

Les échantillons marqués A et B peuvent être présentés de six façon différentes:

ABB BBA AAB
BAB ABA BAA

On prépare des nombres égaux des six combinaisons possibles que l’on présente aux membres du panel. La présentation doit être faite au hasard, de préférence en double. Le nombre de membres d’un panel ne doit pas être inférieur à 12 (on peut voir à l’Annexe B un exemple de test triangulaire selon la norme ISO).

Tableau 8.3 Exemple de formulaire de cotation: test triangulaire

TEST TRIANGULAIRE

Nom :

Type d’échantillon :

Date :
Deux des échantillons sont identiques, le troisième est différent

Examinez les échantillons de gauche à droite entourez le numéro de l’échantillon différent.
Il est indispensable de faire un choix (devinez si vous ne percevez pas de différence).

Echantillon n° ................  
Décrivez la différence  

Classement

Dans une épreuve de classement, des échantillons sont présentés au panel de dégustation. Le travail consiste à les classer en fonction du niveau de manifestation de caractéristiques déterminées par exemple concentration décroissante de sel. Le classement peut être réalisé plus rapidement et avec moins d’entraînement que l’évaluation par les autres méthodes. De ce fait, le classement est souvent utilisé pour une première sélection. Cette méthode ne donne pas de différences individuelles entre les échantillons et ne convient pas pour des séances où on doit juger plusieurs critères en même temps.

Profil

Un test descriptif peut être très simple et utilisé pour vérifier un seul élément de texture, de goût et d’aspect. On a également développé des méthodes d’analyses descriptives qui peuvent être utilisées pour donner une description complète d’un produit à base de poisson. Une excellente manière de décrire un produit peut être fournie en utilisant le profil de flaveur (Meilgaard et al., 1991). L’Analyse Descriptive Quantitative (ADQ) donne une description détaillée de toutes les caractéristiques de flaveur de manière qualitative et quantitative. Cette méthode peut être également utilisée pour la texture. On remet aux membres du panel un large choix d’échantillons de référence. Ils utilisent ces échantillons pour créer une terminologie qui décrit le produit.

A Lyngby, on a mis au point une analyse sensorielle descriptive pour l’huile de poisson en utilisant l’ADQ avec un panel de 16 juges entraînés. Des termes descriptifs tels que: goût de peinture, de noix, d’herbe ou métallique sont utilisés pour décrire l’huile sur une échelle d’intensité. On attribue des notes fixes à une huile de poisson modérément oxydée qui sert de référence.

Tableau 8.4 Profil d’une huile de poisson

Goût

Std

         
Poisson Frais

2

         
Amine

1

         
Huileux

3

         
Doux

2

         
Métallique

3

         
D’herbe

3

         
De peinture

2

         
Fruité

2

         
Remarques
Goût en général
(0 inacceptable-9 neutre)

6

         

L’interprétation statistique utilise une analyse perfectionnée à variables multiples qui permet de corréler des éléments isolés à la détérioration par oxydation de l’huile de poisson. Les résultats peuvent être figurés dans une "toile d’araignée" (voir Figure 8.5) et l’échelle utilisée par le panel s’étend normalement de 0 à 9.

Le profil peut être utilisé pour toutes sortes de produits de la pêche même pour le poisson frais quand on concentre spécialement l’attention sur un caractère particulier.

Les résultats de l’ADQ peuvent être analysés statistiquement en utilisant l’analyse de variance ou l’analyse à variables multiples (O’Mahony, 1986).

Interprétation statistique

Dans tout test incluant une analyse sensorielle, la conception des essais (par exemple le nombre de membres du panel, le nombre d’échantillons, la durée, les hypothèses à vérifier) et les principes statistiques doivent être planifiés à l’avance. Autrement, les résultats sont souvent incomplets et les essais non concluants. On peut trouver un guide des méthodes statistiques les plus utilisées dans Meilgaard et al. (1991). Un panel utilisé pour des tests descriptifs sera de préférence composé d’au moins 8 à 10 personnes et le test devient statistiquement beaucoup plus fiable s’il est réalisé en double. Ceci peut parfois s’avérer difficile quand on fait l’analyse sensorielle sur des petits poissons. Ainsi l’essai doit comprendre un nombre suffisant d’échantillons pour supprimer les sources de variabilité et les tests doivent être effectués bien au hasard. Pour de plus amples informations, se rapporter à O’Mahony (1986) et Smith (1989).

Figure 8.4 Profils de goût d’une huile de poisson après 2 semaines de stockage à différentes températures (Rorbaek et al., 1993)

Formation des juges

La formation des juges pour l’évaluation sensorielle est nécessaire dans presque toutes les méthodes sensorielles. Elle dépend de la difficulté et de la complexité de l’examen. Par exemple, pour établir un profil, on a besoin d’un entraînement complet avec présentation d’un large éventail d’échantillons de façon à obtenir des définitions exactes de la part des examinateurs et une utilisation identique du système de cotation. Les tests triangulaires requièrent normalement un degré moindre de formation.

Le contrôle sensoriel de qualité est souvent effectué par quelques personnes au marché au poisson à l’achat ou à l’inspection de qualité. L’expérience de ces personnes leur permet de classer le poisson. Quand on commence comme inspecteur des pêches, il n’est pas indispensable de connaître toutes les méthodes de contrôle sensoriel décrites dans les manuels (Meilgaard et al., 1991), mais on doit savoir quelques principes de base. Le sujet doit être formé aux goûts de base, aux goûts courants du poisson et doit apprendre la différence entre mauvais goût et traces d’infection. Cette connaissance peut être acquise en deux jours de formation de base.

Dans les grandes sociétés et pour des essais d’expérimentation, une formation plus poussée du panel sensoriel s’impose de façon à le rendre objectif. Un panel de laboratoire doit se composer de 8 à 10 membres et on doit répéter régulièrement la formation et le contrôle de ses membres.

Locaux

L’équipement nécessaire à l’évaluation sensorielle est décrit dans les manuels relatifs à ce sujet.

L’équipement minimum pour l’évaluation sensorielle comprend une pièce pour la préparation et une pièce pour la présentation des échantillons. Les pièces doivent être bien ventilées et bien éclairées (Howgate, 1994). Il doit y avoir suffisamment de place sur les tables pour examiner les échantillons de poisson cru.

Cuisson et présentation

Les échantillons de produits de la mer ne devraient pas être inférieurs à 50 à 100 g par personne. Les filets peuvent être présentés en longes et devraient être cuits à une température interne de 65oC. Les échantillons doivent être servis chauds par exemple dans des récipients isolés ou sur une plaque chauffante. Le poisson peut être étuvé, cuit en sachet plastique ou dans une feuille d’aluminium. Un four (micro-onde ou four à vapeur) peut aussi être utilisé pour le chauffage. Le poisson peut être enveloppé de plastique ou placé sur une petite assiette de porcelaine recouverte d’une feuille d’aluminium. Pour des longes de cabillaud (2,2 x 1,5 x 6 cm) présentées sur une assiette de porcelaine recouverte d’une feuille d’aluminium, le temps de cuisson dans un four à vapeur (four à convection) à 100oC doit être de 10 minutes. Les échantillons doivent être codés avant leur présentation.

8.2. Méthodes biochimiques et chimiques

Les méthodes biochimiques et chimiques pour l’évaluation de la qualité des produits de la mer présentent l’intérêt de pouvoir établir des normes quantitatives. L’établissement de seuils de tolérance des indicateurs chimiques d’altération élimine le besoin de fonder les décisions concernant la qualité des produits sur des opinions personnelles. Naturellement, dans la plupart des cas, les méthodes sensorielles sont utiles pour identifier la bonne ou mauvaise qualité des produits. C’est pourquoi les méthodes biochimiques/chimiques peuvent être mieux utilisées pour résoudre les problèmes au sujet de produits de qualité douteuse. De plus, les indicateurs biochimiques/chimiques sont utilisés en remplacement des méthodes microbiologiques plus lentes. De telles méthodes objectives doivent cependant être en corrélation avec les évaluations sensorielles de qualité et les composés chimiques à mesurer doivent augmenter ou diminuer avec le niveau d’altération microbienne ou d’autolyse. Il est également important que les composés à mesurer ne soient pas affectés par le traitement (par exemple rupture des amines ou nucléotides dans le processus des conserveries du fait de la stérilisation à haute température).

Certaines des procédures les plus utiles pour mesurer objectivement la qualité des produits de la mer sont décrites ci-après. Woyewoda et al. (1986) ont rédigé un manuel de procédures complet (comprenant la composition des produits de la mer).

Amines - Amines basiques volatiles totales

Le dosage des amines basiques volatiles totales (ABVT, encore appelé azote basique volatil total) est un dosage largement utilisé pour évaluer la qualité des produits de la mer. C’est un terme général qui comprend la détermination de la triméthylamine (produite par les bactéries d’altération), la diméthylamine (produite par les enzymes autolytiques pendant le stockage du poisson congelé), l’ammoniac (produite par la désamination des acides aminés et des catabolites de nucléotides) et d’autres composés azotés volatils basiques associés à l’altération des produits de la mer. Bien que les analyses d’ABVT soient relativement simples à effectuer, elles reflètent surtout les dernières étapes de l’altération et ne sont généralement pas considérées fiables pour mesurer l’altération pendant les dix premiers jours de conservation du cabillaud glacé ainsi que de plusieurs autres espèces (Rehbein et Oehlenschlager, 1982). Elles sont particulièrement utiles pour mesurer la qualité des céphalopodes tels que les encornets (LeBlanc et Gill, 1984), des poissons industriels destinés à la farine ou à l’ensilage (Haaland et Njaa, 1988), et des crustacés (Vyncke, 1970). On doit cependant garder à l’esprit que les valeurs d’ABVT ne reflètent pas le mode d’altération (bactérien ou autolytique), et les résultats dépendent dans une large mesure de la méthode d’analyse. Botta et al., (1984) ont trouvé peu de concordance entre six procédures de détermination de l’ABVT. La plupart se basent sur la distillation à la vapeur des amines volatiles ou bien sur la microdiffusion d’un extrait (Conway, 1962); cette dernière méthode est la plus répandue au Japon. Pour un examen comparatif des procédures les plus courantes d’analyse d’ABVT, consulter l’article de Botta et al. (1984)

Ammoniac

L’ammoniac est formé par la dégradation bactérienne ou désamination des protéines, peptides et acides aminés. Elle est produite aussi pendant l’altération autolytique de l’adénosine monophosphate (AMP, Figure 5.4) dans les produits de la mer glacés. Bien que l’ammoniac ait été detecté comme composant volatil dans de nombreux poissons altérés, peu d’études l’ont quantifié, du fait qu’il était impossible de déterminer sa contribution relative à l’accroissement général des bases volatiles totales.

Récemment deux méthodes pratiques spécifiquement destinées à identifier l’ammoniac sont devenues disponibles. La première est basée sur l’utilisation de l’enzyme glutamate-déshydrogénase, NADH et alpha-cétoglutarate. La réduction molaire de NH3 dans un extrait de poisson donne une mole d’acide glutamique et NAD qui peut être suivi par mesure de l’absorbance à 340 nm. Des tests en kit pour l’ammoniac, fondés sur la glutamate-déshydrogénase sont maintenant distribués par Sigma (Saint Louis, Missouri, USA) et Boehringer Mannheim (Mannheim, Allemagne). Un troisième type de tests en kit pour l’ammoniac est disponible sous forme de bande de test (Merck, Darmstad, Allemagne) qui change de couleur quand on le met en contact avec des extraits aqueux contenant de l’ammoniac (ion ammonium). LeBlanc et Gill (1984) ont utilisé une modification de la procédure de la glutamate-déshydrogénase pour déterminer semi-quantitativement les taux d’ammoniac sans utilisation d’un spectrophotomètre, mais avec une teinture de formazan qui change de couleur selon la réaction donnée à la page suivante.

L’ammoniac s’est révélé être un excellent indicateur de la qualité des encornets (LeBlanc et Gill, 1984) qui représentait une part importante de l’ABVT dans les encornets rouges nordiques glacés (Figure 8.7) Cependant, l’ammoniac serait un bien meilleur indicateur des dégradations finales des poissons. LeBlanc (1987) a trouvé que, pour le cabillaud glacé, les niveaux d’ammoniac n’augmentaient pas substantiellement jusqu’au seizième jour de stockage. Par contre, il semblerait que, du moins pour le hareng, le taux d’ammoniac augmente bien plus vite que celui de la triméthylamine qui a traditionnellement été utilisé pour indiquer la croissance des bactéries d’altération dans les espèces de poissons maigres démersaux. L’ammoniac pourrait donc être utilisé comme un indicateur objectif de qualité pour les poissons qui se dégradent autolytiquement plutôt qu’essentiellement par altération bactérienne.

Figure 8.7 Effet de la durée de stockage sur la production d’ammoniac, ABVT et TMA dans l’encornet rouge nordique (Illex illecebrosus), adapté de Gill (1990)

Triméthylamine (TMA)

La triméthylamine est une amine volatile à odeur forte souvent associée à l’odeur typique "douteuse" de produit de la mer qui se dégrade. Sa présence dans le poisson en cours d’altération est due à la réduction bactérienne de l’oxyde de triméthylamine (OTMA) qui est naturellement présent dans le tissu vivant de plusieurs espèces de poissons marins. Bien que l’on pense que la TMA est produite par l’action des bactéries d’altération, la corrélation avec les dénombrements bactériens n’est pas souvent très bonne. On pense maintenant que ce phénomène est dû à la présence d’un nombre réduit de bactéries "spécifiques d’altération" qui ne représentent pas toujours une grande proportion de la flore bactérienne totale mais qui peuvent produire de grandes quantités de composés reliés à l’altération tels que la TMA. Un de ces organismes d’altération spécifique, Photobacterium phosphoreum génère environ de 10 à 100 fois plus de TMA que la bactérie d’altération spécifique très connue Shewanella putrefaciens (Dalgaard, 1995) (sous presse).

Comme on l’a dit plus haut, la TMA n’est pas particulièrement un bon indicateur de comestibilité du hareng mais elle est utile à cet égard pour de nombreux poissons marins démersaux. Les corrélations entre le taux de TMA ou, plutôt, de l’indice de TMA (où l’indice de TMA = log (1 + valeur de TMA)) et l’appétence ont été excellentes dans certains cas (Hoogland, 1958; Wong et Gill, 1987). La Figure 8.8 illustre la relation entre l’odeur et le niveau de TMA pour le cabillaud glacé. Le coefficient linéaire de détermination était statistiquement significatif au niveau de risque P = 0,05.

Figure 8.8 Rapport entre l’indice d’odeur et les taux de TMA du cabillaud glacé. La ligne droite a été établie par régression linéaire (P = 0,05) et toutes les données sont des moyennes de résultats obtenus sur trois cabillauds différents, d’après Wong et Gill (1987)

Les principaux avantages de l’analyse de la TMA sur la numération bactérienne viennent de ce que l’on peut effectuer les dosages de TMA bien plus rapidement et que souvent ceux-ci donnent une image plus exacte du niveau d’altération (déterminé organoleptiquement) que ne le font les dénombrements bactériens. C’est ainsi que même des filets de qualité supérieure, découpés avec un couteau à fileter contaminé, peuvent présenter une charge bactérienne élevée. Cependant dans ce cas là, les bactéries n’ont pas eu l’occasion de produire d’altération et donc les taux de TMA seront certainement faibles. Les principaux inconvénients des analyses de TMA viennent de ce qu’elles ne reflètent pas les stades précoces d’altération et ne sont fiables que pour certaines espèces de poissons. De même, il faut faire attention lors de la préparation des échantillons de poisson pour les analyses d’amines. La TMA et de nombreuses amines deviennent volatiles à pH élevé. La plupart des analyses proposées à ce jour débute par une déprotéination comprenant une homogénéisation dans les acides perchlorique ou trichloracétique. La volatilisation des amines des échantillons stockés peut conduire à de sérieuses erreurs d’analyse. De ce fait, les échantillons devraient être neutralisés à un pH de 7, immédiatement avant analyse, et devraient être conservés sous leur forme acidifiée dans des récipients scellés si on doit les stocker longtemps avant analyse. Il est également important de noter que l’on doit se protéger efficacement les mains et les yeux quand on manipule les acides perchlorique et/ou trichloracétique. De plus l’acide perchlorique est inflammable quand il est mis en contact avec une matière organique. On doit laver copieusement les projections avec de l’eau. Certaines des méthodes d’analyse connues à ce jour incluent la colorimétrie (Dyer, 1945; Tozawa, 1971), la chromatographie (Lundstrom et Racicot, 1983; Gill et Thompson, 1984) et l’analyse enzymatique (Wong et Gill, 1987; Wong et al., 1988) pour n’en citer que quelques- unes. Pour un examen plus complet des techniques d’analyse de TMA le lecteur est invité à consulter les récents articles de Gill (1990, 1992).

Diméthylamine (DMA)

Comme on l’a souligné au chapitre 5.2, certains types de poisson contiennent une enzyme, l’OTMA diméthylase (OTMA-ase), qui transforme l’OTMA en quantités équimolaires de DMA et de formaldéhyde (FA). Ainsi pour la famille des cabillauds (gadidés), la DMA est produite en même temps que le FA au cours du stockage à l’état congelé avec accompagnement du durcissement des protéines induit par le FA. Le taux de dénaturation des protéines est approximativement proportionnel à la quantité de FA/DMA produite, mais il est plus courant de surveiller la qualité des gadidés stockés à l’état congelé en mesurant la DMA plutôt que le FA. Une grande partie du FA se fixe dans les tissus et n’est donc pas extractible. Elle ne peut pas, en conséquence, être mesurée quantitativement. La méthode la plus courante d’analyse de la DMA est son dosage colorimétrique dans des extraits déprotéinés de poisson. Le procédé Dyer et Mounsey (1945) est encore utilisé aujourd’hui, bien que le dosage colorimétrique proposé par Castell et al.,(1974) soit plus pratique. Cette méthode permet le dosage simultané de la DMA et de la TMA du fait que toutes deux sont souvent présentes dans le poisson congelé de mauvaise qualité. Malheureusement, plusieurs des méthodes colorimétriques proposées aujourd’hui manquent de précision quand des mélanges de différentes amines sont présents dans les échantillons. Les méthodes chromatographiques, incluant la chromatographie gaz-liquide (Lundstrom et Racicot, 1983) et la chromatographie liquide haute performance (Gill et Thompson, 1984), sont un peu plus spécifiques et ne sont pas sujettes aux interférences autant que les méthodes spectrophotométriques. De plus, la plupart des méthodes proposées à ce jour pour l’analyse des amines sont destructives et ne sont pas bien adaptées à l’analyse d’un grand nombre d’échantillons. L’analyse par chromatographie en phase gazeuse des volatils de l’espace de tête a été proposée comme une alternative non destructive pour le dosage des amines; cependant toutes les méthodes proposées à ce jour ont des limitations pratiques sérieuses.

La DMA est produite par autolyse pendant le stockage à l’état congelé. Pour les gadidés tels que le merlu, on a trouvé qu’elle était un indicateur fiable du durcissement induit par la FA (Gill et al., 1979). Parce qu’elle est associée aux membranes dans le muscle, sa production est augmentée par la manipulation brutale et par les fluctuations de température dans les chambres froides. La DMA n’a que peu ou pas d’effet sur la flaveur ou la texture du poisson en soi, mais elle est un indicateur indirect de la dénaturation des protéines qui est souvent due à une mauvaise manutention avant et/ou pendant le stockage à l’état congelé.

Amines biogènes

Le muscle du poisson possède la capacité de favoriser la formation bactérienne d’une large variété de composés aminés qui proviennent de la décarboxylation directe d’acides aminés. La plupart des bactéries d’altération possédant une activité décarboxylase agissent ainsi, en réaction au pH acide pour l’augmenter par production d’amines.

L’histamine, la putrescine, la cadavérine et la tyramine proviennent de la décarboxylation respective de l’histidine, l’ornithine, la lysine et la tyrosine. L’histamine a surtout attiré l’attention depuis qu’elle a été associée aux incidents d’empoisonnement par les scombridés en rapport avec la consommation de thon, maquereau et mahi-mahi (dauphin de Hawaii). Cependant l’absence d’histamine dans les scombridés (thon, maquereau, etc.) ne garantit pas la salubrité du produit car l’altération aux températures de stockage sous glace ne génère pas toujours d’histamine. Mietz et Karmas (1977) ont proposé un indice chimique de qualité basé sur les amines biogènes qui réflète la perte de qualité dans le thon en conserve.

Ils ont trouvé que, lorsque l’indice de qualité montait, la qualité sensorielle des conserves baissait. Plus tard, Farn et Sims (1987) ont suivi la production d’histamine, cadavérine et putrescine dans le listao et l’albacore à 20oC et trouvé que la cadavérine et l’histamine croissaient de façon exponentielle après une période initiale de latence d’environ 36 heures. La putrescine, par contre, augmentait lentement après une phase initiale de latence de 48 heures. Les taux de cadavérine et d’histamine ont augmenté jusqu’à des taux maximum de 5 à 6 µg/g de thon mais les auteurs rapportent que l’absence de telles amines dans les produits crus et cuits ne signifie pas nécessairement que les produits ne sont pas altérés.

Il est intéressant de noter que la plupart des amines biogènes sont stables aux traitements thermiques et que par conséquent, leur présence dans des produits finis en conserve est une bonne indication de l’altération de la matière première avant stérilisation.

Certaines des méthodes d’analyse des amines biogènes incluent la chromatographie liquide à haute pression (Mietz et Karmas, 1977), la chromatographie en phase gazeuse (Staruszkiewicz et Bond, 1981), la spectrofluorimétrie (Vidal-carou et al., 1990) et une nouvelle méthode enzymatique rapide pour l’histamine utilisant un lecteur de microplaque (Etienne et Bregeon, 1992).

Catabolites de nucléotides

Le chapitre 5.2 - dégradations autolytiques - a présenté une discussion de l’analyse des catabolites de nucléotides, bien que tous les changements cataboliques ne soient pas entièrement dus à l’autolyse. La plupart des enzymes concernées par la dégradation de l’adénosine triphosphate (ATP) en inosine monophosphate (IMP) sont considérées dans la plupart des cas comme étant autolytiques alors que les transformations de IMP en inosine (Ino) et ensuite en hypoxanthine (Hx) sont surtout attribuées aux bactéries d’altération bien que l’on ait montré que Hx s’accumulait lentement dans les tissus stériles du poisson. Du fait que les taux de chacun des intermédiaires cataboliques croissent et diminuent à l’intérieur des tissus en fonction de la progression de l’altération, la vérification de la qualité ne peut jamais être fondée sur les taux d’un seul catabolite car l’analyste n’a aucun moyen de savoir si un seul composé croît ou décroît. Par exemple, si la teneur en IMP d’un échantillon de poisson a été dosée à 5µmoles/g de tissu, l’échantillon peut très bien avoir été prélevé sur un poisson très frais ou sur un poisson à la limite de l’altération selon que l’AMP était présente ou non.

Ainsi l’analyse du profil complet des catabolites de nucléotides est presque toujours recommandée. Une analyse complète des catabolites de nucléotides peut être réalisée sur un extrait de poisson en 12 à 25 minutes en utilisant la chromatographie liquide à haute pression (HPLC) équipée d’une seule pompe et d’un détecteur spectrophotométrique (longueur d’onde 254 nm). La technique HPLC la plus simple a été publiée par Ryder (1985).

Plusieurs autres approches ont été proposées pour l’analyse de catabolites de nucléotides individuels ou combinés mais aucune n’est aussi fiable que l’HPLC. Il faut attirer l’attention sur l’analyse quantitative des catabolites de nucléotides. La plupart des méthodes proposées à ce jour incluent la déprotéination des échantillons de poisson par extraction à l’acide perchlorique ou trichloracétique. Il est important que les extraits acides soient neutralisés avec un alcali (le plus souvent l’hydroxyde de potassium), dès que possible après l’extraction, pour éviter la dégradation du nucléotide dans les extraits. Les extraits neutralisés paraissent stables même si on les conserve congelés plusieurs semaines. Un avantage de l’utilisation de l’acide perchlorique vient du fait que l’ion perchlorate est insoluble en présence du potassium. Ainsi la neutralisation par KOH est une méthode pratique de "nettoyage" des échantillons avant analyse HPLC et cette procédure favorise la longévité de la colonne HPLC. On doit également noter que le dosage des nucléotides dans le poisson en conserve ne reflète pas nécessairement les niveaux dans la matière première. Gill et al. (1987) ont trouvé des récupérations de 50%, 75%, 64% et 92% pour les taux de AMP, IMP, Ino et Hx qui étaient implantés dans du thon en conserve avant le traitement thermique.

Plusieurs approches inhabituelles mais innovantes utilisant les dosages enzymatiques ont été proposées et sont présentées au tableau 8.3. Toutes les approches à ce jour reposent sur un échantillonnage destructif (homogénéisation des tissus). A noter que, quelle que soit l’approche, les enzymes se dénaturent avec le temps et donc les tests en kit, les bandelettes enduites d’enzymes, les électrodes ou les capteurs ont une durée de vie limitée alors que les techniques HPLC n’ont pas ce handicap.

Les facteurs qui influencent le schéma de dégradation des nucléotides incluent les espèces, la température de stockage et les ruptures physiques des tissus. En outre, puisque la dégradation des nucléotides reflète l’action combinée des enzymes autolytiques et l’action bactérienne, les types de bactéries d’altération affecteront certainement la composition en nucléotides. La sélection des catabolites de nucléotides ou des combinaisons de catabolites à mesurer devra être faite soigneusement. Par exemple, dans certains cas, un ou deux des catabolites changent très rapidement avec le temps de stockage sous glace alors que les autres composants varient très peu. Il faut consulter les ouvrages spécialisés en la matière. Une vue générale des facteurs biologiques et technologiques affectant les catabolites de nucléotides comme indicateurs de qualité a été présentée par Frazer Hiltz et al. (1972).

Ethanol

L’éthanol a été utilisé pendant de nombreuses années comme indicateur de qualité des produits de la mer bien que son dosage ne soit pas aussi courant que l’analyse de la TMA. Comme l’éthanol peut provenir des carbohydrates via la fermentation anaérobie (glycolyse) et/ou la désamination et la décarboxylation des acide aminés tels que l’alanine, c’est un métabolite courante d’une variété de bactéries. On l’a utilisé pour mesurer objectivement la qualité de divers poissons y compris les conserves de thon (Iida et al., 1981 a, 1981 b; Lerke et Huck, 1977) et de saumon (Crosgrove, 1978; Hollingworth et Throm, 1982), le thon cru (Human et Khayat, 1981), la rascasse du nord , le lieu, le flet et le cabillaud (Keller et Zall, 1983).

A ce jour, les moyens les plus simples et peut-être les plus fiables pour doser l’éthanol dans les tissus de poisson sont l’utilisation de tests commerciaux d’enzymes en kits disponibles chez Boehringer Mannheim (Allemagne) ou Diagnostic Chemicals (Charlottetown, P.E.I., Canada). Un des avantages d’utiliser l’éthanol comme indicateur d’altération réside dans sa stabilité à la chaleur (bien que volatil). Il peut ainsi être utilisé pour vérifier la qualité des conserves de poisson.

Mesures de la rancidité oxydative

Les acides gras hautement insaturés rencontrés dans les lipides du poisson (chapitre 4.2) sont très sensibles à l’oxydation (chapitre 5.4). Les produits d’oxydation primaire sont les hydroperoxydes de lipides qui peuvent être détectés par des méthodes chimiques, généralement en utilisant leur potentiel d’oxydation pour oxyder des iodures en iode ou pour oxyder le fer (II) en fer (III). La concentration en hydroperoxydes peut être déterminée par des méthodes titrimétriques ou des méthodes spectrophotométriques donnant l’indice de peroxyde (IP) en milliéquivalents (mEq) de peroxyde par kg de graisse extraite du poisson. Une méthode pour le dosage de IP par iodométrie a été décrite par Lea (1952) et pour le dosage par spectrophotométrie du thiocyanate de fer (III) par Stine et al. (1954). Les méthodes de détermination de l’IP sont empiriques et les comparaisons entre IP sont seulement possibles pour des résultats obtenus en utilisant des méthodes identiques. Par exemple, la méthode au thyocyanate peut donner des valeurs de 1,5 à 2 fois supérieures à celles obtenues par la méthode de titrage d’iode (Barthel et Grosch, 1974).

Pour plusieurs raisons, l’interprétation de l’IP comme indice de qualité n’est pas fiable. D’abord, les hydroperoxydes sont sans odeur et sans flaveur et donc l’IP n’est pas relié à la qualité sensorielle effective du produit analysé. L’indice de peroxyde peut cependant indiquer la possibilité de formation ultérieure de composés inacceptables sensoriellement. Ensuite la dégradation des hydroperoxydes lipidiques dans le temps et un bas IP, à un moment donné du stockage d’un produit, peuvent indiquer à la fois une phase précoce d’auto-oxydation et un stade avancé d’un produit très oxydé où la plupart des hydroperoxydes ont été dégradés (Kanner et Rosenthal, 1992), par exemple dans le poisson séché salé (Smith et al., 1990).

En phase finale d’oxydation,les produits d’oxydation secondaire seront habituellement présents et seront les indicateurs d’un processus d’auto-oxydation. Ces produits (chapitre 5.4) comprennent les aldéhydes, les cétones, les acides gras à chaîne courte et d’autres éléments dont plusieurs ont des odeurs et des flaveurs très désagréables et qui, en combinaison, engendrent les caractères rances et douteux associés aux lipides de poisson. Certains des produits aldéhydiques d’oxydation secondaire réagissent à l’acide thiobarbiturique, formant un produit de couleur rougeâtre qui peut être dosé par spectrophotométrie. En utilisant ce principe, on peut obtenir une mesure des substances réactives à l’acide thiobarbiturique (SR-ATB). Il existe plusieurs variantes de la méthode. Ke et Woyewoda (1979) en décrivent une pour les lipides du poisson et Vyncke (1975) pour le poisson. Les résultats sont exprimés en termes du standard (di-aldéhyde) utilisé, le malonaldéhyde, et exprimés en micromoles de malonaldéhyde présentes dans 1g de graisse. (Attention: quelquefois les résultats de l’ATB peuvent être exprimés en mg de malonaldéhyde dans 1g de graisse ou en quantité de malonaldéhyde (mmole ou mg) par rapport à la quantité de tissu analysé). Plusieurs rapports (par exemple par Hoyland et Taylor (1991) et Raharjo et al. (1993)) parlent d’une corrélation entre SR-ATB et des vérifications sensorielles, mais d’autres auteurs n’ont pas trouvé de corrélation (par exemple Boyd et al., 1993). De ce fait, il faut être prudent dans l’interprétation des valeurs de SR-ATB en tant que mesures de qualité sensorielle.

A condition qu’il n’ait pas été abaissé par un long stockage ou une exposition à une température élevée, l’IP (par dosage iodométrique) ne doit pas dépasser 10 à 20 meq/kg de graisse de poisson (Connell, 1975).

Exemples de directives pour les valeurs de SR-ATB : les aliments avec un SR-ATB supérieur à 1 à 2 micromole d’équivalent MDA par g de graisse (Connell, 1975) ou supérieur à 10 µmole d’équivalent MDA par kg de poisson (Ke et al., 1976) auront problablement des flaveurs rances.

Les méthodes instrumentales modernes permettent l’analyse de produits d’oxydation mieux définis (hydroperoxydes spécifiques, teneur précise en malonaldéhyde), mais pour une estimation générale de la qualité, les méthodes qui dosent un large éventail de produits d’oxydation (tels que l’IP et le SR-ATB) sont préferables bien qu’elles aient leurs limites, comme nous l’avons vu précédemment. L’analyse de l’espace de tête des produits volatils d’oxydation donne des résultats correspondant bien à l’évaluation sensorielle (par exemple dans le loup (Freeman et Hearnsberger, (1993)), mais la méthode nécessite l’utilisation de la chromatographie en phase gazeuse.

8.3 Méthodes physiques

Propriétés électriques

On sait, depuis longtemps, que les propriétés électriques de la peau et des tissus se modifient après la mort et on a essayé d’utiliser ce phénomène pour mesurer les changements post mortem ou le degré d’altération. On a cependant rencontré de nombreuses difficultés pour mettre au point un équipement: par exemple, la variation selon les espèces; la variation à l’intérieur d’un même lot de poisson; les enregistrements différents des instruments quand le poisson est abîmé, congelé, fileté, saigné ou non saigné; et une faible corrélation entre la lecture des instruments et l’analyse sensorielle. La plupart de ces problèmes ont apparemment été résolus par le Torrymètre GR (Jason et Richards, 1975). Cependant, l’instrument n’est pas capable de mesurer la qualité ou la fraîcheur d’un poisson unique bien qu’il puisse être utilisé pour classer des lots de poisson comme le montre la Figure 8.9.

Tableau 8.3 Tests de fraîcheur du poisson utilisant la technologie enzymatique

Analyse

Principe

Avantages

Inconvénients

Référence

Hx - enzymes (xanthine oxydase, Xo)

- immobilisées sur bandelettes

- rapide
- utilisation simple
- hors laboratoire
- semi quantitative
seulement capable de mesurer Hx
(dernières étapes de l’altération)
Jahns et al. (1976)
Hx, Ino - bandelette, avec enzymes immobilisées - rapide
- simple à utiliser
- hors laboratoire
- semi quantitative
mauvaise reproductibilité
limité à Hx et ino
(dernières étapes de l’altération)
Ehira et al. (1986)
IMP, Ino, Hx - Electrode à oxygène enrobée d’enzymes - rapide
- précise
- plus compliquée et
plus longue que la méthode de bandelettes
Karube et al. (1984)
Indice K - dosage couplé d’enzymes " KV - 101 Freshness Meter " - rapide
- résultats comparables à HPLC
- on doit acheter enzymes
et réactifs
- coût ?
- disponible à la vente chez Orienta Electric,
Niiza Saitama 352, Japon
Indice K - électrode à oxygène enrobée d’enzymes "Microfresh" - rapide
- résultats comparables à HPLC
- coût ? - disponibles à la vente
chez Pegasus Instruments.
Agincourt, ON, Canada

Hx : Hypoxanthine ; Ino : Inosine, IMP : Inosine monophosph

Figure 8.9 Relation entre les lectures du Torrymètre GR de différentes espèces de poisson et la fraîcheur, d’après Cheyne (1975)

Jusqu’à récemment, aucun instrument capable d’analyser en continu la qualité n’existait, bien que ce type d’évaluation mécanique de qualité eut été le bienvenu dans les usines de traitement. Le développement du RT Freshness Grader a débuté en 1982 et, en 1990, un modèle capable de trier 70 poissons par minute sur 4 bandes a été mis sur le marché. Le promoteur en est Rafagnataekni Electronics (Reykjavik, Islande). L’instrument est basé sur l’organe détecteur du torrymètre GR.

pH et Eh

La connaissance du pH de la chair du poisson peut donner des informations intéressantes sur son état. Les mesures sont effectuées avec un pH-mètre, en plaçant les électrodes (verre-calomel) soit directement à l’intérieur de la chair, soit dans une suspension de chair de poisson dans de l’eau distillée. Les mesures de Eh ne sont pas faites couramment mais il est possible de concevoir un test de fraîcheur fondé sur ce principe.

Mesure de la texture

La texture est une propriété extrêmement importante du muscle du poisson, cru ou cuit. Ce dernier peut devenir dur à la suite d’un stockage à l’état congelé ou mou et spongieux à la suite d’une dégradation autolytique. La texture peut être évaluée organoleptiquement mais, depuis de nombreuses années, on a ressenti le besoin de développer un test rhéologique objectif fiable qui refléterait avec précision l’évaluation subjective d’un panel de juges bien formés. Gill et al. (1979) ont mis au point une méthode d’évaluation du durcissement induit par le formaldéhyde dans le muscle de poisson congelé. La méthode utilise un Instron Model TM équipé d’une cisaille Kramer à 4 lames. Les résultats de cette méthode présentent une bonne corrélation avec les données d’un panel bien entraîné sur la texture. Une méthode de mesure de dureté/ramollissement de la chair de poisson appelé déformabilité par compression a été exposée par Johnson et al. (1980). Un échantillon de poisson coupé avec précision est comprimé par un piston et on trace une courbe de la relation contrainte-tension. On calcule un module de déformation à partir de la courbe enregistrée. Les résultats de telles mesures peuvent être cependant difficiles à interpréter.

Une autre méthode mesurant la résistance au cisaillement de la chair de poisson a été explorée par Dunajski (1980). A partir de ces travaux, on a tiré la conclusion que l’on pouvait utiliser une cisaille mécanique à lame fine du type de celle de Kramer.

Ceux-ci ne sont que quelques exemples cités dans la littérature et, jusqu’à ces derniers temps, toutes les méthodes impliquaient des équipements coûteux et un échantillonnage destructif. C’est pourquoi, Botta (1991) a mis au point une méthode rapide et non destructive pour mesurer la texture du filet de cabillaud. C’est un petit pénétromètre portable qui mesure à la fois la fermeté et la résilience. Chaque test dure seulement 2 à 3 secondes et les résultats semblent bien s’accorder avec les mesures subjectives de texture.

8.4 Méthodes microbiologiques

Le but des examens microbiologiques des produits de la pêche est d’évaluer la présence possible de bactéries ou d’organismes pouvant avoir des conséquences sur la santé publique et de donner une idée de la qualité hygiénique du poisson incluant la rupture de la chaîne du froid et l’hygiène au cours de la manutention et du traitement. Les données microbiologiques ne fournissent pas en général d’informations sur l’appétence ou la fraîcheur. Cependant, comme on le souligne aux chapitres 5 et 6, le nombre de bactéries spécifiques d’altération est en relation avec la durée de conservation restante et celle-ci peut être prédite à partir de telles valeurs (Figure 5.8).

Les examens bactériologiques traditionnels sont complexes, longs, coûteux et requièrent des compétences pour leur exécution et l’interprétation des résultats. Il est recommandé de limiter ces analyses en nombre et en étendue. Des méthodes microbiologiques variées et rapides ont été mises au point cette dernière décade et certaines de ces procédures automatisées peuvent être utiles pour analyser un grand nombre d’échantillons.

Flore totale

La flore totale ou la flore mésophile aérobie totale (FMAT) représente, si elle est réalisée par les méthodes traditionnelles, le nombre total de micro-organismes capables de former des colonies visibles sur un milieu de culture à une température donnée. Ce chiffre est rarement un bon indicateur de la qualité sensorielle ou de la durée espérée de conservation du produit (Huss et al., 1974). Dans des perches du Nil conservées sous glace, le dénombrement total était de 109 cfu/g pendant plusieurs jours avant que le poisson ne soit rejeté (Gram et al., 1989) et, dans des semi-conserves légèrement traitées, des numérations élevées prévalent longtemps avant le rejet. Si une numération est faite après un échantillonnage systématique et une connaissance parfaite de la manutention du poisson avant l’échantillonnage, des conditions de température, de l’emballage etc., elle peut donner une mesure comparative du degré général de contamination bactérienne et de l’hygiène mise en oeuvre. On doit cependant noter qu’il n’y a pas de rapport entre la flore aérobie totale et la présence de bactéries pathogènes. Le tableau 8.4 donne un résumé des différentes méthodes utilisées pour le poisson et les produits à base de poisson.

Les géloses de dénombrement courantes (PCA) sont encore les substrats les plus utilisés pour la détermination de la FMAT. Cependant, en examinant les différents types de produits de la mer, une gélose plus nutritive (Iron Agar ou gélose au fer, Lyngby, Oxoid) donne des numérations nettement plus élevées que les PCA (Gram, 1990). De surcroit, la gélose au fer fournit aussi le dénombrement des bactéries produisant du sulfure d’hydrogène, lesquelles, dans certains produits de la pêche, sont responsables de l’altération. Toutefois, des températures d’incubation de 30oC et au-dessus sont inadéquates quand on examine des produits de la mer conservés à des températures de glaçage. Trois à 4 jours d’incubation d’un ensemencement en profondeur à 25oC conviennent pour l’examen de produits où les psychrotrophes sont les organismes les plus importants, tandis que les produits où les psychrophiles Photobacterium phosphoreum se manifestent doivent être examinés dans un ensemencement de surface à une température d’incubation de 15oC maximum.

Plusieurs essais ont été réalisés pour faciliter les procédures de numération des charges bactériennes (Fung et al., 1987). Le Redigel (RCR Scientific) et le Petrifilm TM SM (3M Company) sont tous deux des géloses sèches avec un agent gélifiant auquel l’échantillon est ajouté directement. L’avantage principal de Redigel et Petrifilm comparé aux numérations conventionnelles sur gélose, en plus des coûts, est la facilité de manipulation. Cependant, toutes les méthodes basées sur les géloses partagent un inconvénient commun: leur longue durée d’incubation.

L’examen microscopique des aliments est une façon rapide d’estimer les charges bactériennes. Par microscopie à contraste de phase, on peut déterminer le niveau des bactéries dans un échantillon à une unité logarithmique près. Une cellule par champ visuel correspond à environ 5x105 UFC/ml avec un agrandissement de 1 000. La coloration des cellules avec l’orange d’acridine et la détection par microscopie fluorescente sont largement appréciées. Il en est de même de la technique par filtration et épifluorescence directe (méthode DEFT). Ces méthodes microscopiques sont très rapides, mais leur principal inconvénient demeure leur faible sensibilité.

Les charges bactériennes ont été estimées dans les aliments en mesurant la quantité d’adénosine triphosphate bactérienne (ATP) (Sharpe et al., 1970) ou en mesurant la quantité d’endotoxine (bactéries à Gram négatif) par le test au Limulus (LAL) (Gram, 1992). Le premier est très rapide mais des difficultés existent pour séparer les ATP bactériens des ATP somatiques.

Tableau 8.4 Méthodes de dénombrement bactérien dans les produits de la mer

Méthode

Température, °C

Incubation

Sensibilité, ufc/g

Gélose de dénombrement ou gélose au fer

15-25

3-5 jours

10

"Redigel"/"PetrifilmTM SM"

15-25

3-5 jours

10

Microcolonie-DEFT

15-30

3-4 heures

104-105

DEFT

-

30 minutes

104-105

ATP

-

1 heures

104-105

Test au limulus

-

2-3 heures

 103-104

Microcalorimètre/
Réduction de colorant
Conductance / Capacitance

15-25

4-40 heures

10

Plusieurs méthodes indirectes (microcalorimétrie, réduction d’un colorant, conductance et capacitance) ont été utilisées pour une estimation rapide des numérations bactériennes. Elles consistent en un prélèvement de l’échantillon, son incubation à la température de 20 à 25oC et la détection d’un signal donné. En microcalorimétrie, la chaleur dégagée par l’échantillon est comparée à un témoin stérile, alors que dans les mesures de conductance et capacitance on enregistre les mesures de changement des propriétés électriques de l’échantillon en comparaison avec un témoin stérile. Le temps nécessaire pour qu’un changement significatif se produise dans le paramètre mesuré (chaleur, conductance etc.) est appelé le Temps de Détection (TD). Le TD est inversement proportionnel au nombre initial de bactéries, c’est-à-dire qu’une réaction rapide indique un dénombrement élevé dans l’échantillon. Cependant, bien que le signal obtenu soit inversement proportionnel au dénombrement bactérien obtenu sur gélose nutritive, c’est seulement une faible fraction de la microflore bactérienne qui déclenche le signal et on doit sélectionner soigneusement la température d’incubation et le substrat.

Bactéries d’altération

La flore bactérienne totale du poisson indique rarement la qualité sensorielle ou le comportement attendu lors du stockage (Huss et al.,1974). Cependant on reconnait que seules certaines bactéries sont la cause principale d’altération (voir chapitre 5.3). Différents substrats riches en peptone et contenant du citrate ferrique ont été utilisés pour la détection des bactéries produisant du H2S telles que Shewanella putrefaciens, qui forment des colonies noires dues à la précipitation de FeS (Levin, 1968; Gram et al.,1987). L’altération à température ambiante est souvent causée par des bactéries de la famille des Vibrioanaceae qui forment aussi des colonies noires sur une gélose au fer à laquelle on ajoute une source de soufre organique (par exemple gélose au fer, Lyngby). Il n’y a pas de milieu sélectif ou indicatif pour les Pseudomonas spp. qui altèrent certains poissons tropicaux ou d’eau douce ou pour Photobacterium phosphoreum qui altère le poisson frais emballé. Au Laboratoire Technologique de Lyngby, une méthode, basée sur la conductance, pour la détection spécifique de P. phosphoreum est actuellement à l’étude (Dalgaard, communication personnelle). La présence ou l’absence de bactéries pathogènes est souvent évaluée par des méthodes fondées sur les techniques immunologiques ou de biologie moléculaire. De telles techniques peuvent être également mises au point pour les bactéries spécifiques d’altération et le Laboratoire Technologique fait actuellemnt des recherches sur l’utilisation d’anticorps spécifiques pour S. Putrefaciens (Fonnesbech et al., 1993). On a également mis au point une sonde génétique qui est spécifique pour S. putrefaciens mais qui n’a pas été testée sur les produits de la pêche ( DiChristina et DeLong, 1993).

Réactions d’altération

Diverses réactions d’altération peuvent être utilisées pour l’évaluation de l’état bactériologique des produits de la pêche. Tel que décrit plus haut, des géloses de dénombrement d’organismes produisant du H2S ont été mises au point. Au cours de la dégradation de poissons blancs maigres, une des principales réactions est la réduction bactériologique de l’oxyde de triméthylamine en triméthylamine (Liston, 1980; Hobbs et Hodgkiss, 1982). Quand l’OTMA est réduit en TMA, plusieurs changements physiques se produisent: le potentiel rédox diminue, le pH augmente et la conductance électrique s’élève. La mesure de tels changements dans un substrat contenant de l’OTMA et inoculé dans l’échantillon peut être utilisée pour évaluer le taux des organismes capables d’altération; ainsi plus les changements sont rapides, plus le taux d’organismes d’altération est élevé.

Plusieurs auteurs ont inoculé une quantité connue d’échantillons dans un substrat contenant de l’OTMA et enregistré le temps écoulé pour qu’un changement significatif de conductivité se produise (Gibson et al., 1984; Gram, 1985; Jorgensen et al., 1988). Il a été constaté cette fois que le temps de détection était inversement proportionnel au taux de bactéries produisant du sulfure d’hydrogène dans le poisson frais stocké en aérobiose et une estimation rapide de leur nombre peut être obtenue dans les 8 à 36 heures.

Les changements de potentiel rédox dans un substrat contenant de l’OTMA peuvent être enregistrés au moyen d’électrodes ou en observant la couleur d’un indicateur rédox (Huss et al., 1987). Comme pour les mesures de conductimétrie, le temps écoulé jusqu’à ce qu’un changement significatif soit enregistré est inversement proportionnel à la quantité initiale de bactéries.

Bactéries pathogènes

Plusieurs bactéries pathogènes peuvent être présentes dans l’environnement ou bien contaminer le poisson au cours de la manutention. Une description détaillée de ces organismes, de leur importance et des méthodes de leur détection est soulignée par Huss (1994).