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La radio rurale comme moyen de diffusion des prix de marché

Par Andrew Shepherd, du Service de la commercialisation et des financements ruraux de la FAO

Biographie

Titulaire d'une maîtrise en sociologie, Andrew W. Shepherd travaille actuellement au Service des marchés et de l'économie rurale de la FAO, en tant qu'économiste. Après quatre années consacrées à des recherches sur l'étude du marché des matières premières avec l'Economist Intelligence Unit, à Londres, il a passé trois ans en Papouasie-Nouvelle Guinée comme conseiller en marchés agricoles, puis effectué plusieurs missions de courte durée en Tanzanie, à Sainte Lucie, au Tonga et à Ceylan avant de rejoindre la FAO en 1985. Il est l'auteur de nombreuses publications dont une série d'ouvrages de vulgarisation portant sur les informations de marché, la libéralisation des cultures de rente en Afrique, le crédit et l'agriculture contractuelle (publication en cours).

Le groupe Marchés et approvisionnement des agriculteurs de la FAO fait partie du Service des marchés et de l'économie rurale. Il est responsable de la promotion de systèmes d'information sur les marchés, à la fois pour les produits agricoles et pour les intrants. Ce groupe a produit une série de publications sur la politique des marchés, le développement des infrastructures, la vulgarisation, et assure activement la promotion des échanges dans le domaine du marketing.

Résumé de la communication

Une bonne information sur les marchés peut être très profitable aux producteurs agricoles comme aux négociants.

Malheureusement, dans les pays en développement, l'information sur les prix, sur les quantités de production vendues et sur d'autres sujets concernant les marchés parviennent rarement aux agriculteurs.

Les radios agricoles pourraient constituer un outil essentiel pour surmonter ces problèmes, à condition que ces informations soient rendues disponibles et que leur coût soit accessible.

Cette communication dresse l'inventaire des avantages de l'information sur les marchés, analyse les contraintes qui existent actuellement s'agissant des sources d'information sur les marchés, et met en exergue les initiatives qui ont permis, en Afrique, de résoudre ces problèmes grâce à l'utilisation des radios locales. Enfin, Andrew Shepherd indique comment les programmes radio peuvent offrir aux agriculteurs des informations sur les marchés.


1. Les avantages de l'information sur les marchés.

2. Les sources d'information disponibles pour les agriculteurs

3. Les nouvelles approches de l'information sur le marché

4. Radios FM locales agricoles et informations sur le marché

5. Les éventuelles difficultés en matière d'information sur les prix de marché par les radios locales

6. Quelle assistance la FAO peut-elle apporter ?


1. LES AVANTAGES DE L'INFORMATION SUR LES MARCHÉS.

Les agriculteurs peuvent utiliser l'information sur les marchés de deux façons. L'information immédiate peut être utilisée pour négocier avec les commerçants, pour décider de vendre ou non et dans certains cas, pour décider sur quels marchés aller. L'information historique, qui porte par exemple sur l'évolution des prix sur plusieurs années, peut, quant à elle, être utile pour prendre des décisions sur la diversification de la production ou sur les cultures d'arrière saison. Elle peut même être utilisée pour aider les agriculteurs de subsistance à identifier les opportunités de gains. Quoiqu'il en soit, comme il n'est pas réaliste d'attendre des stations de radio qu'elles accumulent des informations sur de longues périodes, cette présentation se concentrera sur les usages immédiats de l'information sur les marchés pour les agriculteurs.1

Au niveau le plus simple, la disponibilité de l'information sur le marché peut aider les agriculteurs à vérifier les prix auxquels ils vendent leurs produits, par rapport aux prix du marché. Un des meilleurs exemples de cela vient d'Indonésie, où les prix de marché pour les légumes sont diffusés quotidiennement par les radios provinciales dans les principales zones de production. Presque tous les agriculteurs écoutent ces informations et les exploitent. S'ils sont payés à un prix inférieur, ils peuvent par exemple décider de vendre à d'autres négociants à l'avenir, négocier plus âprement, ou enfin chercher à améliorer la qualité et la présentation de leur production. Les prix diffusés par la radio sont aussi utilisés comme point de départ de la discussion avec les négociants pour les jours à venir et la disponibilité du SIM indonésien permet aux cultivateurs de négocier en position de force relative.2

Peu de pays disposent de la même concentration de producteurs horticoles dans un nombre aussi limité de poches de production, ou de ressources appropriées pour gérer ce type de service à l'échelle nationale. Quoiqu'il en soit, même un simple service délivrant l'information sur les prix dans un ou deux marchés peut s'avérer très utile pour les agriculteurs. L'information permet de réduire les coûts liés à la vente, en réduisant les risques. Une étude menée au Ghana, par exemple, montre que de nombreux producteurs, sans information sur les marchés et craignant que les coûts de transaction ne dépassent leurs prix de vente, ne se rendaient même pas sur les marchés.3 A la limite, des cultivateurs qui ne disposent pas de l'information nécessaire sur les prix pourraient décider, logiquement, de ne pas récolter leur production. Mais de telles décisions doivent bien sûr s'appuyer sur des informations fiables et non sur des rumeurs quelquefois infondées quant au bas niveau des prix.

Le prix d'un produit particulier peut varier fortement d'un marché à l'autre. En théorie, l'information sur le marché permet aux vendeurs comme aux acheteurs de profiter de telles différences de prix. Mais en réalité, ceci n'est pas toujours possible, notamment parce que les producteurs, comme les commerçants, ont souvent des liens particuliers avec tel ou tel marché, liens qui se fondent sur des réseaux familiaux, tribaux, ou sur des obligations liées à des crédits. Individuellement, les agriculteurs peuvent ne pas avoir intérêt à se rendre dans des marchés éloignés. Par ailleurs, les marchés qui proposent des prix élevés ne permettent pas toujours de vendre les quantités souhaitées. Aller sur ces marchés peut faire courir le risque de voir que les concurrents s'y sont déjà installés. Plus ces informations sont rapidement disponibles pour les commerçants, plus ces "arbitrages géographiques" sont de courte durée. Par exemple, plusieurs pays d'Europe de l'est et du centre ont noté des réductions sensibles des prix après l'introduction de services d'information sur les marchés. En Albanie, par exemple, l'information disponible sur des marchés éloignés était limitée, en raison de l'état des routes et des télécommunications, mais l'introduction d'un système d'information sur les marchés a créé une réduction sensible des différences de prix.

Mais si les avantages pour les agriculteurs individuels sont limités, s'agissant des choix géographiques, ces agriculteurs peuvent par contre s'organiser collectivement pour gérer les questions de transport vers des marchés plus éloignés et plus intéressants. Bien sûr, la commercialisation par les groupements de cultivateurs n'est pas une chose simple ; et malgré certains avantages, ce n'est pas une pratique très répandue. L'engagement collectif en matière de commercialisation n'a pas vraiment fait ses preuves, mais l'amélioration des circuits d'information pourrait toutefois encourager ce type d'initiatives et déboucher sur des économies d'échelle pour les cultivateurs qui souhaitent vendre leurs productions hors de leur zone habituelle.

2. LES SOURCES D'INFORMATION DISPONIBLES POUR LES AGRICULTEURS

Beaucoup de pays ont mis en place, à un moment ou à un autre, des services d'information sur les marchés (SIM)4, gérés par l'Etat Ils ont la plupart du temps échoué dans l'accomplissement de leurs missions ou ont rencontré des problèmes de durabilité. En Afrique, les SIM ont tendance à bien se développer lorsqu'ils sont soutenus par des projets et à s'effacer quand les soutiens extérieurs se retirent, en attendant de renaître avec l'arrivée d'un nouveau donateur. Beaucoup de pays disposent de services de ce type, avec des exceptions notables. En Afrique du sud, par exemple, le Ministère de l'agriculture reconnaît la nécessité d'un SIM mais reste incapable de trouver des ressources nouvelles ou de redéployer les ressources existantes pour en créer un. Beaucoup de SIM deviennent de simples bases de données et ont tendance à oublier que les données sont utiles si elles aident les agriculteurs et les négociants à prendre des décisions commerciales adéquates. La diffusion reste le point faible des SIM, d'autant que les radios publiques sont tentées par un positionnement commercial et demandent de plus en plus souvent à être payées pour diffuser les informations sur les marchés. Au Kenya, le tarif pour une diffusion hebdomadaire est de l'ordre de 120 000 US $ par an. En Ouganda, un tarif de 20 000 US $ par an et par langue de diffusion est demandé. En Tanzanie, cela coûte 10 000 US $ par an pour une diffusion hebdomadaire au niveau national, en Swahili.5

Les SIM ont d'autres faiblesses et notamment une exigence insuffisante sur la qualité de l'information, qui est souvent pauvre, ne reflète pas la réalité du prix des marchés et n'offre pas une information actualisée avec une fréquence suffisante. Le prix des produits horticoles est en constante évolution, sur la plupart des grands marchés mais le SIM peut ne les récolter qu'une fois par semaine, voire deux fois par mois. Cette information, même si elle peut être utile pour un usage à long terme, n'apporte aucune aide à court terme aux agriculteurs pour négocier avec les commerçants ou pour décider de mettre ou non leur production sur le marché.

Les SIM nationaux diffusent souvent leurs informations sous une forme inadéquate par les agriculteurs. Certains SIM diffusent les prix des marchés dans la presse écrite mais pas sur les antennes des radios. Dans quelques pays, les journaux n'arrivent que très tardivement dans les zones rurales, où les agriculteurs sont souvent analphabètes. Lorsque ces informations sont radiodiffusées, il arrive souvent qu'elles le soient seulement sur l'antenne nationale et seulement dans une ou deux langues, qui ne sont pas forcément comprises par tous les agriculteurs. Les heures de diffusion ne sont pas toujours les plus adaptées à l'écoute des agriculteurs, sauf s'ils emportent leurs radios au champ.

Jadis, on utilisait des tableaux d'affichage dans les villages ou sur les marchés pour l'information sur les marchés, mais les SIM négligeaient d'actualiser cette information qui devenait rapidement obsolète. Il arrivait aussi que des informations affichées ne soient pas datées, les agriculteurs n'avaient alors aucune idée du jour auquel correspondaient les prix affichés. Un service d'information locale, au Ghana, avait l'habitude d'utiliser ces tableaux mais il arrivait souvent que l'information soit effacée par la pluie avant même que les cultivateurs n'aient pu en prendre connaissance.

Il est, bien sûr, facile de faire la liste des problèmes et beaucoup plus difficile de les résoudre. Dans beaucoup de pays, les SIM font un bon travail ; dans d'autres ils travaillent dur pour résoudre leurs problèmes. Mais presque tous se plaignent de ressources insuffisantes pour travailler correctement. Dans de nombreux cas, les stations de radio rurale souhaitent diffuser les informations sur le marché, mais elles sont dépendantes des SIM, qui sont actuellement peu nombreux et il n'existe pas d'autres sources d'information formelles.

Les cultivateurs peuvent, bien sûr obtenir l'information par d'autres paysans ou par les négociants, mais ces sources sont peu fiables pour des raisons évidentes : les informations disponibles pour les négociants ruraux sur les prix des marchés urbains sont certainement plus actualisées que celles fournies par les SIM parce que non seulement les négociants vont sur les marchés, mais en plus, ils en apprennent davantage en s'informant entre eux. Les négociants sont de plus en plus souvent en contact avec les marchés par téléphone y compris avec des téléphones cellulaires lorsqu'ils sont disponibles. Toutefois, l'intérêt des commerçants est de maximiser leurs profits et leur stratégie pour y parvenir consiste rarement à donner une information fiable au producteur. Ceux-ci, qui ne disposent pas toujours d'une radio, sans parler d'un téléphone portable, sont rarement en situation favorable pour négocier. Les autres cultivateurs peuvent être une importante source d'information sur les marchés, s'agissant particulièrement des marchés locaux. Mais il faut bien reconnaître que l'information provenant des agriculteurs n'est pas toujours fiable. Ils peuvent se souvenir du montant global de leur vente, mais sans se rappeler précisément la quantité vendue (particulièrement lorsque les contenants ne correspondent pas aux standards), et donc ne sont pas en mesure de donner un prix au kilo fiable. Il faut aussi noter que les paysans ont tendance à exagérer les montants qu'ils reçoivent, pour laisser penser qu'ils sont d'habiles négociateurs ou que leurs produits sont d'une qualité telle qu'ils atteignent les prix les plus élevés.

D'autres sources d'information existent encore pour les agriculteurs. Les médias nationaux diffusent souvent les cours des matières premières fournis par les services officiels qui suivent les marchés. Mais la tendance, en Afrique, est à la fermeture de ces services et le secteur privé, qui les remplace, pourrait être moins enclin à fournir des informations sur les prix. L'information est quelquefois fournie par les banques et diffusée par les journaux et les magazines. Ceci se rencontre surtout dans des pays où l'on trouve de grandes exploitations privées, comme, par exemple l'Afrique du sud, où la First National Bank prépare une revue hebdomadaire des prix des matières premières. Enfin, les services de vulgarisation disposent quelquefois d'informations sur les marchés, mais il faut s'y rendre pour bénéficier de l'information.

3. LES NOUVELLES APPROCHES DE L'INFORMATION SUR LE MARCHÉ

Les difficultés rencontrées par les services d'information sur les marchés au niveau national ont conduit au développement de nouvelles approches, qui insistent davantage sur les problèmes de diffusion de l'information et sur leur recueil, au niveau local. Il s'agit d'une tendance générale qui va avec la décentralisation des services publics. Jusqu'ici, les expérimentations dans ce domaine ont surtout été soutenues par des donateurs extérieurs. Il est donc encore trop tôt pour savoir si elles seront durables ou si elles rencontreront les mêmes difficultés que les SIM nationaux.

Au milieu des années 90, un projet de la FAO en Zambie observait que le processus de libéralisation du prix du grain serait facilité si les cultivateurs pouvaient avoir accès aux informations sur les prix du marché, les négociants, les conditions de vente au niveau provincial comme au niveau national. Trois provinces ont bénéficié d'un soutien pour produire des bulletins mensuels d'information sur les marchés. Toutefois, c'est le récent développement des radios locales en FM qui a permis la faisabilité de la diffusion de l'information au niveau local. En Ouganda, l'IITA6 travaille en collaboration avec l'USAID 7 et le CTA.8. L'USAID assure le financement d'un nouveau SIM au niveau national, qui collecte, toutes les semaines, les prix de 28 produits de base dans 19 districts et diffuse cette information par le biais de la radio nationale. Ce service constitue la base d'un projet pilote de diffusion de l'information à l'échelle locale, soutenu par le CTA. Cette opération est particulièrement importante en Ouganda, compte tenu du nombre de langues parlées dans le pays.

Une des trois zones pilote utilise les services en langues locales de Radio Ouganda. Il s'agit de la zone orientale du pays, où vivent environ cinq millions de personnes et où l'on trouve trois marchés régionaux pour le maïs : Jinja, Iganga and Mbale. Ces marchés constituent une importante source de maïs pour les acheteurs ougandais, mais aussi kenyans. L'information sur le prix du maïs est collectée trois fois par semaine par des agents du marché qui sont partiellement employés par le service national. Les prix locaux et nationaux sont radiodiffusés localement trois fois par semaine. Toutefois, notons que l'accent n'est pas seulement mis sur la diffusion de l'information sur les prix collectés par le SIM au niveau national, mais aussi sur d'autres facteurs importants, comme la situation du transport, le renouvellement du marché, le nombre et le type d'acheteurs. Cette information est analysée à Kampala et un programme radio de 15 minutes est produit, en langues locales à partir d'interviews d'acteurs du marché dans ces même langues autant que possible.9

Les coûts de collecte des données peuvent être considérables. Au Mali, par exemple, avant la réorganisation du SIM dont il sera question ci-dessous, les coûts de collecte de l'information avaient atteint 64% du budget opérationnel du SIM. Pour les services locaux, ces coûts peuvent êtres prohibitifs. C'est pourquoi, l'interrelation entre le niveau local et national, sur la base du modèle ougandais, est importante.

Pourtant, ce type d'inter relation n'existe pas dans l'autre programme pilote financé par le CTA, au Ghana. Un SIM national existe, financé par le Ministère de l'agriculture, mais il souffre de tous les problèmes que nous avons déjà évoqués au chapitre 2, ci-dessus. Le service national n'a su mobiliser aucune des 43 stations locales FM, mises en place dans tout le pays. Le programme pilote est basé sur le grand marché d'Asesewa et il englobe également cinq marchés villageois alentour, où l'information sur les prix est collectée et affichée sur des tableaux en même temps que les prix du marché d'Asesewa. Au cours du marché du vendredi, les prix sont collectés à Asesewa et ils sont diffusés tôt le matin, sur trois radios FM s'adressant aux trois principaux groupes linguistiques, afin d'inciter les cultivateurs à se rendre au marché, si les prix leur conviennent. Ils ne s'y rendront que si les routes sont en bon état, mais l'information est passée et les a encouragés à vendre, y compris, pour les Togolais voisins, en traversant le lac Volta.10 Jusqu'ici la principale contrainte du projet est l'insistance des radios pour être payées pour la diffusion. On en dira plus là dessus un peu plus bas.

In 1999 le Mali a décentralisé le SIM, en créant 22 antennes locales dans tout le pays, en plus du bureau central de Bamako. Ces unités locales sont désormais chargées de collecter l'information et de la diffuser au niveau local et ces dispositions ont apporté un nouveau visage au vieux système basé sur la centralisation de toutes les informations au niveau du bureau de Bamako et leur diffusion au niveau national. Par ailleurs, la responsabilité du SIM est passée de l'Office national chargé de la commercialisation des céréales (OPAM) sous le contrôle du programme de restructuration du marché des céréales (PRMC), aux chambres d'agriculture du Mali (APCAM). Avant cette restructuration, le SIM était totalement sous la dépendance du financement du PRMC. Aujourd'hui, il est financé par le gouvernement.11

L'APCAM a passé contrat avec 24 radios locales pour diffuser des informations sur les prix et les quantités disponibles de produits vivriers locaux. Actuellement 8 antennes locales sont liées entre elles par un système de radio téléphone FM et sont équipées de modems. Elles peuvent donc échanger des informations sur les prix par e-mail, entre elles et avec le bureau central à Bamako. Les cultivateurs ont demandé à utiliser ce système pour diffuser des offres d'achat et de vente, jetant ainsi les bases d'un commerce électronique des cultures vivrières au Mali12

Beaucoup d'autres pays ne disposent pas d'un réseau de radios privées. Au Zimbabwe, par exemple, une quantité considérable d'information agricole, dont l'information sur le marché est diffusée par la radio publique nationale, dans de nombreuses langues. Toutefois, il n'existe pas de stations locales.13 L'Afrique du sud, à l'inverse dispose d'un vaste réseau de stations FM qui diffusent dans les zones rurales, mais aucune d'entre elles, apparemment, ne diffuse d'informations sur le marché. Le producteur des programmes agricoles, sur une des stations locales FM a indiqué à l'auteur qu'il n'avait aucune idée de la façon de trouver cette information. Au Mozambique, l'information sur le marché est diffusée par les stations de radio locale. Elles demandent pour cela à être payées. Le gouvernement, les partenaires et les ONG assurent ce coût.14

4. RADIOS FM LOCALES AGRICOLES ET INFORMATIONS SUR LE MARCHÉ

Les exemples ci-dessus représentent des tentatives pour porter l'information sur les marchés au niveau local, en s'appuyant sur le nombre croissant de stations de radio locales émettant en FM. On admet de plus en plus que les agriculteurs qui vendent leur production principalement sur le marché local éprouvent beaucoup de difficultés à obtenir de l'information provenant des marchés centraux et ont donc besoin d'une information disponible localement. De plus, l'information diffusée à l'échelle nationale l'est souvent dans un langage que la population ne comprend pas. Les expériences limitées de diffusion de l'information des SIM sur les radios locales sont positives. En fait, après avoir commencé à diffuser des informations sur le marché sur son antenne, le propriétaire d'une station FM en Ouganda raconte qu'il a été littéralement assailli par ses auditeurs qui voulaient plus d'informations.15

Les agriculteurs continueront à être mal servis en termes d'informations sur les marchés si l'initiative vient seulement sur des partenaires et des ONG. En fait, ces initiatives peuvent même être contre productives dans certains cas, lorsqu'elles conduisent à payer les stations de radio pour la diffusion et que cette information finit par être considérée comme de la publicité. Ces accords de diffusion payante débouchent sur des systèmes non durables qui s'arrêtent avec le départ des partenaires Il y aurait une plus grande garantie de durabilité si les stations de radio étaient amenées à considérer ces informations comme un service public équivalent aux bulletins d'informations. Mieux, ils inciteraient les ruraux à écouter la radio ce qui permettrait de les exposer à des messages publicitaires qui rapporteraient de l'argent Une autre approche consisterait à inciter les partenaires économiques à sponsoriser la diffusion des informations sur le marché, mais cette solution n'est pas non plus satisfaisante du point de vue de la durabilité car elle est soumise au bon vouloir de ces partenaires.

Les stations de radio rurale qui souhaitent prendre l'initiative de diffuser des informations sur le marché ont une série de possibilité pour le faire, mais tout dépend de la disponibilité de l'information et des ressources de la station. Ces possibilités sont les suivantes :

5. LES ÉVENTUELLES DIFFICULTÉS EN MATIÈRE D'INFORMATION SUR LES PRIX DE MARCHÉ PAR LES RADIOS LOCALES

Vaut-il mieux pour les agriculteurs avoir une information pas nécessairement fiable que pas d'information du tout ? C'est actuellement un débat. Les stations de radio doivent être averties des difficultés qui se présentent pour le recueil et l'interprétation des données d'information pour essayer d'y trouver des remèdes. Un problème important, dans la plupart des pays africains est que les unités de poids et de mesure sont variables. Certains produits sont vendus, par exemple "à la boite" ou " au tas" ou "au sachet". Même si les boîtes ou les tas peuvent être de même volume dans une localité donnée, cela peut changer d'un village à l'autre. Il y a aussi l'habitude pour le commerçant d'ajouter une poignée du produit lorsque le marché a été conclu. Le volume de cet ajout peut varier selon la nature de la marchandise et les conditions du marché. La taille des tas varie également selon les produits. Pour les produits vendus à l'unité les vendeurs peuvent varier la taille des tas, selon le jour où même selon l'heure, de façon à maintenir le prix du "tas" tout en jouant sur l'offre et la demande. Recueillir le prix de produits aussi changeants peut conduire à des erreurs ; mais les convertir en prix au kilo implique de disposer d'une balance sur place ou d'acheter le produit et le peser plus tard. Dans le premier cas on peut s'attirer les foudres du marchand et le deuxième est coûteux (bien qu'il constitue sans doute la méthode la plus fiable).

Les questions de variétés et de qualité constituent d'autres sources de malentendus. Dans certaines régions d'Afrique, par exemple, il peut y avoir une dizaine de sortes de haricots en vente sur le marché en toutes circonstances. Si l'on donne tout simplement à la radio le prix du "haricot" on n'apportera pas une information très utile à l'auditeur. Les producteurs peuvent également être induits en erreur si la qualité de leur production n'est pas la même que celle que l'on considère dans l'information du marché. Les heures auxquelles les prix sont collationnés sont également un élément important. Dans de nombreux pays, le prix des denrées périssables baisse considérablement à la fin de la journée lorsque les commerçants essaient d'écouler leur stock pour le remplacer par des produits frais le lendemain ou qu'ils cherchent à éviter d'avoir à ramener la marchandise chez eux. Un autre malentendu potentiel concerne le stade de la chaîne de commercialisation auquel le prix est collecté. Si l'on fait référence au prix payé par le consommateur final, il ne s'agit évidemment pas du prix que le producteur va proposer au commerçant. Pour éviter ces malentendus, il est souhaitable que les radios qui diffusent des informations sur le marché programment de temps en temps des émissions qui expliquent la nature des prix qui sont diffusés à l'antenne.

Les stations locales doivent également savoir que les agriculteurs ne peuvent absorber qu'une quantité limitée d'informations. Les émissions d'information sur les marchés doivent donc se limiter aux produits les plus importants dans les marchés locaux les plus représentatifs et éviter de diffuser les prix de produits qui ne vont intéresser que quelques auditeurs. En définitive, comme indiqué précédemment, il est important de s'assurer que les horaires de diffusion correspondent bien aux moments où les agriculteurs sont à l'écoute.

6. QUELLE ASSISTANCE LA FAO PEUT-ELLE APPORTER ?

Un nouveau guide vient d'être publié. Il s'appelle "Comprendre et utiliser l'information sur le marché". Il approfondit les questions abordées dans le chapitre 5 de cette communication et aborde également des questions comme les coûts des transactions.18 Adapté aux situations locales, il peut constituer un outil de base au service des radios pour bâtir des émissions de conseils aux agriculteurs sur la façon d'utiliser l'information sur les prix du marché fournie par la station de radio. Les radios qui voudraient conserver les prix qu'elles collectent pourraient également être intéressées par le logiciel FAO-AgriMarket.19 Basé sur le système MS-Access, il est simple à installer et à utiliser et il est fourni avec un manuel de l'utilisateur complet et une assistance en ligne. Il peut prendre en compte autant de produits ou de marchés que vous le souhaitez. Il fournit, à la demande, des synthèses journalières, hebdomadaires ou mensuelles ainsi que des graphiques et des tableaux.

S'il dispose de ressources suffisantes, le Groupe des marchés de la FAO peut apporter un soutien aux groupes ou associations de radio rurale sur la façon d'obtenir et de traiter l'information sur les marchés et les aider à surmonter quelques-uns des problèmes potentiels que nous avons évoqués plus haut. Cet appui peut inclure :

 


1 Pour un panorama plus détaillé sur les avantages de l'information sur le marché, voir : "Market information services - Theory and practice" de Andrew W. Shepherd, AGS Bulletin No. 125, FAO, Rome, 1997.
2 "The Indonesian Horticultural Marketing Information Service" de Andrew W. Shepherd et Alexander Schalke, AGSM Occasional Paper No. 8, FAO, Rome, 1995
3 Etude réalisée pour le CTA by Dr. Gyiele Nurah, Université de Kumasi
4 La FAO définit le SIM comme un système de recueil, sur une base régulière, d'informations sur les prix et, dans certains cas, sur les quantités de produits agricoles vendus, à partir des marchés ruraux, des ventes en gros et en détail, selon les cas et la diffusion de cette information à des intervalles et des horaires réguliers, vers les agriculteurs, les négociants, les agents des gouvernements, les décideurs et autres. Il est généralement mis en œuvre par le secteur public.
5 S. Ferris, pers. comm.
6 Institut International d'agriculture tropicale
7 Agence des Etats Unis pour le développement international
8 Centre technique de coopération agricole et rurale ACP-EU
9 La discussion sur l'Ouganda est basée sur une présentation faite par Andrew Muganga et Shaun Ferris lors d'une réunion du groupe consultatif sur le développement des services d'information sur le marché pour les petits opérateurs du secteur agricole dans les pays ACP, qui s'est tenue au siège du CTA, à Wageningen les 30-31 octobre 2000.
10 Information sur la situation au Ghana basée sur une communication de Kofi Adom Boakye, à la rencontre du CTA (voir note précédente)
11 Voir "Le Système d'information sur le marché au Mali. Une évolution novatrice pour un secteur privé dynamique" par Niama Nango Dembélé, James F. Tefft et John M. Staatz, USAID Policy Synthesis No. 56 décembre 2000
12 John M. Staatz, pers. comm.
13 L. Mukwereza, pers. comm.
14 A. Schalke, pes. comm.
15 P. Robbins, pers. comm.
16 Comme indiqué pendant la discussion sur le projet au Mali, l'USAID a financé l'achat de modem- radios alimentés par énergie solaire pour surmonter les problèmes de lignes téléphoniques. Le développement rapide de la téléphonie mobile offre également de nouvelles possibilités de télécharger des données sans passer par des lignes téléphoniques fixes sans garanties de fiabilité.
17 http://www.agritel.co.za/ Ce service est également disponible par fax.
18 "Understanding and Using Market Information" par Andrew W. Shepherd, FAO Guide de vulgarisation du marché n°2. Service du marché et de l'économie rurale, FAO, Rome 2000.
19 http://www.fao.org/ag/ags/AGSM/FAM20/index_E.HTM Ce logiciel, tout comme le guide cité précédemment, est proposé gratuitement.

 

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