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Chapitre 3 - Les perspectives de la population urbaine

Il subsiste encore de nombreuses lacunes dans le recueil des données concernant l'urbanisation. La croissance de certaines villes est telle que les limites administratives varient énormément d'une opération démographique à l'autre; par ailleurs, la cartographie des quartiers spontanés est rarement exhaustive, d'où des risques de sous-évaluation des effectifs de population. La durée écoulée entre la collecte et la publication des résultats est parfois tellement longue que les données publiées ne correspondent plus à la réalité du moment: des quartiers ont été restructurés, d'autres quartiers se sont particulièrement développés, etc. Le recensement a plus souvent une valeur historique pour des villes à croissance rapide. L'approche de l'urbanisation bute également sur la définition de la ville. La plupart des pays retiennent une taille minimale en général très basse (5 000, voire 2 000 habitants), ou bien dressent une liste des localités considérées comme urbaines, sans qu'il soit toujours possible de connaître les critères de choix. La plupart de ces critères ont pour inconvénient majeur de considérer comme urbains de gros villages. Le critère de taille est certainement le moins mauvais à condition de s'en tenir à un minimum acceptable (20 000 voire 50 000 habitants). Cette diversité de critères rend difficile toute comparaison internationale.

Pour l’Afrique de l’Ouest et centrale, nous disposons de plusieurs sources à travers la compilation des recensements et les travaux menés par ILTA, WALTPS et les perspectives établies par les Nations Unies. La variation des rythmes des migrations et l’évolution des tendances démographiques rendent délicates les perspectives à moyen terme. Les évaluations sont certainement plus fiables au niveau régional qu’au niveau d’un pays particulier. En effet, lorsque l’on compare les évaluations préparés pour WALTPS (Kalassa, 1994 et 1996) et celles des Nations Unies (1995), les évaluations concernant les effectifs de population sont voisins concernant la population totale pour la plupart des pays, et relativement proche sur le total de population de la zone d’étude: 257 millions pour WALTPS en 1990, et 264 millions pour les Nations Unies, soit une différence de 2,8 pour cent. Les pays pour lesquels les écarts sont importants sont, soit des pays en pleine crise politique entraînant des déplacements de population (Angola, Sierra Leone), soit des pays où les sources statistiques sont anciennes ou manipulées (Gabon, Centrafrique), soit des pays de forte émigration où immigration internationale (Burkina Faso, Mali, Côte d’Ivoire). Mais même lorsque les évaluations diffèrent, elles ne dépassent guère un écart de 10 pour cent. Par contre, pour l’évaluation de la population urbaine, les écarts sont plus importants provenant en partie déjà d’une différence de définition (localités de plus de 5 000 habitants pour WALTPS, définition nationale pour les Nations Unies) (tableau 3). Dans l’ensemble, la proportion d’urbain trouvée par WALTPS est plus importante que celle des Nations Unies en particulier pour le Nigeria où aucune des évaluations n’a pu intégrer les résultats définitifs du recensement. Dans l’ensemble de la zone d’étude, le taux d’urbanisation est donc évalué à 37 pour cent pour WALTPS (31 pour cent sans le Nigeria) et 31 pour cent pour les Nations Unies (29 pour cent sans le Nigeria). Pour certains pays, les écarts d’évaluation de la population urbaine atteignent, voire dépassent, les 20 pour cent. Ainsi, selon WALTPS, le total de population urbaine est moins élevé au Burundi, au Liberia, au Cap-Vert et en Guinée équatoriale que selon les évaluations des Nations Unies. Par contre, toujours selon les estimations de WALTPS, la population urbaine est bien importante au Bénin, au Burkina, au Congo et au Nigeria que ne le laissent supposer les données des Nations Unies. Les évaluations sont à peu près concordantes pour quelques pays seulement: le Togo, le Cameroun et le Niger.

Il est donc difficile de préciser pays par pays les effectifs de population urbaine. Il est donc encore plus aléatoire de présenter des perspectives par pays. La tendance reste à une croissance plus rapide de la population en milieu urbain que celle du milieu rural. Cette croissance résultera de plus en plus du seul mouvement naturel (entre 2,8 et 3,5 pour cent de croissance naturelle par an suivant la structure de la population). Après une diminution importante de la mortalité (en particulier infanto-juvénile) en milieu urbain à partir des années 60. Il est possible que l’effet des programmes d’ajustement ait un effet sur la santé publique, mais pour l’instant les indicateurs démographiques ne traduisent aucune remontée de la mortalité des enfants. Par contre, la fécondité commence à amorcer un déclin en milieu urbain. Ainsi à Abidjan, la fécondité est passée de 6,4 enfants par femme (en 1980) à 4,1 enfants en 1994 (enquête EDS), soit une baisse de 33 pour cent, alors que la fécondité en milieu rural est passée pour la même période de 7,4 à 6,4 enfants par femme.

Tableau 3: Evaluation comparée des effectifs de population urbaine selon les estimations de WALTPS et des Nations Unies.

Pays

Population urbaine selon WALTPS en 1990 (milliers)

Population urbaine selon les Nations Unies en 1990 (milliers)

Différence d’évaluation de l’effectif de population urbaine

Différence relative d’évaluation de l’effectif de population urbaine

Burundi

284

345

-61

-21,48

Mali

1858

2193

-335

-18,03

Mauritanie

818

937

-119

-14,55

République Centrafricaine

1022

1097

-75

-7,34

Rwanda

365

391

-26

-7,12

Guinée

1406

1484

-78

-5,55

Togo

1001

1005

-4

-0,40

Cameroun

4751

4643

108

2,27

Niger

1224

1177

47

3,84

Gabon

553

523

30

5,42

Sénégal

3112

2919

193

6,20

Côte d'Ivoire

5570

4841

729

13,09

Zaïre

12550

10506

2044

16,29

Tchad

1393

1138

255

18,31

Bénin

1690

1345

345

20,41

Burkina Faso

2051

1605

446

21,75

Congo

1640

1194

446

27,20

TOTAL AFRIQUE FRANCOPHONE

41288

37343

3945

9,55

Liberia

577

1084

-507

-87,87

Sierra Leone

1100

1287

-187

-17,00

Ghana

4552

5107

-555

-12,19

Nigeria

45487

33808

11679

25,68

Gambie

285

209

76

26,67

TOTAL AFRIQUE ANGLOPHONE

52001

41495

10506

20,20

Cap Vert

113

151

-38

-33,63

Guinée équatoriale

102

126

-24

-23,53

Angola

2485

2602

-117

-4,71

Sao Tomé

48

50

-2

-4,17

Guinée Bissau

252

191

61

24,21

TOTAL AFRIQUE LUSOPHONE

3000

3120

-120

-4,00

TOTAL AFRIQUE ATLANTIQUE

96289

81958

14331

14,88


Le sida tend à devenir la principale cause de décès des adultes en milieu urbain. Il frappe dans l’ensemble une population active ayant bénéficié d'une formation professionnelle. Si les répercussions économique et sociale du sida sont importantes, l’impact de la maladie devrait toutefois rester faible en termes de croissance démographique. Le Bureau of Census américain estime qu’en Afrique le taux de mortalité risque de remonter à 20 pour mille en 2010, pour décliner ensuite à huit pour mille à l’horizon 2020, la natalité passant progressivement de 48 pour mille en 1985 à 35 pour mille en 2020. Selon leur scénario, l’impact sur la croissance naturelle sera important entre 1995 et 2015. Sans sida la croissance naturelle (en moyenne pour l’ensemble de l’Afrique) serait de 34 pour mille en 1995, 32 pour mille en 2005 et 29-30 pour mille en 2015. Avec le sida, la croissance naturelle est ralentie, elle passe pour les mêmes dates à respectivement 28 pour mille en 1995, 21 pour mille en 2005 et 24 pour mille en 2015. L’impact sera très différent suivant les villes. Il est déjà particulièrement fort à Abidjan, où l’on estime que 25 000 personnes seraient décédées du sida entre 1986 et 1992 (Garenne, 1995).

Selon les Nations Unies, en 2020 la population de la façade atlantique de l’Afrique atteindrait plus de 600 millions d’habitants, dont 54 pour cent d’urbains (Tableau 4). En Afrique francophone, le Rwanda et le Burundi demeureraient parmi les moins urbanisés, alors que le Cameroun, le Gabon et le Congo seraient parmi les pays les plus urbanisés, rejoints par le Sénégal et la Mauritanie. Le Burkina connaîtra un taux d’urbanisation voisin de celui de la Côte d’Ivoire de plus de 60 pour cent. Dans les pays anglophones et lusophones, plus de la moitié de la population sera urbaine, à l’exception de la Gambie et de la Guinée Bissau. Malgré un tassement du rythme de croissance urbaine, la façade atlantique de l’Afrique sera majoritairement urbaine en 2020. Entre 1990 et 2020, cette région verra sa population urbaine multipliée par quatre; c’est dire l’ampleur du phénomène, mais aussi les débouchés que constituent les marchés urbains. Le tableau 4 donne les prévisions pays par pays, mais il faut prendre ces chiffres comme des ordres de grandeur. Plusieurs facteurs peuvent influencer ces perspectives: une transition démographique plus rapide que prévu, des conflits dans certains pays et des variations importantes des conjonctures économiques.

Tableau 4: Perspectives de population urbaine en 2020 selon les estimations des Nations-Unies (pays classés selon le taux d’urbanisation en 2020).

Pays

Population urbaine NU en 1990 (milliers)

Population totale NU en 2020 (milliers)

Population urbaine NU en 2020 (milliers)

Taux d'urbanisation en 1990

Taux d'urbanisation en 2020

Taux de croissance annuel population urbaine (1990-2020)

Rwanda

391

14375

1808

5,6

12,6

5,2

Burundi

345

12103

2187

6,3

18,1

6,3

Niger

1177

19671

6394

15,2

32,5

5,8

Tchad

1138

11661

4026

20,5

34,5

4,3

Mali

2193

21822

10054

23,8

46,1

5,2

Bénin

1345

10843

5199

29,0

47,9

4,6

Togo

1005

8356

4054

28,5

48,5

4,8

Guinée

1484

13411

6640

25,8

49,5

5,1

République centrafricaine

1097

5773

3198

37,5

55,4

3,6

Zaïre

10506

91752

52129

28,1

56,8

5,5

Côte d'Ivoire

4841

31732

19350

40,4

61,0

4,7

Burkina Faso

1605

19213

12180

17,9

63,4

7,0

Cameroun

4643

26014

16624

40,3

63,9

4,3

Gabon

523

2420

1618

45,6

66,9

3,8

Sénégal

2919

15327

10505

39,8

68,5

4,4

Mauritanie

937

4054

2871

46,8

70,8

3,8

Congo

1194

5010

3730

53,5

74,5

3,9

TOTAL AFRIQUE







FRANCOPHONE

37343

313537

162567

27,8

51,8

5,0

Gambie

209

1937

866

22,6

44,7

4,9

Ghana

5107

34092

18473

34,0

54,2

4,4

Sierra Leone

1287

7893

4390

32,2

55,6

4,2

Nigeria

33808

214551

125126

35,2

58,3

4,5

Liberia

1084

6387

3924

42,1

61,4

4,4

TOTAL AFRIQUE ANGLOPHONE

41495

264860

152779

35,0

54,5

7,0

Guinée Bissau

191

1804

732

19,8

40,6

4,6

Angola

2602

23408

12156

28,3

51,9

5,3

Sao Tomé

50

202

130

42,0

64,4

3,2

Guinée équatoriale

126

720

473

35,8

65,7

4,5

Cap Vert

151

680

524

44,3

77,1

4,2

TOTAL AFRIQUE LUSOPHONE

3120

26814

14015

28,4

52,3

5,1

TOTAL AFRIQUE ATLANTIQUE

81958

605211

329361

31,0

54,4

4,7


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