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Resources management and safeguarding rights systems

The land question debate has been delayed by the govermental reforms of the 1980s, based on the generalization of cadastral procedures that dealt with new modes of land appropriation and profitability.

However, the failure of agrarian policies after independence, combined with the country's ongoing economic crisis and the goverments withdrawal from land reform policy at the end of the 1980s have brought issues relating to juridical methods of land appropriation and regulation to the fore. Nowadays, for stakeholders and researchers alike, the land tenure debate has become an object of concern in its own right.

Gestión de los recursos naturales y sistemas de seguridad

Las reformas que se emprendieron en la decada 1980 sobre las nuevas formas de apropiación de tierras, de su rentalibilidad y de la generalización del sistema de securización mediante la generalización del catastro y la matriculación que no han hecho otra cosa que retrasar el debate sobre la problemática de la tenencia de tierras.

Desde finales de los años 1980, las modalidades jurídicas de acceso a la tierra y sistemas de seguridad se plantean bajo el fracaso de las políticas agrarias llevadas a cabo tras la independencia, de la crisis económica y de la ruptura con el Estado. La tenencia de tierras es una cuestión que se impone y se plantea hoy en día como objeto autónomo de reflexión tanto para la clase dirigente como para la investigación.

Gestion des ressources naturelles et modes de sécurisation

S. Bendjaballah

Maître de conférences - Chargée de recherche à la faculté de droit, Université de Constantine, Algérie

Les réformes engagées, dans les années 80, au sujet des nouvelles formes d'appropriation des terres1et de leur rentabilisation2 visant à renforcer la sécurisation foncière par la généralisation du recours au cadastre et à l'immatriculation, n'ont fait que reculer l'échéance du débat sur la problématique de la question foncière.

Dès la fin des années 80, la question des modalités juridiques de l'accès à la terre et des modes de sécurisation se pose sous le triple effet de l'échec des politiques agraires postindépendance, de la crise économique et du désengagement de l'État. La question foncière s'impose et se pose aujourd'hui comme un objet autonome de réflexion tant pour les décideurs que pour la recherche.

LE DÉBAT AUTOUR DE LA QUESTION FONCIÈRE

Engagé pour répondre aux crises des systèmes mis en place depuis l'indépendance, et y trouver des solutions, le débat autour de la question foncière n'a pas encore eu lieu si l'on se réfère aux deux rencontres importantes concernant l'agriculture (1992 et 1996). Si la dernière rencontre a permis de dégager un plan de développement de l'agriculture sur le moyen terme, il a néanmoins été impossible d'aller au fond du vrai problème: celui du foncier.

La question est tellement délicate qu'elle constitue le point d'achoppement entre la Banque mondiale et les décideurs nationaux pour l'application des plans d'ajustement structurel dans le secteur agricole3

En dehors des réactions violentes suscitées par la déclaration de ventes des terres publiques (portant essentiellement sur les anciennes terres coloniales) que nous ne pouvons ignorer du fait des interférences politiques, le débat, théorique et politique, porte sur le maintien d'une propriété publique ou la généralisation des formes d'appropriation privatives.

La dernière option adoptée en matière de terres publiques (terres domaniales) est la formule des concessions des terres.

LA PROBLÉMATIQUE FONCIÈRE

Le foncier, comme objet autonome d'observation, a été identifié et défini comme l'ensemble des rapports sociaux ayant pour support la terre ou l'espace territorial. Ces rapports sociaux sont particulièrement déterminés par les facteurs économiques (accumulation primitive du capital et extraction de la rente), juridiques (normes d'appropriation et modes de règlement des conflits), les techniques d'aménagement et les politiques étatiques. Mais de manière plus substantielle, depuis la période coloniale et avec les politiques agraires nationales, c'est le facteur politique qui influe le plus sur la façon dont se pose et se traite la problématique foncière par les décideurs et par les chercheurs.

On se trouve dès lors face à des combinaisons multiples mettant en jeu un certain nombre d'acteurs, à l'intérieur de règles de jeu définies ou prédéfinies en compétition autour d'un objet.

L'équation foncière est rendue encore plus complexe par le fait que ce qui est en compétition n'est pas un objet, ou une marchandise, mais un espace à vocation plurielle (espaces de culture, de parcours et de points d'eau) qui se raréfie sous le double effet de l'avancée de la désertification et de la pression démographique.

Les interventions extérieures du législateur colonial, puis national, n'ont eu de cesse d'enfermer la question des rapports de l'homme à cet espace dans le seul schéma de la domanialisation ou de la propriété privée de type civiliste. Un schéma qui a atteint ces limites au regard des effets des politiques de domanialisation, et qui est appelé à prouver sa pertinence en matière d'appropriation privative. L'absence de consensus sur la question du choix de la privatisation, tant au niveau des décideurs que des acteurs concernés et de la société, demeure un paramètre non négligeable dans la mise en place des scénarios de sortie de crise.

Le concept d'appropriation, qui est au c_ur du débat actuel entre appropriation publique et généralisation de la propriété privée, ne peut être restitué qu'à travers l'ensemble de sa dimension, sémantique et historique. Si l'appropriation c'est rendre propre à un usage, c'est aussi du point de vue strictement juridique l'action de s'approprier ou de destiner à un bénéficiaire ou à soi-même un objet. Par souci méthodologique, cette question sera abordée à partir de trois points: i) le premier part du souci de sortir de la dyade public/privé dans lequel est enfermé le débat, par une incursion vers le passé; ii) le deuxième est relatif aux dispositifs législatifs et réglementaires mis en place depuis l'indépendance et qui seront examinés sous l'angle des modalités d'appropriation et de sécurisation; iii) le troisième portera sur la problématique de la généralisation de la propriété privée telle qu'elle se dessine à la lumière de la Loi de 1990 et sur les nouvelles dispositions prises en matière de vente des terres publiques.

LA SITUATION FONCIÈRE PRÉCOLONIALE

Les travaux sur la question sont assez nombreux pour que nous ne nous y arrêtions pas (Merad-Boudia, 1977). Ils ont tous pour point commun de décrire les différents modes d'appropriation caractérisés par une situation de pluralité dans le statut des terres, des hommes et des groupes. C'est tout à la fois une organisation de l'espace (terres de culture, terres de parcours, terres vivifiées, terres mortes, terres d'accès au point d'eau), une organisation des hommes entre eux (sur un modèle pyramidal), et une organisation des groupes entre eux (organisation segmentaire et verticale) (Hammani et Benmati, 1985) et des groupes avec le pouvoir central en fonction du rapport géographique des liens d'allégeance et autres. Ce sont des rapports d'une extrême complexité et d'une extrême mobilité où les faits de guerre, religieux ou politiques sont autant de facteurs susceptibles de modifier la configuration de l'espace et les rapports que les groupes entretiennent entre eux et avec le pouvoir central ou avec l'espace.

Les fondements théoriques de la conception précoloniale de la propriété sont tirés d'une conception sacrée de la terre. C'est un razk, un bienfait de Dieu que les hommes sont tenus de faire fructifier (Chehata, 1983).

Les modes d'accès aux terres de culture sont consacrés par la vivification ou l'ihya qui est, avec l'appartenance au groupe, un des vecteurs fondateurs des modalités d'appropriation. Ce n'est ni le pouvoir central (l'État), ni le droit positif qui précède l'appropriation, mais bien dans l'ordre croissant l'appartenance au groupe et le travail.

À partir de là découle tout un faisceau de droits sur la terre, conditionnés par le statut des individus dans le groupe (sexe, position sociale, position matrimoniale, âge, etc.). C'est dans ce cadre qu'interviennent les règles de transmissions successorales et les régimes dérogatoires à la loi musulmane (habous, exhéradation, donation, etc.) et que se modulent par le orf et les usages locaux, les modalités d'appropriation et de jouissance à la terre et à ses produits si bien décrites par Berque (Berque, 1974) pour le Maroc et Henia (Henia, 1995) pour la Tunisie.On se trouve donc face à une situation où s'articulent sur un même espace une multitude de droits, de statuts et de pouvoirs.

L'énonciation de la norme est à la mesure de cette diversité. Le Shr'a (droit divin), le Quanoun (droit laïque), le Orf (droit coutumier), le Fiqh local (les usages) sont autant d'espaces producteurs d'une norme (Touati, 1994) adaptée à l'organisation sociale et aux rythmes agraires5. C'est sur ce terrain complexe que se construira l'oeuvre législative de la France en Algérie.

LA POLITIQUE FONCIÈRE COLONIALE

Elle s'articule autour d'une énonciation abstraite et générale des règles (les lois foncières), et s'inscrit dans une volonté d'unification et de simplification des statuts fonciers. Le système colonial se basera sur une technique, l'immatriculation et le cadastre, une institution, le domaine et un corpus de règles tendant à consacrer de manière définitive la conception de la propriété telle que définie par l'Article 544 du Code Napoléon. Une propriété privée individuelle exclusive et absolue.

Nous ne nous attarderons pas sur les effets de la colonisation, suffisamment développés par d'autres auteurs (Ben Nâoum, 1973). Néanmoins, ce rappel est important en ce sens que ses implications continuent de marquer l'espace. L'un des effets du système colonial est d'avoir inscrit les rapports des groupes à la terre dans un triple processus: nouvelles modalités d'accès à la terre; individuation des droits par un seul mode de sécurisation; titre de propriété et mise en place de nouvelles relations triangulaires avec les services domaniaux, cadastraux et municipaux.

Une étude avait été menée au début des années 80 sur les stratégies foncières familiales durant la période coloniale pour la région de Constantine (Bendjaballah, 1988).Nous avions alors tenté de saisir la dynamique des rapports de l'homme à la terre, à travers ses permanences et ses ruptures. Le questionnaire portait sur la manière dont le droit colonial et les transformations opérées par les politiques foncières étaient perçus par les acteurs concernés. La reconstitution des patrimoines superposés aux tableaux de filiation et d'alliance avait permis l'identification d'habitudes familiales, de types de comportements inclus dans des stratégies différenciées autour de la terre.

À l'intérieur des deux ordres juridiques officiels (droit musulman et droit colonial), ces façons de faire étaient autant d'espaces de liberté qui exprimaient un mode de penser l'espace et de se penser dans cet espace qui ne passait pas nécessairement par les règles officielles. Ces ordres juridiques domestiquaient le droit colonial et l'intégraient à leur logique et, lorsque l'indivision devenait trop contraignante, le recours au partage par voie judiciaire était le bienvenu pendant que le hobous (bien de main morte) était à nouveau sacralisé et porté devant le cadi si cela pouvait éviter le morcellement du patrimoine.

Le rapport au droit est indéterminé car il ne se noue pas autour du droit en soi mais autour du rapport à la terre. C'est un rapport permanent et ancestral qui se noue soit de manière convergente, soit de manière concurrente entre des logiques fonctionnelles et des logiques institutionnelles.

C'est en ce sens que le bilan de la colonisation reste à nuancer, notamment la colonisation privée. Instituée par la Loi Warnier, elle portait sur la généralisation de la propriété individuelle pour une plus grande mobilité des terres au profit de la colonisation. Les réserves émises se justifient en partie par les reculs de la colonisation, en partie par l'arrêt de la généralisation du cadastre (système Torrents), mais aussi et surtout par la configuration de l'espace marqué à l'indépendance par la pluralité des statuts fonciers et la faiblesse des terres immatriculées6.

Pour la période indépendance, la consultation de travaux portant sur des travaux aussi divers que les transactions foncières durant le gel de la mobilité des droits sur la terre (Côte, 1973), le système coopératif ou autogestionnaire a permis de dégager une constante. On se trouve face à une confrontation de logiques et de contestation de modèles, imposés, qui se font sur le mode feutré de l'échec au droit. Chaulet (1987) parle de «ces acteurs de la résistance à la colonisation, inventeurs de l'autogestion, aventuriers de l'émigration, producteurs aux techniques autonomes, stratèges de l'utilisation des offres étatiques, traditionnels par choix quand le legs du passé permet de s'adapter aux conditions concrètes d'existence, contestataires souvent conscients de leurs droits et de leurs interêts toujours».

LA PROPRIÉTÉ PUBLIQUE, TEXTES D'ENCADREMENT ET MODES DE GESTION

C'est la Loi 90/30 du 1er décembre 1990 portant loi domaniale qui constitue le cadre référentiel en matière de définition du régime des biens domaniaux, de leur consistance et de leur mode de gestion.

Intervenant à la suite de la Constitution de 1989, cette loi renoue avec une conception classique de la domanialité en opérant la distinction entre un domaine privé, susceptible d'aliénation, et un domaine public inaliénable qui ouvre juridiquement les voies pour une aliénation des biens faisant partie du patrimoine de l'État. Au terme de l'Article 18 alinéa 11, les terres agricoles ou à vocation agricole, pastorales ou à vocation pastorale, sont classées dans le domaine privé de l'État.

Le mode de gestion des terres pastorales est renvoyé à une loi pastorale (Article 104), qui n'a pas encore paru et qui n'est pas encore à l'étude. Cette situation est pour le moins problématique du point de vue strictement juridique. Théoriquement, en l'absence d'une disposition expresse d'abrogation l'Ordonnance de 1975 portant Code pastoral est toujours en vigueur. L'Ordonnance 71/73 portant révolution agraire a été expressément abrogée par l'Article 75 de la Loi d'orientation foncière 90/25. Mais aucune disposition de cette loi ne concerne les terres pastorales. Devant le silence du législateur, le mode de gestion de ces terres reste régi par le Code pastoral de 1975 (Titre II Articles 38 à 48).

Le mode de gestion des exploitations agricoles du secteur public reste régi (au terme de l'Article 105 de la Loi domaniale) par les dispositions de la Loi 87/19 (déterminant le mode d'exploitation des terres agricoles du domaine national et fixant les droits et obligations des producteurs).

CONSISTANCE DU SECTEUR PUBLIC

La consistance du secteur public ne peut être abordée indépendamment des différentes phases de sa constitution. Parler de processus d'appropriation publique semble être le terme le moins incorrect pour qualifier la démarche du législateur algérien de 1962 à 1974, période durant laquelle ont été constituées avec des modalités différentes ce qui a été qualifié successivement par le législateur comme le domaine de l' État (dans le cadre de recouvrement de souveraineté et de succession d' État) la propriété de l' État (constitution de 1976) et la propriété publique (constitution de 1989).

Trois phases ont marqués ce processus: i) le maintien dans le domaine de l'État des terres domanialisées par le législateur colonial (essentiellement les terres communales, une partie des terres de parcours et certaines terres archs); ii) la récupération des terres privées appartenant aux Européens (terres coloniales protégées par l'Ordonnance du 30/12/1968 relative à l'autogestion dans l'agriculture); iii) les terres agricoles et à vocation agricole versées au FNRA au titre de l'Ordonnance du 8/11/ 1971, portant nationalisation des terres privées de nationaux; et iv) les terres de parcours intégrées à la propriété de l'État en application de l'Article 1 du Code pastoral du 26/9/1975.

Ces terres sont toutes déclarées, en application de l'Ordonnance du 8/11/1971 portant révolution agraire, inaliénables, imprescriptibles et insaisissables, et leur mode d'exploitation est obligatoirement collectif.

Au terme de l'Article 14 de la Constitution de 1976, la propriété sur les terres nationalisées est détenue par l'État de manière irréversible.

Avec l'adoption de la première loi domaniale en 1984 (Loi du 30/6/1984), les terres agricoles ou à vocation agricole, pastorales ou à vocation pastorale, sont intégrées du fait de leur vocation et de leur importance économique au domaine économique. Le caractère de leur inaliénabilité est réaffirmé par le législateur.

MODE DE SÉCURISATION SUR LES TERRES PUBLIQUES

Ces terres, conformément à l'Ordonnance de 1968, de 1971 et à la Charte de 1976, font l'objet d'attribution en jouissance dans le cadre exclusif d'une exploitation collective, la terre et le matériel restant la propriété exclusive de l'État. L'accès à l'attribution est définie selon des critères techniques (être agriculteur), résidentiels (résider dans la commune), sociaux (paysans sans terres ou travailleurs agricoles) et politiques (ne pas avoir eu un comportement indigne durant la révolution).

Juridiquement, la sécurité de cette attribution est assurée par le titre d'attribution, et la déchéance ne peut être prononcée que pour fautes graves telles que l'absence d'exploitation.

La Loi 87/19 déterminant le mode d'exploitation des terres agricoles du domaine national, et fixant les droits et obligations des producteurs, modifie fondamentalement les dispositions des Ordonnances de 1968 et 1971. Elle dissocie les moyens de production. Les terres demeurent inaliénables, mais les autres moyens de production, matériel et constructions peuvent faire l'objet de cession à titre privatif. Elle introduit et légalise le principe des attributions individuelles.

La portée de cette loi est moins dans ses dispositions que dans l'usage qui en a été fait. Alors que l'État prévoyait un partage, négociait des terres et du matériel, c'est le rapport de force à l'échelle locale qui a prévalu. Cette situation a été aggravée par l'extension du droit d'accès à la terre à des catégories autres que celles prévues par les Ordonnances de 1968 et 1971, telles que techniciens et anciens moudjahides (anciens combattants).

Du point de vue strictement technique, cette loi est une véritable charte de l'exploitant. C'est le contexte dans lequel elle intervient (restitution des terres nationalisées, débat sur la vente des terres publiques, instabilité institutionnelle, politique d'ajustement structurel) qui en atténue la portée.

C'est d'abord le long processus de restructuration des exploitations agricoles depuis 1969 et les brassages des terres à partir de 1981 (redimensionnement des exploitations, déclassement des terres agricoles en terres constructibles), sans que le rapport du statut des attributaires n'ait été modifié ou que ces derniers aient été consultés. Les procédures de restitution des terres nationalisées, intervenues en 1990 suite à la loi d'orientation foncière, ont dessaisi près de 20 000 attributaires des terres où théoriquement ils étaient sécurisés par la Loi 87/19.

D'autre part, le discours politique évolue et les légitimités mises en avant lors de l'application des politiques agraires changent. Les aliénations successives (vente des biens de l'État en 1981, cession des terres sahariennes pourtant inaliénables), même sans incidence directe sur les terres régies par la Loi 87/19, sont perçues par les attributaires comme un début de privatisation.

En application des dispositions de la Loi 87/19, la délivrance d'un acte administratif de cession soumis aux formalités d'enregistrement et de publicité foncière devait faire de l'attributaire un producteur autonome. Cet acte opposable au tiers lui permet de négocier des prêts bancaires. Il est de ce fait, du point de vue théorique, un facteur essentiel de sécurisation.

Pour l'instant, son opposabilité aux tiers n'a pas reçu de preuve probante; d'une part, il est remis en cause à tout instant par l'administration elle-même dans le cadre de l'assainissement de situations créées dans la précipitation; d'autre part, son opposabilité aux tiers est limitée par les dispositions de la Loi 90/25 (en cas de litige entre propriétaires restitués et attributaires, l'acte de restitution l'emporte sur l'acte administratif ).

Outre l'accès au financement, la garantie que le titre offre auprès des banques est conditionnée par le nouveau statut de l'exploitation agricole introduit par la Loi 87/19 soumise désormais aux risques de la faillite. Par ailleurs, depuis la Loi de janvier 1988, relative à l'autonomie des entreprises, les banques sont soumises aux règles de la commercialité. L'exploitation agricole et la banque étant toutes deux en situation d'autonomie, cette dernière doit s'assurer de la fiabilité économique de son partenaire. Dans cet esprit, seul le matériel peut constituer une garantie aux prêts bancaires et l'acte administratif la bonne foi du contractant.

Le bilan de la Loi 87/19, établi par le Ministère de l'agriculture, lors des journées d'étude sur l'agriculture (janvier 1992), met en avant un échec constaté, une instabilité de l'assiette foncière de la composante humaine et un détournement de vocation, qui se traduisent économiquement par un fléchissement de la production.

LA PROBLÉMATIQUE DE LA GÉNÉRALISATION DE LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE

Les formes d'appropriation privative ont été réhabilitées avec la Loi d'orientation foncière du 18/11/1990, qui a eu pour objet principal l'abrogation de la loi portant révolution agraire et la restitution des terres, nationalisées dans ce cadre, à leurs propriétaires.

«La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses pourvu que l'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou règlements» (Article 674 du Code civil). C'est une définition générale qui concerne la nature et la portée des droits exercés sur un bien. C'est la Loi d'orientation foncière de 1990 qui donnera une définition plus précise des droits s'exerçant sur la terre, de leurs moyens de preuve et de sécurisation.

La seule forme d'appropriation privative que reconnaît le législateur est celle qui dispose d'un acte authentique «La propriété privée des biens fonciers et de droits réels immobiliers est établie par acte authentique soumis aux règles de la publicité foncière» (Article 29) et d'un titre légal «Tout détenteur ou occupant d'un bien foncier doit disposer d'un titre légal justifiant cette détention ou cette occupation» (Article 30).

Le seul titre reconnu par l'administration et opposable aux tiers est le titre de propriété délivré ou authentifié par les services de la conservation foncière (publicité et immatriculation) en application des Ordonnances de 1970 sur le notariat et de 1975 sur l'établissement du cadastre général et de l'institution du livre foncier.

En conséquence de ces dispositions - généralisation de l'immatriculation et de la publication des actes obligatoirement notariés - la loi d'orientation foncière prévoit des mesures transitoires. «La commune est tenue de procéder à un inventaire général de tous les biens fonciers situés sur son territoire, ainsi qu'à l'identification de leurs propriétaires, possesseurs et/ou occupants» (Article 38). Dans cet esprit «toute personne qui exerce sur une terre de propriété privée... non titrée, une possession continue, peut obtenir la délivrance d'un certificat de possession (Article 39).

Portée et limite du droit de propriété foncière

La propriété foncière est le droit de jouir et de disposer d'un fonds foncier et/ou de droits réels immobiliers pour un usage conforme à la nature ou à la destination des biens (Article 27). Cette conception de la propriété s'écarte quelque peu de la conception d'un droit absolu tel que défini par le Code civil (limité entre 1971 et 1990 par l'application de la révolution agraire et le gel des transactions foncières).

Avec la loi d'orientation foncière, les droits privés sur la terre sont plus étendus mais restent limités par les procédures d'expropriation, l'obligation d'exploiter et le contrôle des mutations foncières.

La procédure d'expropriation relève de la prérogative de la puissance publique régie par la Loi du 27/4/1991. Il s'agit d'une procédure exceptionnelle qui doit faire l'objet d'une déclaration d'utilité publique et d'une indemnisation préalable juste et équitable.

L'obligation d'exploitation est fixée par les Articles 48 et 49 de la Loi 90/25 «La non-exploitation effective des terres.... constituent un abus de droit...» Cet abus de droit est sanctionné (Article 50) par la mise en demeure de l'exploitant, la mise en exploitation à ses frais de l'exploitation par des tiers, la mise à bail ou la mise en vente. Dans le cas constaté d'une absence d'exploitation, la rupture physique, puis juridique, entre le propriétaire et le bien est graduée. Elle n'est terminée qu'en dernière limite par une procédure de vente, voulue exceptionnelle par le législateur.

Les mutations de propriété sur les terres agricoles ne doivent pas porter atteinte à la viabilité de l'exploitation ou aboutir à un changement de vocation de la terre, ni constituer des exploitations dont la taille peut aller à l'encontre des normes et programmes d'orientation foncière. Cette restriction réintroduit le contrôle des services de l'agriculture par la délivrance du certificat de morcellement.

La Loi domaniale (1/1/1990) et la Loi d'orientation foncière (18/11/1990) appellent deux remarques: i) le devenir des terres de statut melk (indivis ou collectif); et ii) le devenir des terres de statut archs «oubliées» par le législateur.

L'Article 23 de la Loi d'orientation foncière assimile la première catégorie à la propriété privée (biens melk ou de propriété privée), ce qui laisse supposer que le melk indivis ou collectif est appelé à se fondre et à disparaître, grâce aux effets de la généralisation du cadastre et de l'immatriculation, dans la propriété privée définie par la loi d'orientation foncière.

Quant aux terres archs, leur intégration au FNRA semble avoir modifié définitivement leur statut. Devenues propriété de l'État, elles le resteront. L'Article 76 de la Loi d'orientation foncière exclut cette catégorie de terre du processus de restitution car les terres ne sont restituées qu'aux propriétaires initiaux, personnes physiques. La problématique de ces terres réside dans le fait qu'elles sont intégrées au domaine privé de l'État (donc susceptibles d'être vendues), alors qu'elles continuent d'être revendiquées par leurs possesseurs initiaux.

Le législateur et la logique institutionnelle s'acheminent donc vers deux types de propriété, une propriété privé titrée et une propriété publique composée de deux domaines dont l'un est aliénable et comprend les terres agricoles ou à vocation agricole, et l'autre, les terres pastorales ou à vocation pastorale.

Il est utile d'insister sur ce qui apparaît comme une volonté de simplification ou d'anticipation. D'une part, la réalité de terrain est autrement plus complexe et, d'autre part, les omissions juridiques (le devenir des terres archs et communales) hypothèquent lourdement le débat politique sur la vente des terres, d'autant que ces terres ont été classées dans le domaine susceptible d'aliénation.

La presse nationale rapporte parfois des cas de conflits qui éclatent dans des régions où la manipulation de l'espace depuis la période coloniale et l'absence de clarification dans les statuts fonciers génèrent des luttes allant jusqu'à des batailles rangées et des menaces par les armes, dans des régions où le phénomène tribal est encore puissant et où l'armement de la population (pour les groupe d'autodéfense suite aux incursions terroristes) rend la situation assez critique du point de vue de la sécurité. El watan du 14/02/2000 titre «Grave litige entre les habitants de deux communes de Tiaret et de Laghouat» au sujet des limites et de l'utilisation des terres de parcours et des autorisations administratives de labours sur ces terres. Liberté du 31/10/1999 titre «La révolte à Khenchela des Nememchas, qui refusent de céder les terres agricoles qui appartiennent à leurs ancêtres.»

À PROPOS DE LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE

Au début des années 90 une étude (Bendjaballah, 1997) avait été menée sur la configuration du secteur privé, son évolution depuis la période coloniale et, accessoirement, sur les opérations de cadastre et d'immatriculation entamées dans le cadre de l'Ordonnance du 12/11/1975 portant institution du cadastre et du livre foncier.

Ces données sont significatives de la complexité du régime foncier. La parcellisation superposée aux résultats de la francisation (supposée unifier les régimes fonciers) implique qu'aujourd'hui la coexistence de plusieurs régimes d'appropriation et de modes de preuve est une constante. Le législateur semble les considérer comme des formes résiduelles appelées à disparaître avec la généralisation de l'immatriculation. Mais les résultats des opérations du cadastre général, chargé de cette opération, sont moins encourageants.

Pour la région Est, entre 1976 et 1994, seules 24 communes sur 427 ont été cadastrées et quatre sont en cours d'opération.

Les opérations d'apurement foncier ont été achevées pour cinq communes. Le bilan de cet apurement pour deux communes montre que sur 175 îlots délimités, seuls 14 livrets ont été délivrés et sur 750 îlots 110 seulement.

Deux facteurs pèsent sur l'évolution de ce type de propriété vers une propriété privée telle que la définit le législateur et la conçoivent les institutions internationales, pour un développement reposant sur «le dogme de la propriété privée salvatrice» (Le Roy, 1996).

La configuration de l'espace est marquée par les lois successorales qui, avec le processus d'individuation, émiettent la propriété. La lutte contre l'émiettement se traduit par le phénomène de l'indivision qui constitue un frein aux investissements. À l'image du modèle français, un réaménagement des règles successorales et la mise en place d'un statut de l'exploitant dissocié de celui du propriétaire pourraient éventuellement constituer une alternative. Mais le caractère sacré des règles successorales (fixées par le Coran) écarte cette option.

Le deuxième facteur est relatif à la sécurisation par le titre. Le titre ne vaut que par l'usage que l'État veut en faire et c'est à l'État de sécuriser non point par le titre de propriété seul mais par la recherche des vrais problèmes du foncier rural et de l'agriculture. Ces problèmes restent à identifier et à catégoriser pour y amener des réponses plurielles à la mesure des attentes du monde rural. La clarification des enjeux reste déterminante dans le refus ou l'adhésion aux politiques étatiques initiées. Les attentes locales se positionnent pour un État arbitre qui respecte et fasse respecter les règles du jeu, et pour un droit consensuel conçu comme un instrument de régulation dans une politique foncière qui se doit d'être claire et cohérente et qui tienne compte de tous les acteurs concernés.

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Sari, D. 1973. Le démantèlement de la propriété foncière. Dans Revue historique.

Touati, H. 1994. Entre Dieu et les hommes. Maison des sciences de l'homme.

Le cadre théorique de cette réflexion est posé par une série de travaux effectués sur l'Afrique noire et qui, depuis 1981, posent la problématique d'un développement de l'Afrique en dehors des cadres classiques et désormais obsolètes de l'expérience coloniale, avec l'introduction de la propriété privée, et celui des politiques agraires postindépendance.
Quelques références bibliographiques sont citées pour mémoire:
La problématique foncière. 1980, LAJ.
Les enjeux fonciers en Afrique noire. 1983, Karthala.
Espaces disputés en Afrique noire. 1986, Karthala.
L'appropriation de la terre en Afrique noire. 1991, Karthala.
La sécurisation foncière en Afrique . 1995, Karthala.


1 Accès à la propriété des terres sahariennes en 1983.

2 Loi de 1987 déterminant le mode d'exploitation des terres agricoles du domaine national.

3 El Watan du 11/1/1996.

4 Devenir de la privatisation des terres agricoles par A. Hamed Ali, Études foncières n° 63, juin 1994. Gare au capitalisme foncier, Courrier de la planète n° 1, novembre 1991. Faut-il vendre les terres agricoles? Par T. Guerroudj, Algérie actualité n° 1383. Les paysans, l'État et le développement de l'agriculture, par H. Ait Amara. Alger républicain 14/5/1992.

5 Sur cette question des modalités d'énonciation de la norme se reporter à Touati, H., 1994. Entre Dieu et les hommes.

6 Sur cette question, se reporter aux travaux de M. Côte, 1988. L'Algérie ou l'espace retourné.

7 Bedrani, S. 1981. L'agriculture algérienne depuis 1966. Chaulet, C. 1987. La terre, les frères et l'argent ou l'habitat illicite. Meskaldji, G. 1975. L'habitat spontané à Constantine et Hafiane, A. 1989. Les défis à l'urbanisme.

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