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Système d’exploitation agricole riz


CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME

Le système d’exploitation agricole riz couvre environ 7 pour cent des terres de la région (voir encadré 5.1); il englobe la plupart des zones de riz aquatique anciennement développées, particulièrement celles du sud du Bangladesh et du sud du Punjab, les zones côtières du Tamil Nadu et du Kerala et, la zone humide et les zones irriguées de la partie sèche du Sri Lanka. La terre est en général cultivée par des agriculteurs propriétaires ou par des métayers.

Encadré 5.1 Données de base: système d’exploitation agricole riz

Population totale (m)

263

Population agricole (m)

130

Superficie totale (m/ha)

36

Zone agroécologique

humide

Superficie cultivée (m/ha)

22

Superficie irriguée (m/ha)

10

Population animale (m)

51

D’après leur taille, il existe deux types d’exploitations: un grand nombre de petites exploitations de 0,3 à 1 ha, en propriété ou en métayage (voir encadré 5.2) et quelques exploitations moyennes ou grandes qui peuvent atteindre 4 à 10 ha ou plus. Le riz est toujours cultivé en saison humide. Une seconde culture de riz ou une autre culture moins exigeante en eau (céréales, oléagineux, légumineuses, maraîchage) est pratiquée en saison sèche.

Dans la plupart des cas, les cultures reçoivent des irrigations de complément pendant la mousson et sont entièrement irriguées pendant la saison sèche. Les activités hors exploitation sont courantes dans ce système d’exploitation agricole en raison des faibles ressources de base et de la proximité des zones urbaines. Les services de vulgarisation sont bien développés en raison de l’importance stratégique du riz comme culture vivrière et de l’accès relativement facile de ces zones. La paille constitue, dans les zones plus sèches, la seule ressource fourragère de la culture en continue du riz pour alimenter les ruminants (buffles ou bœufs), qui servent à la production de lait et à la traction animale, lorsqu’ils n’ont pas été remplacés par des tracteurs. Néanmoins, ce système d’exploitation agricole représente une proportion importante des bovins et d’animaux laitiers de la région, en particulier à cause de sa proximité des grands centres urbains.

La plupart des agriculteurs connaissent l’intérêt des engrais et des semences améliorées. Néanmoins, ils se montrent souvent peu enthousiastes à utiliser les variétés améliorées principalement pour les raisons suivantes: absence de semences certifiées de bonne qualité, mauvaises qualités gustatives de certaines nouvelles variétés, moindre tolérance au repiquage précoce ou tardif et, parfois, faible différence de rendement comparé à celui des variétés locales. D’une façon générale, les ménages agricoles ont besoin d’un revenu hors exploitation pour assurer leur sécurité alimentaire.

Encadré 5.2 Un ménage typique du système d’exploitation agricole riz

Un ménage typique de métayer pauvre du système d’exploitation agricole riz de l’ouest du Bengale en Inde a une famille de cinq membres et cultive 0,4 ha de terre irriguée. Une seconde culture irriguée de riz ou une culture maraîchère suit la culture du riz de kharif (mousson). Les variétés modernes de riz sont repiquées durant les deux saisons; leur rendement varie de 1,9 à 2,4 tonnes/ha, le métayer donne les deux tiers de la production au propriétaire qui fournit la terre, les buffles de trait et les intrants (engrais, environ 150 kg/ha d’éléments nutritifs et produits phytosanitaires pour environ quatre applications par saison). Le ménage est propriétaire de deux chèvres et de quelques canards et poulets et projette d’acheter en commun avec un membre de sa famille une bufflesse pour le lait. Deux adultes travaillent environ 120 jours par an dans de grandes exploitations voisines et dans des industries locales. Le ménage a un revenu annuel très bas, il est très vulnérable aux mauvaises récoltes ou à l’absence de revenu hors exploitation dû à la maladie ou à l’absence d’emploi.

Ce système recouvre une extrême diversité, depuis sa zone de transition avec le système d’exploitation agricole riz-blé dans les parties nord du Bangladesh et dans l’Etat du Bihâr, jusqu’à l’existence d’une aquaculture très développée et la présence plus importante de bétail (y compris de vaches laitières) et de volaille dans le sud. Les risques de cyclones et d’inondations sont plus faibles dans le sudest du Tamil Nadu et dans le sud-ouest du Kerala; les cultures arboricoles y sont plus courantes.

Malgré une diversification croissante, les ménages dépendent encore du revenu d’un nombre limité de cultures dont les rendements sont extrêmement variables, pouvant aller jusqu’à la destruction complète de la récolte dans les zones sujettes aux inondations et aux cyclones. L’impossibilité de trouver du travail dans le voisinage et les maladies, souvent fréquentes, sont les principales causes de vulnérabilité des ménages. Il existe un certain nombre de mécanismes traditionnels qui peuvent aider les pauvres; l’accès aux services sociaux gouvernementaux, tels que les programmes de garantie de l’emploi, est souvent inefficace. A cet égard, les petits agriculteurs pauvres sont aussi vulnérables que les ouvriers agricoles sans terre.

TENDANCES ET PROBLÈMES DU SYSTÈME RIZ

Au cours des 30 prochaines années, la disponibilité en terre par habitant devrait diminuer en raison de l’augmentation des populations et de la perte de terre due à l’expansion urbaine. Cette perte pourrait être aggravée par la dégradation des sols, érosion et salinisation. Avec la croissance de la demande interne et des secteurs industriels, l’eau devrait être de moins en moins disponible pour l’agriculture.

Cependant, le marché devrait entraîner la consolidation des terres et la réduction progressive du métayage. Les niveaux d’éducation des hommes et des femmes devraient augmenter substantiellement. La culture du riz hybride devrait se développer à partir des variétés existantes et des nouvelles variétés, à l’exception des cultures en eau profonde et des autres écologies défavorables au riz. La détérioration des conditions de commercialisation pour le riz et l’accroissement des coûts de production entraîneront la diversification des productions (production laitière et aquaculture par exemple). La forte pression sur la terre limitera la disponibilité en fourrage et conduira à une diminution du nombre des buffles. La traction animale par les buffles sera remplacée par les tracteurs à deux roues, qui seront aussi très utilisés pour le transport local. L’augmentation des coûts de la main-d’oeuvre favorisera la mécanisation d’un certain nombre d’opérations, telles que le semis, le désherbage et le battage. L’augmentation de l’utilisation des intrants externes devrait être faible en raison de la baisse de profitabilité de la culture du riz; elle devrait stagner dans les zones sujettes aux inondations. La baisse progressive de la profitabilité de la culture du riz et l’augmentation de la pression démographique forceront de nombreux hommes à rechercher une part de plus en plus grande de leur revenu en dehors de l’exploitation. Cette situation entraînera les femmes à supporter une part croissante du fardeau que représente le travail agricole. Toutefois, la sécurité alimentaire des ménages pourrait s’améliorer et la pauvreté diminuer.

Les infrastructures publiques et certains aspects de l’environnement socioéconomique touchant la production agricole, tels que le transport, l’éducation et la santé, devraient s’améliorer. Ces améliorations seront accompagnées d’une décentralisation importante des prises de décision aux niveaux du district et des panchayats locaux. Les organisations locales d’agriculteurs devraient se renforcer. L’importance de la pauvreté féminine devrait commencer à diminuer dans de grandes zones d’Asie du Sud. La présence d’un quota obligatoire d’un tiers de femme dans l’administration locale permettra de prendre de plus en plus en compte les besoins des femmes; celles-ci sont pour l’instant fréquemment plus pauvres que les hommes.

Du fait de la diminution des budgets de recherche et de vulgarisation, l’accent sera mis sur le secteur privé, sur les organisations d’agriculteurs, et sur l’expérimentation individuelle au niveau des agriculteurs et le partage des technologies. Les messages de la vulgarisation devraient être plus pertinents grâce au renforcement du rôle des agriculteurs et du secteur privé dans les services de vulgarisation. Le succès de la Banque Grameen au Bangladesh a entraîné une pléthore d’activités de microfinance à travers toute la région. On assistera probablement à une augmentation de la migration saisonnière et permanente et à une faible croissance de l’économie rurale hors exploitation.

Les principales contraintes pouvant faire évoluer le système sont, d’une part, l’augmentation des coûts de la main-d’oeuvre et, d’autre part, les prix bas, et en baisse continue, du riz. Ces contraintes rendent l’utilisation de fortes doses d’engrais de moins en moins rentables et empêchent la croissance de la productivité du riz. Les bas prix nationaux du paddy reflètent, en grande partie, la baisse des cours mondiaux. Cependant, dans certains cas cette tendance est exacerbée par les efforts des gouvernements pour maintenir les prix bas (contrôle des prix, monopole d’achat et subventions compensatoires sur les engrais, l’irrigation et les autres intrants[146]) afin de satisfaire les populations urbaines.

PRIORITÉS DU SYSTÈME RIZ

Les priorités stratégiques qui doivent être mises en place pour réduire la pauvreté des ménages sont les suivantes: diversification, accroissement du revenu hors exploitation, intensification des productions existantes et sortie de l’agriculture. L’intensification et la diversification de ce système d’exploitation agricole requièrent de prêter une attention particulière aux ressources naturelles (gestion du sol et inondations surtout); toutefois, le bas niveau des prix et leur baisse progressive, qui ont entraîné une détérioration des conditions de commercialisations, posent le principal problème. Ce problème ne peut être résolu, à long terme, qu’en améliorant la compétitivité de la production locale de riz par le recours à des pratiques de production plus efficaces. Aussi est-il nécessaire de mettre en route un programme efficace de recherche et de vulgarisation ayant pour objectif d’améliorer la productivité du facteur travail et de moderniser les pratiques de production des agriculteurs. Afin de maintenir la stimulation les agriculteurs il sera aussi nécessaire d’éviter que les politiques commerciales et économiques ne leur soient défavorables.

La productivité du système d’exploitation agricole riz peut être accrue par l’intensification de la production; toutefois, l’approche doit être différente de celle suivie précédemment pour l’intensification à partir du mixe variétés, produits phytosanitaires et engrais. Malgré les investissements importants réalisés dans le passé pour améliorer l’infrastructure des systèmes d’irrigation, de nombreux périmètres ne fonctionnent toujours pas correctement. La modernisation de ces systèmes pour améliorer la sécurité de l’irrigation ainsi que l’introduction de forages pour l’utilisation de l’eau souterraine, permettent généralement des accroissements importants de production et de revenu agricoles. La création d’associations d’usagers de l’eau est un bon moyen pour améliorer l’efficacité de son utilisation[147]. L’encadré 5.3 montre que des petits ajustements des politiques et des technologies peuvent déclancher des investissements importants dans le secteur rural qui permettent d’augmenter la productivité et de réduire la pauvreté.

Encadré 5.3 Changements cruciaux de politique pour la diffusion des forages au Bangladesh.

Le développement des forages peu profonds au Bangladesh au cours des années 90, lié à des changements de politiques, a entraîné des modifications importantes du système d’exploitation agricole. Ces changements comprenaient la libéralisation de l’importation des moteurs, des pompes et des tubes d’irrigation (permettant ainsi la participation active du secteur privé) et l’abolition des restrictions sur les forages peu profonds (après avoir reconnu que l’eau souterraine pompée se rechargeait annuellement). En 1989, 70 000 petits moteurs de pompe (à environ 200 dollars EU l’unité) furent importés par les opérateurs du secteur privé et utilisés intensivement pour le pompage de l’eau d’irrigation peu profonde. L’eau d’irrigation était fournie aux agriculteurs en échange de 25 pour cent de leur récolte. La demande de pompes excédait de loin l’offre, aussi les opérateurs de pompe rendirent-ils l’application d’engrais obligatoire pour pouvoir avoir accès à l’eau d’irrigation. L’utilisation d’engrais entraîna une forte augmentation de la production céréalière du Bangladesh, l’objectif de production de 20 millions de tonnes fut atteint en 1990, sans aucun coût pour le trésor public.

Des interventions dans le domaine de la recherche et du développement peuvent permettre d’accroître la productivité de ce système agricole. Ces interventions peuvent concerner: i) la formation des agriculteurs (particulièrement en gestion agricole, en gestion intégrée des ravageurs [GIC][148] et autres pratiques agricoles); ii) la mécanisation de certaines opérations comme le désherbage et le battage; iii) le regroupement des terres et les mécanismes de location pour accroître la taille des parcelles cultivées et, à plus long terme, la taille des exploitations; et iv) l’amélioration du contrôle après récolte et de la transformation. L’encadré 5.4 montre les possibilités d’associer intensification et diversification dans les systèmes riz irrigué du Bangladesh.

Lorsque les systèmes sont déjà très intensifs, il est possible d’accroître la productivité par des diversifications dans des activités génératrices de revenu comme la production laitière, l’aquaculture, l’horticulture et la transformation de produits au niveau de l’exploitation[149]. Lorsque le risque d’inondation est faible, l’aquaculture peut fournir un revenu supplémentaire entre les récoltes. L’élevage de canards et de poulets est une autre possibilité; toutefois, avant de les mettre en route, il est nécessaire de comparer les revenus de ces activités à ceux d’activités hors exploitation. Leur adoption à grande échelle nécessiterait aussi le renforcement des services d’appui appropriés.

Encadré 5.4 Intensification et diversification des systèmes d’exploitation agricole riz irrigué[150]

L’intensification et la diversification peuvent, ensemble, permettre d’améliorer la sécurité alimentaire et les revenus des petits agriculteurs pauvres des systèmes d’exploitation agricole riz irrigué. Ce potentiel a été démontré dans la plaine inondée du Young Bramaputhra et dans les plaines côtières du Chittagong au Bangladesh.

Les principales interventions pour l’intensification de la production rizicole sont: i) la sélection des terres en fonction de la culture; ii) l’utilisation de semences améliorées à la densité de plantation recommandée; iii) l’utilisation équilibrée et en temps voulu des engrais; iv) le respect des dates optimum de semis et de récolte; et v) l’application de mesures de protection des plantes. L’introduction de l’irrigation de la culture de boro a augmenté la sécurité alimentaire des communautés des zones de basses terres et a créé des emplois supplémentaires pour les paysans sans terres. L’assurance d’avoir une culture de boro avec un rendement élevé dans les basses terres a, à son tour, encouragé les agriculteurs à diversifier leur assolement dans les terres un peu plus hautes et à ainsi accroître la productivité globale de leur système agricole.

Cependant, dans d’autres zones, les profits financiers les plus importants ont été tirés du développement et de l’intensification de systèmes de production associant élevage, pêcherie et productions à la ferme, plutôt que de l’intensification de la production de riz. Certains agriculteurs pratiquent l’association riz-poisson pendant la saison aman de riz repiqué, mais la majorité l’évite en raison des risques d’inondation.

Le choix de stratégies d’intensification ou de diversification des cultures dans une zone spécifique dépend non seulement des conditions individuelles des ménages agricoles, mais aussi de la disponibilité en technologies appropriées; cette disponibilité dépend beaucoup de l’efficacité de la recherche agricole dans la zone considérée.

Le système peut aussi être amélioré par une diversification en cultures maraîchères ou en cultures de rente pour répondre à une demande urbaine, comme l’a montré le développement de la production horticole autour de Bogra au Bangladesh[151]. La combinaison de ces activités, dans des conditions favorables, conduit à des systèmes d’exploitation agricole intégrés intensifs, rentables et très productifs. De même, la production laitière a été un moteur traditionnel de croissance pour les systèmes d’exploitation agricole des petits agriculteurs de l’Asie du Sud. Un des programmes laitiers bien connu est celui du Milk Vita au Bangladesh (voir encadré 5.5).

Encadré 5.5 Commercialisation du lait des petits producteurs[152].

A partir d’un début modeste de fourniture d’un paquet technologique complet pour l’amélioration de la production du lait, de la capacité organisationnelle au niveau du village et d’un système de collecte, transformation et distribution à 4 300 ménages très pauvres, sans terre, de zones rurales isolées du Bangladesh, une coopérative s’est développée pour devenir une entreprise laitière commerciale très rentable. Aujourd’hui, le lait collecté auprès de 40 000 membres producteurs, organisés en 390 coopératives de villages, est ensuite conditionné et distribué dans toutes les principales villes du pays. Depuis le début des activités, les profits ont été multipliés par dix en termes réels. L’accroissement du nombre de bovins et de l’épargne résultant des activités sert de matelas de garantie contre les effets souvent dévastateurs des inondations qui affectent régulièrement le pays.

Démocratiquement élus, les membres producteurs et distributeurs de la coopérative sont maintenant majoritaires au conseil d’administration de la Milk Vita. Cette évolution prépare le terrain au retrait du gouvernement de la gestion quotidienne de la coopérative, permettant ainsi au conseil de recruter des gestionnaires professionnels. Ces performances, en constante amélioration, permettent d’insérer continuellement un plus grand nombre de pauvres dans le réseau de collecte du lait. La banque Grameen est actuellement en train d’adapter le modèle pour l’étendre à ses clientes (femmes) les plus pauvres engagées dans la pisciculture en eau douce.


[146] On estime que les subventions et transferts représentent près de 40 pour cent des dépenses du Gouvernement de l’Inde (Banque mondiale, 2000a).
[147] Dans les périmètres de Gal Oya et Mahaweli au Sri Lanka, 500 000 agriculteurs ont organisé 33 000 associations d’utilisation de l’eau qui ont permis d’augmenter l’intensité culturale et de diminuer les problèmes d’irrigation.
[148] Plus de 80 000 agriculteurs ont été formés à la GIC pour l’amélioration des cultures de riz, de coton, de canne à sucre et d’oléagineux.
[149] Ces possibilités qui concernent des marchés spécialisés ou des ressources non exploitées, comme la pisciculture dans les parcelles de riz après l’arrêt d’utilisation de pesticides, peuvent être désignées sous le terme de «créneau» d’amélioration des systèmes.
[150] Hoque, 2001.
[151] Comme cela a été montré lors de la mise en oeuvre du projet de développement horticole du Gouvernement du Bangladesh/FAO/BAD.
[152] Dugdill et Bennett, 2001.

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