ÉTUDE FAO PRODUCTION ET SANTÉ ANIMALES 90
L'application
de la biotechnologie à l'alimentation animale dans les pays en développement | |
par
R.A. Leng
Professeur de biochimie nutritionnelle
Directeur de l'Institut de biotechnologie
University of New England
Armidale NSW
Australie
The designations employed and the presentation of material in this publication do not imply the expression of any opinion whatsoever on the part of the Food and Agriculture Organization of the United Nations concerning the legal status of any country, territory, city or area or of its authorities, or concerning the delimitation of its frontiers or boundaries.
M-23
ISBN 92-5-203035-2
All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted in any form or by any means, electronic, mechani-cal, photocopying or otherwise, without the prior permission of the copyright owner. Applications for such permission, with a statement of the purpose and extent of the reproduction, should be addressed to the Director, Publications Division, Food and Agriculture Organization of the United Nations, Viale delle Terme di Caracalla, 00100 Rome, Italy.
Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture
Rome, 1993
© FAO 1992
Les liens hypertextes vers d'autres sites de l'Internet ne signifient nullement que l'Organisation approuve officiellement les opinions, idées, données ou produits qui y sont présentés, qu'elle en assume la responsabilité ou qu'elle garantit la validité des informations qui s'y trouvent. Leur seul objectif est d'indiquer où trouver un complément d'informations sur des thèmes apparentés.
1.2 Définition de la biotechnologie ou haute technologie
1.3 Les promesses de la nouvelle biotechnologie
2.1 La situation des ruminants dans les pays du tiers monde
2.2 La productivité du bétail dans les pays en développement
2.3 Les conséquences d'une faible productivité
2.4 Les ressources fourragères disponibles pour les ruminants
2.5 La composition chimique des fourrages de qualité médiocre
3 La nutrition chez les ruminants: principes fondamentaux
3.1 La panse et ses micro-organismes
3.2 L'efficacité fermentative dans la panse
3.3 Les conditions d'une croissance microbienne efficace dans la panse
3.4 Les conséquences du mode de digestion des ruminants
3.5 Les aspects quantitatifs de la digestion fermentative dans la panse
3.5.1 Un modèle de fermentation dans la panse
3.6 L'utilisation des protéines par les ruminants
3.6.1 Assurer une alimentation équilibrée pour les ruminants nourris de fourrage
3.7 Optimalisation de la croissance microbienne dans la panse
3.7.1 Les besoins en minéraux des microbes de la panse
3.7.3 Fourniture d'un complément d'urée et rapport des sucres et amidons aux fibres dans la ration
3.7.4 Besoins des micro-organismes de la panse en acides aminés/peptides
3.7.5 Les besoins en acides aminés des microbes qui digèrent les fibres
3.7.6 L'influence de petites quantités de fourrage vert dans les rations à base de paille
3.7.7 Elimination des protozoaires de la panse et préservation de l'état de défaunation
3.8 Les facteurs qui influent sur l'efficacité de l'utilisation du fourrage
3.9 Climat, alimentation de complément et apport de “fourrages de qualité médiocre”
3.10 Normes alimentaires et évaluation du fourrage
3.10.1 Incidence de la faible productivité des ruminants sous les tropiques
3.11 Quelques explications fondamentales de l'inefficacité des ruminants nourris de fourrage
3.11.1 Utilisation inefficace de l'acétate
3.11.2 Les besoins des ruminants en glucose
3.11.3 Equilibrer l'alimentation pour la reproduction et la gestation et pour la lactation
3.12 Incidence des parasitoses et des maladies sur la nutrition
3.13 Incidences d'un accroissement des besoins de nutriments pour le travail
3.14.1 Domaines de recherche à explorer
5 Connaissances actuelles et domaines de recherche prioritaires
5.1.2 Apport supplémentaire de protéines de dérivation
5.2 Ajustement du rapport P/E par manipulation de la panse
5.2.1 Apport complémentaire pour l'écosystème microbien de la panse
5.2.2 Manipulation chimique de l'efficacité fermentaire de la panse
5.2.3 Autres manipulations de l'écosystème de la panse
5.3 Ajustement du rapport P/E à partir de la panse par manipulation de la base fourragère
5.3.1 Technologie fourragère et mise au point d'une alimentation de complément
5.3.3 Fourniture de protéines de dérivation dans les régions dépourvues de ressources protéiques
5.4 Maximisation de la digestibilité des fourrages fibreux
5.4.1 Alimentation de complément
5.4.2 Amélioration de l'aptitude enzymatique des microbes de la panse à décomposer les fibres
5.4.3 Cibles potentielles pour améliorer la digestion des fibres
5.4.5 Sélection de champignons anaérobies pour une meilleure décomposition des fibres dans la panse
5.4.6 Sélection des bactéries pour leur activité fibrolytique
5.4.7 Solubilisation de la lignine
5.4.8 La détoxification des facteurs antimicrobiens, toxiques et antiqualitatifs dans les végétaux
5.5 Développement de mécanismes de détoxification dans les micro-organismes de la panse
5.6 Traitement pour accroître la digestibilité
5.6.1 L'amélioration de la digestibilité des résidus de récoltes par des traitements chimiques
5.7 Modification de la répartition des nutriments à l'intérieur de l'animal
5.7.1 Les stéroïdes anaboliques
5.7.2 Les hormones de croissance
5.9 Mutation génique et manipulation d'embryons
6 La biotechnologie et la nutrition monogastrique
6.2 Domaines possibles de recherche en biotechnologie pour l'alimentation des pores
6.2.3 Hormones de croissance porcines (PSt.)
6.2.4 Porcs “transgéniques” - Hormones de croissance porcines
7 Biotechnologie et environnement
8.1 Priorités et évolution des travaux de recherche actuels
8.2.1 Le secret commercial dans les pays industrialisés
9 Conclusions et recommandations
9.2.1 Les perspectives de la biotechnologie nouvelle
A Méthodes appliquées pour modifier les bactéries dans la panse
3.1 Cycle énergétique de la fermentation dans la panse (Leng, 1982)
3.4 Ingestion de fourrage peu digestible par des bovins
3.6 Indice de température/humidité pour le climat dans les pays tempérés
5.1 Réaction de la croissance à différents niveaux d'administration d'une alimentation protéique
7.2 Evolution des émissions de CO2 (Source: World Resources Institute)
7.3 Evolution de l'accumulation de méthane dans l'atmosphère (Khalil et Rasmussen, 1986)
7.7 Exemple d'un système d'agriculture intégrée
2.1 Production moyenne de viande (kg) par animal pour le cheptel total de bovins/buffles en Europe
2.2 Poids de carcasse moyen (kg) par animal abattu (Jasiorowski, 1988) (Statistiques de 1986)
7.1 Estimation des émissions de méthane provenant des animaux (adapté d'après Crutzen et al., 1986)
L'amélioration de la production animale dans les pays en développement par l'application de la biotechnologie à l'alimentation est d'abord examinée en fonction des resources fourragères disponibles et des contraintes liées au climat et à l'environnement. Le présent rapport est axé sur les ruminants en raison de leur énorme contribution au bien-être de la population dans les pays en développement. Ces ruminants sont généralement nourris avec des fourrages de qualité médiocre et des résidus de récoltes et avec des pâturages situés sur des terres relativement peu fertiles, et ils ne concurrencent pas la population humaine pour les denrées alimentaires de base. Les ruminants sont monovalents ou polyvalents, fournissant le lait, la viande, l'énergie pour le trait et tout un éventail d'autres produits secondaires.
Il existe au minimum cinq objectifs secondaires qui permettraient d'accroître la production dans des proportions non négligeables, à savoir:
la manipulation de la base fourragère;
l'élimination ou l'atténuation des maladies et des parasitoses;
la manipulation du métabolisme de l'animal et de la physiologie de sa digestion;
la manipulation du l'utilisation du fourrage pour la production (répartition des nutriments);
la manipulation de la digestibilité du fourrage avant sa consommation.
L'atténuation des maladies, parasitaires ou autres, est un domaine qui ouvre des perspectives notables à l'application de la biotechnologie moderne, mais cette question ne sera pas traitée dans le présent document.
La biotechnologie est définie ici de deux manières. D'une part, et en gros, il s'agit de l'application des organismes et systèmes biologiques et des processus chimiques à la production animale. Dans ce sens large, il existe de multiples possibilités d'appliquer la biotechnologie en vue d'accroître la production animale. D'autre part, on peut définir la biotechnologie, que nous appellerons dès lors biotechnologie moderne, comme étant l'application de la technologie de l'ADN recombinant en vue d'améliorer la nutrition; cet aspect englobe aussi la microbiologie, la biochimie, le génie chimique et les techniques de transformation. Dans l'examen des priorités, l'accent sera mis dans une moindre mesure sur la biotechnologiemoderne, surtout en raison des longs délais d'application qui, semble-t-il, ont été largement sous-estimés dans le passé, et du potentiel offert par la biotechnologie de conception plus large qui peut permettre d'accroître de deux à cinq fois les niveaux actuels de production obtenus avec les ruminants dans les pays en développement. L'autre raison qui justifie que l'on insiste moins sur la biotechnologie moderne dans son application à l'alimentation animale est le fait qu'il faudrait investir des fonds considérables dans la recherche fondamentale à l'heure actuelle et qu'un pays en développement ne serait probablement pas capable de vraiment tirer profit d'une invention qui aurait pu être une source de richesse.
Le développement de l'approche fondée sur la biotechnologie au sens large vise principalement les travaux de recherche entrepris au niveau local pour trouver les moyens d'appliquer des découvertes récentes en matière d'alimentation des ruminants qui mettent l'accent sur une nutrition équilibrée.
Jusqu'à présent, les résultats des travaux de recherche sur l'alimentation des ruminants qui s'appliquent le mieux aux animaux élevés par les petits exploitants des pays en développement ont été dispersés dans toute la littérature scientifique. Ils ont été rassemblés dans un ouvrage de Preston, T.R. & Leng, R.A. (1987) intitulé Matching ruminant production Systems with available Resources in the Tropics and Sub-tropics. Depuis la publication de cet ouvrage, une nouvelle synthèse axée sur l'alimentation des animaux nourris au moyen de fourrages de qualité médiocre dans les tropiques a révélé de nouveaux moyens importants d'améliorer la productivité des ruminants, qui ont été essayés et appliqués à grande échelle en Inde.
L'expérience qu'a permis d'acquérir l'application en Inde des principes d'une alimentation équilibrée aux grands ruminants élevés par les agriculteurs villageois a fourni des enseignements qui ont débouché depuis lors sur une définition plus poussée de ces principes. Etant donné que ces nouveaux principes qui, une fois appliqués, offrent le potentiel d'accroître de deux à cinq fois la productivité animale et d'augmenter d'au moins dix fois le rendement du fourrage utilisé ne sont pas toujours bien compris, une section importante du présent rapport est consacrée à leur exposé.
La discussion scientifique conduit aux conclusions suivantes:
Le principal obstacle qui pèse sur la production des ruminants nourris au moyen de fourrage fibreux est le faible rendement de celui-ci et non sa densité énergétique.
Le rendement est déterminé par la mesure dans laquelle les produits de la digestion du fourrage fournissent le volume et l'équilibre de nutriments nécessaires pour répondre aux besoins de la production.
Dans la pratique, l'amélioration du rapport entre les protéines (acides aminés) absorbées et les nutriments énergétiques (s'agissant principalement des acides gras volatils produits lors de la digestion fermentative) est le principal facteur qui détermine le rendement des ruminants en ce qui concerne les produits qu'ils fournissent.
La densité énergétique d'un fourrage (ce qui ne signifie souvent que sa digestibilité) ne devient un obstacle qu'après correction de l'équilibre des nutriments chez l'animal.
En général, la modification du rapport protéines/énergie dans les nutriments absorbés n'améliore que le rendement (sauf quand la contrainte thermique réduit l'apport de fourrage, auquel cas cette modification augmentera aussi l'apport fourrager), mais elle pourrait accroître la production de deux à cinq fois.
L'amélioration de la digestibilité d'un fourrage de qualité médiocre permet une meilleure fixation. L'animal ne peut exploiter celle-ci que si le rapport protéines/énergie est satisfaisant. Dans ce cas, chaque fois que la digestibilité augmentera de cinq unités, la productivité doublera (voir figure 5.1).
Les priorités de la recherche en nutrition doivent donc être les suivantes:
Optimaliser le rapport protéines/énergie des nutriments que les ruminants absorbent à partir de régimes basés sur du fourrage de qualité médiocre (priorité 1).
Optimaliser la digestibilité de la ressource fourragère de base (priorité 2).
Répartir les nutriments plus efficacement entre les produits animaux désirés (priorité 3).
La priorité 1 implique les applications technologiques suivantes:
La manipulation de la panse, notamment par une alimentation de complément favorisant une croissance microbienne optimale; la manipulation de l'assortiment de micro-organismes dans la panse pour assurer un haut rendement de croissance microbienne et une haute valeur biologique des protéines et faire en sorte qu'une forte proportion des microbes qui se développent dans la panse soit mise à la disposition de l'animal hôte.
Le traitement du fourrage: il s'agit essentiellement d'élaborer un apport complémentaire de protéines de dérivation pour les ruminants. Cela implique des recherches sur place pour découvrir, produire et exploiter à cette fin des ressources protéiques locales.
La manipulation des génomes de végétaux en vue de conférer aux protéines une aptitude à résister aux atteintes des micro-organismes de la panse.
La priorité 2 implique les aspects ci-après:
La manipulation de la panse, y compris une alimentation de complément pour y favoriser une biomasse microbienne optimale, et la manipulation de l'activité fibrolytique de l'assortiment de micro-organismes dans la panse.
Le traitement du fourrage: cela implique essentiellement la détermination et la modification des méthodes susceptibles d'être appliquées localement au traitement du fourrage de qualité médiocre en vue d'améliorer la digestibilité.
La priorité 3 implique les aspects ci-après:
L'application du génie génétique et de la technologie de l'ADN recombinant aux microbes de la panse et à l'animal afin d'assurer un degré de fixation élevé et une répartition efficace des nutriments disponibles entre les produits issus de l'animal. Ce travail a pour condition préalable une nutrition optimale (telle qu'elle est définie ici, à l'exclusions de l'alimentation au moyen de concentrés).
L'utilisation de substances chimiques et d'hormones injectables assurant une répartition des nutriments.
Le texte qui suit contient des examples de divers travaux de recherche. Ils soulignent la nécessité de modifier et développer les principes régissant l'environnement local compte tenu de ses ressources propres en matière de fourrage et d'exploitation.
Divers aspects de la biotechnologie nutritionnelle moderne applicables aux pays en développement sont passés en revue. Il convient de souligner que la biotechnologie moderne reste tout aussi prometteuse, même si les chercheurs constatent que son application soulève maintes difficultés. Après bien des percées naguère jugées déterminantes, il a fallu en revenir à la recherche fondamentale pour acquérir des connaissances concernant plus particulièrement le contrôle de l'expression génique transférée par recombinaison dan le génome des animaux et des micro-organismes. Cela donne à penser que ces applications scientifiques ne verront le jour que bien audelà de l'an 2000, date souvent citée comme l'année où seraient appliqués les résultats de la recherche en biotechnologie.
Enfin, l'auteur évoque brièvement la nécessité de systèmes de soutien pour garantir l'aptitude d'un pays à protéger ses inventions contre toute exploitation par autrui. Il estime que l'intervention des sociétés multinationales dans le domaine de la recherche et du développement biotechnologiques aura des conséquences importantes pour les pays en développement. La protection des secrets techniques et la concurrence des entreprises multinationales feront qu'il sera difficile pour ces pays d'exploiter leurs inventions. Néanmoins, la connaissance de la biotechnologie dans un pays devrait lui permettre d'exploiter de maintes autres manières les découvertes faites dans les laboratoires des pays développés.
La conclusion générale est que les fonds d'assistance pour la recherche doivent viser à modifier et à appliquer en fonction des conditions locales les principes actuels qui peuvent influer d'une manière décisive sur la production animale dans les pays en développement. Cela nécessitera dans une large mesure des recherches originales, notamment dans le domaine de la technologie fourragère et de la biotechnologie.