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Mondialisation, biens publics et commerce international

1.42

La progression de la mondialisation ces dernières années ne s'est pas seulement traduite par la multiplication des échanges internationaux de produits agricoles et alimentaires, mais aussi par une sensibilisation accrue à la nécessité d'une bonne gestion des biens collectifs mondiaux pour sauvegarder la sécurité alimentaire mondiale à long terme et l'utilisation durable des ressources naturelles. En ce qui concerne l'alimentation et l'agriculture, on reconnaît qu'il est nécessaire de conserver et d'utiliser de façon plus durable des biens collectifs mondiaux comme les ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture et les stocks de poissons océaniques, et de se pencher sur le problème de l'interdépendance de l'agriculture et des changements climatiques.

1.43

Les ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture, malgré leur importance vitale pour la survie de l'humanité, s'amenuisent à un rythme alarmant, réduisant de façon spectaculaire la capacité des générations présentes et futures à faire face à des chocs écologiques imprévus et aux besoins changeants de la population mondiale. Aucun pays n'est autosuffisant en matière de ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture. Si les pays industrialisés ont mis en place des mécanismes juridiques et économiques, comme les droits de propriété intellectuelle, pour favoriser le développement de nouvelles technologies et indemniser leurs inventeurs, il n'existe aucun mécanisme économique ou juridique efficace pour indemniser et encourager les agriculteurs traditionnels des pays en développement qui créent les ressources génétiques, lesquelles sont la matière première de ces biotechnologies.

1.44

Depuis le Sommet mondial de l'alimentation, les gouvernements, par le biais de la Commission FAO des ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture (CRAA), ont accompli un grand pas en avant en matière de gestion des ressources génétiques en adoptant, en novembre 2001, le nouveau Traité international contraignant sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture. L'adoption de ce Traité est le fruit de sept années de négociations ayant pour objet d'harmoniser l'Engagement international avec la Convention sur la diversité biologique.

1.45

Traité couvre toutes les ressources phytogénétiques utiles à l'alimentation et à l'agriculture. Il prévoit un cadre internationalement convenu pour la conservation et l'utilisation durable des ressources, qui vise à garantir la conservation du patrimoine qu'elles représentent et le flux de services dont la sécurité alimentaire et le développement agricole dépendent. Le Traité met en place un Système multilatéral d'accès facilité et de partage des avantages pour un certain nombre de cultures d'une importance cruciale pour la sécurité alimentaire et l'interdépendance qui représentent, en outre, plus de 80 pour cent de l'apport calorique à l'échelle mondiale. Ces ressources sont gérées de multiples façons en tant que bien collectif mondial.

1.46

Pour la première fois, un accord international contraignant stipule que ceux qui ont accès à des ressources gérées en commun et qui tirent des avantages commerciaux de leur utilisation devront verser, dans des conditions convenues, des droits équitables à un mécanisme de financement visant à assurer la conservation et l'utilisation durable de ces ressources.

1.47

Le Traité reconnaît les droits des agriculteurs et leur rôle dans la conservation et la biodiversité agricole au fil des siècles, autrement dit leurs contributions passées, présentes et futures à la conservation, à l'amélioration et à la propagation des ressources. Il est prévu que les droits des agriculteurs seront concrétisés par le biais des législations nationales. L'accord reconnaît l'importance des collections ex situ de ressources phytogénétiques utiles à l'alimentation et à l'agriculture détenues par les Centres internationaux de recherche agricole du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale, et prévoit que ces collections seront mises à disposition dans le cadre du Système multilatéral.

1.48

Le Traité n'est pas seulement favorable aux agriculteurs, mais aussi aux consommateurs et à la société en général et garantit un approvisionnement continu en aliments variés et respectant le choix des consommateurs. L'industrie semencière et les producteurs de denrées alimentaires tireront également profit de dispositions claires et convenues sur le plan international sur l'accès au matériel génétique dont ils ont besoin pour faire face à l'évolution des conditions écologiques et climatiques et des besoins humains.

1.49

Depuis le Sommet mondial de l'alimentation, la Commission a commencé à mettre au point, sous l'impulsion des pays, le premier Rapport sur l'état des ressources zoogénétiques utiles à l'alimentation et à l'agriculture dans le monde. Ce rapport inclura un inventaire exhaustif des ressources et une analyse de leur état actuel et à venir et de leur contribution au développement durable et à la sécurité alimentaire. La révolution de l'élevage, qui se profile à l'horizon sous l'effet de la hausse des revenus et de l'urbanisation croissante dans nombre de pays en développement - par exemple, la production de viande par habitant devrait doubler entre 1993 et 2020 -, ouvre d'importantes perspectives de croissance économique. Mais ces grands changements dans les systèmes de production animale, tout en dépendant de la disponibilité de ressources zoogénétiques adaptées, constitueront aussi une menace pour ces ressources si la communauté internationale et les pays ne prennent pas les mesures appropriées pour renforcer et améliorer leur conservation et leur gestion durable. Le rapport sur l'état des ressources zoogénétiques dans le monde devrait être adopté par les gouvernements dans la Commission en 2005.

1.50

Les autres activités complémentaires de la CRGAA incluent un Code de conduite pour la collecte et le transfert de matériel phytogénétique adopté par la Conférence de la FAO en 1993, un Code de conduite sur les biotechnologies en cours de négociation, et l'élaboration d'une stratégie mondiale pour les ressources zoogénétiques. Un autre exemple de la contribution de l'Organisation à la conservation et à l'utilisation durable des biens collectifs mondiaux est le Code de conduite pour une pêche responsable adopté par la Conférence de la FAO en 1995.

1.51

Le processus de mondialisation présente à la fois des avantages et des risques pour le secteur agricole des pays en développement. Étant donné que l'agriculture reste le secteur dominant et la principale source d'exportations dans nombre de pays en développement, la réduction des obstacles au commerce international favorise l'accrois-sement de la production de ce secteur. Mais la mondialisation crée des risques de marginalisation pour les pays qui, en raison de leurs ressources, de leur emplacement, de leur taille, de leur manque de connaissances spécialisées et d'infrastructure, ne sont pas compétitifs sur le marché mondial et ne parviennent pas à attirer les investissements. La mondialisation s'accompagne également du risque, apparu fort clairement dans les années qui ont suivi le Sommet mondial de l'alimentation, que l'instabilité des systèmes financiers internationaux et les fluctuations des résultats des principales économies mondiales, aient des effets dévastateurs sur les pays qui dépendent fortement du commerce et des investissements extérieurs. Les pays largement tributaires de l'exportation d'un petit nombre de produits de base sont particulièrement sensibles à de tels chocs, qui peuvent avoir des répercussions considérables sur les moyens d'existence et la sécurité alimentaire de leurs populations agricoles.

1.52

Au cours des six dernières années, les accords du Cycle d'Uruguay ont été partiellement mis en oeuvre, intégrant pour la première fois l'agriculture dans le cadre de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce/Organisation mondiale du commerce (GATT/OMC). Les résultats sont mitigés: si l'Accord sur l'agriculture a contribué à réajuster les politiques commerciales nationales et internationales, les changements effectifs des niveaux de soutien et de protection n'ont pas été suffisants pour que cet accord ait un effet tangible sur le commerce mondial et les revenus. Ainsi, le soutien de l'ensemble des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à leurs agriculteurs s'est élevé à quelque 327 milliards de dollars EU pour la seule année 200016. Les droits de douane restent élevés sur les produits agricoles, surtout pour les produits horticoles des zones tempérées, le sucre, les céréales, les produits laitiers et la viande, et la progressivité des droits continue à protéger plus particulièrement les produits transformés, surtout les produits à valeur ajoutée dérivés du café, du cacao et des graines oléagineuses, dans les pays importateurs. De plus, la complexité des régimes d'importation et de l'accès aux contingents tarifaires, le coût du respect des normes sanitaires et phytosanitaires et les obstacles techniques au commerce continuent à faire obstacle à l'expansion des marchés, de manière parfois insurmontable, notamment pour les pays dont l'économie est peu développée. La protection continue à grande échelle de l'agriculture par les pays développés limite de toute évidence les possibilités de croissance agricole des pays en développement17.

1.53

La capacité des pays en développement à tirer profit des nouveaux débouchés commerciaux découlant de la mondialisation dépend en dernier ressort de leur compétitivité et de leur capacité à accroître la production de biens pour lesquels il existe une demande. Cela peut nécessiter des investissements substantiels dans l'infrastructure, les technologies et les communications afin de réduire les coûts et d'accélérer les transports. Mais cela oblige aussi à développer les capacités institutionnelles pour créer et appliquer des normes et pour former les agriculteurs à la production de produits commercialisables de haute qualité. L'accumulation de disponibilités et la création d'un flux régulier de produits nécessitera une action collective des agriculteurs, généralement associée à un renforcement des liens avec le secteur privé, notamment par des systèmes de production sous contrat.

1.54

Partant de l'hypothèse que la libéralisation du commerce pourrait créer des problèmes transitoires dans certains pays en développement importateurs de denrées, des mesures compensatoires ont été prévues au titre de la Décision de Marrakech relative aux mesures concernant les éventuels effets négatifs du Programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires. La non-application de cette décision pourrait miner la confiance dans l'équité du système commercial international, notamment dans les pays en développement qui ont pris des mesures pour libéraliser leurs systèmes commerciaux. La FAO a proposé récemment des options pour la mise en oeuvre de cette décision18.

1.55

L'Union européenne (UE)19, qui a accueilli la troisième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés (UNLDC III) à Bruxelles en mai 200120, a accordé une attention prioritaire à l'impulsion que l'accroissement des débouchés commerciaux peut donner au développement économique des pays les moins avancés (PMA). À l'occasion de la Conférence UNLDC III, la FAO a organisé la session thématique sur le secteur agricole et la sécurité alimentaire. La décision récente de l'UE de supprimer les droits de douane et les contingents pour tous les produits, à l'exception des armes et des munitions, provenant des PMA constitue un progrès sensible dans le cadre des nouvelles politiques de développement de l'UE. Le Canada, la Norvège et la Nouvelle-Zélande ont annoncé des mesures similaires en faveur des PMA21. À la quatrième Conférence ministérielle de l'OMC, tenue à Doha (Qatar) du 9 au 14 novembre 2001, les membres de l'OMC se sont également engagés à supprimer les droits de douane et les contingents pour les produits provenant des PMA.

1.56

La principale question qui se pose à propos de la mondialisation et de la libéralisation des échanges concerne la répartition de l'ensemble des avantages qui en découleront. La réduction des subventions à l'agriculture et de la protection des marchés de la part des pays développés et des restrictions aux déplacements internationaux de la main-d'oeuvre, associée à un partage raisonné des nouvelles technologies de l'information et de la communication, contribuerait largement à la création d'un monde plus équitable tel qu'il est envisagé dans la Déclaration du Millénaire22 et à la réalisation, en particulier, de l'objectif du Sommet mondial de l'alimentation.

1.57

À la quatrième Conférence ministérielle de l'OMC, les membres de l'Organisation sont convenus de lancer un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales qui se conclurait le 1er janvier 2005. Outre les négociations sur l'agriculture et les services qui ont commencé début 2000, le nouveau cycle couvrira d'autres secteurs de l'économie mondiale, ainsi qu'un certain nombre de questions d'application. Le cycle de négociations aura d'importantes incidences sur les cultures, les pêches et la foresterie. Les ministres se sont engagés à accorder un traitement spécial et différencié aux pays en développement et en particulier à supprimer les droits de douane et les contingents pour les produits provenant des PMA, comme indiqué ci-dessus. Les besoins des petits pays en transition, vulnérables et à faible revenu en matière de coopération technique et de renforcement des capacités ont également été reconnus et la nécessité d'une assistance technique a été soulignée. Les modalités de mise en oeuvre des engagements concernant la réforme du commerce des produits agricoles doivent être fixées pour le 31 mars 2003, et des projets de calendrier d'exécution doivent être soumis au plus tard à la cinquième Conférence ministérielle de l'OMC, qui doit se tenir avant la fin de 2003.

1.58

La FAO s'intéresse depuis longtemps aux questions relatives au commerce des produits et des intrants agricoles et fait rapport à ce sujet au Comité des produits et à ses groupes intergouvernementaux subsidiaires. En application de l'Engagement quatre du Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation, l'Organisation a toutefois renforcé son assistance aux pays en développement pour qu'ils se préparent «aux négociations commerciales multilatérales concernant notamment l'agriculture, les pêches et les forêts, entre autres par des études, des analyses et des activités de formation». L'Organisation a publié différentes évaluations des incidences du Cycle d'Uruguay sur les marchés des produits agricoles et la sécurité alimentaire, ainsi qu'un rapport sur l'expérience des pays en développement en ce qui concerne la mise en application de l'Accord sur l'agriculture de l'OMC. Elle continue à fournir des forums intergouvernementaux pour débattre des instruments pertinents notamment pour l'élaboration de normes: il s'agit notamment de la Commission du Codex Alimentarius (normes sur la qualité et la sécurité sanitaire des aliments) et de la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV) (normes phytosanitaires). En ce qui concerne la CIPV, l'Organisation a créé un forum intergouvernemental, ainsi qu'un mécanisme et une procédure de fixation des normes en réponse à l'élaboration de l'Accord de l'OMC sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (Accord SPS). L'Organisation a lancé en outre un programme élargi de formation et d'assistance techniques pour renforcer la capacité de ses pays membres à remplir les critères de l'OMC et à participer aux négociations commerciales multilatérales sur un pied d'égalité, en tant que partenaires bien informés. Les stratégies régionales de sécurité alimentaire préparées par la FAO avec les secrétariats des groupements économiques régionaux portent sur la création d'un cadre juridique et réglementaire, et sur le renforcement des capacités institutionnelles et scientifiques en vue de l'adoption et de l'application des normes du Codex Alimentarius et de la CIPV en vertu de l'Accord SPS.

Sécurité sanitaire des aliments

1.59

La sécurité sanitaire des aliments fait partie intégrante de la sécurité alimentaire. Elle touche à de nombreux aspects des technologies de production agricole, à la manutention et à la transformation des aliments, à leur commerce et à leur distribution, ainsi qu'à la nutrition humaine. Les causes des dangers qui menacent la sécurité sanitaire des aliments sont nombreuses. Elles incluent les causes d'origine microbiologique, les contaminants pénétrant dans la chaîne alimentaire et les résidus d'intrants utilisés dans les systèmes de production et de transformation des produits agricoles. Particulièrement préoccupantes sont les maladies d'origine microbiologique transmises par les aliments, du fait de leur prévalence élevée et de leur incidence qui semble augmenter: elles apparaissent à tous les stades de la chaîne alimentaire et les méthodes d'évaluation et de gestion des risques associés sont loin d'être au point.

1.60

Au cours des cinq années qui ont suivi le Sommet mondial de l'alimentation, la sensibilisation du public aux questions de sécurité sanitaire des aliments a augmenté de manière spectaculaire, notamment dans les pays développés. L'apparition de l'ESB, les rapports sur la présence dans les aliments de micro-organismes résistant aux antibiotiques, la crise de la dioxine de 1999, les nombreux cas de maladies transmises par les aliments dues à la contamination microbienne des aliments et l'apparition dans l'alimentation humaine d'un maïs génétiquement modifié dont l'utilisation n'est approuvée que pour l'alimentation animale y ont largement contribué. Toutes ces crises ont en commun que l'opinion publique juge que les mesures en place sont inefficaces ou mal appliquées ou appliquées uniquement pour protéger les intérêts des négociants, des producteurs ou des industriels et pas nécessairement ceux des consommateurs.

1.61

Les groupes de consommateurs des pays en développement ne s'expriment pas avec autant de force et, dans ces pays, les systèmes réglementaires sont en général moins efficaces. Dans de mauvaises conditions d'hygiène, dues souvent à des difficultés d'accès à l'eau propre, la contamination microbienne des aliments et des boissons est généralisée et est une cause majeure de maladies et de mortalité, notamment parmi les enfants. L'emploi abusif de pesticides est responsable de la présence de résidus qui ne sont pas jugés acceptables par le Codex et par la plupart des législations nationales. Les réunions mixtes FAO/OMS sur les résidus de pesticides examinent continuellement les pesticides proposés par les industriels et émettent des recommandations concernant les limites maximales de résidus (LMR) dans les aliments à l'intention des États Membres et de la Commission du Codex Alimentarius. De même, le Comité mixte FAO/OMS d'experts des additifs alimentaires (JECFA) évalue continuellement les additifs alimentaires, les médicaments vétérinaires et les contaminants de l'environnement, et formule des recommandations concernant le niveau au-delà duquel leur présence dans les aliments présente un danger.

1.62

De meilleures procédures de gestion de la sécurité sanitaire des aliments fondées sur les principes élaborés par la Commission du Codex Alimentarius sont appliquées pour réduire les dangers microbiologiques. Les groupes d'experts FAO/OMS ont publié des résultats scientifiques qui permettront sans doute de mieux gérer les contaminants de l'environnement présents dans les aliments, notamment les aflatoxines. Des procédures de rappel efficaces ont permis de réduire l'impact et la durée de la crise de la dioxine et sont également appliquées dans le cas du maïs génétiquement modifié destiné à l'alimentation animale. La Commission est même parvenue à un quasi-consensus sur les principes généraux à appliquer pour garantir la sécurité sanitaire des aliments obtenus grâce à l'application des biotechnologies à l'agriculture et à l'industrie alimentaire; enfin, une attention particulière est accordée à la question de l'éventuel transfert de propriétés allergisantes à des variétés végétales génétiquement modifiées.

1.63

Toutefois, beaucoup souhaitent que les mesures de sécurité sanitaire des aliments soient fondées sur un éventail de facteurs plus large que la seule évaluation scientifique des risques pour la santé humaine. Les systèmes de contrôle des aliments étant perçus comme incapables de garantir la sécurité sanitaire de l'alimentation humaine, des mesures supplémentaires sont proposées qui prévoient une chaîne continue de documentation sur l'origine et la nature de chaque produit ou ingrédient alimentaire. Ces mesures pourraient augmenter le coût des transactions portant sur des produits alimentaires et avoir des répercussions sur le commerce international, en excluant les pays n'ayant pas les moyens de mettre en place les systèmes de suivi nécessaires.

1.64

Des efforts sont faits au niveau international pour étudier plus à fond les questions de sécurité sanitaire des aliments, l'accent étant mis sur la base scientifique de la prise de décisions et sur la prudence lorsque la base scientifique est insuffisante. Conjointement avec l'OMS et l'Office international des épizooties (OIE), la FAO organise une consultation internationale d'experts sur «L'ESB et ses risques: santé animale et santé publique, commerce international». En étroite collaboration avec l'OMS, la FAO a organisé le premier Forum mondial des autorités responsables de la réglementation en matière de sécurité sanitaire des aliments (Marrakech, janvier 2002) et la Conférence paneuropéenne sur la sécurité sanitaire et la qualité des aliments (Budapest, février 2002). Ces conférences intergouvernementales ont examiné les questions liées à la prise de décisions fondée sur des preuves scientifiques et promouvoir l'échange d'informations sur la gestion des risques aux fins de la sécurité sanitaire des aliments. Des systèmes d'alerte rapide régionaux et internationaux sont en cours d'élaboration afin de limiter et, si possible réduire, l'impact des futures crises liées à la sécurité sanitaire des aliments.

Le droit à la nourriture

1.65

Toutes les questions examinées ci-dessus ont des incidences fondamentales sur la capacité de la planète à satisfaire les besoins alimentaires de sa population et à maintenir ses ressources naturelles en bon état pour les générations à venir. Le fait qu'environ 800 millions de personnes dans le monde développé souffrent encore de sous-alimentation chronique, alors que les agriculteurs réussissent à produire suffisamment de nourriture pour satisfaire les besoins de chacun, et que la dégradation des terres se généralise, implique qu'il existe de sérieuses imperfections dans la manière dont nous assumons nos responsabilités et dont nous exerçons notre intendance sur les ressources mondiales. L'inégalité d'accès à l'alimentation et aux technologies, la dégradation des ressources naturelles associées à certaines méthodes d'agriculture et aux progrès scientifiques, l'érosion de la biodiversité, les menaces visant la durabilité des pêches océaniques et les restrictions commerciales qui empêchent les pays de profiter de leurs avantages comparatifs, sont autant de problèmes aux dimensions éthiques importantes. Les envisager du point de vue de l'éthique et des droits de l'homme peut contribuer à l'émergence d'un consensus sur la façon dont il convient de les résoudre dans l'intérêt de l'humanité, en tenant compte d'importantes considérations auxquelles il n'est pas donné suffisamment de poids lorsque les décisions sont prises essentiellement sur des bases scientifiques, techniques ou économiques ou en fonction des forces du marché.

1.66

L'une des conséquences du Sommet mondial de l'alimentation a été d'appeler l'attention au cours des dernières années sur les incidences du droit à la nourriture, qui est un droit de l'homme reconnu en droit international et énoncé dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Le droit à la nourriture implique le droit de chaque être humain à des moyens de production ou d'achat de denrées alimentaires en quantité et de qualité suffisantes, exemptes de substances nocives et culturellement acceptables23. Une série de consultations ont été conduites sous l'égide du Haut Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies et avec la participation de la FAO, avec pour objectif de préciser la teneur de ce droit et d'indiquer les meilleurs moyens de le mettre en oeuvre. Ces consultations ont permis de mieux apprécier les rôles respectifs des particuliers, de leur famille et de leur communauté, ainsi que de l'État à divers niveaux, pour garantir la concrétisation de ce droit à la nourriture 24. Un certain nombre de pays ont pris des mesures pour garantir le droit à la nourriture dans leurs politiques et programmes de gestion des secteurs agricole et alimentaire, leur expérience pouvant servir d'exemple à d'autres pays qui souhaiteraient les imiter pour essayer d'atteindre l'objectif du Sommet mondial de l'alimentation. Au niveau international, les ONG souhaiteraient que la FAO organise des négociations en vue de l'établissement d'un code de conduite ou de directives non contraignantes sur le droit à la nourriture.

1.67

Afin d'améliorer sa capacité de résoudre les problèmes éthiques, la FAO a créé en 2000 un Groupe d'experts éminents en matière d'éthique alimentaire et agricole composé de huit membres reconnus sur le plan international. Le Groupe a commencé par analyser un certain nombre de questions d'éthique découlant des pratiques de production et de consommation des denrées alimentaires, ainsi que du développement de l'agriculture, foresterie et pêches comprises, dans le contexte de la sécurité alimentaire et du développement rural durable et dans un environnement mondial en évolution rapide. L'objectif général est d'assurer un débat public solidement étayé et un processus de prise de décisions transparent et objectif et de créer une instance propice à l'examen de questions complexes, voire controversées25. Dans le cadre de ce processus, l'Organisation a lancé en 2001 la Collection FAO: Questions d'éthique, dont les deux premiers titres sont Problèmes d'éthique dans les secteurs de l'alimentation et de l'agriculture et Les organismes génétiquement modifiés: les consommateurs, la sécurité des aliments et l'environnement26.

Conclusions

1.68

Ce rapide survol de la situation montre à l'évidence que l'agriculture et la sécurité alimentaire sont soumises à l'échelon local, comme sur le plan international, à des risques énormes et souvent imprévisibles. Ces risques - ou du moins, la perception qu'on en a - semblent se multiplier à mesure que l'agriculture s'intensifie pour faire face à une demande croissante, que les systèmes alimentaires s'adaptent à l'urbanisation rapide et que la planète tout entière se couvre d'un réseau de communication avec l'accélération de la mondialisation. En même temps, toutefois, la mondialisation et les progrès actuels rapides des technologies et des communications, à condition d'être gérés de manière responsable, peuvent multiplier les possibilités de développement économique et favoriser l'émergence d'un monde plus équitable.

1.69

Nombre des problèmes qu'affrontent l'agriculture, les forêts et les pêches ont une dimension mondiale. Les ravageurs et les maladies traversent facilement les frontières nationales et les océans; les systèmes d'élevage intensif d'un pays, ou le déboisement à grande échelle dans un autre, contribuent au changement climatique mondial, alors que le comportement d'un courant océanique du Pacifique affecte l'arrivée et l'intensité de la mousson en Asie du Sud et des pluies en Afrique de l'Est; le non-respect des codes de conduite internationaux peut nuire à la durabilité des pêches mondiales; et le subventionnement de l'agriculture dans un pays peut empêcher les agriculteurs d'un autre pays de trouver des débouchés pour leur production. Nous commençons seulement à comprendre la nature et l'ampleur de ces interactions et à savoir les maîtriser et les utiliser pour le bien général.

1.70

Face aux risques et aux incertitudes, la prévention et le principe de prudence devraient, en général, s'imposer, alors qu'ils sont trop souvent rejetés, malgré l'énormité des coûts économiques - et des souffrances humaines - qu'une telle attitude implique. Lorsqu'un conflit est prévenu grâce à des négociations, lorsque des populations vulnérables sont averties à l'avance de l'arrivée d'un cyclone, ou lorsque la propagation d'une maladie mortelle est enrayée par des contrôles sur les lieux d'origine, ce sont des vies, des souffrances et des coûts qui sont épargnés.

1.71

Les gouvernements et la communauté internationale, y compris la FAO, font d'énormes efforts, dans les limites de leurs capacités, pour s'acquitter de leurs engagements pris lors du Sommet mondial de l'alimentation et correspondant aux nouveaux défis. Toutefois, la poursuite de l'amélioration de la capacité de réaction demeure amplement justifiée sur les plans social et économique. Si tout allait pour le mieux, nous ne verrions pas d'énormes populations au bord de la famine dans la corne de l'Afrique, des pertes massives de vies humaines et de biens dans le sillage du cyclone Mitch en Amérique centrale, des millions de têtes de bétail calcinées sur des bûchers en Europe, ou le dénuement se répandre parmi les producteurs de cacao d'Afrique de l'Ouest, qui font les frais de l'effondrement des cours internationaux des produits.

1.72

On peut en conclure qu'il est nécessaire d'examiner attentivement les arrangements institutionnels en vigueur en matière de coopération internationale face aux crises alimentaires mondiales, examen qui devrait porter notamment sur leur aptitude à prévoir et à prévenir les crises et à réagir avec la rapidité et à l'échelle requises pour limiter les dégâts potentiels et, en cas de catastrophe, à aider les populations touchées à retrouver des moyens d'existence. Dans une optique à plus long terme, il conviendrait de s'assurer que les efforts actuels en matière de recherche et de création de connaissances sont suffisants et correctement orientés, compte tenu de la nécessité de répondre à la demande alimentaire mondiale de manière durable, et ne sont pas uniquement inspirés par les forces du marché à court terme, qui ne tiennent nullement compte des besoins des générations à venir.

1.73

Les progrès des technologies de surveillance, d'information et de communication offrent de nouvelles possibilités fort intéressantes de collecter, partager, analyser et interpréter l'information et d'accélérer la prise de décisions. La base scientifique sur laquelle s'appuient les actions mondiales - telles que les réactions au réchauffement de la planète ou à l'appauvrissement de la couche d'ozone - est de plus en plus solide et il existe un ensemble croissant de législations et d'instruments sur lesquels fonder une action nationale et internationale, l'une renforçant l'autre, face aux menaces mondiales. Parallèlement, toutefois, on assiste à une diminution progressive des ressources disponibles sur le plan international pour réagir rapidement aux menaces et aux possibilités mondiales émergentes.

1.74

L'insuffisance des biens collectifs est une question qui bénéficie d'une attention considérable dans le cadre de la gestion de l'environnement mondial inspirée d'Action 21 et qui a conduit à la création de nouveaux instruments, tels que le Fonds pour l'environnement mondial. Les biens collectifs dans le domaine sanitaire font actuellement l'objet d'un vaste débat public qui porte notamment sur le sous-investissement dans la mise au point de technologies abordables pour réduire l'incidence croissante du VIH/SIDA, du paludisme et de la tuberculose et la mortalité liée à ces maladies dans les pays en développement, où des organismes de bienfaisance privés se sont sentis obligés de venir au secours de programmes internationaux à court de ressources. La question de l'offre de biens collectifs mérite également d'être examinée de manière approfondie, eu égard à la sécurité alimentaire mondiale (y compris la sécurité sanitaire des aliments) et à la durabilité à long terme de l'agriculture; elle est extrêmement pertinente, en outre, pour la réalisation des sept engagements du Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation. Il s'agit, par conséquent, d'une question à laquelle l'Organisation prêtera une attention accrue, en consultation avec ses Membres et avec les autres organismes internationaux dont le mandat inclut la fourniture de biens collectifs mondiaux.

1.75

Le nombre, l'ampleur et le coût des problèmes fondamentaux qui affectent aujourd'hui l'agriculture, la sécurité alimentaire et la sécurité sanitaire des aliments sont écrasants et font que ces problèmes se disputent l'attention des responsables politiques, tant sur le plan international que dans les pays. Le fait que l'ordre du jour est si encombré et que les crises se sont succédé à un rythme aussi rapide, exigeant des interventions immédiates, explique pourquoi si peu de pays - qu'ils soient développés ou en développement - se sont attaqués au problème de la faim chronique avec la détermination et l'engagement requis pour atteindre l'objectif du Sommet. C'est précisément à cause de ces signes d'indifférence du public et de fléchissement de la volonté politique, dont témoigne la réduction progressive des ressources intérieures et internationales allouées au développement agricole et à la sécurité alimentaire, que le Sommet mondial de l'alimentation: cinq ans après a été convoqué.

1.76

Les plus de 800 millions de personnes souffrant de sous-alimentation chronique ne font pas la «une» des médias. Elles n'ont pas droit à la parole et sont tenues à l'écart dans leur pays, à fortiori, au sein de la communauté internationale. Ce sont les plus pauvres parmi les pauvres. Mais en 1996, tous les pays du monde, ou presque, se sont engagés à réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées pour 2015 au plus tard. Cet engagement est toujours valide et doit être honoré. Le défi à relever aujourd'hui est de décider, malgré les demandes pressantes liées à tous les autres problèmes critiques que rencontre actuellement l'agriculture mondiale, comment concrétiser cet engagement.

1.77

Pour renforcer la résolution d'agir avec détermination, la FAO a choisi d'appeler l'attention sur les deux principaux défis, à savoir: promouvoir la volonté politique et mobiliser les ressources nécessaires pour lutter contre la faim.


NOTES

1 FAO. 1999. Le Cadre stratégique de la FAO 2000-2015. Rome.

2 FAO. 1997. Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale et Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation.

3 FAO. 2001. Problèmes d'éthique dans les secteurs de l'alimentation et de l'agriculture, p. 2. Collection FAO: Questions d'éthique no 1. Rome.

4 FAO, op.cit., note 1, p. 1.

5 FAO. 2000. Conflits, agriculture et sécurité alimentaire. Dans La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 2000, p. 69-97. Rome.

6 FAO. 2000. Comité de l'agriculture (16e session). Réduire la vulnérabilité de l'agriculture face aux pluies torrentielles et à leurs effets. Rome.

7 L'étude de cas sur le Honduras est résumée dans FAO/DFID. 2001. Proceedings from the Forum on Operationalizing Sustainable Livelihoods approaches. Pontignano (Italie), 7-11 mars 2001.

8 FAO. 2000. The elimination of food insecurity in the Horn of Africa - A strategy for concerted government and Un agency action. (Rapport succinct)

9 FAO. 2001. Comité de l'agriculture de la FAO (16e session) Rapport intérimaire sur Action 21: Principaux aspects de la contribution de la FAO. Rome.

10 Le commerce international des céréales est passé de quelque 30 millions de tonnes avant la seconde guerre mondiale à 225 millions de tonnes par an en 2000.

11 Voir, par exemple: FAO. 2000. L'agriculture à l'horizon 2015/30. Rome.

12 FAO. 2001. Comité de l'agriculture (16e session): Rapport du Groupe de travail interdépartemental sur l'agriculture biologique. Rome.

13 FAO. 1999. Comité de l'agriculture (15e session) Biotechnologies. Rome. La Division mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l'alimentation et l'agriculture a participé activement à l'élaboration de méthodes de caractérisation moléculaire pour l'amélioration des cultures et à la promotion de l'utilisation de nouveaux tests diagnostics pour les maladies du bétail (peste bovine et fièvre aphteuse).

14 Voir, en particulier, FAO. 2001. Les organismes génétiquement modifiés: les consommateurs, la sécurité des aliments et l'environnement. Collection FAO: Questions d'éthique no 2. Rome.

15 FAO. 2001. Comité de l'agriculture (16e session). Rapport du Groupe de travail intergouvernemental sur les biotechnologies. Rome.

16 OCDE. 2001. Politiques agricoles dans les pays de l'OCDE: surveillance et évaluation. Paris.

17 Voir Enquête du FMI, Vol. 30, no 8, avril 2001, citant l'allocution du Président du FMI devant le Bundestag à Berlin: «Il est insensé politiquement et économiquement pour l'OCDE de dépenser 360 milliards de dollars EU par an pour des subventions à l'agriculture, alors que la pauvreté fait des ravages, notamment dans les régions rurales et agricoles.»

18 FAO. 2001.Vers une application effective de la Décision de Marrakech. Rome.

19 UE. 2000. La politique de développement de la Communauté européenne. Bruxelles.

20 Pour un examen complet des questions que posent la mondialisation et la libéralisation du commerce dans les PMA voir CNUCED. 2000. Rapport 2000 sur les pays les moins avancés. New York et Genève.

21 Se référer également à l'Initiative des États-Unis sur la croissance et la reprise en Afrique, qui fait partie du US Trade and Development Act of 2000, dont les PMA africains pourraient également tirer profit.

22 ONU. 2000. Déclaration du Millénaire. Résolution 55/2 adoptée par l'Assemblée générale en 2000. New York.

23 Comité des droits économiques, sociaux et culturels (XXe session). Observation générale no 12 (E/C. 12/1999/5 sur le droit à une nourriture adéquate (art. 11), 12 mai 1999, paragraphes 6 et 8 en particulier.

24 Pour un examen plus détaillé des questions relatives au droit à la nourriture, voir le Chapitre 2 de la présente publication, Raffermir la volonté politique de lutter contre la faim.

25 FAO. 2001. Collection FAO: Questions d'éthique, nos 1 et 2. Rome.

26 FAO. 2001. Rapport du Groupe d'experts éminents en matière d'éthique alimentaire et agricole, première session, 26-28 septembre 2000, Rome.


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