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The Ivorian law of 1998 on ownership of rural land and village plantation agriculture: a historical and sociological perspective

Some of the provisions of the law of December 1998 have been the cause of heated discussion, particularly the provision that bars non-Ivorian migrants from owning land over which they have acquired usufructuary or occupancy rights from native inhabitants, according to pre-existing customary procedures. Yet one of the basic elements driving Ivorian plantation agriculture since Independence has been migratory land settlement by both Ivorians and large numbers of non-Ivorians from Burkina Faso, Mali, Guinea and other countries.

The author looks at the law as a social phenomeon; in other words, he looks at the behaviour of the different actors concerned to identify the real changes that this new law will bring about, intentionally or otherwise. The article examines the key features of land tenure in Côte d'Ivoire's forest areas and recent legislative initiatives. It then places the present context of land tenure within the historical trajectory of plantation agriculture in order to assess the predicted impact of pre-existing institutional dynamics on the implementation of the new legal provisions. The article then analyses the potential redistributive impact of the law on the sustainability of plantation agriculture.

La ley de Côte d'Ivoire de 1998 sobre la propiedad de tierras rurales y la agricultura de plantación en las aldeas: una perspectiva histórica y sociológica

Algunas disposiciones de la ley de diciembre de 1998 dan lugar a debates, en ocasiones encendidos: sobre todo, la que excluye de la propiedad de la tierra a los emigrantes de otros países que hayan adquirido a ciudadanos de Côte d'Ivoire, conforme a los procedimientos consuetudinarios y en un momento anterior a la ley, derechos de apropiación o de ocupación. No obstante, uno de los elementos básicos del dinamismo de la agricultura de plantación en Côte d'Ivoire tras la independencia ha estribado en las migraciones de colonización agraria tanto de emigrantes de dicho país como también, en un porcentaje importante, de emigrantes extranjeros (de Burkina Faso, Malí, Guinea, etc.).

La finalidad es considerar la ley como un hecho social: es decir, tratar de determinar, en el comportamiento de las diversas partes afectadas por ella, los cambios que la nueva ley puede producir efectivamente, con independencia de que estos cambios correspondan o no a los objetivos teóricos de la ley. En primer lugar, se presentan las características más destacadas de la situación de la tierra en las zonas forestales de Côte d'Ivoire y las iniciativas jurídicas recientes en relación con la propiedad de la tierra. A continuación, la situación actual se enmarca en la trayectoria histórica de la agricultura de plantación con el fin de medir la incidencia previsible de las dinámicas institucionales anteriores en el contexto actual de aplicación de las nuevas disposiciones de la ley. Por último, se examina en dicho contexto la repercusión de los «efectos redistributivos» potenciales consecuencia de la aplicación de la legislación relativa a la sostenibilidad de la agricultura de plantación.

La loi ivoirienne de 1998 sur le domaine foncier rural et l'agriculture de plantation villageoise: une mise en perspective historique et sociologique

J.-P. Chauveau

Jean-Pierre Chauveau travaille auprès de l'Institut de recherche pour le développement à l'Unité de recherche régulations foncières, politiques publiques et logiques des acteurs (IRD/RÉFO), associée à l'Unité UMR MOISA et au projet INCO-DEV CLAIMS

Certaines dispositions de la loi de décembre 1998 donnent lieu à des débats, quelquefois passionnés, notamment celle qui exclut de la propriété foncière les migrants non ivoiriens qui ont acquis auprès des autochtones, selon des procédures coutumières et antérieurement à la loi, des droits d'appropriation ou d'occupation. Or, l'une des composantes essentielles du dynamisme de l'agriculture de plantation ivoirienne depuis l'indépendance a reposé sur les migrations de colonisation agraire par des migrants ivoiriens mais aussi, dans une mesure importante, non ivoiriens (burkinabè, maliens, guinéens, etc.).

Le propos est de considérer la loi comme un fait social; c'est-à-dire chercher à identifier, dans le comportement des différents acteurs concernés par la loi, les différences que la nouvelle loi est en mesure de produire effectivement, que ces différences correspondent ou non aux objectifs théoriquement recherchés par la loi. Les traits saillants de la situation foncière en zone forestière ivoirienne et les initiatives légales récentes dans le domaine foncier seront d'abord présentés. La situation foncière actuelle sera ensuite replacée dans la trajectoire historique de l'agriculture de plantation afin de mesurer l'incidence prévisible des dynamiques institutionnelles antérieures sur le contexte actuel de mise en œuvre des nouvelles dispositions de la loi. Enfin, dans ce contexte, l'incidence des «effets redistributifs» prévisibles induits par la mise en œuvre de la législation au regard de la durabilité de l'agriculture de plantation sera examinée.

LA SITUATION FONCIÈRE EN ZONE FORESTIÈRE ET LES DISPOSITIONS JURIDICO-LÉGALES ACTUELLES

La question foncière et les conflits fonciers en Côte d'Ivoire forestière

Première productrice mondiale de cacao et dans les premiers rangs pour la production de café, la zone forestière de la Côte d'Ivoire est le théâtre de conflits entre les différentes communautés de planteurs autochtones et migrants (ivoiriens et non ivoiriens). Ces conflits ne sont pas nouveaux: ils existent depuis les années 50 (Raulin, 1957), alors qu'un très important mouvement de colonisation se développe d'est en ouest1 . Ils ont pris cependant des formes particulièrement violentes depuis une dizaine d'années, avec la disparition de la rente forestière, la raréfaction des terres disponibles pour les nouvelles générations de planteurs et la réduction drastique des revenus tirés des activités urbaines pour une grande partie de la population originaire du milieu rural, en particulier les jeunes.

L'origine initiale et directe de ces conflits n'est pas toujours un conflit sur l'accès et l'usage de la terre mais, dans tous les cas, ils aboutissent à la remise en cause par les autochtones des droits d'usage ou d'appropriation acquis par les migrants, très souvent avec l'appui implicite ou explicite des autorités publiques, du moins jusqu'à ces dernières années. Or, le niveau de la production de cacao et de café est en bonne partie imputable à ces migrants ivoiriens et non ivoiriens. Cependant, les tensions ne sont pas de même nature et de même intensité selon les différentes zones de l'est, du sud-est, du centre-ouest et du sud-ouest, et selon l'origine, ivoirienne ou non, des migrants2 . En outre, même les conflits les plus violents et les plus spectaculaires, comme celui de la région de Tabou dans le sud-ouest, restent relativement circonscrits bien que des indices de généralisation se manifestent de plus en plus.

La question foncière demeure, par conséquent, une préoccupation pour le futur, surtout dans le domaine des cultures pérennes dont la durabilité exige une sécurisation foncière particulièrement forte.

Les initiatives gouvernementales récentes dans le domaine foncier: d'une approche pragmatique d'identification des droits existants au «tout législatif»

Face à cette situation conflictuelle, et pour d'autres raisons comme la recherche d'une plus grande efficacité dans l'allocation de la ressource foncière par la sécurisation et la transférabilité des droits, le Gouvernement ivoirien a recherché, plus particulièrement depuis une dizaine d'années, une solution d'ensemble. Cette solution est cependant passée d'une approche pragmatique à une approche juridique qui suppose que la loi sera effectivement appliquée et qu'elle sera en mesure de contrôler les effets non intentionnels qui pourraient éventuellement naître de sa mise en œuvre.

Une opération pilote de Plan foncier rural (PFR) a été chargée, de 1990 à ces derniers mois, au cours desquels le PFR est mis de fait en extinction, de mettre au point les techniques de cadastrage et d'identification des droits existants dans un certain nombre de zones pilotes (Bosc et al., 1996; Cheveau et al., 1998). L'approche était pragmatique. Il s'agissait d'établir les droits concrets exercés par l'ensemble des exploitants directs, que ces droits découlent de l'appartenance aux communautés autochtones ou d'arrangements passés avec les autochtones permettant la libre occupation des terres par les migrants, ou qu'ils correspondent à des concessions ou des titres déjà accordés par l'Etat dans le cadre de la législation en vigueur. Un examen attentif des données accumulées par le PFR permettait cependant de noter que la nature de ces arrangements n'était souvent pas claire dans beaucoup de régions, et surtout qu'ils n'étaient pas perçus de la même manière par les autochtones et les migrants. Le simple fait d'identifier les droits existants, même sans distribution de certificat foncier ayant une portée juridique, suscitait une nouvelle renégociation des droits concédés antérieurement. Autrement dit, une intervention publique dont l'objectif est de sécuriser les droits peut avoir des effets non intentionnels sur les droits acquis.

Tout en laissant se dérouler le PFR, les autorités publiques et la représentation nationale ont élaboré la loi votée en décembre 1998 sur le Domaine foncier rural. Non encore effectivement mise en œuvre, ce nouvel élément du paysage institutionnel change profondément la donne de deux points de vue. D'une part, la loi rompt avec la nature domaniale de la législation antérieure, puisqu'elle vise à donner une validité juridique aux différents droits reconnus par un certificat foncier obligatoirement transformé dans le délai de trois ans en un titre de propriété individuel. D'autre part, elle introduit une différence de traitement des droits acquis antérieurement à la loi sous le rapport de leur validation juridique, selon des critères de nationalité et d'appartenance ou non aux communautés autochtones.

Dans ces deux points de vue, il y a une évolution nette vis-à-vis de l'approche pragmatique du PFR. Les migrants non ivoiriens peuvent au mieux espérer un droit à location s'ils sont reconnus comme occupants paisibles, à condition qu'ils soient reconnus comme tels par ceux qui leur ont accordé l'usage ou l'appropriation de leur terre. En outre, la loi, en dépit de son caractère national, fait néanmoins de la coutume la source essentielle du droit3 , et plus particulièrement de l'autochtonie le fondement ultime de la légitimité des droits coutumiers. Car c'est bien le certificat foncier, fondé sur la reconnaissance de l'appropriation et de l'occupation par les «propriétaires coutumiers», qui est à l'origine du droit, si bien que des migrants ivoiriens ayant acquis des droits fonciers selon les pratiques coutumières peuvent aussi se retrouver comme simples occupants si leurs «tuteurs» autochtones, qui leur ont concédé l'usage ou la propriété de la terre, ne reconnaissent pas les transactions coutumières antérieures.

Quels sont, dans les conditions actuelles, les effets prévisibles de la loi, en termes de renforcement des conditions de durabilité des cultures familiales de café et de cacao?

Les dispositions de la loi multiplient incontestablement, au cours de sa mise en œuvre, les occasions de renégociation des droits antérieurs, déjà observées lors du PFR, en dépit de son approche présentée comme pragmatique. Ces renégociations de droits, avant validation par la loi, risquent en outre de rester incontrôlables par le seul dispositif légal et de dépendre avant tout des rapports de force locaux entre les différentes communautés, avec des conséquences sur le potentiel productif lui-même. On est donc en droit de réfléchir sur les principales variables qui interviendront lors de mise en œuvre de la loi et sur les effets de redistribution des droits qui pourront en résulter même s'ils ne sont pas recherchés par la loi.

Les réponses à ces questions figurent sur deux registres complémentaires:

INCIDENCE DES DYNAMIQUES INSTITUTIONNELLES ANTÉRIEURES SUR LE CONTEXTE ACTUEL DE MISE EN œuVRE DES NOUVELLES DISPOSITIONS JURIDIQUES

Les nouvelles dispositions juridiques prennent le contre-pied des pratiques administratives qui ont prévalu depuis l'indépendance

Il est important de noter que les dispositions de la loi prennent le contre-pied des pratiques administratives qui ont prévalu jusqu'aux années 90. Ces pratiques, motivées par une politique de mise en valeur accélérée des ressources forestières en vue d'assurer le développement du pays, étaient fondées sur la consigne «la terre appartient à celui qui la met en valeur». Ces pratiques et ces consignes, en marge et même en contradiction avec la loi de nature domaniale d'alors, ont bénéficié de conditions favorables en termes de disponibilité de facteurs de production et en termes de marché international, de conditions d'encadrement et de vulgarisation.

Elles ont en particulier suscité un vaste mouvement de colonisation agricole au sein de la zone forestière que le mode de gouvernementalité de l'Etat ivoirien après l'indépendance a été en mesure de faire accepter par les groupes autochtones et par leurs représentants aux niveaux local et national. Toutefois, ce processus de valorisation de la rente forestière, analysé après coup comme un processus de dilapidation de la rente, s'est effectué à des époques différentes et selon des modalités sociales et politiques différentes dans les différentes zones (est, sud-est, centre-ouest, sud-ouest).

Les principaux éléments du mode de régulation qui a prévalu durant la success story de l'agriculture de plantation des années 60 aux années 80, puis l'effritement progressif et l'épuisement de ce mode de régulation au cours des années 90, pendant lesquelles le pays s'est trouvé confronté à la quasi-disparition de la rente forêt ainsi qu'à des crises économiques, sociale et politique qui se sont alimentées les unes les autres sont résumés ci-dessous4 .

Le mode de gouvernementalité de «l'Etat paysan» en milieu rural a assuré son ancrage local, par l'intermédiaire d'une diversité d'organisations de «courtage» entre l'Etat central, «l'Etat local»" et les différentes catégories d'exploitants (réseaux clientélistes entre le parti dominant et les chefs et notables locaux; marge d'autonomie locale des structures déconcentrées de l'Etat; rôle d'intermédiaires et de «courtiers» des cadres et politiciens locaux vis-à-vis des ressources distribuées par le dispositif étatique)5 .

Durant les années 90, ce mode de gouvernementalité est fragilisé par la raréfaction des ressources et des avantages tirés des réseaux de proximité avec les élites du pouvoir, par la compétition politique dans le cadre du multipartisme et le renforcement de la capacité de contestation des politiciens et des cadres locaux, qui sont amenés à suivre les revendications d'autochtonie de leur base électorale locale en matière de droit foncier. Dans un contexte instable, les tendances à l'ethnicisation de la compétition politique renforcent la politisation de la question foncière.

Le «compromis» politico-économique implicite entre l'Etat et ces différentes catégories d'exploitants a permis, dans un contexte financier favorable et dans un contexte de croissance économique, de contrôler les sources de conflits. En contrepartie de garanties données aux ruraux sur les prix, les débouchés, les intrants et l'amélioration de leur niveau de vie, il est attendu leur totale soumission politique et la reconnaissance du monopole de l'Etat-partie et de ses agents sur l'appropriation et la gestion de la rente agricole et forestière6 . Ce compromis général inclut des compromis particuliers: entre l'Etat-partie et les migrants non ivoiriens, qui bénéficient d'un accès protégé au foncier en contrepartie de leur appui électoral, mais aussi entre l'Etat-partie et les jeunes ruraux, qui bénéficient en principe de la scolarisation, de l'accès aux emplois urbains et d'aides à l'installation comme «exploitants modernes».

Avec la fin de l'Etat-providence, de la crise économique en milieu urbain et du retour significatif de citadins dans les villages, ce compromis est privé de ses bases matérielles. Il conduit à l'exacerbation des tensions entre notables locaux, vieux et jeunes, ruraux et citadins.

Le cadre institutionnel officiel de la politique économique et de la législation était en fait subordonné à une régulation institutionnelle informelle de type clientéliste, en contradiction quelquefois avec les dispositions légales dont l'un des moyens était la protection des migrants ivoiriens mais aussi non ivoiriens - la terre appartient à celui qui la met en valeur - (Chauveau, 2000).

Avec la fin du compromis de la période d'abondance et le renforcement du régionalisme dans les débats politiques, les pratiques administratives anciennes perdent leur légitimité, notamment les pratiques de protection des migrants au nom de la mise en valeur.

L'institution traditionnelle du «tutorat» entre autochtones et migrants, selon laquelle tout bénéficiaire d'une délégation de droits fonciers, ou même d'une «vente» de terre, contracte un devoir permanent de reconnaissance vis-à-vis de son «tuteur» autochtone, s'est de plus en plus transformée en une négociation conflictuelle permanente.

Une conséquence paradoxale de la pression administrative pour «installer» les étrangers, en particulier les Baoulé dans le centre-ouest, l'ouest et le sud-ouest, est en effet d'avoir étroitement associé, d'une part, l'institutionnalisation généralisée du tutorat traditionnel vis-à-vis des «étrangers» et, d'autre part, l'aliénation des terres par les autochtones. Ne pouvant s'opposer ouvertement à l'accueil des migrants, la seule façon pour les notables et les aînés autochtones de conserver un minimum de maîtrise foncière a été de céder la terre en préservant la fiction du tutorat traditionnel, sous peine de perdre totalement la reconnaissance de l'antériorité de leurs droits et les avantages tirés de leur statut de tuteur. Ce faisant, la pression administrative a eu un effet «boule-de-neige» sur le processus d'aliénation de terres aux «étrangers»: installer «leurs étrangers» à la périphérie des terroirs, peu précisément délimités, permettait aux autochtones de marquer leur maîtrise foncière vis-à-vis des villages voisins, entraînés aussi dans la spirale de l'aliénation foncière7 . La référence à l'institution traditionnelle du tutorat permettait en outre de tirer quelques avantages des cessions de terre sous contrainte, sous forme de prestations monétaires, en nature ou en travail, contournant ainsi l'interdiction faite aux autochtones, après l'indépendance, d'exiger une redevance des migrants8 . En outre, l'aliénation foncière s'est accélérée par la rémunération, sous forme de cessions de terre, de la main-d'œuvre migrante (principalement voltaïque) utilisée par les autochtones.

Progressivement, les obligations «morales» dues aux tuteurs sont redevenues des prestations, de plus en plus importantes et de plus en plus régulières, pour l'accès et l'occupation de la terre. Le changement de génération, chez les tuteurs comme chez les migrants9 , l'augmentation de la pression foncière et le retour au village de ressortissants citadins (Beauchemin, 1999) ont contribué encore à tendre les rapports entre autochtones et étrangers. D'un côté, le sentiment croissant, de la part des jeunes autochtones ou des citadins de retour, de se trouver dans une situation de pénurie foncière dont ils ne sont pas responsables et, d'un autre côté, la lassitude des migrants ou de leurs héritiers d'être assaillis de demandes de la part de leurs tuteurs, ont transformé la relation de tutorat en une entreprise de négociation conflictuelle permanente, dont l'issue dépend du contexte politique local et national.

Il faut souligner que, dans ce processus de renégociation conflictuelle des droits d'occupation acquis, les conflits intrafamiliaux entre jeunes et vieux, citadins et villageois, frères de mères différentes, etc., et les conflits entre autochtones et migrants s'enchaînent et se renforcent mutuellement.

Divers arrangements institutionnels locaux entre autochtones et migrants ont cependant contribué à assurer une certaine sécurisation foncière, sous le couvert du tutorat et avec l'appui implicite ou explicite des agents de l'Etat, notamment en matière de cessions foncières et de contrats agraires (dons, vente, prêts, contrats de partage du produit, contrat de location, contrats de mise en garantie et divers contrats complexes ou liés). Ces arrangements institutionnels, de type contractuel et utilisant souvent un support écrit, étaient conclus en marge de la loi et même en contradiction avec la loi, puisque les droits coutumiers n'étaient tolérés qu'à titre personnel et n'étaient pas transmissibles10 .

La sécurisation de ces arrangements en matière de cessions de droits a évidemment subi le contrecoup de la déstabilisation de l'ensemble des autres éléments du dispositif de régulation antérieur et du changement des règles du jeu annoncé par la loi en matière de reconnaissance des droits d'appropriation foncière.

Les interventions de l'Etat dans le domaine foncier ont, même involontairement, contribué encore à introduire une incertitude sur les droits et à exacerber la dimension politique inhérente à la question foncière. Les opérations d'aménagement des «blocs culturaux» et d'installation de jeunes agriculteurs modernes, par exemple, n'ont pas toujours été suffisamment suivis pour assurer la clarification des droits. Récemment, l'opération pilote du PFR, loin de constituer une simple expérimentation en grandeur réelle d'une procédure pragmatique d'enregistrement de tous les droits existants, a conduit, en l'absence d'indications claires sur les effets que pouvaient en attendre les différentes catégories d'exploitants, à augmenter l'incertitude sur les droits acquis, à favoriser des stratégies d'anticipation, mais aussi à exacerber les enjeux de pouvoir au sein même des arènes politiques villageoises (Bosc et al., 1996; Chauveau et al., 1998).

Quant à la nouvelle loi de décembre 1998 sur le domaine foncier rural, non encore effectivement mise en œuvre, elle a provoqué, dès avant son application, des effets d'annonce, et suscité des stratégies d'anticipation de la part des autochtones qui ne sont pas étrangères aux conflits fonciers violents qui éclatent régulièrement mais qui restent néanmoins localisés (Chauveau, 2000).

La reconversion des systèmes de production s'est accompagnée d'une recomposition de la stratification sociale des planteurs, au détriment des exploitants autochtones, en particulier les plus jeunes, et au profit des migrants, en particulier non ivoiriens. En dépit des contraintes, la dynamique de l'agriculture de plantation et de sa dimension migratoire s'est en effet poursuivie en s'adaptant partiellement à ces conditions nouvelles, au prix d'une reconversion des systèmes de production de type pionnier vers des formes plus intensives, mais aussi moins avantageuses pour les exploitants, tandis que l'arrivée en production des plantations ouvertes massivement dans le sud-ouest jusqu'au début des années 90 propulsait le pays au premier rang de la production mondiale. Les exploitants qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu dans ces conditions difficiles sont ceux qui bénéficiaient de la force de travail la plus abondante et la moins coûteuse, et dont les plantations, plus jeunes, étaient les plus productives. Parmi eux, on trouve de nombreux migrants, notamment burkinabè. Ce sont eux qui ont en été le mieux en mesure de faire face à ce contexte de crise, grâce à leur capacité à mobiliser à faible coût une main d'œuvre familiale nombreuse et peu scolarisée, et à la plus grande diversification de leurs activités (production de cultures pérennes et de cultures vivrières commercialisées, activités d'achat et de transport de produits pour les sociétés privées, crédit, commerces et services divers, et investissement dans l'habitat dans les petites villes)11 .

Tous ces éléments ont concouru à la politisation de la question foncière, sous le double effet de la «retraditionnalisation» des arguments autour des droits d'appropriation foncière, et à l'ethnicisation de la compétition politique dans l'arène politique nationale. Ce sont les exploitants non ivoiriens, et particulièrement les Burkinabè, qui sont apparus comme les plus fragilisés, dans la mesure où la protection administrative dont ils jouissaient auparavant leur était retirée de manière particulièrement manifeste, et dans la mesure où ils occupent effectivement des positions stratégiques enviables dans les filières d'agriculture d'exportation, non seulement comme producteurs, mais aussi comme fournisseurs de crédit, pisteurs, acheteurs et transporteurs. Ils approvisionnent également en main-d'œuvre les planteurs autochtones et les migrants ivoiriens mais, contrairement à la situation qui prévalait au moment du boom cacaoyer, selon des contrats de travail ou de métayage dont ils contrôlent les termes à leur avantage (Chauveau, 2000; Zongo, 2001). Dans l'ensemble, toutefois, le retour en force de la «coutume» dans l'arène foncière locale et dans l'arène politique nationale a concerné l'ensemble des migrants, quelle que soit leur nationalité.

Compte tenu des enjeux sociopolitiques et économiques légués par l'histoire foncière ivoirienne et de la dynamique passée des institutions agraires dans le pays, il est vraisemblable que le changement dans les «règles du jeu» induit par la mise en œuvre de la nouvelle législation suscitera un transfert notable de droits entre les principales catégories sociales d'exploitants, au détriment en particulier des migrants, et plus spécialement des migrants non ivoiriens.

TABLEAU 1

Données démographiques et socioéconomiques sur les principales zones de production de café et de cacao en Côte d'Ivoire

Régions par type de milieu (a)

Pop. Totale (b)

Densité totale (b)

Taux urbanisation (b)

Taux accroissement pop. totale
(b)

Ethnies des Ivoiriens résidents (personnes)
(% des ethnies autochtones à la région)

Non-Ivoiriens (%)
(b)

Production et part nationale (c)

         

Akan

Krou

Mandé Nord

Mandé Sud

Voltaïques

Naturalisés

 

café

cacao

Forêt - Région administrative des lagunes

Départt. d'Abidjan

3 125 890

1 464,5

95,8

3,7

1 014 941

367 928

445 262

161 257

205 714

21 064

29

18 000

29 100

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

8,1%

3,4%

Autres départts

607 523

de 87,3

de 6,7

de 2,1

325 618

20 697

24 488

12 854

20 130

2 503

de 26

4 400

32 500

 

 

à 37,7

à 33,3

à 4,7 selon départt

53,60%

3,41%

4,03%

2,12%

3,31%

0,41%

à 43,5

2%

3,7%

Forêt - Régions administratives de l'Est

Moyen Comoé

394 758

57,5

31,9

2,6

163 790

4 998

15 761

2 001

32 815

2 351

43,4

10 100

68 800

 

 

 

 

 

41,49%

1,26%

3,99%

0,51%

8,31%

0,60%

 

4,6%

8%

Sud-Comoé

459 487

67

32,6

3,2

182 677

11 899

27 257

5 469

21 295

2 908

45

23 500

21 500

 

 

 

 

 

39,76%

2,59%

5,93%

1,19%

4,63%

0,63%

 

10,6%

2,5%

Agneby

525 211

57,3

35,5

1,6

337 295

8 610

23 786

4 467

19 580

2 080

24,5

13 900

39 000

 

 

 

 

 

64,22%

1,64%

4,53%

0,85%

3,73%

0,40%

 

6,3%

4,5%

Forêt - Régions administratives de la zone du Centre-Ouest

Sud- Bandama

682 021

62,9

22,0

2,9

179 191

149 767

51 867

11 876

37 189

2 297

36,5

12 400

114 600

 

 

 

 

 

26,27%

21,96%

7,60%

1,74%

5,45%

0,34%

 

5,6%

13,2%

Fromager

542 992

78,8

31,2

2,5

126 437

119 261

52 817

44 805

33 415

3 166

29,6

5 700

86 200

 

 

 

 

 

23,29%

21,96%

9,73

8,25%

6,15%

0,58%

 

2.6%

9,9%

Haut-Sassandra

1 071 977

71,6

25,5

3,8

238 062

188 571

124 799

72 748

65 264

5 060

34,9

42 300

165 700

 

 

 

 

 

22,21%

17,59%

11,64%

6,79%

6,09%

0,47%

 

19,1%

19,1%

Marahoué

554 807

63,8

28,7

3,1

147 802

9 252

44 173

179 374

36 301

9 845

22,4

17 600

49 900

 

 

 

 

 

26,64%

1,67%

7,96%

32,33%

6,54%

1,77

 

7,9%

5,7%

Forêt - Régions administratives de la zone du Sud-Ouest

Bas-Sassandra

1 395 251

53,3

19,3

7,5

436 905

164 542

75 564

41 511

74 478

6 324

42,9

12 100

131 600

 

 

 

 

 

31,31%

11,79%

5,42%

2,98%

5,34%

0,45%

 

5,5%

15,2%

Moyen Cavally

508 733

36,1

22,2

6,0

84 216

143 469

33 167

36 315

24 357

3 348

36,0

11 200

41 300

 

 

 

 

 

16,55%

28,20%

6,52%

7,14%

4,79%

0,66%

 

5%

4,8%

Côte d'Ivoire

15 366 672

47,8

42,5

3,3

4 782 586

1 447 064

1 872 699

1 142 127

2 001 637

88 373

26

221 500

868 000

 

 

 

 

 

31,12%

9,42%

12,19%

7,43%

13,03%

0,58%

 

100%

100%

(a) Régions reconnues en 1999.

(b) Source: Institut national de la statistique. 1998. Premiers résultats définitifs du RGPH-98. Ces premiers résultats ne distinguent pas la population rurale dans la répartition par ethnie et nationalité.

(c) Source: Ministère de l'agriculture et des ressources animales, 1989. Depuis la réforme de la Caisse de stabilisation en 1991, on ne dispose pas de statistiques récentes sur la répartition régionale de la production de café et de cacao, auparavant établies à partir des «lettres de voitures» délivrées aux transporteurs de produits.

Les scénarios possibles des «effets redistributifs» induits de la mise en œuvre de la loi en fonction du contexte sociopolitique qui prévaut selon les régions de production

Les différents scénarios possibles de renégociation des droits, en particulier lors de la procédure d'établissement des certificats fonciers, combinent les principaux paramètres suivants:

Toutefois, l'appréciation de la nature et de l'ampleur de cette renégociation est rendue particulièrement délicate dans la mesure où elle met en jeu des éléments subjectifs, et est en outre très influencés par le climat sociopolitique général. Il s'agit de:

On peut identifier plusieurs scénarios typiques, allant du scénario idéal, où les droits d'occupation existants seraient sécurisés par la certification des droits d'appropriation selon les dispositions prévues par la loi (avec droits de bail emphytéotique reconnus aux non-Ivoiriens), au «scénario conflictuel généralisé non contrôlé par l'administration», où les rapports de force locaux joueraient à plein et seraient renforcés par la politisation extrême de la question foncière (Chauveau, 2001).

L'appréciation de la probabilité de ces scénarios conduit à quatre conclusions principales en matière d'effets prévisibles de la loi sur la distribution des différents types de droits fonciers entre les principaux groupes d'exploitants ruraux impliqués par l'agriculture de plantation12 :

RÉSULTATS PRÉVISIBLES DE LA MISE EN œuVRE DE LA LÉGISLATION AU REGARD DE LA DURABILITÉ DES CULTURES PÉRENNES DE CAFÉ ET DE CACAO

L'offre d'innovation institutionnelle par la nouvelle loi va théoriquement dans le sens d'un renforcement de la durabilité

Les dispositions de la loi sont théoriquement en cohérence avec les principales conditions de renforcement de la durabilité des cultures pérennes de café et de cacao en Côte d'Ivoire.

Cependant, la littérature sur des études de cas empiriques en Afrique montre aussi que le lien de causalité entre l'offre institutionnelle de privatisation foncière et la réalisation de cette série d'effets escomptés est très loin d'être automatique. Les systèmes fonciers locaux ne sont pas, sauf exception, le principal obstacle à l'intensification, le titre ne suffit pas à garantir l'accès au crédit, et les systèmes cadastraux non actualisés aggravent le flou sur les droits (Shipton, 1988; Bruce et Migot-Adholla, 1994; Platteau, 1996, Lavigne Delville, 1998).

De plus, en supposant démontrée que la privatisation des terres est prioritaire, il n'est pas certain que les acteurs locaux mettent volontairement à profit les opportunités que leur offre la privatisation. Au mieux, la législation privatiste pourrait encourager la demande de sécurisation des limites des parcelles appropriées par les exploitants et la prise en compte par les agents de l'Etat des pratiques locales d'appropriation (Firmin-Sellers et Sellers, 2000, dans le cas du Cameroun), ce qui serait un résultat paradoxal, avec le risque d'une désactualisation progressive de la certification et de l'informalisation des transactions nouvelles13 .

TABLEAU 2

Evaluation des principaux paramètres et des effets tendanciels de la mise en œuvre de la loi par grandes régions productrices de café et de cacao

Régions et groupes d'origine des planteurs

Force du tutorat

Force des droits d'occupation acquis antérieurement à la loi

Niveau de confiance et de sociabilité entre tuteurs et occupants

Qualité des rapports intercommunautaires entre autochtones et migrants

Tolérance vis-à-vis des modalités d'application de la loi

Capacité administrative de faire prévaloir l'équité

Principaux effets et scénarios probables

Sud-Est

autochtones

fortement reconnue

variablement reconnue

Relativement stabilisé à faible

 

forte

forte

Prévalence des autorités foncières locales mais effets redistributifs limités. Scénario probable intermédiaire entre le «scénario idéal» et le «scénario conflictuel,non entière- ment contrôlé par l'administration»

migrants ivoiriens

fortement reconnue

revendiquée

Ancien et relativement stabilisé

Relativement paisible à variable

forte

forte

migrants non ivoiriens

fortement reconnue

revendiquée

faible

 

faible

faible

Centre- Ouest

autochtones

fortement revendiqués

fortement contestée

faible à très faible

--

forte

forte

Pression de l'opinion locale et effets redistributifs variables à forts à l'égard des migrants, surtout non ivoiriens. Scénario probable intermédiaire entre le «scénario conflictuel, non entièrement contrôlé par l'administration» et le «scénario conflictuel généralisé non contrôlé par l'administration»

migrants ivoiriens

contestée

fortement revendiquée

faible

variable ou confluctuelle

forte

forte

migrants non ivoiriens

reconnue

revendiquée

très faible

conflictuelle

faible

très faible

Sud- Ouest

autochtones

fortement revendiquée

fortement contestée

très faible

--

forte

forte

Pression de l'opinion locale et effets redistributifs forts à l'égard des migrants, surtout non ivoiriens. Scénario probable correspondant au «scénario conflictuel généralisé non contrôlé par l'administration»

migrants ivoiriens

contestée

fortement revemdoqiée

très faible

variable ou conflictuelle

forte

variable

migrants non ivoiriens

reconnue et contestée

revendiquée

très faible

très conflictuelle

faible

très faible

La prévision théorique ne tient pas compte des incidences de la différenciation sociopolitique des exploitants ni des effets de transfert de droits entre catégories d'exploitants

Le transfert de droits entre les différentes catégories d'exploitants, qui interviendra avec la mise en œuvre de la loi, aura certainement des conséquences sur le système d'incitations qui influence les conditions de durabilité des cultures pérennes. L'appréciation de la probabilité des différents scénarios a conduit à quelques conclusions, dont on peut évaluer maintenant les conséquences possibles sur les conditions de reproduction durable des exploitations, en tenant compte des différenciations régionales au sein de la zone de production de café et de cacao.

L'affaiblissement prévisible des droits antérieurement acquis selon les pratiques coutumières par les non-autochtones (ivoiriens et non ivoiriens) et le caractère particulièrement aléatoire de la sécurisation par conversion en droits de location des droits acquis antérieurement par les non-Ivoiriens concernent une proportion très importante de planteurs et peuvent avoir un impact négatif notable.

Les migrants de nationalité ivoirienne, qui peuvent potentiellement accéder à la certification et à la propriété de leurs parcelles, sans pour autant en avoir la garantie, représentent de 11 à 45 pour cent de la population, selon les régions administratives (ordre de grandeur très approximatif déduit des premières données définitives du recensement de 1998). Les planteurs non ivoiriens, qui ne peuvent espérer au mieux qu'un droit à location, représentent, quant à eux, un ordre de grandeur approximatif de 22 à 43 pour cent de la population, selon les régions administratives (ibid., note 12).

Ce risque d'affaiblissement de la sécurisation foncière pour une partie importante des exploitants actuels concerne en outre plus particulièrement les régions les plus productrices du pays, notamment le sud-ouest, dont le verger, plus jeune, est encore en phase de montée de production. C'est dans cette région que le taux de planteurs migrants ivoiriens et étrangers est le plus fort, et c'est dans cette région aussi que les scénarios de renégociation des droits seront selon toute vraisemblance les plus conflictuels.

Pour les exploitants migrants ivoiriens et étrangers actuels, qui se considèrent propriétaires de leurs plantations, voire dans certains cas de la terre, ce risque constitue indubitablement une incitation négative. Il est toutefois difficile d'en mesurer l'impact réel sur la production car:

Le risque de renforcement des inégalités de maîtrise foncière au sein des populations autochtones ne semble pas devoir susciter des conséquences notables sur la capacité de production et sa durabilité (Chauveau, à paraître). Par exemple, l'accès individuel à la propriété des exploitants les plus jeunes, actuellement difficile dans les régions occidentales, sera probablement facilité dans ces régions (au prix de tensions intrafamiliales), si toutefois l'accaparement des terres par les gros cédeurs de terres au détriment des occupants non autochtones est évité. Cela constituera un facteur d'incitation qui pourra compenser le moindre accès des plus jeunes dans le sud-est, où les maîtrises foncières des aînés seront probablement renforcées par la mise en œuvre de la loi. Par ailleurs, la mise en œuvre de la loi pourrait permettre la reconnaissance progressive de comportements considérés jusqu'alors marginaux selon les régions: la mise en œuvre de la loi pourrait faciliter l'accès des femmes à la propriété dans les régions occidentales (cet accès est plus répandu à l'est), et faciliter l'accès à la propriété par héritage des enfants des exploitants dans le sud-est akan (accès souvent contesté par les neveux maternels). Toutefois, même si ces effets redistributifs jouent, à la marge, dans le sens de l'équité dans l'accès aux plantations, femmes et jeunes exploitants autochtones ne sont pas assurés pour autant de bénéficier d'un meilleur accès aux autres facteurs de production pour valoriser leur maîtrise foncière améliorée. En outre, il ne semble pas que l'âge et l'instruction soient des variables vraiment discriminantes dans le choix de pratiques innovantes (Hanak Freud et al., 1996 et 2000).

Il est clair que les variations dans le statut foncier des exploitants auront des conséquences induites sur la conduite des systèmes d'exploitation et de production. Les transferts de droits d'appropriation des plantations se feront globalement au profit des planteurs autochtones, dont la grande majorité a moins de facilités pour contrôler ou accéder au capital, à la main-d'œuvre et aux intrants. Symétriquement, ces transferts se feront au détriment des planteurs ivoiriens migrants et surtout non ivoiriens, dont le contrôle et l'accès à ces facteurs de production sont actuellement meilleurs.

CONCLUSION

Compte tenu des enjeux sociopolitiques et économiques légués par l'histoire foncière ivoirienne et de la dynamique passée des institutions agraires dans le pays, il est vraisemblable que la mise en œuvre de la loi, dans les contextes sociopolitiques qui prévalent dans les différentes régions d'agriculture de plantation, suscitera un transfert notable de droits entre les principales catégories sociales d'exploitants, au détriment en particulier des migrants, et plus spécialement des migrants non ivoiriens.

Les effets directs prévisibles de ce transfert au détriment des planteurs migrants, en particulier non ivoiriens, peuvent affecter, au moins à court et moyen termes, la durabilité des cultures pérennes. En outre, ces effets peuvent être renforcés par des effets indirects également négatifs sur les autres paramètres des systèmes d'exploitation, de production et de valorisation. Ces effets pourraient être analogues à ceux qu'a connus le Ghana voisin, dans un contexte institutionnel et suite à des mesures législatives certes différents, après la mise en œuvre fin 1969 du Compliance Order on Aliens (Adomako-Sarfoh, 1974). Il est par conséquent particulièrement heureux que les responsables tablent dans la mise en œuvre de la nouvelle loi sur une approche pragmatique et se déclarent sensibles à la question de l'équité, au regard des «occupants de bonne foi» ayant acquis des droits d'appropriation antérieurement à la loi.

Il est en outre difficile d'apprécier si ces effets d'incitation négatifs sur le niveau et la qualité de la production nationale de café et de cacao seront compensés par les avantages que la nouvelle législation propriétariste mettra théoriquement à la disposition des nouveaux propriétaires ivoiriens reconnus, comme le prévoit la théorie économique des droits de propriété. Les expériences antérieures en Afrique ou ailleurs plaident tout au plus pour une attitude prudente.

Cela rend nécessaire l'étroite association de la mise en œuvre de la loi à des mesures d'accompagnement sur les autres aspects stratégiques du développement durable des petites et moyennes exploitations paysannes (crédits, accès aux intrants, écoulement des produits, etc.). Ces mesures devraient concerner les nouveaux petits et moyens propriétaires ivoiriens que reconnaîtra la loi et qui, jusqu'alors, n'étaient guère en mesure de valoriser de manière durable leurs droits coutumiers; mais elles devraient également concerner les «occupants de bonne foi» non ivoiriens, dont les droits de location devraient être sécurisés pour éviter toute rupture brutale dans la dynamique de l'agriculture de plantation ivoirienne.

En tout état de cause, la mise en perspective historique et sociologique sur la mise en œuvre de la législation, au regard de ses effets intentionnels et non intentionnels sur la durabilité des cultures pérennes, autorise à prédire deux enjeux majeurs auxquels sont confrontées les interventions gouvernementales dans le domaine foncier en Afrique (voir notamment Mair, 1969): celui de la croyance toujours vivace des populations selon laquelle l'objectif du gouvernement, à travers la mise en œuvre de la législation, est de s'emparer des terres (ce qui serait conforté par la mise en œuvre maximaliste des dispositions de la loi) et la croyance des populations, et peut-être aussi du gouvernement, que le retour aux autochtones des terres aliénées auprès des étrangers résoudra tous les problèmes techniques.

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1 Sur les facteurs de la dynamique de l'agriculture de plantation villageoise ivoirienne et sa dimension sociale et politique, voir: Deniel, 1974; Benoit-Cattin, 1976; Léna, 1979; Fauré et Médard, éds., 1982; Lesourd, 1982; Chauveau et Dozon, 1985 et 1987; Chappell, 1989; Ruf, 1987 et 1988; Crook, 1988, 1989 et 1990; Schwartz, 1993; Léonard et Ibo, 1994; Affou Yapi, 1995; Chauveau et Léonard, 1996; Léonard et Oswald, 1996; Campbell, 1997; Balac, 1998; Losch, 1999 et 2000; Chauveau, 2000).

3 Sauf dans les cas d'immatriculation et de concession antérieures, qui ne représentent qu'une infime partie des exploitations (de 2 à 4 pour cent selon les estimations) au regard des 500 000 à 600 000 planteurs bénéficiant de droits coutumiers. Pour une analyse plus complète de la loi, voir Chauveau 2001.

4 Pour une analyse plus complète, voir Chauveau 2000.

5 Sur le modèle sociologique de «l'Etat paysan», voir Spittler 1983 et Debusman 1997. Pour son application au cas ivoirien, voir Chauveau 2000. Sur les fonctions de médiateurs des cadres et associations de ressortissants en Côte d'Ivoire, voir Chassard et al., 1972; Vidal,1991; Woods,1994.

6 Voir Léonard et Ibo,1994 et tout particulièrement Losch, 1999 et 2000.

7 Le même phénomène de «marquage» de la maîtrise foncière par l'établissement d'étrangers s'est produit entre lignages autochtones, voire au sein même des lignages.

8 Ces redevances tendaient à s'institutionnaliser dans les années 50 (Raulin, 1957).

9 Selon les représentations autochtones locales, le successeur d'un tuteur décédé «hérite» des «étrangers» que son prédécesseur a installés.

10 Koné, Basserie et Chauveau, 1998; Koné et Chauveau, 1998; Koné, 2001; Zongo 2001.

11 Voir Ruf 1988 et1995; Chauveau et Léonard, 1996; Léonard et Oswald, 1996.

12 Chauveau, 2001 et la version détaillée antérieure de la présente communication (à paraître).

13 La comparaison avec la réforme foncière de 1992 au Mexique des terres communautaires des ejidos, d'inspiration privatiste, mais n'obligeant pas les éjidataires à convertir leurs certificats fonciers en titre de propriété, serait certainement instructive, tant en ce qui concerne les facteurs de réussite du programme de certification qu'en ce qui concerne les limites de l'offre institutionnelle au regard des effets attendus (très faible demande volontaire de privatisation, risque important de désactualisation progressive de la certification et d'informalisation des transactions nouvelles) (Bouquet et Colin, 2001).

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