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MESURES D'EXPLOITATION


Ce chapitre traite des mesures d'efficacité énergétique qui peuvent être prises sans investir dans un équipement neuf important. Il est bon de noter que cela ne signifie pas que ces mesures soient gratuites - dans chacun des cas, on doit payer une sorte de pénalité pour l'économie d'énergie, soit en terme de coût plus élevé d'utilisation, soit par des séjours en mer plus longs. Le point crucial est de savoir si la pénalité est compensée par les économies de carburant. Il est malheureusement impossible de donner des règles générales sur les mesures d'économie d'énergie - celles-ci varient d'un bateau à l'autre et selon les pêcheries. C'est du ressort des armateurs/capitaines de juger si ces mesures sont applicables dans leur situation particulière.

Conduite du moteur

Ralentissement

La vitesse est le plus important facteur influençant la consommation de carburant. Son effet est si important que, même s'ils sont bien connus de nombreux patrons de bateaux, les principes de base valent la peine d'être redits une fois de plus. Quand un bateau est propulsé dans l'eau par l'hélice, une certaine quantité d'énergie est utilisée pour créer des vagues le long et à l'arrière du bateau. L'effort dépensé en créant ces vagues est connu comme la résistance de vague. Quand la vitesse du bateau augmente, l'effort utilisé à la création des vagues croît rapidement de manière disproportionnée par rapport à l'augmentation de la vitesse. Pour doubler la vitesse du bateau, on doit brûler plus du double de carburant. Aux vitesses plus élevées du bateau, non seulement on dépense plus de carburant pour vaincre la résistance de vague, mais le moteur lui-même peut ne plus fonctionner à son régime le plus efficace, et ce plus particulièrement si le moteur approche sa vitesse de rotation maximale. Ces deux effets se combinent pour donner un taux de consommation de carburant relativement faible à grande vitesse et, inversement, des économies sensibles de carburant en réduisant la vitesse.

Le choix de la vitesse d'utilisation (particulièrement en route libre) est généralement du ressort direct du capitaine. Les économies de carburant, qui peuvent être réalisées en ralentissant, ne requièrent aucun coût direct additionnel. La vitesse du bateau pendant la pêche peut dépendre d'autres paramètres tels que vitesse optimale de chalutage, et ne peut pas être modifiée très librement.

Economiser le carburant en réduisant la vitesse requiert deux conditions:

Combien peut-on donc économiser en ralentissant? Les économies réelles faites en ralentissant sont presque impossibles à prévoir du fait qu'elles dépendent de plusieurs facteurs. Quand la vitesse d'un moteur est plus faible que sa vitesse de rotation maximale:

Figure 2: Courbe caractéristique de consommation de carburant d'un moteur diesel classique

Source: d'après Gilbert, 1983.

Rendement du moteur

Moteurs diesels. La quantité de carburant consommée par un moteur diesel pour produire chaque CH change lé gère ment en fonction de la vitesse du moteur. Un moteur diesel classique (qui n'a pas de turbocompresseur) tend à utiliser plus de carburant par CH à faible vitesse comme le montre la figure 2. A faible vitesse de rotation, le moteur peut en fait travailler moins efficacement.

Un turbodiesel équipé d'un petit compresseur pour forcer l'air à entrer dans le moteur a des caractéristiques légèrement différentes. Ce type de moteur peut travailler plus efficacement à des vitesses légèrement plus faibles mais le rendement peut chuter rapidement quand on diminue encore la vitesse. Le graphique de la figure 3 montre que le moteur travaille plus efficacement aux environs de 80 pour cent de sa vitesse maximale. Il faut noter que dans ces deux graphiques le taux de variation du rendement est très faible - de l'ordre de quelques pour cent pour une réduction de la vitesse de rotation du moteur de 20 pour cent.

Les caractéristiques de la courbe de consommation de carburant varient d'un moteur à l'autre, surtout sur les petits moteurs, mais ce sont des approximations:

  • Un petit moteur diesel devrait être utilisé à environ 80 pour cent de sa vitesse maximale.

Figure 3: Courbe caractéristique de consommation de carburant d'un turbodiesel

Source: d'après Gilbert, 1983

Température. Les moteurs diesels sont très sensibles aux variations de la température du carburant. Pendant un long voyage, le carburant dans le réservoir d'un chalutier se réchauffe lentement du fait de la température du retour de carburant. Il en résulte une légère perte de puissance d'environ 1 pour cent par 6 °C au-dessus de 65 °C. Cet effet est plus sensible sur les bateaux opérant dans les eaux tropicales.

Moteurs hors-bord. Un moteur hors-bord à deux-temps classique à essence peut présenter des caractéristiques inattendues de consommation de carburant. La consommation de carburant pour chaque CH produit augmente rapidement quand on réduit la charge (Aegisson et Endal, 1992). Cela est dû à une rupture dans l'arrivée du mélange carburant et aux gaz d'échappement dans le moteur, produisant ainsi une combustion nettement moins efficace. Il est important de noter que, comme un diesel classique, un moteur hors-bord consommera moins de carburant par heure à vitesse réduite mais le fera inefficacement - la puissance produite est proportionnellement moindre que les économies de carburant. Il est toujours avantageux d'utiliser le moteur à vitesse réduite, mais moins que l'on pourrait espérer.

Les moteurs hors-bord au kérosène sont encore moins aptes aux économies de carburant par réduction de vitesse moteur. Quand on réduit l'ouverture du gicleur, le moteur aspire proportionnellement plus d'essence que de kérosène dont le coût diminuera par la suite les économies dues à la réduction de la consommation de carburant par heure. Bien que l'on puisse économiser du carburant en utilisant des moteurs hors-bord à deux-temps en réduisant l'ouverture du gicleur, on doit noter que:

  • Pour économiser l'énergie, il est plus efficace de réduire la vitesse en utilisant des moteurs hors-bord moins puissants que de réduire l'ouverture des gicleurs sur des moteurs plus puissants.

Cela, cependant, réduit la réserve de puissance du moteur qui se révèlerait nécessaire pour des raisons de sécurité (par exemple, pour éviter un coup de temps) ou quand un meilleur prix au marché compense une augmentation de la consommation de carburant due à une arrivée plus précoce au débarquement.

Résistance de la coque. Comme il est dit plus haut, la résistance de la coque dans l'eau croît rapidement quand la vitesse augmente, due surtout au développement rapide de la résistance de vague. La variation de la résistance de la coque est beaucoup plus importante que la variation de rendement du moteur. La figure 4 montre comment la demande typique de puissance d'un petit bateau de pêche varie avec la vitesse. Aux vitesses plus élevées, on note que:

Figure 4: Courbe puissance/vitesse

Source: Centre suédois de développement international/FAO, 1986b.

La forme exacte du diagramme puissance/vitesse variera d'un bateau à l'autre, mais la figure 4 présente une approximation raisonnable pour une forme courante de bateau avec un moteur diesel fixe. Un bateau avec un moteur hors-bord aura besoin de 50 pour cent de puissance supplémentaire, surtout du fait du mauvais rendement des hélices du hors-bord. Il est important de réaliser que la consommation aussi bien d'un diesel que d'un moteur hors-bord à essence est approximativement proportionnelle à la puissance nominale produite et qu'une forte demande de puissance conduit directement à une forte consommation de carburant.

Effets combinés. Quand on considère les effets complexes de la réduction de vitesse sur la consommation de carburant d'un bateau de pêche, il est très important de se souvenir que la variation de consommation d'un moteur par heure n'est pas d'un grand intérêt. Presque toutes les opérations de pêche demandent au bateau de se déplacer d'un port ou d'un lieu de débarquement à un site de pêche déterminé. Par conséquent, le facteur important est la quantité de carburant utilisée pour parcourir une distance déterminée ou la consommation par mille nautique (mn). La consommation de carburant par mille nautique montre non seulement comment la performance du moteur varie avec la vitesse, mais également les interactions entre coque et hélice, qui ne sont pas mises en évidence dans les chiffres de consommation de carburant par heure.

Pour de faibles variations de vitesse, une approximation de la consommation par mn peut être établie en utilisant l'équation suivante:

Par exemple, un bateau naviguant à 9 nœuds 19 litres de carburant par heure. Sa consommation au mille nautique est donc:

Tableau 1

Consommation de carburant d'un chalutier de 10 m (en route libre)

Vitesse (nd)

Réduction de vitesse

Réduction de la consommation de carburant (litres/mn)

7,8


0%

7,02

10%

28%

6,24

20%

51%


Source: Aegisson et Endal, 1992.

Figure 5: Courbes comparatives de consommation de carburant pour une pirogue de 13 m

Source: FAO, 1985d

Figure 6: Courbe de consommation pour un senneur de 13,1 m

Source: Aegisson et Endal, 1992.

Consommation antérieure = = 2,11 litres par mille nautique

Si on réduit la vitesse à 8,5 nœuds, on peut évaluer la nouvelle consommation par l'équation ci-après:

Nouvelle consommation de carburant = 2,11 × = 1,88 litre par mille nautique

Cela veut dire qu'une réduction de 6 pour cent de la vitesse (de 9 à 8,5 nœuds) apporte une économie de carburant d'environ 11 pour cent. La méthode ci-dessus n'est valable que pour une estimation rapide car elle peut cacher plusieurs interactions de la coque et de l'hélice qui affectent la consommation de carburant. Celles-ci sont mieux mises à jour en faisant de simples essais chiffrés sur le bateau de pêche en question (voir Annexe 3 Un guide pour une vitesse optimale). Des essais de réduction de vitesse sur des chalutiers en route libre (Aegisson et Endal, 1992; Hollin et Windh, 1984) montrent que les économies de carburant peuvent être considérablement plus importantes que celles obtenues par l'équation ci-dessus.

Les figures 5 et 6 montrent les courbes typiques de consommation de carburant d'après des essais. La figure 5 illustre également la très grande différence dans les économies de carburant entre moteur hors-bord à essence et moteur diesel fixe (cela est développé dans la section Moteurs). Les données pour le moteur hors-bord indiquent qu'une réduction de vitesse de 1 nœud de 9 à 8 nœuds (11 pour cent) apporte une économie de carburant d'environ 25 pour cent.

La valeur exacte des économies de carburant est étroitement liée à la vitesse originale du bateau. La vitesse maximale de déplacement de la coque (mesurée en nœuds) est environ 2,43 × à la flottaison (en m), vitesse au delà de laquelle il commence à sur fer et à planer sur l'eau au lieu d'y tracer son sillage. Plus la vitesse du bateau est proche de son maximum et plus le gain obtenu en ralentissant est important.

Tableau 2

Vitesses maximales recommandées

Longueur à la flottaison (m)

Bateaux longs et effilés

Vitesse maximale (nd)

Bateaux trapus

8

6,7

5,6

9

7,1

5,9

10

7,5

6,3

11

7,8

6,6

12

8,2

6,9

13

8,5

7,1

14

8,8

7,4

15

9,1

7,7

16

9,4

7,9


Vers une vitesse optimale. Economiser le carburant en réduisant la vitesse est une très bonne chose mais, comme indiqué dans l'introduction à ce chapitre, rien n'est gagné sans une pénalité. Dans ce cas, la contrepartie pour l'opérateur est le temps passé, et il est difficile de décider si cela vaut la peine de ralentir. Une vitesse réduite peut conduire à un temps de pêche plus court, moins de temps libre entre deux marées ou même des prix de vente de la pêche plus faibles dus à un retour tardif.

En considérant seulement la résistance du bateau dans l'eau, on peut recommander les vitesses maximales comme suit:

  • Pour des bateaux longs et effilés comme les pi rogues la vitesse (en nœuds) devrait être inférieure à 2,36 × .

  • Pour des bateaux trapus comme les chalutiers, la vitesse maximale devrait être inférieure à 1,98 × , où L est la longueur en mètres à la flottaison.

Ces indications donnent les vitesses de croisière maximales recommandées au tableau 2, p. 8.

Le tableau 2 peut servir de première estimation dans le choix d'une vitesse raisonnable, mais celle-ci n'est pas nécessairement une vitesse optimale. L'estimation d'une vitesse optimale demande de la part de l'utilisateur du bateau d'établir un équilibre entre le fait de ralentir et les coûts résultant d'une sortie de pêche plus longue ou d'un temps de pêche plus court. En clair, si un retour tardif au point de débarquement signifie que le marché est fermé et que la pêche est invendable, il vaut mieux faire le plus vite possible pour s'assurer du marché. Par contre, si le marché est ouvert en permanence et si les prix ne varient pas, cela vaut la peine d'économiser le carburant et de rentrer à vitesse réduite. La question est: combien plus lentement?

  • La vitesse optimale dans une situation particulière serait celle où le carburant économisé en rentrant plus lentement compense exactement la «perte» due à l'arrivée plus tardive.

Une part importante de la décision est déterminée par une évaluation du temps du capitaine. Une telle évaluation sera, au mieux, un jugement subjectif dépendant de priorités personnelles. Combien un capitaine gagnera-t-il en arrivant une heure plus tôt ou combien perdra-t-il en arrivant une heure plus tard? Ces gains ou pertes ne sont pas toujours quantifiables. Par exemple, l'équipage pourrait vouloir passer du temps en famille entre deux marées. Cela n'a pas de valeur précise et ne peut pas être clairement défi ni comme un coût, bien que pouvant entraîner une perte imputable à un retour tardif.

Tableau résumé 1

Ralentissement

Avantages

Inconvénients

> Pas d'augmentation des coûts directs

× Demande une réduction de la vitesse

> Les économies de carburant peuvent avoir des intérêts

× L'équipage et le propriétaire peuvent être très importantes divergents

> Très facile à mettre en pratique

× Moins aisé

× Si on réduit la vitesse en installant un moteur plus faible, la marge de sécurité peut être réduite


Il est important de reconnaître que les gens impliqués dans la gestion et la conduite d'un bateau de pêche n'ont pas forcément la même conception du temps. La décision est plus facile à prendre si le capitaine est également l'armateur. Toutefois, un conflit d'intérêts peut surgir, quand le propriétaire n'est pas à bord, ce qui n'incite pas à faire des économies de carburant.

Par exemple, le capitaine (qui prend la décision à bord de ralentir ou non) peut être fatigué et vouloir rentrer à la maison le plus vite possible. Le propriétaire du bateau, quant à lui, peut déjà avoir assuré la vente de la pêche et être plus intéressé par une réduction des coûts d'exploitation (y compris de carburant) plutôt que par une rentrée rapide du bateau au port. Le point crucial est de savoir dans quelle mesure la personne qui décide de la vitesse du bateau est concernée par la répartition des coûts d'exploitation du bateau. Si le carburant est toujours à la charge du propriétaire, l'équipage peut ne pas être intéressé par une faible vitesse destinée à économiser le carburant.

Basée sur les travaux de Lundgren (1985), une méthode quantitative d'estimation de la vitesse optimale est exposée à l'Annexe 3. Bien que la détermination de la vitesse optimale dépende d'un procédé incertain d'estimation de l'évaluation du temps par le capitaine, la méthode donne des mesures directes pouvant facilement identifier les vitesses auxquelles le bateau ne doit pas naviguer, compte non tenu des aspects humains de la décision.

Entretien du moteur

Une mise en route faite avec soin et un entretien régulier sont très importants pour assurer la sécurité aussi bien que la performance des moteurs (consommation du carburant incluse). Cela concerne aussi bien les moteurs hors-bord que fixes. Chaque fabricant de moteur recommande un entretien périodique qui doit être respecté rigoureusement surtout pour l'entretien de base tel que les vidanges et le remplacement des filtres.

  • Un moteur neuf ou rénové doit être mis en route avec soin.

  • On doit suivre le programme d'entretien prescrit par le fabricant de moteur.

  • Une intervention mécanique compliquée doit être confiée à un mécanicien qualifié.

Si l'on ne tient pas compte des instructions de mise en route et d'entretien, on peut aboutir à une dégradation irrécupérable des performances d'un moteur. L'exemple suivant illustre bien ce qui vient d'être dit: une étude sur l'efficacité énergétique dans la pêche artisanale en Inde (Aegisson et Endal, 1992) a testé deux moteurs identiques sur la même pirogue. Un des moteurs avait été mal entretenu et il consommait deux fois plus de carburant et ne produisait que 85 pour cent de la vitesse de l'autre moteur qui lui était bien entretenu.

Un entretien préventif soigné est d'autant plus important dans certaines régions que le carburant y est de médiocre qualité. Cela peut conduire à des dépôts importants de carbone, à de basses températures de moteurs et à une perte de puissance importante. Dans les moteurs diesel un taux élevé de soufre dans un carburant de mauvaise qualité conduit à un changement fréquent des injecteurs. Le premier signe d'un besoin de remplacement des injecteurs est l'augmentation de la consommation de carburant (ou une chute de puissance) et une fumée d'échappement noire. La liste qui suit donne les causes possibles des fumées d'échappement noires des moteurs diesels (Gilbert, 1983).

Etat de la coque

La résistance au frottement ou le frottement du bordé est la seconde forme la plus importante de résistance après la résistance de vague. En termes simples, elle est la mesure de l'énergie dépensée par l'écoulement de l'eau sur la surface mouillée de la coque. Comme la résistance de vague, son effet est plus sensible sur les bateaux rapides ou sur les bateaux qui parcourent de grandes distances entre le port et les lieux de pêche. On peut réduire la résistance au frottement en se déplaçant à des vitesses moins élevées.

Contrairement à la résistance de vague, la résistance au frottement est partiellement du ressort de l'utilisateur du bateau car elle dépend de la rugosité de la surface immergée de la coque. Plus on fait attention au fi ni de la surface du bateau, à la construction et à son entretien, et moins on gaspillera d'énergie pour combattre le frottement de la coque. Cela est valable pour les bateaux de pêche de toutes les tailles.

Construire un bateau avec une surface immergée très lisse et entretenir une telle surface ne sont pas nécessairement faciles à réaliser. Tous deux demandent des dépenses en main-d'œuvre, matériaux et (dans le cas de gros bateaux) l'occupation de chantier ou cales de construction.

Il y a quelques indicateurs qui peuvent aider l'utilisateur d'un bateau à décider combien de temps et d'argent cela vaut la peine de dépenser pour réaliser et conserver une coque bien lisse. Il est à la fois difficile et onéreux d'améliorer une coque très abîmée. Si le bateau a été lancé au départ avec une coque très rugueuse, des efforts importants seront nécessaires pour améliorer celle-ci par la suite.

Le bénéfice réel résultant des efforts pour améliorer l'état d'une coque dépend du mode d'utilisation du bateau. Un bateau lent, comme un chalutier opérant à proximité du port, ne tirera pas grand bénéfice de l'amélioration de l'état de la coque. Au cours d'un essai (Billington, 1985), on a noté que la saleté d'une coque ne réduisait la vitesse d'un bateau en route libre que d'un peu moins de 3 nœuds. En même temps, elle n'avait pas d'effet sensible sur la vitesse de chalutage ou la consommation de carburant en pêche. Dans ce cas, le bateau travaillait très près de son port d'attache et la dépense importante faite pour maintenir la coque propre et lisse ne se justifiait pas.

  • Il vaut mieux faire des efforts plus importants pour s'assurer que l'état de la coque est bon avant son lancement. Il est difficile de revenir en arrière et de donner un bon fi ni à une coque défectueuse au départ.

Tout bateau qui couvre des distances importantes pour atteindre les lieux de pêche, ou qui pêche selon des méthodes qui demandent des déplacements, comme la pêche à la traîne, devrait tirer bénéfice d'une coque bien entretenue.

Les efforts faits pour l'entretien de la coque doivent être en rapport avec:

Tous ces éléments dépendent des conditions locales et de la pêche. Cependant la nature de l'écoulement de l'eau le long de la coque fait que l'état de l'avant de la coque et de l'hélice est plus important dans la réduction du frottement de surface. Conseils (Towsin et al., 1981):

  • Le traitement du quart avant de la coque engendre un tiers du bénéfice obtenu par le traitement complet de la coque.

  • Nettoyer l'hélice demande relativement peu d'effort mais peut créer des économies importantes.

Au cours d'essais de la marine américaine (Woods Hole Oceanographic Institute, n.d.), on a trouvé que la saleté qui s'était accumulée pendant 7,5 mois sur l'hélice seule avait, à vitesse égale, augmenté la consommation de carburant de 10 pour cent.

Les causes du frottement accru de la surface peuvent être classées en deux catégories:

Salissures

La perte de vitesse ou l'augmentation de la consommation de carburant due à la croissance d'algues ou de petits mollusques sur la coque constitue un problème plus important pour les bateaux de pêche que la rugosité de la coque. La croissance des algues et des mollusques dépend:

Des estimations indiquent que la salissure peut conduire à un accroissement de la consommation de carburant de 7 pour cent après un mois seulement et de 44 pour cent après six mois (Agence suédoise pour le développement in ter national/FAO, 1986b) mais peut être réduite sensible ment par l'utilisation de peintures antiencrassement. On a trouvé, par exemple, qu'une pirogue ghanéenne avait divisé par deux sa consommation de carburant et augmenté sa vitesse de 30 pour cent après avoir été nettoyée de ses salissures marines (Beare dans FAO, 1989a).

Un petit bateau de pêche qui est échoué sur la plage ou sorti de l'eau (entre chaque sortie de pêche) ne pourra guère profiter de l'utilisation de peintures antisalissures. Dans ce cas, la croissance des algues et mollusques est lente car la surface de la coque reste sèche pendant de longues périodes. De surcroît, par nature, la peinture antisalissures est fragile et peu résistante et, dans le cas de l'échouage des barques, une partie importante de la peinture serait arrachée dans les opérations de mise à terre et à l'eau.

La peinture antisalissures libère dans l'eau de petites quantités de toxines qui empêchent la croissance des algues et des mollusques. Il existe plusieurs types de peintures antisalissures depuis les moins chères et plus dures jus qu'aux plus chères et plus performantes, hydrolysantes et autolissantes. Tous les types de peintures antisalissures ont une limite d'efficacité dans le temps (généralement de l'ordre d'un an); après quoi, on doit les remplacer car elles ne sont plus toxiques et les algues repoussent rapidement. Les antifoulants autolissants de viennent plus lisses avec le temps et peuvent protéger convenablement jusqu'à deux ans, mais ce type de peinture coûte cher à appliquer et demande le décapage total de la coque sous la ligne de flottaison. Les peintures antisalissures autolissantes peuvent créer des économies de carburant à hauteur de 10 pour cent (Hollin et Windh, 1984), mais ne sont valables que pour des bateaux naviguant sur de longues distances jus qu'aux lieux de pêche, et passant à l'élévateur ou en cale sèche environ une fois l'an.

Dans la pêche artisanale, l'utilisation des antifoulants n'est pas courante, mais son usage peut apporter des économies appréciables ou du moins réduire les pertes. On utilise d'autres solutions dans la pêche artisanale qui peuvent résoudre le problème de façon économique et souvent efficace:

Peinture mélangée à des produits antialgues. On peut recouvrir les surfaces immergées avec une peinture à laquelle on a mélangé de faibles quantités de désherbant agricole. On n'a pas besoin d'une peinture spéciale et on peut facilement se procurer des désherbants bon marché. Le principal inconvénient de cette solution vient du fait que l'émission des toxines est incontrôlable. Les premiers jours d'immersion, les toxines sont rapidement relâchées et l'efficacité de l'antifoulant disparaît rapidement. Toutes les peintures antisalissures doivent être utilisées avec précaution. Elles sont toxiques et peuvent avoir des effets négatifs sur les autres espèces marines, particulièrement sur les mollusques et algues comestibles dans les zones où les bateaux sont mouillés.

Huile de foie de requin et chaux. Dans les communautés de pêcheurs où les peintures antisalissures sont trop chères ou pas disponibles, une solution locale aux problèmes de l'encrassement a été mise au point à partir d'une couche épaisse d'huile de foie de requin et de chaux. L'huile est obtenue par un procédé de cuisson et de décomposition partielle des foies de requins et de raies. Ce liquide à odeur forte est alors appliqué soit directement sur la surface du bois à l'intérieur des bateaux (pour une protection contre les insectes qui rongent les bois et contre le calfatage) ou mélangé à de la chaux et appliqué aux surfaces extérieures submergées du bateau. Le mélange est assez efficace pour limiter les salissures et décourage les tarets. L'avantage essentiel de cette technique est son faible coût et le fait de n'avoir pas à acheter de produits. Cependant, quand on badigeonne les surfaces immergées d'un bateau, le produit ne durcit pas et ne tient pas très longtemps, ce qui demande de renouveler l'application environ tous les mois pour rester efficace. On doit noter que, dans de nombreuses communautés côtières tropicales, la chaux provient de l'incinération maîtrisée des pointes de coraux ramassées sur les récifs des environs. Cette activité non seulement détruit l'habitat local et les pêcheries, mais est également illégale dans de nombreux pays.

Figure 7: Augmentation de la demande de puissance en fonction de la rugosité de la coque

Source: d'après Byrne et Ward, 1982.

Tableau résumé 2

Etat de la coque

Avantages

Inconvénients

> Les économies de carburant peuvent être importantes

× On doit arrêter le bateau pour améliorer l'état de la coque

> Relativement faciles à réaliser

× Demande la mise en cale sèche des plus grands bateaux (onéreuse)

> L'utilisation de peinture antifouling protège des tarets les bateaux à coque en bois

× Les coûts de peinture et de main-d'œuvre peuvent être élevés


  • Si l'on conserve un bateau à flot au lieu de le sortir entre deux marées, on doit peindre la surface immergée avec une peinture antisalissures ou des mélanges.

Rugosité

L'idée générale de dégradation de l'état de la coque dans le temps est surtout valable pour les bateaux en acier. Bien que les bateaux en bois, et même jusqu'à un certain point, les bateaux en fibre de verre, subissent un accroissement de la rugosité de la coque due au vieillissement (surtout du fait des chocs physiques et de la détérioration progressive de la peinture), l'effet est plus important sur l'acier, qui est aussi sujet à la corrosion.

Les principales causes de la rugosité des coques sont les suivantes:

Sur les grands navires en acier, l'augmentation du besoin de puissance pour maintenir la vitesse est d'environ 1 pour cent par an, bien que l'augmentation de la rugosité de la coque ralentisse avec l'âge du bateau. De ce fait, après 10 ans, un bateau en acier demande environ 10 pour cent de puissance en plus (et 10 pour cent de plus de carburant) pour obtenir la même vitesse de croisière qu'à son lancement.

Cette perte est, jusqu'à un certain point, inévitable mais peut être réduite par un entretien soigneux de la coque et, dans le cas de navires en acier, par le remplacement régulier des anodes consommables et par l'application d'une peinture anticorrosive.

Opérations de pêche

Autonomie

La façon d'utiliser un bateau de pêche a un impact direct sur le rendement en carburant. Les grands bateaux de pêche avec une autonomie de plusieurs jours en mer ou plus tendent à limiter la durée des sorties de pêche au temps nécessaire pour le remplissage des cales disponibles. Dans la pêche artisanale, la tendance est de réduire la durée d'une sortie de pêche à un seul jour, souvent par manque de capacité de stockage à bord ou à cause de vieilles habitudes. Dans beaucoup de ces cas, on pourrait économiser du carburant en restant plus longtemps sur les lieux de pêche, surtout si l'on passe une partie importante de la journée en aller et retour. Par exemple, si les sorties de pêche pouvaient être étalées sur deux jours au lieu d'un seul, la pêche de ces deux jours serait réalisée au coût de carburant d'un seul voyage au lieu de deux. En fait, le coût du carburant consommé pendant la sortie serait divisé par deux par kilogramme de poisson pêché.

Tableau résumé 3

Opérations de pêche

Avantages

Inconvénients

> L'économie de carburant peut être importante

× Peut exiger un investissement considérable pour accroître l'autonomie du bateau.

× Il est souvent très difficile de changer les habitudes dans une pêcherie existante.

× De nouvelles tâches routinières tout comme des notions plus approfondies en matière de navigation demandent formation et savoir.


Il y a souvent cependant de sérieux obstacles qui empêchent l'augmentation de l'autonomie des bateaux et, en particulier, le premier pas pour allonger la sortie de pêche à plus d'une journée:

Technologie de pêche

Dans une pêche donnée, le type d'engin de pêche utilisé est souvent un choix prédéterminé dicté par les espèces de poissons visées, les conditions physiques (type de fond, courants), les conditions atmosphériques et le type de bateau. La combinaison de ces facteurs signifie souvent qu'un seul type d'engin est utilisable pour cette pêche particulière.

Cependant dans la pêche au chalut, particulièrement dans la pêche artisanale côtière, il est parfois possible d'utiliser le chalut traîné en bœufs plutôt que le chalut classique. Le chalutage en bœufs peut réduire les coûts de carburant du couple de 25 à 30 pour cent par tonne de poisson (Aegisson et Endal, 1992) comparé au chalut à panneaux.

Tableau résumé 4

Propulsion mixte voile moteur

Avantages

Inconvénients

> Les économies de carburant peuvent être importantes

× Pour son efficacité, le bateau doit avoir été conçu et construit dès le départ en pensant à la voile. Il est souvent très difficile d'adapter des voiles à un bateau de pêche à moteur déjà existant.

> Peut améliorer le confort du bateau

× Exige connaissance ou formation de l'équipage à l'utilisation des voiles.

> Améliore la sécurité du bateau

× Les voiles exigent également un entretien.

× Les voiles demandent un effort supplémentaire important de la part de l'équipage, et il est évidemment plus facile de naviguer au moteur.


Navigation

La navigation par satellite et les échosondeurs se répandent dans la pêche artisanale du fait de la baisse de leur prix et de leur encombrement réduit (surtout les GPS). Les aides à la navigation de ce type peuvent contribuer à l'économie d'énergie à hauteur de 10 pour cent (Hollinet Windh, 1984), suivant le type de pêche et la difficulté de repérer un point de pêche précis. Non seulement cet équipement aide le patron à retrouver facilement les lieux de pêche (ce qui diminue ainsi le gaspillage de carburant), mais il permet également d'identifier de nouveaux fonds et contribue à une meilleure sécurité de la navigation.

Les appareils de navigation par satellite comme les échosondeurs demandent une certaine connaissance de la navigation et sont utilisés plus efficacement avec les cartes marines.

Propulsion mixte voile moteur

L'utilisation de la voile comme propulsion auxiliaire peut apporter une économie importante de carburant (jusqu'à 80 pour cent pour des petits bateaux sur de longs parcours), mais la possibilité d'utiliser la voile n'est pas universelle. Des conditions bien spécifiques sont nécessaires pour que la navigation à la voile soit une technologie viable; elle dépend des conditions climatiques, de la conception du bateau de pêche, comme de l'attitude de l'équipage et de ses connaissances.

La voile exige des équipements supplémentaires sur le bateau tenant compte de la stabilité et de la conception du pont, et les voiles ne sont ordinairement valables que sur des bateaux spécialement conçus pour cette forme de navigation. Les petits bateaux de pêche peuvent avoir besoin de ballasts supplémentaires ou d'un flotteur extérieur pour améliorer à la fois la stabilité et les performances du bateau, quelle que soit l'orientation du vent par rapport au bateau. Sur tout bateau de pêche, les voiles gênent l'aptitude du bateau au travail car mât et gréement occupent un espace qui, autrement, aurait permis un pont dégagé.

La voile est un art en soi et, pour être efficace, l'équipage doit être à la fois compétent et motivé. La manœuvre des voiles constitue souvent une pénible corvée surtout sur les gros bateaux. Il est évident qu'il est plus facile pour un équipage de naviguer au moteur qu'à la voile.

Cependant, la voile permet d'économiser le carburant selon la force et la direction du vent par rapport à la route du bateau et à la longueur du voyage. En règle générale, les valeurs sont de l'ordre de 5 pour cent (pour un vent variable) à 80 pour cent (pour un petit bateau sur un voyage long avec un vent de travers constant à 90o). Ces chiffres dépendent cependant des capacités de l'équipage à naviguer à la voile, de la forme de la coque et de l'état et de la forme des voiles. Il y a plusieurs types de gréements qui ont évolué dans les pêcheries du monde entier. Il est important que la conception du gréement pour un bateau de pêche soit simple, sûre et maniable.

  • La forme d'un gréement pour un bateau de pêche doit être aussi simple que possible avec le minimum de mâture et de manœuvres courantes et dormantes.

Sur les petits bateaux, il vaut mieux utiliser un gréement à une seule voile que l'on peut réduire facilement et efficacement. Comme moyen secondaire de propulsion, les voiles contribuent grandement à la sécurité d'un bateau, surtout si celui-ci peut naviguer sous voile seule en cas de panne de moteur.


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