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Préface

Le Protocole de Kyoto prévoit que l’émission nette de gaz à effet de serre peut être réduite soit en diminuant le taux auquel ils sont émis vers l’atmosphère soit en augmentant le taux auquel les gaz sont retirés de l’atmosphère au travers des puits. Les sols agricoles comptent parmi les réservoirs de carbone les plus importants de la planète et leur potentiel de séquestration peut être étendu. Ils fournissent donc une solution prospective pour mitiger la concentration croissante de CO2 atmosphérique. Dans le cadre du Protocole de Kyoto et des différentes discussions des COP, un grand nombre d’indications font que la séquestration de carbone des terres agricoles et forestières peut être une stratégie attractive pour mitiger les augmentations atmosphériques de gaz à effet de serre.

L’article 3.4 du Protocole de Kyoto apparaît reconnaître l’augmentation des puits liés à l’activité humaine. Les récents agréments post Kyoto considèrent les puits dans les sols, reconnaissant ainsi le potentiel substantiel des sols agricoles, de forêt ou de prairie à séquestrer le carbone et le besoin de prévision de crédits nationaux pour la mise en place d’un puits de carbone des sols agricoles.

Un certain nombre de pratiques agricoles sont connues pour stimuler l’accumulation de carbone additionnel avec une augmentation de la fertilité des sols, des effets positifs sur la productivité des terres et sur l’environnement. Leur rôle pour la gestion humaine du carbone devrait augmenter au fur et à mesure que nous apprenons plus sur leurs caractéristiques et que des nouvelles approches, par exemple les pratiques de conservation, sont introduites.

Le sujet de cette publication est les sols agricoles comme puits de carbone. Le document a été préparé sur les ressources propres de la FAO comme une contribution au programme FAO/IFAD sur la prévention de la dégradation des terres, l’augmentation de la biodiversité des sols et des plantes et la séquestration du carbone au travers d’une gestion durable des terres et des changements d’utilisation des terres.

L’objectif de ce programme est de mettre en avant le besoin urgent de renverser le processus de dégradation des terres lié à la déforestation et à une utilisation inadéquate des terres dans les tropiques et sub-tropiques. Il est proposé d’atteindre cet objectif en promouvant des systèmes améliorés d’utilisation et de gestion des terres qui procurent des gains économiques et des bénéfices environnementaux, une agro- biodiversité accrue, une gestion de conservation et environnementale améliorée et une séquestration plus importante du carbone. Le programme contribuera au développement régional et national en liant la Convention sur le Changement Climatique (UNFCC)-le Protocole de Kyoto, la Convention pour Combattre la Désertification (CDD) et la Convention sur la Biodiversité (CBD), en se concentrant sur les synergies entre les trois conventions.

Cette publication fournit une revue documentée sur la variété des pratiques de gestion des terres qui peuvent fournir des situations doublement gagnantes pour augmenter la production et en même temps accroître les stocks de carbone des sols agricoles et forestiers qui fournissent des crédits pour remplir les objectifs d’émission. Elle devrait contribuer de manière significative aux débats émergeants sur la gestion durable des terres et la prévention du changement climatique.

On peut espérer que ce document prouvera son utilité pour les CDM et autres bailleurs de fonds, planificateurs et administrateurs en contribuant à une information factuelle sur le potentiel de séquestration du carbone dans le sol, à leurs décisions d’entreprendre des recherches, des programmes de développement et d’investissement dans le secteur agricole/rural d’utilisation des terres, afin d’améliorer la gestion des terres, et de lutter contre la dégradation des terres et la déforestation.

Résumé

La préoccupation croissante concernant les effets désastreux du réchauffement global contraste avec l’incapacité de nombreux pays à réduire leurs émissions nettes de gaz à effet de serre au rythme et au montant prévus par le protocole de Kyoto. Les négociations qui se sont poursuivies à Bonn (juillet 2001) ont déjà montré une évolution vers l’élargissement des options reconnues pour la compensation des émissions, en particulier la prise en compte des puits de carbone en forêt et dans l’agriculture dans le budget national de carbone (ce dernier puit étant pour l’instant limité aux pays développés dits de l’annexe 1).

Dans le passé, les opinions ont variées sur la question de savoir si la séquestration de carbone dans les sols serait une option réaliste, pratique, pouvant être utilisée à une grande échelle. Récemment les évidences positives se sont renforcées à ce sujet. La plupart des sols du monde utilisés pour l’agriculture ont été appauvris en matière organique durant les cinquante dernières années en particulier en raison des systèmes conventionels de labour et de hersage avant chaque culture, ceci en comparaison avec leur état sous végétation naturelle. Il est établi que ce processus de dégradation peut être réversible. Dans de nombreux cas sous climats humides ou subhumides aussi bien que sous irrigation, la teneur en matière organique a pu être rapidement augmentée après un changement de gestion de terres comprenant un non labour ou un labour et la retention des résidus de récolte en surface. Même en conditions semi-arides, comme au Texas du Sud, le système fonctionne mais à un taux de séquestration de carbone plus faible. La mesure de la variation des stocks dans les sols agricoles est techniquement réalisable, mais elle a été rarement faite jusqu’à maintenant autrement qu’à une échelle expérimentale. Elle peut être appliquée régionalement ou globalement, seulement si les organisations sur les sols au niveau régional ou national comprennent une surveillance systématique des sols, au travers d’une série de sites de surveillance, avec un échantillonnage bien réparti des sols, combiné avec la description des pratiques culturales et une télédétection de la couverture des terres.

Une fois que le nouveau système de gestion des terres est bien compris et appliqué durant quelques années et que les nouveaux équipements ou outils sont en place, le système d’utilisation des terres est compétitif comme cela est démontré dans les pays où ils ont été introduits. En dehors de la séquestration du carbone, les bénéfices incluent de meilleures récoltes et un accroissement de la sécurité alimentaire en particulier pour les années sèches, des coûts moindres et une meilleure distribution des travaux agricoles avec économie de temps au cours de l’année. Le système a déjà été appliqué sur plus de 50 millions d’hectares de terres agricoles jusqu’à ce jour, dans les pays comme le Brésil, le Paraguay, l’Argentine, les États-Unis, l’Australie et il a été validé à une échelle plus restrainte en Inde, Népal, Pakistan...

La séquestration du carbone dans les sols agricoles est durable tant que les agriculteurs utilisent les mêmes pratiques de l’agriculture de conservation car le système est réversible si on utilise à nouveau le labour conventionnel. La permanence de la séquestration implique donc que les agriculteurs soient convaincus par l’expérience et en tirent des bénéfices. Toutefois, la transition à l’agriculture de conservation n’est ni spontanée ni exempte de coût. Toute une symbolique et certains avantages sont attachés au labour par exemple la stimulation de la libération d’azote à partir de la matière organique. La méconnaissance d’autres solutions tend à favoriser le maintien d’une agriculture basée sur le labour qui peut d’ailleurs se justifier dans certaines circonstances.

Durant les deux ou trois années de transition à l’agriculture de conservation des frais supplémentaires sont possibles afin d’acquérir certains équipements. L’incidence des mauvaises herbes, bien que diminuant rapidement avec le temps, peut justifier des applications d’herbicides supplémentaires durant les deux premières années. Les récoltes et la résilience contre la sécheresse augmenteront graduellement, devenant évidente après la première ou deuxième année. Les fermiers devront bien comprendre le nouveau système, et les raisons des différentes règles, et les adapter à leurs besoins et conditions spécifiques. Les fonds pour la séquestration du carbone qui pourraient devenir disponibles par l’un des mécanismes du protocole de Kyoto seraient essentiels pour diffuser l’application de l’agriculture de conservation dans d’autres zones et d’autres pays. Cela peut-être réalisé par l’information des fermiers sur le système, permettant à des fermiers pilotes de l’expérimenter, de l’adapter et de l’appliquer dans leurs conditions spécifiques, de fournir un appui technique et, où cela est nécessaire, un crédit ou de petits supports incitatifs aux premiers expérimentateurs. Une fois que le système a été adapté, démontré, et validé au plan économique sur les premières expérimentations, des contrats avec les fermiers concernant la séquestration du carbone peuvent être suffisants pour stimuler une adaptation rapide des pratiques par la majorité des fermiers.

Les prairies ont également un potentiel élevé pour la séquestration du carbone. Les terres dégradées ou surpâturées peuvent tout particulièrement être restaurées à une productivité élevée par des mesures telles que l’implantation de bande de légumineuses, l’apport de fertilisation phosphatée dans les bandes, le pâturage par alternance avec des périodes de repos pour la terre. L’accroissement de la productivité primaire peut initier un nouveau cycle de fertilité, une masse racinaire plus importante dans le sol, un accroissement de la porosité biologique, du taux d’infiltration, une réduction ou l’élimination de l’érosion et du ruissellement, et une augmentation de l’humidité disponible pour la végétation. Le processus a pour résultat un accroissement de la matière organique stable y compris dans les couches profondes.

Comme dans le cas de l’agriculture de conservation, la transformation d’une utilisation dégradante des pâturages en un système plus productif et durable, qui séquestre le carbone et participe à l’accroissement de la sécurité alimentaire, n’est pas automatique et exempte de coût. Des changements réussis et stables nécessitent que les utilisateurs des terres travaillent ensemble en association, un processus d’initiation, et des investissements initiaux, quoique relativement faibles à l’hectare.

Dès que la productivité de la terre arable ou des terres de pâtures augmente et devient plus résiliante vis à vis de la sécheresse, la pression sur la forêt est réduite et les chances de leur préservation ou de leur gestion durable sont accrues. C’est le cas par exemple pour la production d’énergie ou de matériaux ligneux de longue durée avec une replantation ou régénération immédiate qui permet le maintien de la matière organique du système forestier. L’agroforesterie avec la plantation de palmiers à huile, caoutchouc, café sur les terres déforestées peut également constituer une solution à la préservation ou à la reconstitution du carbone des sols. Une amélioration de la gestion des terres et l’attention portée à la dégradation et à la déforestation sont des options doublement gagnantes: elles sont propices à la lutte contre la pauvreté et à la durabilité ; en même temps de telles mesures permettent aussi d’accroître la séquestration du carbone dans les sols, rendant ainsi les investissements dans le secteur rural agricole plus bénéficiaires pour les fermiers.

Acronymes/ Abréviations

C:

carbone

CBD:

Convention des Nations-Unies sur la diversité biologique

CCD:

Convention des Nations-Unies de prévention de la désertification

CDM:

Mécanisme de développement propre

CIRAD:

Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement

CO2:

dioxyde de carbone

COP:

Conférence des parties

FAO:

Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture

GHG:

Gaz à effet de serre

GIS:

Système d’information géographique

GLASOD:

Evaluation globale de la dégradation des terres

GM:

Mécanisme Global

GPS:

position géoréférencée par satellite

ICRAF:

Centre international de recherche sur l’agroforesterie

IFAD:

Fond international pour le développement agricole

IPCC:

Panel intergouvernemental sur le changement climatique

LULUCF:

Occupation des terres, changement d’occupation et forêts

SOM:

Matière organique du sol

UNEP:

Programme des Nations Unies sur l’Environnement

UNFC:

Convention des Nations Unies sur le changement climatique

Remerciements

Cette étude a été préparée par Michel Robert, Directeur de Recherche de l’INRA (Institut National de la recherche Agronomique), France, en tant que chercheur conseil auprès de l’AGLL, en collaboration avec J. Antoine et F. Nachtergaele.

L’étude a bénéficié des contributions de J. Benites, R. Brinkman, R. Dudal et P. Koohafkan.

Ce document a été passé en revue par le Prof. J. Pretty, University of Essex, UK; Prof. R. Lal, Ohio State University, USA; Prof. A. Young, University of East Anglia, UK; Dr. N. Batjes, ISRIC; Dr. M. Swift, Directeur TSDF; le Groupe de Travail Interdépartemental de la FAO pour le changement climatique. Leurs suggestions ont permis de valoriser cette étude.

L’édition française a été préparée par M. Robert et passée en revue par Prof. R. Dudal. Mme Lynette Chalk a offert son concours à la production de ce document.

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