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Sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne: question et problèmes principaux


La densité de population dans quelques pays d’Afrique subsaharienne est encore inférieure à celle de l’Asie. Cependant, la vitesse de croissance de la population est bien plus grande en Afrique subsaharienne que dans n'importe quelle autre région du monde. Aussi, dans beaucoup de pays et de régions d’Afrique subsaharienne, il y a une pression plus forte pour passer des systèmes traditionnels à faibles intrants vers des systèmes plus productifs. Les sols et les climats imposent également de grandes contraintes à l'intensification.

La production doit augmenter, mais les méthodes doivent être économiquement viables et socialement acceptables. Parmi les principaux problèmes, figure la gestion de la fertilité du sol, qui est liée à la disponibilité des terres arables, l'utilisation d’engrais minéraux, la restauration de la fertilité du sol (recyclage du fumier et des résidus de culture, jachère, utilisation de légumineuses, etc.), la gestion de l'eau et les fluctuations du climat (sécheresses, etc.).

L'autre voie vers la sécurité alimentaire est d'assurer que les moyens économiques pour se procurer de la nourriture existent, et que cette nourriture puisse être achetée à un prix abordable.

Une importante condition préalable est l’accès à la terre, vu que des personnes en plus grand nombre doivent produire leur nourriture et vivre de la terre. Les systèmes traditionnels de gestion des sols demandent une disponibilité suffisante de terre permettant d’assurer de longues périodes de jachère destinées à maintenir la fertilité du sol. Quand il n'y a plus de nouvelles terres à cultiver, la terre en jachère doit être remise en culture et la fertilité du sol chute.

Une utilisation plus intensive de la terre implique également qu'elle devienne plus sensible à l'érosion. Pour maintenir et augmenter la productivité, de nouvelles mesures de gestion durable doivent être proposées et des politiques changées.

Gestion de la fertilité du sol - une question principale pour la sécurité alimentaire et le développement agricole en Afrique subsaharienne

Comme la principale source d'activité économique en Afrique subsaharienne est la production agricole, la diminution de la productivité des sols signifie non seulement que la quantité de nourriture produite puisse être inférieure, mais également que la production des cultures de rente pour l'exportation soit mise en danger. Il est donc essentiel que la production et les sols soient gérés d'une manière durable, afin que la génération actuelle soit nourrie et que les conditions des sols soient améliorées pour permettre d’alimenter les générations futures.

Pression démographique et changements

Croissance de la population

On ne peut guère compter dans l’immédiat sur une diminution significative du taux de croissance de la population africaine. Ceci est non seulement dû au dynamisme de la population (proportion élevée de la population qui est en âge de procréer) et à l’augmentation de l'espérance de vie, mais également au manque d'efforts pour réduire les taux de natalité. En Afrique subsaharienne, la population est considérée comme une ressource importante pour le développement et la création de richesses.

Sur cette base, on s'attend à ce que la population en Afrique subsaharienne soit au moins doublée dans les 25 prochaines années (Figure 2).

Figure 2 Croissance estimée de la population dans diverses régions

Source: ONU, 1997

Selon les normes internationales, la densité de population en Afrique subsaharienne est faible, mais le principal problème est la capacité de la terre à supporter une telle croissance démographique ainsi que le manque d'opportunités d'emploi des personnes dans une industrie productive en dehors de l’agriculture.

Les problèmes de croissance démographique ont été aggravés dans certaines zones par le déplacement d'un grand nombre de personnes, migration due à la pression foncière, mais également à des facteurs politiques, entraînant - ou provoqués par - des guerres civiles.

Des analyses de la FAO en 1999 montrent que la densité de population est liée à la disponibilité en eau (Figure 3) et que la dégradation des sols en Afrique subsaharienne est plus grave quand la densité de population est plus élevée (Figure 4).

Figure 3 Densité de population dans les zones arides et semi-arides d’Afrique subsaharienne

Humidité: 1 = Très aride; 2 = Aride;
3 = Sec semi-aride; 4 = Semi-aride

Figure 4 Sévérité de la dégradation des sols et densité de population en Afrique subsaharienne

Sévérité de la dégradation de la terre: 1 = non dégradée;

2 = légère; 3 = modérée; 4 = sévère; 5 = très sévère

Les rapports nationaux présentés lors de la consultation d’experts de la FAO à Harare (décembre 1997) traitaient de la question de réconcilier la croissance démographique et la production alimentaire. Les commentaires de certains pays incluent:

Pression foncière

L'évaluation la plus récente de la surface disponible en Afrique indique qu'il y a entre 0,28 et 0,52 ha de terre cultivée par habitant. Ceci inclut une proportion élevée de terres dans des secteurs ayant de faibles précipitations, ou d'autres contraintes sérieuses (Tableau 1). Mais si l’on suppose que toutes les personnes sont concentrées dans les secteurs ayant de bonnes précipitations, les surfaces cultivées représentent alors seulement de 0,19 à 0,23 ha par habitant. Ces données sont en fait proches de celles présentées dans les rapports de chaque pays: par exemple, en Ethiopie en 1991, la surface était de 0,28 ha par habitant, et en Ouganda, en 1995, elle était de 0,25 ha.

On suppose qu'une certaine surface de terre est cultivée sans interruption, une certaine surface est cultivée plus d'une fois par an, et plus de la moitié est en jachère chaque année.

Tableau 1 Population, surface cultivée et surface disponible dans différentes zones agroécologiques d’Afrique subsaharienne

Région

Population(1)

Terres(2)

Zones de pluviométrie(3)

Zones marginales(4)

Gleys

Total

Total ha/
personne

1995

2025*

-

?

+

1995

Est

221

480

C
A

8,4
7,4

15,31
0,9

25,8
20,1

10,7
10,6

2,6
8,1

62,8
57,1

0,28

Sud

47

83

C
A

2,6
7,1

6,0
5,1

4,2
2,8

2,9
5,9

2,0
0,7

17,7
21,6

0,38

Centre

83

187

C
A

1,4
4,9

5,7
16,9

13,2
32,0

21,9
28,2

0,9
4,7

43,1
86,7

0,52

Ouest

209

447

C
A

20,8
8,5

19,8
18,5

20,0
26,9

25,2
10,0

4,5
3,5

90,3
67,4

0,43

TOTAL

560

1197

C
A

33,2
27,9

46,8
51,3

63,2
81,7

60,7
54,7

10,0
17,0

213,9
232,6

0,38




C+A

61,1

98,1

144,9

115,4

27,0

446,5


Source: Fischer et Heilig, 1997

(1)Population en millions; (2)Terres en millions d’hectares: C terres cultivées, A terres disponibles, moins les surfaces pour les constructions, les zones protégées, boisées et les zones humides; (3)Zones de pluviosité: «-» = basse; «?» = aléatoire; «+» = Adéquate; (4)Zones marginales: avec de sévères contraintes pour l’utilisation de la terre. Gleys se réfère aux terres potentiellement utilisables comme les Gleysols et les Fluvisols; *Estimation des Nations Unies en variation moyenne.

Est: Burundi, Comores, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Ile Maurice, Kenya, Madagascar, Malawi, Mozambique, Ouganda, Réunion, Rwanda, Somalie, Tanzanie, Zambie et Zimbabwe.

Sud: Afrique du Sud, Botswana, Lesotho, Namibie et Swaziland.

Centre: Angola, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine, République du Congo (ex-Zaïre) et Tchad.

Ouest: Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Leone et Togo.

Le chiffre de 233 millions d'hectares de terres disponibles pour la culture est probablement la meilleure évaluation, actuellement, de la surface de terres qui peuvent encore être mises en culture avant 2025 en Afrique subsaharienne. Cependant, la productivité de ces nouvelles surfaces peut n’être qu’à peine au niveau de celle des terres actuellement cultivées, étant donné que beaucoup des ces nouvelles terres sont considérées comme marginales. La surface de terre disponible doit être prise en compte par rapport au potentiel de cette terre pour la production agricole ainsi que sa distribution par rapport à la demande des différents pays.

Production alimentaire

Le rendement moyen des céréales en Afrique pendant la période de 1991 à 1998 stagnait à environ 1,2 tonne par hectare. D'ici 2020, même en supposant avec optimisme que les rendements nationaux moyens en céréales augmentent jusque 1,8 tonne par hectare, l'Afrique devra importer entre 25 et 32 pour cent de ses besoins en céréales afin de rester au niveau alimentaire actuel. Pour atteindre ce niveau d’approvisionnement alimentaire, des efforts importants doivent être réalisés pour la transformation des systèmes de production vers des systèmes plus productifs et biophysiquement plus durables; de plus, les contraintes actuelles, sociales, économiques et politiques, doivent être levées.

Augmenter la production alimentaire

La production alimentaire peut être augmentée grâce:

  • à l’augmentation de la surface des terres cultivées, bien que cela signifie la mise en culture de terres de plus en plus marginales et la perte des services environnementaux rendus par les forêts;

  • au recyclage du fumier, l'utilisation des résidus de culture, l'utilisation d’engrais verts et des cultures de couverture; et l’adoption de l'agroforesterie;

  • à l’utilisation des engrais minéraux, bien qu’ils soient souvent trop chers pour les petits agriculteurs;

  • au changement des systèmes de culture pour qu’ils deviennent plus productifs et durables;

  • à l’augmentation des investissements pour l'amélioration des terres et la promotion d'un régime foncier cohérent;

  • à l’utilisation efficace de l'eau.

Des changements de politique seront nécessaires non seulement pour obtenir de plus forts rendements mais également pour encourager la migration des personnes vers des secteurs à potentiel élevé où de la terre est disponible. De telles politiques exigent une gestion rigoureuse, étant donnée la mauvaise expérience de la transmigration en Indonésie. Mais si cela pouvait être réalisé avec succès, avec au moins des niveaux intermédiaires d’intrants utilisés, il devrait y avoir suffisamment de terres, non seulement pour satisfaire les besoins spécifiques du pays, mais également pour une production excédentaire destinée à l'exportation vers d'autres pays.

La dégradation des terres

Comprendre les types de dégradation des terres induits par l’homme, aussi bien que leurs causes, y compris les facteurs socioéconomiques, est une condition indispensable pour développer des technologies de réduction de ces dégradations.

En général, les trois principales catégories de dégradation des terres sont:

Evaluation de la dégradation des terres

Le projet «Evaluation globale de la dégradation du sol induite par l’homme» (GLASOD-ISRIC/PNUE/FAO 1990) a évalué la dégradation des terres au niveau mondial (Tableau 2) et a tracé une carte au 1/15 000 000 (Figure 5).

Tableau 2 Dégradation des sols dans le monde et en Afrique - millions d’ha (GLASOD)

Monde

Afrique

Afrique

494

Erosion hydrique

227

Asie

748

Erosion éolienne

187

Amérique du Sud

243

Dégradation chimique

62

Amérique du Nord et centrale

158

Dégradation physique

18

Europe

219



Australie

103



Monde

1964

Total

494

Source: ISRIC, 1990

Figure 5 Carte mondiale montrant la gravité de la dégradation des terres (GLASOD)

Source: ISRIC/PNUE, 1990
FAO - SIG, Mars 2000

Les causes directes de la dégradation des terres sont principalement:

Les causes indirectes de la dégradation des terres sont principalement:

Toutes les causes mentionnées ci-dessus, particulièrement les causes indirectes, sont associées l'une à l'autre (Figure 6).

Figure 6 Liens de causalité entre les ressources en terres, la population, la pauvreté et la dégradation de la terre

Le déclin de la fertilité des sols

Les sols dans la majeure partie de l’Afrique subsaharienne ont une fertilité fondamentalement faible et les éléments nutritifs exportés ne sont pas remplacés de manière adéquate. L’Afrique subsaharienne a la plus basse consommation d'engrais minéraux, environ 10 kg d’éléments nutritifs (N, P2O5, K2O) par hectare et par an, par rapport à une moyenne de 90 kg au niveau mondial, 60 kg au Proche Orient et 130 kg en Asie.

Le déclin de fertilité du sol (également décrit en tant que déclin de productivité du sol) est une détérioration des propriétés chimiques, physiques et biologiques du sol. Les principaux processus en jeu mis à part l'érosion du sol, sont:

Dans une première évaluation de l'état d'épuisement des éléments nutritifs effectuée en 1990, des bilans ont été calculés pour les terres arables de 38 pays de l’Afrique subsaharienne. Quatre classes de taux de perte d'éléments nutritifs ont été établies (Tableau 3).

Tableau 3 Classes des taux de perte d’éléments nutritifs en Afrique subsaharienne (kg/ha/an)

Classe

N

P2O5

K2O

Basse

< 10

< 4

< 10

Modérée

10 - 20

4 - 7

10 - 20

Forte

21 - 40

8 - 15

21 - 40

Très forte

> 40

> 15

> 40

Source: Stoorvogel et Smaling, 1990

La perte a été estimée en moyenne à 24 kg d’éléments nutritifs par hectare et par an (10 kg de N; 4 kg de P2O5 et 10 kg de K2O) en 1990 et 48 kg par hectare et par an en 2000, c’est-à-dire une perte équivalente à 100 kg d’engrais par hectare et par an. Les pays ayant les taux de perte les plus élevés (Tableau 4), tels le Kenya et l'Ethiopie, ont également une importante érosion du sol.

Tableau 4 Pays de l’Afrique subsaharienne classés par taux de perte d’éléments nutritifs

Basse

Modérée

Forte

Très forte

Angola
Botswana
Congo
Guinée
Ile Maurice
Mali
Mauritanie
Rép. Centrafricaine
Tchad
Zambie

Bénin
Burkina Faso
Cameroun
Gabon
Gambie
Libéria
Niger
Sénégal
Sierra Leone
Soudan
Togo
Zaïre

Côte d’Ivoire
Ghana
Madagascar
Mozambique
Nigéria
Ouganda
Somalie
Swaziland
Tanzanie
Zimbabwe

Burundi
Ethiopie
Kenya
Lesotho
Malawi
Rwanda

Source: Stoorvogel et Smaling, 1990

L'estimation de la diminution des éléments nutritifs en Afrique subsaharienne est largement citée. Quelques scientifiques, cependant, ont exprimé des inquiétudes concernant l'approche employée, car elle est basée sur des approximations et agrégations au niveau du pays - ce qui pourrait être trompeur, en masquant les zones où l’apport d’éléments nutritifs est indispensable. L'évaluation du déclin de la fertilité au niveau des communautés ou des microbassins versants serait plus appropriée, mais demanderait plus de temps et de moyens.

Les variétés améliorées de cultures et l'utilisation des engrais (et des pesticides) ont provoqué des augmentations de rendement au cours des trois dernières décennies dans beaucoup de régions humides du monde, mais il n’y a eu aucune augmentation substantielle correspondante en Afrique subsaharienne. En Afrique subsaharienne, les sols ont été cultivés plus intensivement sans restauration de la fertilité (ceci étant dû à l'utilisation limitée des engrais et à d’autres procédés de gestion des sols), et une grande partie des nouvelles terres mises en culture est de plus mauvaise qualité que la terre cultivée précédemment.

Malgré les efforts considérables qui ont été faits pour augmenter la productivité (Tableau 5), on rencontre toujours, dans beaucoup de pays d’Afrique, des rendements stagnants - ou même en baisse - pour certaines des principales cultures vivrières, en particulier le manioc. Les changements de rendements des cultures mesurés pendant plusieurs décennies reflètent les changements des états du sol, aussi bien que les effets d'autres facteurs.

Tableau 5 Evolution des rendements moyens au niveau national des principales cultures vivrières en Afrique subsaharienne (1975, 1986, 1994)

PAYS

MAÏS (kg/ha)

SORGHO (kg/ha)

MANIOC (t/ha)

1975

1986

1994

1975

1986

1994

1975

1986

1994

Angola

722

461

340




14,1

10,1

4,1

Burundi

1095

1200

1312

1269

1203

1117

14,1

11,1

8,7

Ethiopie

1466

1764

1715

994

1101

1299




Kenya

1619

1433

1896

1064

792

1041

8,1

9,8

8,7

Malawi

1087

1090

1266

847

1111

471

5,8

5,7

2,7

Namibie

329

480

1028

391

480

655




Nigéria

835

2098

1259

620

1094

1065

10,0

11,1

9,5

Ouganda

1225

1153

1599

1127

1249

1501

3,8

9,6

7,5

Rwanda

1058

1323

1482

1037

1014

1077

12,3

9,7

5,7

Tanzanie

813

1196

1376

503

828

1020

4,9

12,2

10,4

Zambie

792

1921

1815

649

604

507

3,1

3,5

5,1

Zimbabwe

1613

1666

1294

336

604

507

3,0

4,2

3,9


Rendement en hausse

Rendement stagnant

Rendement en baisse

Adapté des Annuaries des Productions de la FAO

Surpâturage

Les animaux sont une des composantes majeures du système de production alimentaire dans les régions arides, semi-arides et subhumides. La valeur des fumiers a été depuis longtemps largement reconnue dans la production agricole; ils sont essentiels pour la production agricole durable dans la plupart des systèmes à niveau d'intrants faible et intermédiaire. Les fumiers sont aussi essentiels en tant qu'élément des systèmes de gestion intégrée de la nutrition, même lorsque des niveaux élevés d’intrants sont employés. Les bovins sont également importants comme animaux de trait et comme une marque du statut et de la richesse dans beaucoup de zones d’Afrique subsaharienne.

La croissance de la population entraîne souvent une augmentation du cheptel. Chaque pâturage peut supporter un nombre limité de têtes de bétail, en raison de la quantité de matière végétale produite et de la disponibilité en eau. Si le cheptel bovin augmente sans restriction, la pression sur les zones de pâturage entraîne une perte de végétation comestible et une dominance d'espèces arbustives, amenant ensuite à une désertification.

A mesure que la surface des terres cultivées augmente, les meilleurs sols sont choisis pour la mise en culture, de sorte que la productivité des pâturages restants diminue. Autour des points d’eau servant d'abreuvoir, la couverture végétale peut être détruite et les sols compactés par le piétinement, augmentant ainsi la quantité d’eau qui ruisselle. Ceci peut aider à maintenir pleins les réservoirs d'eau, mais comme peu d'eau peut s’infiltrer dans le sol autour des zones d'abreuvoir, des inondations soudaines peuvent se produire, entraînant une importante érosion.

Gestion intégrée de la production agricole

La gestion durable des terres exige non seulement des systèmes durables de production agricole mais également des systèmes pérennisés de production animale, ces systèmes étant de préférence intégrés.

Dans la plupart des zones subhumides et semi-arides, une grande partie de la surface pâturée est brûlée chaque année pendant la saison sèche pour la débarrasser de la vieille végétation coriace et encourager ainsi la croissance des jeunes pousses et des herbes plus nourrissantes. Le brûlis cause la perte de matière organique du sol et altère ainsi la durabilité de la production agricole. En outre, cela expose le sol aux forces érosives du vent pendant la saison sèche et de la pluie à la fin de la saison sèche. Les effets préjudiciables sur le sol peuvent être réduits au minimum en s'assurant que le brûlis est conduit tôt dans la saison sèche, mais ceci ne peut être qu’une solution imparfaite.

Déboisement et désertification

Quand la terre est défrichée pour la mise en culture dans les zones humides et subhumides, les arbres doivent être coupés jusqu’à la souche, ou même totalement enlevés. Les agriculteurs itinérants opérant dans les mêmes zones pendant de nombreuses années (ou siècles) se rendent compte de manière écologique des facteurs qui déterminent si un système de culture est durable. Dans les systèmes traditionnels, les arbres sont seulement émondés, de sorte que, peu de temps après, ils repoussent activement. A condition que la culture ne soit pas poursuivie au-delà de deux ans, la végétation naturelle se régénère rapidement, le sol est protégé, le cycle des éléments nutritifs redémarre et les mauvaises herbes agressives ne s'établissent pas. Dans un délai de cinq ans après une période de culture courte, une voûte de forêt continue s’est reformée.

Quand de la terre de substitution n'est pas disponible pour la culture, la période de mise en culture doit être prolongée. Ceci entraîne l’établissement de mauvaises herbes, les arbres sont progressivement détruits et, quand la terre est abandonnée, la régénération de la végétation naturelle prend beaucoup plus de temps. La destruction de la forêt pour la production agricole est une cause importante de déforestation.

1. Défrichement de la terre par le feu pour la production agricole en Guinée.

Quand les agriculteurs itinérants n'ont aucun droit sur la terre où ils s’installent, ils ont peu d'incitation à améliorer la productivité future de cette terre. Ainsi la culture itinérante peut dégénérer en «défriche-brûlis», avec d’importants dommages pour la ressource.

La pression foncière force parfois des personnes à chercher plus de terre dans des secteurs de forêt non utilisés auparavant pour l'agriculture. Des personnes sont parfois obligées de travailler dans des zones nouvelles (exemple des personnes déplacées ou des réfugiés) et elles sont alors davantage concernées par une production alimentaire suffisante que par le souci de s'assurer que leurs méthodes sont durables.

Beaucoup des expériences «d’agriculture pionnière» sont également conduites, non par les pauvres, mais par ceux qui ont un avantage économique à chercher à prendre le contrôle de la terre de sorte qu'elle puisse être plus tard louée ou exploitée autrement. Cependant, si la terre est défrichée de manière adéquate pour la culture mécanisée, la forêt prendra de nombreuses années pour se régénérer. Le défrichement le plus destructif est habituellement fortement mécanisé. Ceux qui ont seulement des outils à main ont la plupart du temps des méthodes de défrichement plus respectueuses.

La repousse de la végétation après défriche pour la culture est beaucoup plus lente dans les régions semi-arides. De mauvaises herbes herbacées s’établissent rapidement, et le recyclage des éléments nutritifs peut être négligeable dans ces conditions. Habituellement, en zone semi-aride, pour assurer la subsistance d’une famille, une surface plus grande qu’en zone humide doit être cultivée; cependant, il y a un important avantage: il est plus facile de cultiver à la charrue en zone semi-aride que dans les secteurs de forêt. La culture à la charrue exige que la plupart des souches d'arbres soient enlevées, et le rétablissement d'une couverture végétale est alors un processus largement plus long.

En outre, le brûlis annuel de la végétation réduit de manière drastique le retour de la matière organique au sol, en perdant ainsi les bénéfices (fertilité, meilleure structure, conservation de l'eau, biodiversité, etc.); et la terre s’appauvrit.

Dans les zones plus sèches, la destruction des arbres et de toute autre végétation est une partie importante de la dégradation des terres, plus largement désignée sous le nom de désertification.

2. Destruction de la végétation par la sécheresse au Sénégal.

Les résultats du GLASOD prouvent clairement qu'il y a une dégradation significative des sols dans ces régions. Dans le Sahel, il y a eu une diminution continuelle des précipitations au cours des 20 années précédant 1984, et une tendance des précipitations à légèrement augmenter à partir de 1984 (Figure 7). Cependant, ces tendances des précipitations moyennes globales au Sahel devraient être considérées par rapport aux importantes fluctuations inter-annuelles.

Figure 7 Indices d’anomalies des précipitations et tendances pour le Sahel (1960-1999)

Source: Groupe Agrométéorologie, SDRN, FAO.

Déboisement et désertification: causes ou symptômes

Le déboisement et la désertification sont à la fois causes et symptômes de la détérioration de la productivité car les problèmes sont cycliques: l’utilisation intensive de la terre - induite par la nécessité de produire plus - entraîne la dégradation du sol et des rendements inférieurs, qui font que plus de terres sont défrichées pour la mise en culture. Les politiques des gouvernements devraient identifier les effets de ces deux phénomènes, de sorte qu'on puisse mettre en application des mesures qui changent ce cercle vicieux en «cercle vertueux» de restauration et d'amélioration.

Droits et titres fonciers

Dans beaucoup de pays d’Afrique subsaharienne, les droits traditionnels sur la terre dérivent d’arrangements communautaires. La force et la façon dont ceux-ci sont imposés diffèrent grandement, mais, dans beaucoup de systèmes traditionnels, le droit d’exploiter la terre qui a été cultivée auparavant par la même famille est fortement respecté. Comme la pression foncière grandit, les conflits concernant le droit à la terre deviennent fréquents, et, sans nouvelle terre disponible, la surface cultivée est de plus en plus fragmentée. L'application du système traditionnel de droits à la terre devient de plus en plus difficile et des pressions se font jour pour garantir la propriété officielle de la terre cultivée existante.

La surface de pâturages est également largement considérée comme propriété commune, et l'accès en est normalement limité aux membres d'une communauté particulière. De nouveau, quand la communauté s'agrandit, le nombre de têtes de bétail utilisant le pâturage augmente, entraînant une dégradation de la terre. La pression pour réduire le nombre de têtes de bétail a été habituellement inefficace en raison du rôle social et économique joué par la propriété d’animaux.

Les secteurs boisés communautaires ont également été dégradés car le prélèvement de bois de feu et de poteaux pour la construction s’est intensifié. Il serait difficile d’établir des titres individuels pour l’utilisation de terres dans les surfaces non cultivables, mais une forte reconnaissance des droits communautaires sera indispensable pour encourager les associations d'utilisateurs à coopérer pour une gestion adéquate de telles zones.

Les changements des procédures de gestion pour améliorer la productivité nécessitent divers intrants et la question de qui tirera bénéfice de ces améliorations se pose immédiatement du fait que les bénéfices peuvent n’arriver que plusieurs années après. Si les utilisateurs de la terre n'ont pas la sécurité du régime foncier pour leurs familles et héritiers, ils seront peu disposés à faire des investissements, même avec un soutien gouvernemental.

Les papiers présentés par les pays lors de la Consultation d'experts de Harare reconnaissent également l'importance des problèmes de régime foncier par rapport à l'agriculture durable:

· Zimbabwe: le régime foncier et la distribution des terres ont été les causes les plus importantes de la mauvaise gestion des terres.

· Zambie: le manque d’une indemnisation totale pour la terre lors de l'arrêt d'une location crée l'insécurité pour le locataire à bail; une telle utilisation de la terre non réglementée et très intéressée a comme conséquence la dégradation.

· Ethiopie: vu l’absence de propriété de la terre, les agriculteurs ont tendance à rendre leur terre moins attrayante pour les autres.

· République-Unie de Tanzanie: l'évaluation des aspects du régime foncier est essentielle afin d'autoriser les communautés à gérer leurs ressources.

· Afrique du Sud: la mise en place d’un système de régime foncier est une condition indispensable pour une approche agricole moderne et pour stopper la sérieuse dégradation des terres.

Un titre foncier permanent encourage l'investissement dans la terre, mais ne résout pas nécessairement tous les problèmes de l'agriculture. Beaucoup de pays africains considèrent ce qui suit comme des motifs importants de refuser les titres fonciers:

Coûts et politiques

Augmenter la production agricole de manière durable, introduire des mesures de contrôle de l'érosion ou améliorer la productivité à long terme de la terre (travaux de drainage et de restauration, chaulage, etc.) entraîne des coûts directs (tels que l’achat de chaux, gypse ou engrais) et des coûts indirects, comme le travail de la famille ou le manque à gagner, par exemple quand de la terre est employée pour planter des bandes de contrôle de l'érosion. De plus, la structure sociale des ménages peut être une question importante (travail extrafamilial, responsabilité d'allouer des fonds, problèmes liés au genre).

De tels arrangements peuvent également être à peine viables, à long terme, pour des petits agriculteurs s'il y a peu de bénéfices à court terme, du fait que la réponse des cultures se produit après plusieurs années. Ainsi, les contraintes exercées sur certaines familles peuvent être considérables, en particulier pour celles vivant un peu au-dessus du minimum vital. Les agriculteurs n’achèteront pas d’intrants à moins qu'ils ne soient raisonnablement sûrs que leur production pourra être vendue avec un bénéfice. Ils n’accepteront pas non plus des mesures de conservation à moins que les avantages à long terme leur reviennent, à eux, et non pas à d'autres qui pourraient occuper leur terre ou récolter les avantages (par une taxation, par exemple).

A moins que toutes ces contraintes soient clairement identifiées, n'importe quelle intervention pour améliorer le niveau de vie des petits agriculteurs est condamnée à l'échec. Il peut être nécessaire que l'Etat accepte de prendre en charge une partie plus ou moins grande des coûts; c'est particulièrement important quand le régime foncier n'est pas assuré. Des subventions pour le drainage et le chaulage ont été accordées dans beaucoup de pays développés, et ce, pendant de nombreuses années, et l'utilisation d'engrais a été subventionnée dans plusieurs pays d’Afrique. Des périmètres irrigués destinés à augmenter la productivité des terres ont été généralement mis en place par les Etats, et le paiement de l'eau d’irrigation est l’exception plutôt que la règle.

Ainsi les politiques de gouvernement par rapport à ces facteurs économiques et sociaux peuvent avoir une influence déterminante sur le fait que les pratiques d'augmentation de la production soient durables ou pas. Les politiques liées au régime foncier peuvent être les plus importantes, mais les gouvernements peuvent également exercer une forte influence sur l'utilisation des intrants et les mesures de conservation par des politiques appropriées de fixation des prix et de subvention.

Les politiques concernant la façon dont les fonds gouvernementaux sont alloués (développement industriel et agricole, routes et approvisionnements en eau, défense et sécurité alimentaire) peuvent également imposer de sévères contraintes à l'amélioration de la production agricole. Accepter l'aide alimentaire ou importer de la nourriture à bas prix peut devenir un obstacle important à la production locale. La stabilité de la production à long terme sera menacée si les producteurs croient que, chaque fois qu'ils ont des produits alimentaires à vendre, ceux-ci seront éliminés du marché par des importations bon marché.


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