Previous PageTable Of ContentsNext Page

5 Le cadre institutionnel pour la conception
et la gestion des contrats

Thèmes traités dans le présent chapitre:

• Il faut prévoir pour les organismes publics des fonctions et des capacités nouvelles et différentes pour concevoir, mettre en œuvre, gérer, suivre et mettre à exécution les accords contractuels pour l’exploitation forestière et l’acquisition de biens et services forestiers.

• Le chapitre décrit les fonctions institutionnelles nécessaires pour concevoir et metre en œuvre ces accords contractuels et les réformes organisationnelles nécessaires.

• Les structures organisationnelles et la réorganisation des services pour l’application des contrats d’exploitation forestière et pour les services d’aménagement et de supervision des forêts, ou des contrats d’acquisition pour d’autres biens et services forestiers, sont aussi définis.

• Des changements sont nécessaires concernant le personnel et les compétences, les procédures administratives, les systèmes d’information, l’équipement et l’infrastructure, au sein des organismes forestiers et dans d’autres organismes.

• L’analyse, la conception et la réforme institutionnelles se font en neuf étapes. Elles seront examinées tour à tour.

5.1 Vue d’ensemble

Le présent chapitre porte principalement sur les capacités institutionnelles et les changements devant être apportés dans la conception des accords contractuels pour l'exploitation et l'aménagement des forêts publiques et pour la bonne gestion des contrats forestiers. Le chapitre commence par passer en revue les questions administratives et les changements institutionnels requis pour s'adapter au nouveau rôle des organismes gouvernementaux et encourager les organismes à utiliser davantage les contrats. Ensuite, le chapitre décrit les capacités, structures, procédés et procédures de gestion qui sont nécessaires pour la conception, l'attribution et la gestion des contrats forestiers. Enfin, nous examinerons les changements et réformes administratives indispensables pour l'attribution et la bonne gestion des contrats.

5.2 Problèmes liés au renforcement des organismes forestiers gouvernementaux

Le Chapitre 2 a mis en évidence la tendance mondiale à recourir de plus en plus aux contrats pour la gestion et l'administration des terres forestières publiques. Ce changement dans la manière de travailler des organismes forestiers gouvernementaux exige la mise en place de nouvelles capacités concernant l'organisation et le fonctionnement. Le succès de la conception et de l'utilisation des contrats dépend de la capacité des organismes gouvernementaux à s'adapter à de nouveaux rôles, en tant que responsables de la prise d'initiatives et de la réglementation pour l'équité et la durabilité.

Dans le passé, de nombreux pays ont choisi la gestion du secteur public, les institutions publiques et la direction et le contrôle du gouvernement comme moyen de fournir des biens publics, de remédier aux déficiences du marché, de résoudre les problèmes d'environ- nement et d'influer sur la répartition des revenus et des richesses (Shirley et Nellis, 1991). Le secteur forestier en particulier a été fortement tributaire de la gestion du secteur public par les institutions publiques (Ljungman, 1994).

A partir des années 1980, les gouvernements conservateurs des Etats-Unis et du Royaume- Uni ont amorcé une tendance devenue aujourd'hui mondiale, à réduire le rôle du gouvernement, changeant complètement la politique gouvernementale et privatisant de nombreuses fonctions jusqu'ici remplies par le secteur public. Il s'agissait notamment de l'utilisation de plus en plus fréquente de contrats avec le secteur privé. Soutenue d'abord par les Programmes d'ajustement structurel (PAS), des institutions internationales de prêt telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, cette tendance a gagné de nombreux pays en développement au milieu des années 1980 ainsi que les secteurs agricole et forestier (Morell et Paveri, 1994). Les contrats de concession forestière en vigueur auparavant ont été un instrument de politique forestière dans de nombreux pays à partir des années 1970 et même avant. Toutefois, ils ont très rarement permis d'atteindre l'objectif de l'aménagement durable des forêts, de l'efficacité économique ou de l'équité, principalement en raison de la médiocrité de la gestion, du suivi et de l'exécution des contrats (Repetto et Gillis, 1988; Grut, Gray et Egli, 1991). Pour obtenir de bons résultats avec les contrats forestiers, les gouvernements doivent d'abord renforcer leurs capacités administratives en ce qui concerne la conception, l'attribution, la supervision et l'exécution de ces contrats.

5.3 Les fonctions et capacities institutionnelles dans la conception et gestion des contrats

Nous faisons d'abord l'inventaire de l'ensemble des fonctions que les organismes gouvernementaux devraient remplir concernant la conception et la gestion des contrats. Nous présentons ensuite un cadre qui pourrait servir pour réformer les organisations en place et/ou en créer de nouvelles.

Pour obtenir de bons résultats en ce qui concerne la conception, la mise en œuvre et la gestion tant des contrats d'exploitation forestière que des contrats d'acquisition de services forestiers ou autres, les organismes gouvernementaux doivent avoir des compétences et capacités dans les domaines suivants:

• planification stratégique et analyse des politiques;

• législation forestière, moyens de mettre en œuvre la Loi sur les forêts, connaissances détaillées des lois sur les contrats et d’autres lois concernant l’utilisation de la propriété publique;

• formulation et mise à exécution des règlements forestiers;

• conception de procédures administratives simplifiées et efficaces;

• analyse financière pour évaluer les valeurs et les avantages compris dans les contrats forestiers, pour établir et évaluer les modalités et conditions des contrats et pour l’analyse et l’évaluation des offres;

• expérience en matière de conception et de rédaction de contrats forestiers afin d’éviter les méprises et les conflits et encourager leur respect;

• conception et application de demandes de soumission concurrentielles et capacité de mener à bien l’appel à la concurrence;

• aptitude à négocier des contrats;

• capacité de suivi et de contrôle, y compris la capacité de suivre les opérations forestières sur le terrain;

• capacité de faire exécuter les dispositions.

Développer l'aptitude à mener à bien ces fonctions exige la création de nouvelles capacités, le renforcement des capacités existantes dans certains domaines et des changements dans la structure et les procédures opérationnelles des organismes forestiers gouvernementaux concernés.

La section ci-après passe en revue la gamme de fonctions à remplir pour gérer les forêts, comment les remplir, qui doit les remplir, soit un organisme forestier, soit un contractant. Les sections suivantes examinent les options pour effectuer les changements institutionnels et la réattribution des fonctions nécessaires pour gérer les contrats forestiers.

5.4 Fonctions opérationnelles concernant l’aménagement des forêts publiques

Les fonctions opérationnelles à remplir pour aménager, mettre en valeur et conserver les forêts publiques, varient naturellement d’un pays à l’autre. Il est néanmoins possible d'identifier des fonctions opérationnelles essentielles qui seront applicables dans la plupart des pays. Ces fonctions opérationnelles clés sont décrites au tableau 5.1. Nombre d'entre elles feront aussi partie de la conception et de la gestion des contrats, bien que leur mise en œuvre puisse être différente.

Ces fonctions essentielles associées à l'aménagement, à l'utilisation et à la conservation des forêts publiques peuvent être confiées à une ou plusieurs organisations (ou groupes) dans n'importe quelle structure administrative (Ross, 1988). Les bailleurs de fonds financent ou supportent le coût des trois autres fonctions essentielles. Les producteurs emploient les fonds pour la production de biens ou de services. Les utilisateurs utilisent ou consomment et paient les produits ou services forestiers. Enfin, les contrôleurs veillent à ce que ceux qui sont chargés des trois autres fonctions les effectuent selon les nécessités et s'acquittent de leurs obligations.

Les contrats forestiers modifient les rapports entre bailleur de fonds, producteur, utilisateur et contrôleur. Les contrats d'exploitation forestière et les contrats d'acquisition modifient l'identité des producteurs d'un produit, apport ou service forestier. Dans les contrats d'aménagement forestier, certaines activités des producteurs sont sous-traitées: les inventaires forestiers, la planification de l'aménagement des forêts, les opérations sylvicoles, le reboisement, la protection contre les feux, etc. Avec les contrats de suivi et de supervision des forêts, on peut sous-traiter les fonctions des contrôleurs, par exemple, avec la mesure des grumes, les inspections sur le terrain de l'abattage, les inspections des opérations de régénération et sylvicoles, la surveillance de l'environnement, la vérification des activités forestières ou la certi- fication des forêts.

5.5 Structures et conception des organisations

Il existe une vaste documentation sur la théorie et la pratique de l'analyse institutionnelle, les structures et la conception des organisations. Le lecteur pourra consulter les références à la fin du présent chapitre pour approfondir ce thème. Nous examinons ici trois questions organisationnelles importantes: conception de l'organisation, réforme de l'organisation et décentralisation.

Les organisations ont en général trois composantes structurelles primaires que Mintzberg (1979) appelle des composantes administrative, opérationnelle et d’appui. La composante administrative est divisée en trois sous-composantes ou niveaux: pôle stratégique, niveau intermédiaire et technostructure. Lorsque l’on analyse ou que l’on réforme une organisation particulière, il est utile de regrouper les unites fonctionnelles de l’organisation en ces grandes catégories et d’examiner leurs activités par le menu.

Le pôle stratégique de la composante administrative comprend l’exécutif de l’organisation, le personnel d’appui et des conseils consultatifs ou des comités exécutifs. Ce personnel a une responsabilité générale pour la réalisation de la mission et des objectifs correspondants à l’organisation. Le pôle stratégique établit une politique et une orientation pour l’organisation, assure la supervision des operations internes directement ou indirectement par le biais du niveau intermédiaire, et gère les rapports avec l’extérieur. Ses décisions sont communiquées vers le bas et latéralement au sein de l’organisation par la voie hiérarchique et sont mises en pratique par le niveau intermédiaire et la composante opérationnelle. Dans la composante administrative, le niveau intermédiaire comprend le personnel dit de gestion intermédiaire qui assure le lien entre le pôle stratégique et la composante opérationnelle. Ces fonctionnaires ont autorité sur le personnel de la composante opérationnelle et supervisent directement leur travail. La technostructure consiste principalement en analystes et services d’appui qui influent sur le travail desautres au sein de l’organisation, en particulier en étudiant et en élaborant des moyens d’améliorer l’efficacité.

La composante opérationnelle des organisationsenglobe tous les départements et sections qui mettent en pratique les politiques moyennant la production de produits ou la fourniture de services. Les organisations publiques qui participent à l’aménagement et à la conservation des terres forestières publiques, produisent des produits forestiers (bois d’œuvre et autres), font exécuter les contrats, fournissent des informations et s’occupent de la planification.

Enfin, la composante d’appui comprend des départements ou des sections qui ne participant pas directement à la production de produits ou à la fourniture de services aux clients mais qui appuient les activités tant des agents d’administration que du personnel d’exécution. Ils fournissent les services internes essentiels: juridiques, financiers, comptabilité, personnel, achat et recherche.

5.5.1 Décentralisation

Un concept important dans l'analyse institutionnelle et la conception des organismes forestiers publics est la "décentralisation". Ce terme populaire, souvent employé improprement ou mal compris, est communément proposé comme remède chaque fois qu'un problème grave se pose dans le secteur public. La décentralisation présente deux aspects, tous deux importants dans la conception des organismes forestiers: la décentralisation géographique et la décentralisation de la prise de décision. On peut parler d'organisations géographiquement décentralisées lorsque les bureaux et le personnel sont basés dans de nombreuses zones et éloignées l'une de l'autre. Les activités de gestion des terres et des ressources forestières sont, par nature, géographiquement dispersées. Certes, un organisme peut être géographiquement décentralisé, mais la prise de décision n'a pas besoin de l'être.

La décentralisation de la prise de décision se réfère à l’autonomie dont jouissent les départements, les sections ou le personnel, en particulier le personnel d’exécution de l’organisation, pour prendre et appliquer des decisions (Mintzberg, 1979). Dans les organisations où la prise de décision est centralisée, les decisions sont prises et/ou approuvées à des niveaux relativement élevés. Chacun sait que les organismes forestiers publics sont très centralises sur le plan décisionnel, tout en étant decentralises sur le plan géographique. Ils sont souvent caractérisés par des procédures administratives trop complexes, qui prennent beaucoup de temps et qui doivent être approuvées à de multiples échelons de la bureaucratie.

La décentralisation de la prise de décision au sein d’un organisme présente à la fois des avantages et des inconvénients. Une conception fortement centralisée viendra renforcer la coordination et la cohérence au sein de l’organisme, mais compromettra la flexibilité et la participation des départements, des sections et du personnel. Dans les grands organismes menant des activités réglementaires ou remplissant les fonctions de «contrôle» décrites plus haut, la centralisation est synonyme de cohérence. Néanmoins, un processus décisionnel centralisé peut décourager la productivité, et le transfert des documents et des prises de décisions peut devenir extrêmement lent.

Le principal avantage pour les organisations où le processus décisionnel est décentralisé est la formation d’un sentiment d’identification par rapport aux décisions et aux produits et services fournis par le personnel local, ce qui peut servir à motiver et à encourager les innovations et permettre de mieux prendre en compte les conditions locales (Mintzberg, 1979). La prise de décision décentralisée facilite également le traitement en temps voulu des documents administratifs et des approbations, ce qui améliore la productivité. Le principal inconvénient de la décentralisation est la difficulté de maintenir la coordination et l’harmonie entre les unités.

La dimension et l’ampleur de chaque organisation affectent la possibilité et la nécessité d’envisager la décentralisation. Les petites organisations qui ont des services hiérarchiques ou des fonctions de service limitées n’ont guère besoin d’être décentralisées. La coordination et la cohérence de la prise de décision centralisée donnent un net avantage. Les organisations de grande dimension et complexes peuvent tirer grand profit d’un modèle décentralisé pour les raisons examinées plus haut.

5.5.2 Changements dans les besoins en personnel et en compétences

Le recours plus fréquent aux contrats, à la soustraitance et à la privatisation a des conséquences importantes; il entraîne notamment des changements dans les besoins en personnel et en compétences des organismes gouvernementaux. Cela s'applique particulièrement à la foresterie. En Nouvelle-Zélande, après la vente de plantations forestières au secteur privé et le transfert des forêts de protection au Ministère de la conservation, des problèmes se sont posés concernant les qualifications et les compétences des agents restés dans le secteur public (Brown et Valentine, 1994). Les besoins importants de formation et de perfectionnement n'avaient pas été prévus.

Moe (1996) et Halachmi (1995) ont cerné les principaux problèmes de dotation en personnel posés par l'utilisation croissante des contrats, de la sous-traitance et de la privatisation. La gestion publique passe de la production directe de biens et services publics à la supervision et au contrôle des rapports complexes et souvent subtils des tiers avec les contractants ou les producteurs du secteur privé. La charge de travail des organismes publics change, exigeant de la part des fonctionnaires des compétences différentes. Les organismes gouvernementaux autrefois chargés de fournir le service, deviennent responsables de la rédaction, la négociation, l'exécution et la renégociation de contrats ou d'accords. Cela exige des compétences et une formation très différentes de celles que nécessitait la fourniture de service. Le système d'incitation pour les employés changera, passant d'un système fondé sur la production d'un produit ou la fourniture d'un service à un système d'incitation fondé sur le processus, avec des incitations basées sur la performance du secteur. Enfin, les gouvernements peuvent rencontrer des difficultés pour attirer le personnel technique qualifié requis pour gérer les contrats (négociation, supervision, évaluation, contrôle et exécution). Les nouvelles tâches sont principalement administratives, par opposition à la fourniture directe de biens et services publics. Il est donc important que les gouvernements procèdent à une planification rigoureuse des réformes organisationnelles et des changements dans la dotation en personnel avant de commencer à sous-traiter ou à privatiser.

5.5.3 Changements dans les procédures administratives et les systèmes d’information

La sous-traitance exige des changements dans les procédures administratives et les systèmes d'information, ainsi que dans les fonctions et le personnel. Il est nécessaire d'élaborer de nouveaux manuels ou de nouvelles procédures, ou de réviser ceux ou celles qui existent, pour décrire les nouveaux protocoles et les nouvelles responsabilités en matière de prise de décision, et les procédures détaillées que chaque membre du personnel doit suivre. L'élaboration de manuels des opérations découle logiquement du fait que des descriptions détaillées ont été faites des fonctions de chaque poste. En cas de sous-traitance, les nouvelles responsabilités du personnel comporteront principalement l'évaluation des opérations et de la performance du contractant. Cela exige un changement dans les procédures concernant la vérification, la comptabilité et pour assurer le respect des obligations du contrat. De nouveaux systèmes d'information seront requis qui sont axés sur l'exécution des contrats.

Même des activités comme la surveillance du respect des contrats d'utilisation des ressources forestières peuvent être sous-traitées. Dans ce cas, il faudra vérifier la performance de l'organisme chargé de la surveillance.

5.5.4 Equipement et infrastructure

L'utilisation accrue des contrats pour l'aménagement et l'administration des terres forestières publiques entraînera des changements substantiels dans les besoins en équipement et en infrastructures. Conclure des arrangements nécessitera un équipement différent pour la conception et la négociation des contrats, et en particulier pour le suivi et la supervision de l'exécution des contrats et de l'équipement de bureau tels qu'ordinateurs et logiciels, ainsi que l'équipement de surveillance, véhicules, bateaux, avions, télédétection, etc.

Les organismes gouvernementaux qui s'occupaient auparavant de la production de biens ou de services verront leurs besoins diminuer en ce qui concerne l'équipement lourd et l'équipement de production tels que les engins forestiers, le matériel pour la construction de routes, pour les scieries et les ateliers d'entretien des bâtiments et d'autres infrastructures.

5.5.5 Changements dans les institutions opérant hors du secteur forestier

Mettre en place des arrangements dans le secteur forestier nécessitera également des changements dans d'autres ministères et organismes gouvernementaux. Nous avons souligné au Chapitre 3 l'importance d'examiner les liens intersectoriels entre les ministères pour concevoir de nouvelles structures institutionnelles ou pour procéder à des réformes institutionnelles.

Sous-traiter et/ou privatiser des activités forestières nécessitera des conseils juridiques et des orientations de la part des services juridiques centraux du gouvernement, une assistance pour la rédaction et l'interprétation des lois et règlements et un appui pour l'établissement des contrats et la rédaction des conditions des contrats. Cela pourrait exiger des compétences juridiques supplémentaires afin qu'il n'y ait pas de retard dans les procédures.

Le suivi et la supervision des contrats néces- siteront une coordination avec d'autres départements s'occupant de ressources telles que pétrole, exploitation minière, pêches et environnement, à la fois pour tirer parti de leur expérience en matière de suivi et de supervision et pour parvenir à une coordination et à la cohérence dans le suivi et l'exécution. Cette dernière activité pourrait aussi exiger une coordination avec les services juridiques centraux, pour faciliter les actions en justice dans le cas de violations des contrats et les poursuites judiciaires.

5.6 Etapes pour l’analyse, la conception et la réforme des institutions

Le processus à suivre pour l'évaluation et la réforme institutionnelles des organisations forestières ou pour la conception de nouvelles organisations peut être divisé en neuf étapes. Il s'applique également à l'analyse et à la réforme des organisations déjà en place ou à la conception de nouvelles organisations. Les neuf étapes sont les suivantes:

1. Examiner la mission de l’organisation. Fixer les objectifs à moyen et à long terme.

2. Examiner le rôle de l’organisation au sein de la structure institutionnelle du gouvernement.

3. Définir les tâches au sein de l’organisation ainsi que les postes.

4. Créer la structure pour l’organisation.

5. Etablir des liens, des systèmes de communication et des flux d’information au sein de l’organisation.

6. Mettre en place le dispositif pour la prise de décision.

7. Evaluer les besoins en matière d’équipements et d’infrastructures.

8. Etablir un projet de budget.

9. Elaborer un plan de mise en œuvre.

5.6.1 Examiner la mission de l’organisation

La première étape de ce processus consiste à examiner et à redéfinir la mission de l'organisation. Cet énoncé est un point de départ important dans la réforme ou la conception de l'organisation. Il définit, au sens le plus large, le but et les limites du fonctionnement de l'organisation ainsi que son orientation générale. Morell et Paveri (1994) ont remarqué que l'absence d'un énoncé clair de la mission des organisations forestières publiques était l'une des principales raisons des médiocres performances. L'énoncé de la mission lui-même peut commencer par une déclaration générale concernant les objectifs de l'organisation, suivie de déclarations déterminant les fonctions opérationnelles et fondamentales de l'organisation. Après cela, l'organisation peut établir des objectifs à moyen et à long terme ainsi qu'un calendrier pour leur réalisation.

5.6.2 Examiner le rôle de l’organisation au sein de la structure institutionnelle

Une fois la mission définie, l'étape suivante consiste à examiner le rôle de l'organisation au sein de la structure institutionnelle générale du gouvernement. Cela signifie notamment spéci- fier les rapports avec d'autres organisations faisant partie de cette structure. Il faut définir les aspects financiers de ces rapports, ainsi que la structure hiérarchique, les spécifications relatives à la présentation des informations, les pouvoirs décisionnels et toutes les ressources humaines et physiques partagées. L'objectif est d'identifier tout conflit dans la mission, les objectifs de politique, les fonctions ou les programmes parmi d'autres organisations.

5.6.3 Définir les tâches au sein de l’organisation ainsi que les postes

La troisième étape consiste à définir les tâches au sein de l'organisation et à identifier les tâches et les fonctions de chaque membre du personnel. Cela signifie décrire de façon précise toutes les tâches associées à la réussite des fonctions opérationnelles, et décider comment celles-ci devraient être regroupées dans les postes. Les questions qui doivent être abordées à ce stade sont la spécialisation horizontale et verticale des emplois. La première se réfère à l'ampleur du champ d'action de chaque poste, c'est-à-dire combien de tâches différentes sont confiées à chaque poste. La seconde correspond au degré d'autonomie ou de contrôle dont jouissent les titulaires des postes en remplissant leur tâche.

Après avoir défini toutes les tâches et tous les postes, il s'agira d'officialiser chaque emploi en établissant les spécifications du poste, c'est-à-dire en décrivant les fonctions. Pour chaque poste, il faudra préciser les qualifications et la formation requises, ou la formation nécessaire pour préparer les candidats à ce poste.

5.6.4 Créer la structure pour l’organisation

Après avoir défini les tâches et décrit les fonctions pour chaque poste, l'étape suivante consiste à élaborer la structure de l'organisation. Pour ce faire, il faut regrouper les divers postes en des unités (départements ou sections) et décider des dimensions de chaque unité. Ce processus permet d'établir la structure hiérarchique de l'organisation et son système de compétences officielles (Mintzberg,1979). Cette opération sera facilitée par l'élaboration d'un diagramme qui montrera la structure de toutes les unités et les rapports entre elles.

On procède au regroupement des unités pour plusieurs raisons (Mintzberg, 1979). D'abord pour créer un système de supervision partagé entre les unités et les postes et pour identifier la structure hiérarchique. Ainsi, les unités comprises dans un groupe donné qui partagent des ressources et les regroupements deviennent des unités de planification en ce qui concerne le budget, l'équipement et d'autres installations. Enfin, les regroupements permettent en général d'établir des mesures communes de rendement.

La dimension des regroupements est un paramètre important de la conception, car elle dicte la forme de l'organisation et ses composantes. La structure des organisations peut être large, avec de longues lignes hiérarchiques et généralement de petits groupes, ou plate, avec des niveaux relativement peu nombreux et des regroupements d'unités plus importants.

Pour déterminer la dimension des unités, il faut connaître les besoins en personnel par type d'emploi. Selon l'ampleur des opérations ou la production prévue, il est nécessaire de procéder à des estimations de la capacité par rapport au nombre de postes pour chaque type d'emploi. Cela exige une analyse des tâches pour chaque emploi, dans laquelle on estime le temps requis par jour, semaine, mois et année pour chaque tâche. Cette information permettra d'estimer la "productivité" de chaque employé qui peut ensuite être comparée à la production totale prévue pour l'unité afin de déterminer le nombre d'employés nécessaires. De cette manière, la dotation totale en personnel peut être obtenue pour chaque unité dans toutes les composantes de l'organisation. Ces données sont nécessaires pour établir le budget et évaluer les besoins en main-d'œuvre et en formation.

5.6.5 Etablir des liens, des systèmes de communication et des flux d’information au sein de l’organisation

Au sein des organisations, les liens horizontaux se réfèrent à la mise en place de mécanismes de flux d'information au niveau latéral, par opposition à la structure verticale de la hiérarchie des compétences. Cela signifie définir les rapports ou les mécanismes de communication entre divers groupes au sein de l'organisation. Mintzberg (1979) définit deux grandes classes de liens horizontaux: systèmes de planification et de contrôle et systèmes de liaison. Les systèmes de planification comprennent des activités telles que la planification stratégique et la budgétisation des investissements par le personnel dans le pôle stratégique et à des échelons plus élevés que le niveau intermédiaire, et le programme de production au niveau opérationnel. Les systèmes de contrôle comportent les objectifs, les budgets et les normes de travail qui s'appliquent à tous les niveaux de l'organisation. Les systèmes de liaison comportent des comités permanents composés de membres provenant d'unités de même niveau, et d'individus chargés d'assurer la communication entre les unités à un niveau donné.

5.6.6 Mettre en place le dispositif pour la prise de décision

Mintzberg (1979) a défini les cinq étapes du processus décisionnel:

1. Collecter des informations.

2. Traiter l’information pour donner des conseils.

3. Faire un choix.

4. Autoriser le choix.

5. Exécuter la décision.

La répartition du contrôle sur ces cinq composantes du processus décisionnel sera determine par le type et le degré de décentralisation. Deux aspects de la décentralisation: a) géographique, et b) décentralisation structurelle de la prise de décision, ont été examinés plus haut. Le pouvoir décisionnel peut aussi être décentralisé verticalement et/ou horizontalement. La décentralisation verticale se réfère à la répartition du pouvoir sur les cinq composantes de la prise de décision sur toute la filière hiérarchique au sein de l'organisation; en d'autres termes, comment le pouvoir est réparti entre les divers niveaux (pôle stratégique, niveau intermédiaire, niveau opérationnel). La décen- tralisation horizontale décrit comment les pouvoirs de décision sont répartis latéralement sur un seul niveau de l'organisation.

Les différents types de décentralisation dans les divers types d'organisations présentent à la fois des avantages et des inconvénients. Ceux qui participent à la mise en place ou à la réforme d'organisations devront trouver le meilleur modèle pour l'organisation spécifique, sa situation et ses tâches. Les concepteurs et les gestionnaires de l'organisation doivent être préparés à évaluer différents modèles de décentralisation du processus décisionnel en cherchant les meilleures options ou la meilleure association d'options.

5.6.7 Evaluer les besoins en matière d’équipements et d’infrastructures

Après avoir défini les tâches de toutes les unités et spécifié les besoins en personnel pour tous les postes au sein de l'organisation, il faudra estimer les besoins en équipements et en infrastructures. On déterminera ces besoins sur la base des descriptions des tâches et des emplois et de la connaissance des méthodes de production ou des services à fournir. Il faudra dresser des listes des équipements par nombre et par type pour chaque unité et pour chaque département en fonction de leurs besoins spécifiques. Il est indispensable de disposer de ces données pour établir des budgets d'investissement et de fonctionnement et pour élaborer un plan d'achat.

5.6.8 Etablir un projet de budget

Il s'agit d'une étape très importante. Elle détermine les coûts globaux des activités de l'organisation ainsi que les besoins de financement pour l'organisation ou les revenus qui seront nécessaires pour financer les opérations. La durabilité à long terme de l'organisation dépend d'une source régulière de financements suffisants. Si le budget est excessif par rapport aux sources de revenu, il ne sera pas possible de maintenir le rendement ou la production à la capacité prévue et de la qualité souhaitée. Les institutions publiques qui dépendent des recettes fiscales provenant du budget national sont sensibles aux pertes de recettes et aux compressions budgétaires, en particulier dans un climat de rationalisation.

Les budgets devraient être établis par unités, sections ou départements, et en fonction des besoins en personnel, équipement et infrastructures. Il faudrait appliquer des procédures comptables standard pour estimer les dépenses d'investissement et de fonctionnement annuelles. On appliquera des hypothèses réalistes concernant les exigences en matière de remplacement d'immobilisations, particulièrement pour des articles tels que véhicules, bateaux et matériel mobile, de préférence en s'appuyant sur des données antérieures.

Pour ce qui concerne les coûts de la maind'œuvre, afin d'attirer et de garder le personnel très qualifié, ainsi que pour prévoir et récompenser le bon rendement, il est important de verser des traitements et salaires compétitifs tant dans le public que dans le privé. Klitgaard (1995) a mentionné les salaires insuf- fisants dans le secteur public au Ghana comme un grave problème et une des causes du rendement médiocre des organismes gouvernementaux.

Une fois que les budgets des unités sont disponibles, il faut les regrouper pour estimer le budget total pour l'organisation. Pour de nouvelles organisations ou de nouveaux programmes, les besoins financiers devraient être plus élevés durant les premières années en raison des dépenses initiales en capital pour l'équipement et l'infrastructure, la formation et autres frais d'établissement. Il faudra prévoir les effets de l'inflation sur toutes les rubriques du budget et envisager en conséquence les hausses réelles des coûts de la main-d'œuvre, toujours en vue de retenir le personnel qualifié.

Il faudra comparer les budgets annuels totaux pour l'organisation avec les sources de revenu pour s'assurer qu'il existe un financement adéquat. Si les coûts dépassent les revenus, il faut réaménager l'organisation de manière à réduire les coûts, trouver de nouvelles sources de financement ou combiner ces deux solutions.

5.6.9 Elaborer un plan de mise en œuvre

La dernière étape de la conception ou de la réforme de l'institution consiste à formuler un plan de mise en œuvre. Cette étape concerne tant la conception de nouvelles organisations que la réforme de celles existant déjà. Il est recommandé d'établir un plan de mise en œuvre échelonné en une série d'étapes et de tâches successives. L'élaboration du plan commence par la décomposition du processus de mise en œuvre en tâches séparées et en leur agencement en une séquence logique avec un calendrier pour chaque tâche à exécuter. Pour faciliter l'élaboration du plan de mise en œuvre, on peut faire appel à des gestionnaires de projet et utiliser des programmes de logiciel.

S'il s'agit de la réforme d'une organisation, il vaudra mieux commencer par effectuer de simples changements pour lesquels on bénéfi- cie d'un appui solide afin d'obtenir rapidement de bons résultats qui se répercuteront sur d'autres unités.

5.7 Résumé du chapitre

• Il est nécessaire d’apporter des changements dans les fonctions, la structure et les capacités administratives des organismes forestiers publics, afin de concevoir, mettre en œuvre, gérer et exécuter des accords contractuels: contrats d’exploitation forestière ou contrats d’acquisition pour la fourniture de services concernant l’aménagement des forêts et d’autres services forestiers.

• Les fonctions et les capacités institutionnelles requises pour les accords contractuels comprennent: capacités nouvelles ou accrues en analyse financière, élaboration et rédaction de contrats, conception et mise en œuvre de procédures d’appel d’offres, pouvoir de négociation, suivi, contrôle et capacités en matière d’exécution. • Sous-traiter des activités liées à l’exploitation forestière et aux services forestiers entraîne des changements dans les rapports fondamentaux entre les quatre parties concernées: bailleurs de fonds, producteurs, utilisateurs et contrôleurs des activités forestières.

• Les questions de décentralisation ont été abordées car elles sont importantes pour mettre en place la structure des organismes forestiers. La distinction entre décentralisation géographique et décentralisation de la prise de décision a été faite.

• Nous avons identifié un processus d’analyse, de conception et de réforme de l’institution en neuf étapes et décrit chacune d’entre elles. La première étape, un examen de la mission de l’organisation, et la définition des objectifs à moyen et à long terme, établit le but de l’organisation et constitue un premier pas de grande importance.

• Les autres étapes comprennent: l’examen du rôle de l’organisation dans la structure gouvernementale; l’identification des tâches au sein de l’organisation, la description des postes à occuper; la création de la structure de l’organisation; la conception de liens, de systèmes de communication et de flux d’informations; la mise en place du processus décisionnel; l’évaluation des besoins en équipements et en infrastructures; l’établissement de projet de budgets et enfin l’élaboration du plan de mise en œuvre.

5.8 Références bibliographiques

Brown, C.L. et Valentine, J. 1994. La privatisation et ses implications pour les institutions forestières: gros plan sur la Nouvelle- Zélande. Unasylva, 45(178): 11-19.

Grut, M., Gray, J.A. et Egli, N. 1991. Forest pricing and concession policies: managing the high forests of west and central Africa. World Bank Technical Paper 143, Banque mondiale, Washington, 77 p.

Halachmi, A. 1995. The challenge of a competitive public sector. In A. Halachmi et G. Bouckaert, éds. The enduring challenges in public management. Jossey-Bass Pub., SanFrancisco, p. 220-243.

Klitgaard, R. 1995. Institutional adjustments and adjusting to institutions. World Bank Discussion Paper no 303, Banque mondiale, Washington, 23 p.

Ljungman, L. 1994. Evolution du rôle des institutes forestiers dans les anciens pays à économie centralement planifiée d’Europe de l’Est. Unasylva, 45(178): 20-30.

Mintzberg, H. 1979. The structuring of organizations. Prentice-Hall, Inc. Englewood Cliffs, New Jersey, 512 p.

Moe, R.C. 1996. Managing privatization: a new challenge to public administration. In B.G. Peters et B.A. Rockman, éds. Agenda for excellence: administering the state. Chatham House Pub, Chatham, New Jersey,p. 135-148.

Morell, M.G. et Paveri, M.P. 1994. Evolution des institutions forestières gouvernementales en Amérique latine: comment améliorer leur action. Unasylva, 45(178): 31-37.

Ross, R.L. 1988. Government and the private sector: who should do what? Crane Russak et Co., New York, 126 p.

Repetto, R. et Gillis, M. 1988. Public policies and the misuse of forest resources. Cambridge University Press, Cambridge, 432 p.

Shirley, M. et Nellis, J. 1991. Public enterprise reform: the lessons of experience. Institut de développement économique, Banque mondiale, Washington, 91 p.

Previous PageTable Of ContentsNext Page