Page précédenteTable des matièresPage suivante

 

TROISIÈME PARTIE
Points saillants des études spéciales de la FAO

DOMAINE DE L'INDUSTRIE DES ALGUES MARINES

INTRODUCTION

L’industrie des algues marines présente une production très diversifiée, d’une valeur annuelle totale de 5,5 à 6 milliards de dollars EU, dont 5 milliards de dollars EU de produits alimentaires destinés à la consommation humaine. Le solde d’un milliard de dollars EU correspond pour une large part à des substances extraites d’algues marines – les hydrocolloides, le reste ayant des utilisations diverses et plus limitées, notamment comme engrais et en tant qu’additifs pour l’alimentation animale. Le secteur utilise annuellement de 7,5 à 8 millions de tonnes d’algues marines humides, qui sont soit naturelles (algues sauvages), soit cultivées (algues de culture). Cette culture s’est développée rapidement, dans la mesure où l’offre d’algues marines naturelles n’a pu satisfaire la demande. L’exploitation des algues marines à des fins commerciales se fait dans environ 35 pays, situés dans les deux hémisphères, dans des eaux froides et des eaux de zones tempérée ou tropicale.

CLASSIFICATION DES ALGUES MARINES

Il est possible de répartir les algues marines en trois grands groupes, en fonction de leur pigmentation: les brunes, les rouges et les vertes, soit respectivement les Phaeophycées, les Rhodophycées et les Chlorophycées, comme les désignent les botanistes. Les algues marines brunes atteignent généralement de grandes dimensions, allant du varech géant, qui a souvent 20 m de long, à des algues épaisses, semblables à du cuir, mesurant de 2 à 4 m de long, et à des espèces plus petites, d’une longueur de 30 à 60 cm. Les algues rouges sont d’ordinaire de plus petite taille, leur longueur allant d’habitude de quelques centimètres à environ un mètre; toutefois, les algues rouges ne le sont pas toujours: leur couleur est parfois pourpre, même rouge brun, mais les botanistes les classent néanmoins parmi les Rhodophycées en raison de leurs autres caractéristiques. La taille des algues vertes est également réduite, et elle se situe dans des limites similaires à celles des algues rouges. Les algues marines sont appelées aussi macroalgues, ce qui les distingue des microalgues (Cyanophycées), de taille microscopique, souvent monocellulaires, dont les plus connues sont les algues vert-bleu, qui parfois prospèrent dans les rivières et les ruisseaux, et les polluent. Les algues marines naturelles sont souvent qualifiées de sauvages, par opposition à celles qui sont cultivées.

ORIGINE ET UTILISATION DES ALGUES MARINES à DES FINS COMMERCIALES

L’algue marine en tant que produit alimentaire

L’usage de l’algue marine dans l’alimentation remonte au IVe siècle au Japon et au VIe siècle en Chine. Ces deux pays sont aujourd’hui, avec la République de Corée, les plus gros consommateurs d’algues marines dans l’alimentation. Cependant, l’émigration d’habitants de ces pays vers d’autres régions du monde a eu une incidence sur l’évolution de la demande, par exemple dans certaines parties des États-Unis et d’Amérique du Sud. Il n’a pas été possible de faire face, avec les volumes disponibles d’algues naturelles (sauvages), à l’accroissement de la demande qu’on a connu au cours des 50 dernières années. Des recherches sur le cycle de vie de ces algues ont conduit au développement de cultures et à présent plus de 90 pour cent de la demande sur le marché est satisfaite par ces cultures. En Islande, en Irlande et en Nouvelle-Écosse (Canada), on a traditionnellement consommé un autre type d’algue marine et ce marché se développe. En France, certains organismes publics et commerciaux ont fait la promotion, avec une certaine réussite, de l’utilisation des algues marines au restaurant et chez soi. Il existe un marché informel chez les habitants des côtes, dans certains pays en développement, où il est de tradition de recourir aux algues marines fraîches en tant que légumes et dans les salades.

Le kombu à partir des espèces de Laminaria

La Chine est le plus gros producteur d’algues marines comestibles et sa récolte annuelle est d’environ 5 millions de tonnes humides. La part la plus importante de la culture est consacrée au kombu, obtenu à partir d’une algue brune, la Laminaria japonica, cultivée sur des centaines d’hectares. La Laminaria, originaire du Japon et de la République de Corée, a été introduite en Chine par hasard, en 1927, à Dalian (anciennement Dairen), une ville située au nord du pays, probablement à l’occasion d’un transport maritime. Auparavant, la Chine importait ce dont elle avait besoin du Japon et de la République de Corée, qui disposaient d’algues naturelles. Dans les années 50, la Chine a élaboré une méthode de culture de la Laminaria; de jeunes plants poussent dans de l’eau refroidie à l’intérieur de serres puis ils sont repiqués sur de longs cordages suspendus dans l’océan. Cette culture est devenue une source importante de revenus pour un grand nombre de familles de la côte. En 1981, la production annuelle s’élevait à 1 200 000 tonnes humides. À la fin des années 80, certains agriculteurs étant passés à l’élevage plus rémunérateur mais risqué des crevettes, la production a baissé, mais elle a commencé à augmenter au milieu des années 90, et celle de 1999 aurait été de 4 500 000 tonnes humides. La Chine est à présent autosuffisante en Laminaria et elle possède un bon marché à l’exportation.

Le Japon disposait de Laminaria en abondance, qui provenait surtout de l’île septentrionale d’Hokkaido, où on trouvait plusieurs espèces naturelles. Toutefois, avec la prospérité croissante qui a suivi la seconde guerre mondiale, la demande a augmenté, ce qui a rendu la culture de la Laminaria nécessaire à partir des années 70. Aujourd’hui, le Japon s’approvisionne à la fois en algues marines naturelles et de culture. En République de Corée, la demande de Laminaria est beaucoup plus faible et la majeure partie de l’approvisionnement provient à présent d’algues de culture.

Le wakamé obtenu à partir de Undaria pinnatifida

La République de Corée produit annuellement aux alentours de 800 000 tonnes humides d’algues marines, provenant de trois espèces comestibles différentes. Une algue brune, Undaria pinnatifida, utilisée pour le wakamé et cultivée approximativement comme la Laminaria en Chine, représente environ 50 pour cent de la production. Une partie de l’Undaria récoltée est exportée au Japon, dont la récolte annuelle n’est que d’environ 80 000 tonnes humides. La Laminaria est plus prisée que l’Undaria en Chine, où, au milieu des années 90, on récoltait par an aux alentours de 100 000 tonnes humides d’Undaria de culture, ce qui est peu en comparaison de la production de 3 millions de tonnes humides de Laminaria réalisée à l’époque.

L’hizikia obtenue à partir de Hizikia fusiforme

L’Hizikia est un produit alimentaire apprécié au Japon et en République de Corée, où on en a récolté sur des bancs naturels jusqu’à 20 000 tonnes humides en 1984, lorsqu’on a commencé à le cultiver. Depuis lors, la culture, sur la côte sud-ouest, a progressé régulièrement, la récolte atteignant en 1994 environ 32 000 tonnes humides contre seulement 6 000 tonnes humides d’Hizikia naturelle. La République de Corée exporte une grande partie de sa production au Japon, où cette espèce est peu cultivée.

Le nori obtenu à partir des espèces de Porphyra

Le Japon a une production annuelle d’environ 600 000 tonnes humides d’algues marines comestibles. Le nori représente 75 pour cent de cette production. Il s’agit d’une algue fine, brune et violacée, qu’on enroule autour d’une boule de riz dans le sushi; elle est obtenue à partir d’algues rouges de la famille de la Porphyra, qui est cultivée au Japon et en République de Corée depuis le XVIIe siècle, où on en trouve à l’état naturel; mais, même XVIIe siècle, l’algue naturelle ne suffisait pas à satisfaire la demande. La culture a été développée de façon intuitive, en observant l’apparition saisonnière de spores, mais la Porphyra a un cycle de vie complexe qu’on n’a pu comprendre avant les années 50. À partir de cette époque, la culture a connu une forte augmentation, et elle constitue aujourd’hui pratiquement toute la production en Chine, au Japon, et en République de Corée. En 1999, la production annuelle de ces trois pays dépassait légèrement un million de tonnes humides. C’est un produit de haute valeur; son prix est d’environ 16 000 dollars EU la tonne humide, à comparer au prix du kombu de 2 800 dollars EU la tonne sèche et à celui du wakamé de 6 900 dollars EU la tonne sèche.

Les extraits d'algues marines - les hydrocolloides

La gélose, l’alginate et le carragénane sont les trois hydrocolloides extraits de différentes algues marines rouges et brunes. Un hydrocolloide est une substance non crystalline aux très grosses molécules, qui se dissout dans l’eau pour donner une solution plus épaisse (visqueuse). L’alginate, la gélose et le carragénane sont des hydrates de carbone solubles dans l’eau, que l’on utilise pour épaissir des solutions aqueuses, pour obtenir des gels de fermeté variable et des films solubles dans l’eau, et pour rendre certains produits stables, tels que la crème glacée (ils empêchent la formation de gros cristaux de glace, la crème glacée gardant ainsi une texture onctueuse).

On obtient ces hydrocolloides à partir des algues marines depuis 1658, date à laquelle on a découvert pour la première fois au Japon les propriétés gélifiantes de la gélose, obtenue avec de l’eau chaude à partir d’une algue marine rouge. L’Irish moss, une autre algue marine rouge, donne du carragénane, très apprécié au XIXsiècle en tant qu’agent épaississant. Ce n’est qu’à partir des années 30 que l’on a produit à des fins commerciales et vendu à titre d’agent épaississant et d’agent gélifiant des extraits d’algues marines brunes contenant de l’alginate. Après la seconde guerre mondiale, l’usage industriel des extraits d’algues marines s’est rapidement développé, en se heurtant parfois à l’indisponibilité des matières premières. Là encore, les recherches sur le cycle de vie de l’algue ont permis le développement de cultures industrielles qui maintenant représentent une grande part de la matière première de certains hydrocolloides. Aujourd’hui, on récolte approximativement un million de tonnes d’algues marines humides par an, qui donnent des extraits destinés à la production des trois hydrocolloides mentionnés ci-dessus. La production totale annuelle d’hydrocolloides est d’environ 55 000 tonnes, pour une valeur de 585 millions de dollars EU.

L’alginate

L’alginate, dont la production annuelle représente 213 millions de dollars EU, est extrait d’algues marines brunes, naturelles pour la plupart d’entre elles. Les algues brunes les plus utiles poussent en eau froide, la température permettant le meilleur développement étant inférieure à 20 oC. On trouve ces algues brunes également dans des eaux plus chaudes, mais elles conviennent moins à la production d’alginate et sont rarement utilisées dans l’alimentation. On a recours à une grande variété d’espèces, que l’on retrouve à la fois dans l’hémisphère Nord et dans l’hémisphère Sud, notamment en Afrique du Sud, en Argentine, en Australie, au Canada, au Chili, aux États-Unis, en Irlande, au Mexique, en Norvège et au Royaume-Uni (Écosse et Irlande du Nord). On exploite surtout des algues marines naturelles; celles qui sont cultivées ont généralement un coût trop élevé pour permettre la production d’alginate. Alors que l’essentiel de la Laminaria cultivée en Chine part dans l’alimentation, les éventuels excédents de production peuvent être utilisés pour obtenir de l’alginate.

La gélose

La gélose, dont la production annuelle atteint une valeur de132 millions de dollars EU, est obtenue principalement à partir de deux sortes d’algues marines rouges. L’une est cultivée depuis les années 60, mais à une bien plus grande échelle depuis 1990, ce qui a permis le développement de la production de gélose. Le Gelidium et la Gracilaria représentent plus de la moitié de la matière première permettant d’obtenir la gélose, le Gelidium donnant un produit de meilleure qualité. Le Gelidium destiné à l’extraction de la gélose à des fins commerciales est d’origine naturelle; il provient surtout de France, d’Espagne, d’Indonésie, de la République de Corée, du Mexique, du Maroc, et du Portugal. C’est une plante de petite taille, qui pousse lentement. Les tentatives pour la cultiver dans des bacs/bassins ont été réussies sur le plan biologique, sans l’être en général sur le plan économique. La Gracilaria était considérée autrefois comme une espèce impropre à la production de gélose, en raison de la médiocre qualité du produit obtenu. Dans les années 50, on a trouvé qu’un prétraitement alcalin de l’algue diminuait le rendement mais permettait d’obtenir une gélose de bonne qualité. Cela a entraîné un développement de la production de gélose, auparavant limitée par les possibilités d’approvisionnement en Gelidium, et amené à récolter toute une gamme d’espèces sauvages de Gracilaria dans des pays tels que l’Argentine, le Chili, l’Indonésie et la Namibie. L’espèce chilienne convenait particulièrement, mais on a bientôt constaté au Chili une surexploitation des variétés sauvages. On a alors élaboré des méthodes de culture, à la fois dans des bassins et dans l’eau de baies protégées. Ces méthodes se sont propagées du Chili à d’autres pays, tels que la Chine, l’Indonésie, la Namibie, les Philippines, la République de Corée et le Viet Nam, chaque pays ayant généralement recours à une espèce de Gracilaria autochtone. La Gracilaria peut à l’évidence se développer tant en eau froide qu’en eau chaude. Encore aujourd’hui, la Gracilaria sauvage fournit la majeure partie de l’approvisionnement, l’importance de la culture dépendant de l’évolution des prix.

Le carragénane

La production de carragénane (d’une valeur de 240 millions de dollars EU par an) dépendait à l’origine des algues marines sauvages, en particulier du Chondrus crispus (l’Irish moss), une algue marine de petites dimensions poussant en eau froide, que l’on trouve essentiellement, en petites quantités, en Espagne, en France, en Irlande, au Portugal et dans les provinces de la côte Est du Canada. Avec le développement de la production de carragénane, l’offre d’algues marines naturelles a eu d’abord des difficultés à suivre la demande de matière première. Toutefois, au début des années 70, on a pu disposer d’autres algues marines contenant du carragénane et cultivées avec succès dans des pays d’eau chaude où le coût de la main-d’œuvre est peu élevé, ce qui a permis à cette industrie de connaître un essor rapide. À présent, deux espèces, le Kappaphycus alvarezii et le eucheuma denticulatum, fournissent la majeure partie de la matière première. La culture de ces espèces s’est d’abord faite aux Philippines, puis elle s’est propagée dans d’autres pays d’eau chaude, tels que l’Indonésie et la République-Unie de Tanzanie. On utilise encore du Chondrus sauvage en quantités limitées; les tentatives destinées à cultiver le Chondrus dans des bacs ont été des réussites sur le plan biologique, mais sans arriver à obtenir du carragénane économiquement viable. On a également exploité des espèces sauvages de Gigartina et d’Iridaea du Chili et on s’est efforcé de trouver des méthodes permettant de les cultiver.

Autres utilisations de l’algue marine

La farine d’algues

Utilisée comme additif pour l’alimentation animale, on l’a d’abord fabriquée en Norvège dans les années 60. On l’obtient à partir d’algues marines brunes qui sont collectées, séchées et moulues. Le séchage se fait généralement dans des fours à mazout, si bien que le prix du pétrole brut a une incidence sur les coûts. On récolte environ 50 000 tonnes d’algues marines humides, permettant d’obtenir annuellement 10 000 tonnes de farine d’algues, pour des ventes de 5 millions de dollars EU.

Les engrais

L’usage des algues comme engrais remonte au moins au XIXe siècle. Les habitants des côtes ont été les premiers utilisateurs, récupérant les débris laissés par les tempêtes, généralement de grandes algues brunes, et les enfouissant dans la terre. Les algues, avec leur forte teneur en fibres, jouent un rôle de conditionneur du sol et aident à garder l’humidité, alors que les minéraux des algues constituent des engrais et une source d’oligoéléments utiles. Au début du XXe siècle, une petite industrie s’est développée, qui consistait à sécher et à moudre ce qui était pour l’essentiel des débris abandonnés par la tempête, mais l’activité a baissé avec l’arrivée des engrais chimiques synthétiques. Aujourd’hui, grâce à la popularité croissante de l’agriculture organique, cette industrie a connu un certain renouveau, mais elle reste encore limitée; en raison du coût cumulé du séchage et du transport, l’usage de ces engrais est cantonné dans des pays au climat ensoleillé où les acheteurs ne se trouvent pas trop éloignés de la côte.

Les engrais aux algues marines ont des possibilités d’expansion grâce aux extraits d’algues liquides, qui peuvent être produits sous forme concentrée, l’utilisateur assurant la dilution. Plusieurs de ces extraits sont applicables directement sur les plants ou bien on arrose la zone des racines. Un certain nombre d’études scientifiques démontrent que ces produits peuvent être efficaces et les extraits d’algues sont maintenant très bien acceptés dans l’horticulture. Pour la culture des arbres fruitiers, des légumes et des fleurs, ils ont permis de réaliser des progrès, en particulier des rendements plus élevés, une meilleure assimilation des nutriments, une plus grande résistance à certains organismes nuisibles tels que l’araignée rouge et les aphides, une meilleure germination, et une résistance accrue au gel. Personne ne connaît avec certitude les raisons de leur efficacité: les oligoéléments qu’ils contiennent ne suffisent pas à expliquer l’amélioration du rendement, etc. La plupart des extraits contiennent plusieurs sortes de régulateurs de la croissance des plantes, mais, même dans ce cas, il n’est pas sûr que cela soit le facteur unique d’amélioration. En 1991, on estimait qu’environ 10 000 tonnes d’algues humides permettaient d’obtenir par an 1 000 tonnes d’extraits d’algues d’une valeur de 5 millions de dollars EU. Mais, depuis lors, le marché a probablement doublé, parce que d’une part l’utilité de ces produits est davantage admise et, d’autre part, l’agriculture biologique fait davantage d’adeptes (il s’agit d’un domaine où ces extraits sont particulièrement efficaces pour la production de légumes et de certains fruits).

Les cosmétiques

L’étiquette de produits tels que des crèmes et des lotions indique parfois qu’ils contiennent en particulier des «extraits d’éléments marins», des «extraits d’algues», des «extraits d’algues marines» ou d’autres mentions semblables. Cela signifie généralement qu’on a ajouté l’un des hydrocolloides extraits des algues marines. L’alginate ou le carragénane peuvent améliorer les qualités hydratantes du produit. En thalassothérapie, des pâtes d’algues, obtenues par broyage ou écrasement à froid, sont appliquées sur le corps du sujet, puis réchauffés par rayonnement infrarouge. Ce traitement, allant de pair avec une hydrothérapie utilisant l’eau de mer, est réputé apporter un soulagement en matière de rhumatismes et d’ostéoporose.

Les combustibles

Au cours des 20 dernières années, on a recherché, dans le cadre d’importants projets, s’il était possible d’utiliser les algues marines en tant que source indirecte de combustible. L’idée était de faire pousser de grandes quantités d’algues dans l’océan, puis de faire fermenter cette biomasse et d’obtenir du gaz méthane utilisé comme combustible. Les résultats actuels montrent qu’il faut mener davantage de recherche/développement et qu’il s’agit d’un projet à long terme, qui n’est pas économiquement viable à l’heure actuelle.

Le traitement des eaux usées

Il existe un usage potentiel des algues marines pour le traitement des eaux usées. Par exemple, certaines algues sont capables d’absorber les ions de métaux lourds tels que le zinc et le cadmium des eaux polluées. Les eaux résiduaires des fermes aquicoles contiennent habituellement beaucoup de déchets qui peuvent rendre difficile la vie aquatique dans des eaux voisines; les plantes marines peuvent souvent utiliser ces résidus comme nutriments, si bien qu’on a entrepris des essais de culture d’algues marines dans les zones voisines des fermes aquicoles.

Les agents antiviraux

On a signalé que des extraits de plusieurs algues marines avaient une activité antivirale, mais les tests ont été effectués soit in vitro (dans des éprouvettes ou des appareils semblables), soit chez des animaux, et on a effectué peu d’études chez l’être humain. Le Carraguard, un mélange de carragénanes semblables à ceux extraits de l’Irish moss, constitue une exception notable. Le Carraguard est efficace contre le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) in vitro et contre le virus Herpès simplex 2 chez les animaux. Les essais en sont arrivés au stade où à présent l’organisme international de recherche, le Population Council supervise des essais à grande échelle de Carraguard contre le VIH, portant sur 6 000 femmes pendant quatre ans. Des extraits d’une algue marine brune, Undaria pinnatifida, ont également révélé une activité antivirale; une entreprise australienne mène plusieurs essais cliniques, aux États-Unis et en Australie, sur l’activité de cet extrait contre le VIH et le cancer. Les essais du Population Council contre le VIH impliquent l’utilisation vaginale d’un gel contenant du carragénane.

Dans la mesure où les substances antivirales contenues dans les algues marines sont de très grosses molécules, on a pensé qu’elles ne pourraient être absorbées en mangeant ces plantes. Toutefois, un examen a permis de constater que le taux d’infection au VIH dans les communautés où on mange des plantes marines était nettement plus faible qu’ailleurs. Cela a conduit à faire certains essais à petite échelle où des personnes touchées par le VIH mangeaient de l’Undaria en poudre, ce qui amenait une diminution de la charge virale de 25 pour cent. Les algues marines vont peut-être se révéler être une source efficace d’agents antiviraux.

PERSPECTIVES DE L'AQUACULTURE MONDIALE: ANALYSE DES PRÉVISIONS DE PRODUCTION DE L'AQUACULTURE JUSQU'EN 2030

INTRODUCTION

En raison de l’augmentation de la population, de l’urbanisation et de la hausse du revenu par habitant, la consommation mondiale de poisson a plus que triplé entre 1961 et 2001, passant de 28 à 96,3 millions de tonnes. La consommation par habitant a été multipliée par un facteur de 1,7 sur la même période et on prévoit que cette tendance devrait se poursuivre dans un bon nombre de pays au cours des décennies à venir. Dans un contexte où la production de la pêche de capture stagne ou bien se développe lentement, seule l’expansion de l’aquaculture peut permettre de répondre à l’accroissement de la demande mondiale. Reconnaissant les défis auxquels doit faire face cette industrie relativement jeune dans les années à venir ainsi que la nécessité de préparer le développement durable du secteur, la FAO a réalisé une étude sur les perspectives de la production de l’aquaculture mondiale afin d’évaluer ses possibilités de répondre à la demande de poisson de consommation prévue en 2020 et au-delà1.

Un des moyens permettant d’évaluer si les prévisions de développement de l’aquaculture sont réalisables est d’examiner les plans nationaux concernant l’aquaculture. À partir de la production qu’ils prévoient pour l’aquaculture, les plans nationaux peuvent donner une indication sur les orientations futures. Les objectifs de production peuvent être réunis et comparés aux prévisions d’équilibre général existantes. On peut recourir à cette approche pour répondre à deux questions: les pays pris individuellement ont-ils l’ambition de développer leur production afin de répondre à la demande mondiale prévue, et leurs projections sont-elles réalistes? La «somme» des prévisions de production nationales est-elle compatible avec l’augmentation prévue de la demande de poisson de consommation?

Il a été demandé aux principaux producteurs du secteur d’indiquer leur stratégie et leur plan de développement concernant l’aquaculture, avec des objectifs de production quantifiés s’ils étaient disponibles2. L’information sur les prévisions concernant l’offre et la demande mondiales a été compilée en utilisant trois sources (Ye dans FAO, 1999; IFPRI, 2003; Wijkström, 2003)3. Cette information a ensuite servi de point de repère pour juger du réalisme et de la pertinence des projections nationales.

LES PRÉVISIONS MONDIALES

La production halieutique mondiale a atteint 130,2 millions de tonnes en 2001, et elle a doublé au cours des 30 dernières années4. Cependant, l’augmentation est due pour une bonne part à l’aquaculture. Alors que la production de la pêche de capture a augmenté au taux annuel de 1,2 pour cent, le taux correspondant pour l’aquaculture (hors plantes aquatiques) a été de 9,1 pour cent, la production atteignant 39,8 millions de tonnes en 2002. Ce taux de progression dépasse également celui de tout autre système de production alimentaire d’origine animale tel que la viande d’élevage d’animaux terrestres5. Le développement de l’aquaculture est dû en bonne partie à la Chine qui aurait connu une croissance de sa production bien supérieure à la moyenne mondiale. Cependant, la Chine mise à part, la production mondiale de l’aquaculture au cours des 30 dernières années a été plus modérée, avec un ralentissement des taux de progression annuels (6,8 pour cent entre 1970 et 1980, 6,7 pour cent entre 1980 et 1990 et 5,4 pour cent entre 1990 et 2000)6.

Tableau 13
Projections relatives au poisson de consommation: demande

Prévisions et date des prévisions

Hypothèse relative aux prix

À la date prévue

Résultats attendus du secteur de l’aquaculture avant la date prévue4

Pêches en croissance

Pêches en stagnation

Consommation mondiale

Demande: poissons de consommation

Production totale

Taux de croissance

Production total5

Taux de croissance

Hausse annuelle moyenne

(kg/an/habitant)

(millions de tonnes)

(millions de tonnes)

(pour cent)

(millions de tonnes)

(pour cent)

(millions de tonnes)

IFPRI (2020)

Référence

Prix réels et relatifs flexibles

17,1

130

53,63

1,8

68,6

3,5

1,7

Minimales1

14,2

108

41,2

0,4

46,6

1,4

0,6

Maximales2

19,0

145

69,53

3,2

83,6

4,6

2,4

Wijkström

(2010)

Prix constants

17,8

121,1

51,13

3,4

59,7

5,3

2,4

(2050)

Prix constants

30,4

270,9

177,93

3,2

209,5

3,6

3,5

Ye (2030)

 

Prix constants

15,6

126,5

45,53

0,6

65,1

2,0

1,0

Prix constants

22,5

183,0

102,03

3,5

121,6

4,2

2,9

1 Dans l’hypothèse d’un «effondrement écologique» des pêches de capture.
2
Dans l’hypothèse de progrès techniques dans le domaine de l’aquaculture.
3
Dans l’hypothèse d’une hausse de la production de poissons de consommation issue des pêches de capture de 0,7 % par an à la date prévue.
4
À compter de 2000, 35,6 millions de tonnes, moyenne sur trois ans de la production aquacole.
5
Dans l’hypothèse d’une croissance zéro des poissons de consommation issus des pêches de capture après 2001.
Source:
Calculs fondés sur IFPRI. (2003); Wijkström (2003) et Ye dans FAO (1999). Les sources détaillées sont présentées à la note de bas de page 3,
ci-dessous.

 

La production mondiale future de l’aquaculture

Le tableau 13 donne trois prévisions mondiales concernant la demande de poisson de consommation et il démontre que, même au cas où la production de la pêche de capture poursuivrait sa hausse de 0,7 pour cent par an, cela ne suffirait pas à faire face à la demande de poisson de consommation prévue. Ce tableau met aussi en évidence l’incidence des hypothèses de prix sur les projections. Deux prévisions, celles de Wijkström (2003) et de Ye (FAO, 1999), retiennent l’hypothèse de prix relatifs constants pour le poisson. Leurs projections de consommation mondiale de poisson sont basées sur des variations de la demande(croissance de la population et augmentation par habitant) en excluant des variations des prix réels et relatifs. Dans une prévision de Ye, on arrive à la conclusion que même si la consommation de poisson par habitant reste à son niveau de 1995/96, soit 15,6 kg, la croissance de la population va entraîner une demande de poisson de consommation (126,5 millions de tonnes) qui sera supérieure à l’offre de 2001 (99,4 millions de tonnes).

Les prix et leur effet sur la demande du consommateur et sur l’offre de l’aquaculture sont intégrés dans le modèle d’équilibre de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI). Les prévisions de référence prévoient un accroissement des prix réels d’ici 2020 tant pour le poisson de consommation de haute valeur que pour le poisson bon marché et une augmentation des prix relatifs (par rapport aux produits de substitution). Ce mouvement de hausse freine la demande de deux façons. Tout d’abord, compte tenu de l’élasticité de la demande de poisson de haute valeur, une augmentation des prix réels va réduire le volume de la demande. En outre, un accroissement du prix relatif du poisson, avec des coefficients d’élasticité croisée positifs (au moins pour la volaille) va encourager une substitution en faveur d’alternatives moins onéreuses. En dépit de ces facteurs, la consommation mondiale de poisson par habitant devrait, selon le scénario de base, continuer à augmenter, (pour atteindre une consommation de 17,1 kg par an). Dans un scénario extrême, tous les produits de la pêche de capture voient leur production reculer, y compris la farine et l’huile de poisson7. Cela aurait de tels effets sur le recul de la pêche et les prix de la farine et de l’huile de poisson que la demande serait freinée. Selon ce scénario, la consommation par habitant en 2020 serait effectivement inférieure à celle de 2001. Cependant, la hausse du prix réel du poisson est très favorable à l’aquaculture, dont l’offre a un coefficient d’élasticité supérieur à celui de la pêche de capture. Si des prix en hausse encouragent l’innovation technologique et les investissements nécessaires, l’aquaculture pourrait se développer plus vite que dans la prévision de référence et atteindre éventuellement une production de 69,5 millions de tonnes d’ici 2020.

Afin d’avoir une idée plus précise de l’incidence des trois prévisions sur la production aquacole, deux scénarios ont été envisagés. Dans le premier, «croissance de la pêche», on retient l’hypothèse que la pêche de capture verra sa production de poisson de consommation augmenter au taux de l’IFPRI de 0,7 pour cent sur la période couverte par la prévision. Dans cette hypothèse, le poisson de la pêche de capture est déduit de la demande prévue, le solde devant être fourni par l’aquaculture. Tous les résultats nécessitent une production de l’aquaculture supérieure à la production totale de 2001, qui était de 37,9 millions de tonnes. Si la production de poisson de consommation obtenue par la pêche de capture n’augmente pas à la vitesse prévue, la demande insatisfaite devra être comblée par l’aquaculture, pour des montants supérieurs à ceux indiqués. On envisage cette éventualité dans le scénario «stagnation de la pêche», qui retient l’hypothèse d’une absence de progression au-delà de 2001 de la production de la pêche de capture. Les quantités fournies par l’aquaculture dans le cadre de ce scénario peuvent toutefois être exagérées dans la mesure où la hausse des prix va diminuer la demande. Si la pêche de capture stagnait après 2001 au lieu d’augmenter jusqu’en 2020, les prix du poisson de consommation connaîtraient une hausse plus forte que prévu. En raison de l’élasticité de prix propre et de prix croisé, cette hausse freinerait la demande de poisson de consommation.

Tableau 14
Poisson de consommation issu de l’aquaculture: chiffres réels et prévisions, par région

 

Chiffres réels 2001

Prévision relative à la production pour 2020, IFPRIa

Autre prévision

Référence

Hypothèse maximale

Production

Part de la production totale

Production

Taux de croissance 2001-20b

Production

Taux de croissance 2001-20b

Production

Taux de croissance2001-20b

(millions de tonnes)

(pour cent)

(millions de tonnes)

(pour cent)

(millions de tonnes)

(pour cent)

(millions de tonnes)

(pour cent)

Chine

26,1

68,8

35,1

1,6

44,3

2,8

 
 

Europec

1,3

3,4

1,9

2,0

2,3

3,0

1,5d

0,8

Inde

2,2

5,8

4,4

3,7

6,2

5,6

4,6e–3,3f

8,5e–8,2f

Amérique latine et Caraibes

1,1

2,9

1,5

1,6

2,1

3,5

24,8g

18

Asie du Sud (sauf Inde)

0,7

1,8

1,2

2,9

1,7

4,8

 
 

Asie du Sud-Est

2,9

7,7

5,1

3,0

7,3

5,0

 
 

Afrique subsaharienne

0,06

0,1

0,1

4,6

0,2

8,1

 
 

Chiffres mondiaux

37,8

100

53,6

1,9

69,5

3,3

 
 

a IFPRI, 2003; b Taux de croissance moyen annuel 2001-20; c UE en avril 2004 (quinze pays); d Failler dans FAO, 2003;2001-10, Gopakumar, 2003; f 2000-05 pour l’aquaculture d’eau douce, Gopakumar et al., 1999; g Wurmann, 2003.
Sources:
IFPRI, 2003 – voir note 3, p.117.
C. Wurmann. 2003. Acuicultura en América Latina y el Caribe: ¿Una industria con futuro? AquaNoticias al día (http://www.aqua.cl/puntosvista.php).
FAO. 2003. Fish consumption in the European Union in 2015 and 2030, par P. Failler, Circulaire sur les pêches 792/2, Rome.
(Sous presse)
K. Gopakumar. 2003. Indian aquaculture, Journal of Applied Aquaculture, 13(1/2): 1-10.
K. Gopakumar, S. Ayyappan, J.K, Jena, S.K. Sahoo, S.K. Sarkar, B.B. Satapathy et P.K. Nayak. 1999. National Freshwater Aquaculture Development Plan. Central Institute of Freshwater Aquaculture, Bhubaneswar, Inde.

 

PERSPECTIVES RéGIONALES

On a également mené une analyse des plans par pays dans un contexte régional. En 2001, 88,5 pour cent de la production de l’aquaculture mondiale provenait d’Asie (plantes aquatiques exclues), alors que l’Europe représentait la même année 3,4 pour cent. La Norvège est le plus gros producteur européen et ses prévisions de progression sont ambitieuses. Mais l’avenir des 15 membres de l’UE antérieurs à l’élargissement de 2004 est moins prometteur car on prévoit une chute des taux de progression. Par contre, l’Amérique latine et les Caraibes ont connu une rapide expansion de la production de leur aquaculture (16,4 pour cent par an durant les années 90). Bien que leur production totale reste bien inférieure en 2001 à celle de l’Asie (2,9 pour cent de la production de l’aquaculture mondiale, plantes aquatiques exclues) leur part mondiale en valeur était supérieure à 7 pour cent.

On prévoit une poursuite du développement dans toutes les régions (tableau 14) mais, selon les prévisions de base et l’hypothèse supérieure de l’IFPRI, l’Asie va rester le plus gros producteur d’aquaculture d’ici 2020.

Les résultats étant en contradiction avec les buts et les stratégies nationales, les prévisions pour la Chine et l’Amérique latine semblent timides alors que celles émanant de l’Asie du Sud-Est et de l’UE antérieurs à l’élargissement de 2004 apparaissent exagérées. Le poids de la Chine est essentiel dans les prévisions régionales (et même mondiales). Si la progression passée ne peut être maintenue, une augmentation de 2 pour cent par an jusqu’en 2020 est toutefois envisageable. Les plans aquacoles des deux principaux producteurs latino-américains, le Brésil et le Chili insistent fortement sur le soutien du secteur, qui s’est révélé essentiel à l’expansion réussie de l’aquaculture en Chine8. On peut ainsi supposer que les prévisions de l’IFPRI sous-estiment la production de l’aquaculture future. L’expansion en Chine et en Amérique latine suffirait à compenser des réalisations inférieures aux prévisions en Asie du Sud-Est et dans l’UE.

Tableau 15
Comparaison entre les sommes des prévisions relatives aux productions aquacoles nationales et les volumes requis du secteur de l’aquaculture pour satisfaire la demande (tableau 13) en 2010, 2020 et 2030

 

2010

2020

2030

2030
ajusté2

(milliers de tonnes)

1. SCÉNARIO OPTIMISTE
(taux de croissance des pêches de capture = 0,7 pour cent par an)

Simulation 1: sur la base d’un taux de croissance de la Chine = 3,5 pour cent par an

Somme des prévisions relatives aux productions aquacoles nationales1

52 604

96 487

234 494

133 457

Quantités attendues du secteur de l’aquaculture

51 100

69 500

102 000

102 000

Part réalisée grâce aux prévisions nationales

103%

139%

230%

131%

Simulation 2: sur la base d’un taux de croissance de la Chine = 2 pour cent par an

Somme des prévisions relatives aux productions aquacoles nationales1

49 007

85 009

210 495

117 569

Quantités attendues du secteur de l’aquaculture

51 100

69 500

102 000

102 000

Part réalisée grâce aux prévisions nationales

96%

122%

206%

115%

2. SCéNARIO DE STAGNATION DES PêCHES
(taux de croissance des pêches de capture = 0 pour cent par an à compter de 2001)

Simulation 1: sur la base d’un taux de croissance de la Chine = 3,5 pour cent par an

Somme des prévisions relatives aux productions aquacoles nationales1

52 604

96 487

234 494

133 457

Quantités attendues du secteur de l’aquaculture

59 700

83 600

121 600

121 600

Part réalisée grâce aux prévisions nationales

88%

115%

193%

110%

Simulation 2: sur la base d’un taux de croissance de la Chine = 2 pour cent par an

Somme des prévisions relatives aux productions aquacoles nationales1

49 007

85 009

210 495

117 569

Quantités attendues du secteur de l’aquaculture

59 700

83 600

121 600

121 600

Part réalisée grâce aux prévisions nationales

82%

102%

173%

97%

1 Les quantités projetées dans le secteur de l’aquaculture pour 2010, 2020 et 2030 sont la somme des cibles de production nationale, obtenue pour chaque pays étudié en appliquant de façon linéaire leur taux de croissance annuelle prévu à leur production aquacole actuelle jusqu’en 2030. Les taux de croissance annuelle prévus (calculés à partir des chiffres de la production cible figurant dans les plans nationaux de mise en valeur de l’aquaculture ou calculés par des experts dans le cas de la Chine et de l’Égypte) étaient les suivants: Chili: 5,9%, Indonésie: 11,1%, Inde (sous-secteur de l’eau douce): 8,2%, Philippines: 15,1%, Chine: 3,5% et 2%, Égypte: 5,5%, Brésil: 22%, Canada: 11,5%, Vie Nam: 10%, ngladesh: 3,5% et Thailande: 1,7%.
2
2030 ajusté: les taux de croissance nationale annuelle (figurant dans les plans de chaque pays) ont été abaissés de 40% pour la période 2020-30, de façon à tenir compte de la baisse des taux de croissance au cours du temps.
Source:
Calculs effectués à partir des documents nationaux et du tableau 13.

 

LES PRÉVISIONS NATIONALES: LA «SOMME» DES OBJECTIFS DE PRODUCTION NATIONAUX

En se basant sur l’information extraite des 11 contributions nationales reçues, concernant les taux de progression annuels prévus dans le secteur de l’aquaculture, des projections par pays ont été réalisées pour les années 2010, 2020 et 2030 afin de pouvoir faire la somme des projections des pays pris individuellement. Dans une seconde étape, on a comparé la «somme des objectifs figurant dans les plans nationaux» avec ce qui était attendu de l’aquaculture en 2010, 2020 et 2030 dans le cadre des scénarios «croissance de la pêche» et «stagnation de la pêche» présentés dans le tableau 13.

Le tableau 15 indique les résultats obtenus, en utilisant, outre les scénarios rappelés ci-dessus, deux simulations pour la Chine: dans l’une, le taux de croissance annuelle de la production de l’aquaculture est de 3,5 pour cent, dans l’autre, il est de 2 pour cent9.

En se basant sur les projections des 11 pays, les taux de croissance annuelle moyenne du secteur de l’aquaculture vont être, pour la période 2010-30 (chiffres ajustés pour 2030) de:

Dans le cadre du scénario «stagnation de la pêche» et avec le maintien par la Chine d’un taux de croissance de 3,5 pour cent, les pays étudiés pourraient facilement faire face aux attentes prévues en matière d’aquaculture (115 pour cent) en 2020. Au cas où le taux de croissance de l’aquaculture chinoise serait plus faible, l’aquaculture ne répondrait aux besoins de poisson de consommation qu’à 102 pour cent. Dans le cadre de la Simulation 2, en retenant pour la période allant de 2020 à 2030 des taux de croissance annuels ajustés – et plus réalistes – l’aquaculture peut à peine fournir les quantités de poisson nécessaires en 2030 (97 pour cent de la demande serait satisfaite). Cela met en relief une dépendance qui se maintient vis-à-vis de la Chine pour la majeure partie de l’offre. Cependant, si le Brésil et le Chili atteignent leurs objectifs de production en aquaculture, ces pays joueront un rôle de plus en plus important sur la scène mondiale de l’aquaculture, en particulier vis-à-vis de la Chine et d’autres pays asiatiques (Figure 39).

CONTRAINTES VIS-À-VIS DE LA CROISSANCE

Malgré ces résultats encourageants, la prudence s’impose, car la croissance attendue du secteur peut rencontrer des obstacles. Ces obstacles peuvent concerner la demande (conséquences de variations au niveau des prix et du commerce international, conformité aux normes HACCP et à la réglementation sur la traçabilité, confiance du consommateur). Ces obstacles peuvent aussi être liés à l’offre (maladie, conflit social comme au Chili10 et au Canada11, contexte macroéconomique difficile et instabilité politique, disponibilité de la farine de poisson, cette dernière question étant très débattue). Bien que des approches plus respectueuses de l’environnement et des questions concernant l’environnement aient été prioritaires pour les pays, elles peuvent entraîner une hausse des coûts de production et générer un ralentissement des taux de croissance, rendant nécessaire une réorientation de la production.

Encadré 10

Carpe: demande

En Inde, par exemple, bien que le secteur du poisson ait enregistré les dépenses annuelles les plus faibles des pays les plus pauvres, la majeure partie des montants ont été alloués à deux importantes carpes indiennes (catla et rohu), ce qui montre qu’une hausse de la production et un accès amélioré à ces espèces auraient des retombées positives sur les populations pauvres1. La situation est différente au Bangladesh, où le rohu, le catla et le mrigal se vendent à des prix supérieurs et sont donc consommés par des groupes à revenu plus élevé2. En revanche, en Europe, les consommateurs n’ont pas l’habitude de consommer de la carpe, or il ne semble pas que la tendance soit susceptible d’être renversée: l’IFPRI fait état d’une croissance de 0,1 pour cent de la consommation de poisson de faible valeur jusqu’en 2020.

1 R. Bhatta. 2001. Production, accessibility and consumption patterns of aquaculture products in India. Dans FAO. 2001. Production, accessibility, marketing and consumption patterns of freshwater aquaculture products in Asia: a cross-country comparison. FAO, Circulaire sur les pêches no 973. Rome.
2 M.F. Alam. 2002. Socioeconomic aspects of carp production and consumption in Bangladesh. Dans D.J. Penman, M.G. Hussain, B.J. McAndrew and M.A. Mazid, éds. 2002. Proceedings of a Workshop on Genetic Management and Improvement Strategies for Exotic Carps in Asia, 12–14 February 2002, Dhaka, Bangladesh. Mymensingh, Bangladesh, Bangladesh Fisheries Management Institute.

 

Bien que l’analyse qui précède s’en tienne strictement aux quantités de poisson nécessaires, il faut tenir compte des espèces qui vont constituer la majeure partie de la production future de l’aquaculture. Deux d’entre elles méritent d’être mentionnées, la carpe et le saumon. En effet, ces poissons figurent parmi ceux dont la production est la plus importante et leurs valeurs se situent aux deux extrémités de la gamme12. En Chine, l’essentiel de la production de carpe est consommée sur le marché intérieur. Cependant, en prévision d’un ralentissement de la demande de poisson de faible valeur à la suite d’une diversification de l’alimentation et d’une augmentation du pouvoir d’achat, de nouveaux marchés devront être trouvés, là où le consommateur aime ce poisson et/ou la demande est solvable. Mais ce pays n’a pas considéré la carpe comme une exportation stratégique, bien qu’une croissance de la demande soit prévue en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne. Il est peu probable que des hausses prévues de la production puissent faire face à cette croissance de la demande13. La carpe est une espèce importante dans l’alimentation des pauvres, mais il ne faut pas négliger le manque d’uniformité des marchés et des goûts, y compris au sein d’une même région (encadré 10).

Bien qu’il soit prévu que l’offre de carpe continue à croître (le Bangladesh, la Chine et l’Égypte ont dans une certaine mesure manifesté explicitement leur intention d’augmenter la production), la demande de carpe devrait se limiter dans l’avenir à certaines zones géographiques, essentiellement dans les pays en développement. Par contre, il peut s’avérer plus utile de viser les marchés des pays développés, sur la base des capacités d’adaptation du tilapia.

La rentabilité future du saumon d’élevage constitue une difficulté pour les plans d’expansion de l’Amérique latine et des Caraibes. En 2001, les salmonidés étaient la principale espèce cultivée dans cette zone, essentiellement au Chili. Mais le Canada et la Norvège ont également prévu de développer leur production, ce qui va faire pression sur les prix. Le plan chilien admet bien la nécessité de nouveaux marchés, et manifeste un intérêt particulier pour la Chine et le Brésil, où la hausse des revenus et l’urbanisation sont en train de créer une demande nouvelle pour des espèces de haute valeur. On peut toutefois se demander si ces anticipations d’une hausse de la demande suffiront à maintenir les prix. Les coûts moyens ont baissé de façon notable en raison d’un élevage sélectif, mais les progrès les plus rapides à obtenir ont déjà été réalisés, ce qui entraîne une diminution des marges14. Cela devrait à son tour peser sur les incitations à une poursuite de l’investissement dans ce secteur.

CONCLUSIONS

Deux questions ont été posées au début de cette étude, à savoir: (1) les pays, pris individuellement, ont-ils l’ambition «réaliste» de développer la production de leur aquaculture et (2) la somme des prévisions nationales a-t-elle de bonnes chances d’être compatible avec l’accroissement de la demande de poisson de consommation prévue? Sur la base de ce qui a été examiné, la réponse à ces deux questions est généralement positive. Les pays ont bien la volonté de développer la production de leur aquaculture et, à quelques exceptions près, ils partent d’hypothèses réalistes. L’examen des plans nationaux et des stratégies correspondantes donne une excellente idée de l’ambition et de l’engagement des gouvernements de développer l’aquaculture, et la plupart d’entre eux semblent avoir soutenu la croissance du secteur. Les priorités nationales en faveur du développement indiquent qu’on a compris que l’aquaculture pouvait être un moteur de croissance innovante, avec un bon nombre d’avantages complémentaires, notamment en raison de sa contribution à la sécurité alimentaire, souvent citée comme l’un des trois motifs incitant un pays à développer ce secteur, les deux autres étant les rentrées de devises et la croissance économique. Les priorités nationales révèlent également une préoccupation grandissante devant la surexploitation occasionnée par la pêche de capture et un désir de trouver des solutions alternatives à la diminution des captures.

En ce qui concerne la seconde question, la somme des plans nationaux montre que des prévisions mondiales peuvent sous-estimer l’offre de poisson de consommation provenant de l’aquaculture. L’expansion future de la Chine est essentielle. Toutefois, en retenant le taux de croissance modeste de 2 pour cent et sans prévoir une augmentation de la production de la pêche de capture, on obtient des résultats incitant à penser que la majeure partie de la demande envisagée sera satisfaite. À partir de ces éléments, on peut conclure, de façon optimiste que l’aquaculture sera peut-être en mesure de reproduire l’expansion de l’agriculture. Cependant, cela dépend en bonne partie du réalisme des hypothèses retenues pour parvenir aux objectifs envisagés, et de l’incitation des pays établissant des plans de développement de leur aquaculture à insister fortement sur la logique à la base de leurs prévisions de production. Cela contribue à mieux planifier le développement du secteur, au niveau international, et à mieux suivre la réalisation du plan. Beaucoup de facteurs ont une incidence sur l’évolution d’une activité telle que l’aquaculture et il est difficile de fixer des objectifs de production réalistes. Le secteur peut subir des chocs imprévus, d’ordre météorologique, pathologique ou économique, alors que les pays sont en concurrence à la fois pour la vente d’une denrée et le développement de leur production.

Alors que les modèles de projection macroéconomiques étaient basés sur le prix des produits de base, le revenu par habitant, les taux de croissance de la population et les débarquements de captures pour estimer l’offre future, la densité de la population pourrait constituer un autre facteur à prendre en compte pour fixer les objectifs de production futurs. Les exemples du Brésil et de la Norvège incitent à aller dans ce sens. Dans ces pays, une faible densité de la population est considérée comme favorable à un développement de l’aquaculture, car elle permet d’éviter les désaccords sur l’utilisation des ressources et les conflits sociaux que l’on rencontre d’habitude dans les zones où la population est plus dense. Des progrès technologiques pourraient fournir des réponses aux préoccupations immédiates concernant l’utilisation des ressources: ainsi, dans le cadre d’une production intensive, des nasses installées en mer, autoentretenues, atténuant la pression sur le littoral et les eaux continentales, pourraient accroître de façon appréciable la production de l’aquaculture et stabiliser le prix du poisson. Cependant, on risquerait de s’interroger sur les motifs réels de ce type de production et sur les affectations de marché. En effet, nombre de pays en développement ont pour premier objectif de cibler les marchés de pays développés afin d’y exporter du poisson de haute valeur. Il est probable que des décisions délicates et politiquement hasardeuses seront nécessaires dans les PFRDV pour réaliser un équilibre entre les besoins internes d’apports supplémentaires en protéines et les rentrées de devises.

INCIDENCE DU CHALUTAGE SUR LES HABITATS ET LES COMMUNAUTÉS BENTHIQUES

LE CONTEXTE

Les pêcheurs se sont toujours beaucoup préoccupés des effets de la pêche et d’autres activités anthropiques sur l’environnement marin. Cependant, au cours des deux dernières décennies, les préoccupations se sont accrues concernant l’incidence de la pêche; l’intérêt s’est concentré sur l’impact des engins de pêche remorqués tels que les chaluts et les dragues sur les habitats et les organismes benthiques. Ces préoccupations ont plusieurs explications. D’une part, les habitats benthiques fournissent un abri et un refuge aux jeunes poissons et, d’autre part, la faune associée constitue une nourriture pour plusieurs espèces importantes de poisson démersal (vivant en grande profondeur). Cela signifie qu’une incidence sur des communautés benthiques peut entraîner une diminution des ressources marines, y compris celles qui sont exploitées commercialement. Par conséquent, il est également très important pour ceux chargés de l’aménagement des pêches de connaître la riposte de ces communautés aux effets qu’ont sur elles les engins de pêche.

Au cours des 10 dernières années, un grand nombre de recherches ont été menées sur l’incidence des engins de pêche remorqués sur les communautés benthiques; toutefois, on sait en fait peu de choses et il n’y a guère de conclusions claires qu’on puisse tirer. Il existe plusieurs raisons à cela. En premier lieu, les communautés benthiques sont complexes et leurs importantes évolutions dans le temps et dans l’espace peuvent masquer des troubles dus à l’action anthropique. En second lieu, les études montrent que l’impact de l’engin de pêche – ou la riposte qui lui est faite – est très variable et dépend du type d’habitat ainsi que de la nature du trouble (degré d’intensité et type d’engin). On peut par conséquent s’attendre à de grandes différences dans les ripostes à l’impact d’un chalut lorsque le chalutage s’opère sur une zone de pêche vierge et inconnue. Enfin, on peut recourir à différentes méthodologies et nombre d’entre elles ont de sérieuses limites. Cette carence est particulièrement grave et, par conséquent, il est nécessaire d’examiner la méthodologie de toute étude et d’interpréter avec précaution ses résultats.

Les conclusions qu’on peut tirer des études de l’impact benthique des engins remorqués sont souvent limitées par les insuffisances méthodologiques. Mais cela n’est pas toujours pris en considération. (En fait, certaines études ont été publiées sans prendre en compte ces réserves.)

Une récente étude de la FAO tente de remédier à une telle situation en faisant une évaluation critique de l’approche scientifique et des méthodologies utilisées dans les études d’impact de chalut15. Elle évalue les connaissances actuelles des impacts physiques et biologiques des chaluts de fond à panneaux, des chaluts à la perche et des dragues à coquille. Les points marquants de cette étude sont rapportés ci-après.

MÉTHODOLOGIES

La méthodologie appliquée dans les études d’impact doit normalement:

À ce jour, la plupart des études d’impact n’ont pas satisfait à au moins une des trois exigences auxquelles doit répondre normalement une étude.

Deux approches différentes ont été utilisées pour la recherche de l’impact physique et biologique de la pêche au chalut sur les habitats et les communautés benthiques. Dans l’une, on effectue un chalutage expérimental sur un site et on compare les paramètres physiques et biologiques avant et après le trouble et/ou avec un site de contrôle adjacent et non perturbé. Dans la seconde approche, on compare les zones de pêche commerciale où on a beaucoup pêché et celles où on a peu ou pas pêché.

Dans la première approche, il y a un problème essentiel: le chalutage expérimental est effectué généralement le long d’étroits corridors et sur une courte période de temps. Dans cette approche, on ne reproduit donc pas les troubles à grande échelle et sur une longue période qu’entraînent des activités de pêche commerciale. La seconde approche se heurte au problème d’une répartition généralement très inégale de l’effort de chalutage commercial dans la zone de pêche. L’échantillonnage dans le cadre d’une étude d’impact n’est pas habituellement assez large pour révéler le niveau réel du trouble, dans la mesure où il y aura des tâches d’analyse d’un faible effort de pêche à l’intérieur de zones où l’effort de pêche est élevé et vice versa. En outre, il existe peu de sites témoins non touchés dans les zones de pêche commerciale. Malheureusement, les deux approches pour une étude d’impact dépendent de l’accès à des sites témoins et le manque de sites appropriés peut conduire à une surestimation des effets du chalutage sur l’habitat benthique.

LES IMPACTS PHYSIQUES

Il existe différents principes de capture à la base de la conception des chaluts de fond à panneaux, des chaluts à la perche et des dragues à coquilles; aussi ces engins ont-ils généralement un impact physique différent sur le fond marin. Les chaluts de fond à panneaux démersal sont conçus pour la capture de poissons et de crevettes restant à proximité du fond marin. Ils sont équipés de différents types d’engins de fond (par exemple des bobines, des trémis de roches) et de portes de chalut, en cherchant toujours à maintenir la partie active de l’engin juste au-dessus du fond marin. Dans le chalutage de fond à panneaux, les portes creusent des sillons dont la profondeur peut aller jusqu’à 20 cm, ce qui constitue l’impact physique le plus remarquable de ce chalutage, alors que les autres parties du chalut ne laissent que des traces légères. Certaines études ont également démontré que des changements intervenaient dans les caractéristiques de la surface sédimentaires. Sur les fonds durs, l’engin de chalutage peut déplacer sur sa route de gros blocs. Des études indiquent que les traces laissées par les portes de chalut disparaissent dans un délai de cinq mois dans les secteurs où les courants sont forts, alors qu’elles peuvent encore apparaître clairement 18 mois après le chalutage expérimental dans les zones côtières abritées. La profondeur de pénétration et la persistance des traces laissées par le chalut dépendent du poids et des performances de l’engin, du type de sédiment et du trouble naturel (par exemple l’action du courant et des vagues).

Les chaluts à la perche et les dragues à coquilles sont utilisés pour la capture d’espèces qui restent sur les fonds marins ou qui sont à demi enterrées dans ces fonds. Aussi les chaluts à la perche ont-ils des chaînes gratteuses et des dragues dentées, conçues pour troubler la surface du fond marin et pénétrer de quelques centimètres dans la couche supérieure sédimentaire. Le chalutage à la perche et la drague à coquilles ont surtout pour effet physique d’écraser la topographie irrégulière des fonds marins et d’éliminer des caractéristiques naturelles telles que des monticules générés par la bioturbation et des galeries créées par la faune. On a montré que la profondeur de pénétration des chaînes gratteuses des chaluts à la perche pouvait aller de 1 à 8 cm, alors que celle des dragues à coquilles était légèrement moindre. Ces traces peuvent subsister de plusieurs jours dans les zones exposées à quelques mois dans les baies protégées.

LES IMPACTS BIOLOGIQUES

Les effets les plus graves, qui aient été démontrés, du chalutage de fond à panneaux concernent les habitats à structures verticales sur fond dur. On a prouvé que le passage d’un engin de fond dans ces habitats entraînait une forte diminution du nombre d’organismes sessiles importants, tels que les éponges, les anthozoans et les coraux. Le chalutage peut donc toucher gravement les habitats où l’on rencontre surtout une importante faune sessile.

Quelques études ont été menées pour déterminer quels étaient les impacts du chalutage expérimental sur les zones de pêche à fond sableux (au large des côtes). Ces études montrent une diminution de la population chez certaines espèces benthiques. Toutefois, il semble y avoir une reconstitution dans l’espace d’un an ou même avant. Ces études indiquent que le chalutage n’entraîne pas de profonds changements dans les communautés benthiques étudiées. On constate cependant que les habitats connaissent des variations considérables dans le temps et l’espace, en ce qui concerne le nombre d’espèces en cause et les quantités concernées. Ces habitats peuvent résister au chalutage car ils sont exposés à de grosses perturbations naturelles, telles que des courants violents et d’importants écarts de température.

L’incidence du chalutage de crevettes et de langoustines sur les fonds marins meubles (c’est-à-dire argileux ou vaseux) a été étudiée de façon approfondie dans le cadre de nombreuses recherches. Toutefois, ces études n’ont pas établi l’existence d’effets évidents et constants. Bien que des changements aient été constatés chez plusieurs espèces benthiques lors de ces recherches, il y a peu d’effets réguliers et indiscutables que l’on puisse attribuer à des perturbations engendrées par le chalutage. Dans les habitais des fonds marins meubles, on constate des changements notables dans le temps concernant un bon nombre d’espèces benthiques, en raison de variations naturelles et les changements dus effectivement au chalutage peuvent être masqués par ces variations naturelles et donc difficiles à établir.

Les études assez peu nombreuses, visant à déterminer l’impact du chalutage à la perche, ont été réalisées surtout en mer du Nord et en mer d’Irlande, où un chalutage intensif existe depuis des dizaines d’années sur certains fonds. Ces études ont démontré que la population de plusieurs espèces benthiques avait fortement diminué (une chute atteignant parfois 50 pour cent). Il a été également démontré très clairement qu’un chalutage à la perche intensif avait des effets à court terme. Les effets à long terme n’ont pas été étudiés en raison du manque de zones n’ayant pas été troublées, susceptibles de servir de sites témoins.

Les études sur le dragage à coquilles sont bien plus nombreuses que celles sur le chalutage à la perche. Selon ces études, l’impact du dragage à coquilles semblait être proche de l’effet du chalutage à la perche, avec une très forte diminution de la population de plusieurs espèces benthiques. Toutefois, le recul de la densité de la population était souvent dû aux changements intervenus dans le temps et l’espace, bien plus qu’au dragage. Les perturbations générées par le dragage à coquilles ou le chalutage à la perche étaient sans effet dans les zones soumises à des perturbations d’origine naturelle, par exemple l’action des vagues et les variations dans la salinité, ce qui confirme la tendance générale selon laquelle les habitats exposés semblent mieux résister aux perturbations imposées par les engins tractés.

CONCLUSIONS

La connaissance de l’impact des engins de pêche tractés sur les différents types d’habitat est encore rudimentaire. En fait, on ne peut guère tirer de conclusions qui ne soient pas générales sur la riposte des communautés benthiques aux perturbations causées par le chalutage. Cette insuffisance des connaissances est due essentiellement à la complexité et aux variations que connaissent les communautés benthiques. Elle s’explique également par le fait que la plupart des études menées jusqu’à présent utilisent une méthodologie comportant des limites et des défauts. En outre, ce type d’étude peut se révéler à la fois difficile et exigeant.

Les habitats des fonds marins durs, où les organismes sessiles importants se trouvent en majorité, sont les plus durement touchés par le chalutage de fond à panneaux, alors que l’impact n’est pas clairement démontré pour les fonds marins meubles. Par ailleurs, on a constaté que le chalutage à la perche et le dragage à coquilles entraînaient des changements dans les communautés benthiques.

La recherche des impacts du chalutage sur certains types d’habitat soulève une question de gestion intéressante et difficile à résoudre: de quelle manière les changements de structure dans la communauté benthique affectent-ils les populations de poissons associées et autres ressources marines exploitées? Nous savons peu de choses sur les rapports entre la complexité de l’habitat benthique et la dynamique des populations de poissons. Aussi faudra-t-il que ces rapports soient mieux compris pour bien déterminer les impacts possibles du chalutage.

MESURE DE LA CAPACITÉ DE PÊCHE

LE PROBLÈME DE LA GESTION DE LA CAPACITÉ DE PÊCHE

Des rendements qui diminuent, un volume de biomasse en baisse et une rentabilité incertaine, telles sont les caractéristiques habituelles de nombreuses pêches commerciales. Dans celles qui ne sont pas gérées ou qui le sont comme des pêches de facto en libre accès, la course au poisson tend rapidement à créer une capacité de pêche supérieure à celle nécessaire pour atteindre un rendement durable. La surcapacité se développe sous la forme d’une augmentation exagérée de la capacité de capture (et de traitement). Si elle est elle-même incontrôlée, cette capacité conduit généralement à une surexploitation des ressources marines (la surpêche).

Les problèmes de surcapacité et de la gestion de la capacité de pêche sont devenus des questions clés de la gestion des pêches dans le nouveau Millénaire. La surcapacité et la surpêche sont en fait des symptômes du même problème de gestion sous-jacent – l’absence de droits de propriété ou de droits d’usage bien définis. Si les pêcheurs bénéficiaient de droits exclusifs et plus sûrs, ils seraient en mesure d’adapter leur capacité de capture à la quantité de poisson disponible et ils ne seraient pas incités à investir dans des capacités excessives afin de capturer le poisson avant que quelqu’un d’autre le fasse.

On peut soutenir que, si on instaurait des systèmes de gestion basés sur les droits, le problème serait largement résolu et on n’aurait guère besoin d’examiner la capacité de pêche comme une question à régler.

Au cours de ces dernières années, des gouvernements partout dans le monde ont renforcé les droits d’usage dans les pêches. Mais les changements interviennent lentement. Cela s’explique par des raisons politiques, sociales et économiques. Les responsables de l’aménagement des pêches ont aussi d’autres questions importantes à prendre en compte: les préoccupations tenant à la sécurité alimentaire et à l’impact économique et financier de l’ajustement sur les pêches et les communautés de pêche. Cet impact ne se limite pas au secteur commercial et touche tous les usagers de ressources marines, qu’ils soient consommateurs ou non, y compris les pêcheurs amateurs et le public en général.

La tendance à accorder dans la pêche des droits d’usage – ou de propriété – plus importants devrait se poursuivre. Mais il est vraisemblable que pour certaines pêches on estimera qu’il est impossible, pour des raisons techniques, sociales ou politiques, de délivrer des droits d’usage exclusifs. Par ailleurs, la gestion de la capacité doit se faire par un ensemble de contrôles des entrées et des sorties afin d’éviter des efforts de pêche excessifs qui engendreraient à la fois des rendements de pêche totaux et des résultats économiques bien au-dessous de leurs niveaux potentiels. Afin de gérer la capacité, les responsables doivent savoir, d’une part, quelle est la capacité de pêche et, d’autre part, doivent fixer pour chaque pêche le niveau de capacité (c’est-à-dire l’objectif de capacité) qui correspond le mieux aux objectifs de l’aménagement. La FAO a examiné diverses méthodes permettant de mesurer la capacité de pêche16. Une définition de cette capacité et les différentes façons de la mesurer figurent ci-après.

EN QUOI CONSISTE LA CAPACITÉ DE PÊCHE?

La notion de capacité est comprise différemment selon les groupes de personnes.

Les techniciens de la pêche voient souvent dans la capacité de pêche la possibilité pour un bateau, sur le plan technique et pratique, d’atteindre un certain niveau d’activité, en jours de pêche, en capture et en produit traité. Les chercheurs dans le domaine de la pêche raisonnent souvent, à propos de la capacité de pêche, en termes d’effort de pêche, et du taux de mortalité due à la pêche (la part de poisson tué par la pêche). Les responsables de l’aménagement des pêches ont, à ce sujet, en général un point de vue semblable, mais ils rattachent souvent la notion de capacité de pêche au nombre de bateaux intervenant dans ce secteur. Beaucoup de responsables expriment la capacité de pêche en tonnage brut ou en effort total (par exemple, le nombre de jours de pêche disponibles). La plupart de ces idées indiquent une vision de la capacité d’abord en termes d’apport de production (une perspective d’apport de production).

Encadré 11

Capacité de pêche: autres termes et expressions

Utilisation de la capacité. Degré d’utilisation d’un navire. Du point de vue des intrants, l’utilisation de la capacité peut être exprimée sous forme de rapport entre le nombre de jours effectifs de pêche et le nombre de jours pendant lesquels le navire est susceptible de pêcher dans des conditions de travail normales. Du point de vue des extrants, l’utilisation de la capacité est le rapport entre les prises effectives et les prises potentielles (lorsqu’elles sont exploitées à 100 pour cent)

Capacité excédentaire. Phénomène courant, principalement à court terme, dans tous les types d’industrie. En règle générale, la capacité excédentaire peut être définie comme la différence entre ce qu’une installation de production est susceptible de produire à capacité entière pendant une période donnée et ce qu’elle a effectivement produit pendant cette période. Dans le secteur des pêches, la baisse des prix ou une hausse temporaire des coûts (par exemple, hausse des prix du carburant) peut entraîner pour les navires une activité inférieure à la normale, en conditions moyennes de travail. Lorsque les prix et les coûts retrouvent leurs niveaux normaux, ce type de capacité excédentaire se résorbe lui-même. La capacité excédentaire peut également être le résultat de mesures de gestion des pêches. Les programmes de reconstitution des stocks peuvent imposer, sur les prises ou sur l’effort de pêche, des restrictions entraînant une sous-utilisation des navires pendant le processus de reconstitution, mais permettant à ces derniers d’opérer à pleine capacité une fois que la taille des stocks a augmenté. Dans ce cas, la capacité excédentaire n’est pas inquiétante. En revanche, si tout indique que les restrictions sur l’effort ou sur les prises seront maintenues, alors il est probable que la capacité excédentaire indiquera une surcapacité dans le secteur de pêche considéré.

Effort de pêche. Temps et puissance de pêche utilisés pour exercer une activité de pêche.

Puissance de pêche. La puissance de pêche est déterminée notamment par la taille de l’engin, la taille du bateau et sa puissance.

Surcapitalisation. Surinvestissement dans des biens (capital). Il y a surcapitalisation, dans sa forme la plus simple, lorsque la taille de la flottille est supérieure à celle nécessaire pour obtenir un rendement donné.

Surpêche. Généralement exprimée sous forme de niveau de mortalité par pêche, à savoir, le nombre de poissons mourant par capture. Lorsque le taux de mortalité totale par pêche (capture) est supérieur à la limite maximale que le stock peut supporter de façon durable (c’est-à-dire la production maximale équilibrée), il y a surpêche.

 

Par contre, les économistes voient plutôt dans la capacité le potentiel de capture d’un bateau, exploité pour obtenir un maximum de profits ou de bénéfices (une perspective de production).

Afin de traduire ces différents points de vue sur la capacité de pêche, une consultation technique de la FAO a élaboré une définition de la capacité de pêche basée à la fois sur les apports (par exemple, l’effort de pêche, le nombre de bateaux, etc.) et sur la production (la capture):

[La capacité de pêche] est la quantité de poisson (ou effort de pêche) susceptible d’être capturé sur une certaine période de temps (par exemple, une année ou une saison de pêche) par un bateau ou une flottille pour une condition de ressource donnée.17

On va généralement utiliser des indicateurs pour suivre et mesurer la capacité de pêche, allant des caractéristiques du bateau (tonneaux de jauge brute, chevaux vapeur), à l’effort ou à la capture potentiels (avec ajustement pour utilisation totale.

Le terme de «surcapacité» correspond à une capacité de pêche supérieure au niveau souhaitable (objectif de capacité). Cela peut être soit un objectif à long terme de rendement durable – qui correspond à court terme à un volume admissible des captures (VAC) – soit un objectif associé à long terme de productions déterminées, utilisé dans la pêche.

MESURES QUANTITATIVES DE LA CAPACITÉ

Il est relativement facile de mesurer la capacité excédentaire ou le niveau d’utilisation de la capacité car il n’est pas nécessaire pour cela de connaître l’état des ressources en tant que tel. Il suffit d’estimer les niveaux réels d’intrants de pêche utilisés (en retenant des indicateurs concernant les bateaux, les engins ou l’effort) ou d’évaluer les niveaux de production (grâce à l’indicateur de capture) et de comparer ces niveaux réels aux niveaux potentiels, en faisant l’hypothèse d’une utilisation sans restriction, totale et normale des intrants disponibles (niveaux effectifs de capacité).

Afin de mesurer quantitativement la surcapacité d’une pêche en particulier, deux éléments chiffrés sont nécessaires: le niveau de capacité réel18 et le niveau de capacité visé. On mesure la surcapacité en comparant ces deux éléments. Il est nécessaire de déterminer un objectif de niveau d’opérations (objectif de captures, niveau d’effort correspondant et taille minimale de la flottille correspondante) afin de fixer un objectif de niveau de capacité. À l’exception de pêches de base, une estimation quantitative de la capacité est relativement difficile.

Dans la mesure où il est complexe d’estimer les captures potentielles, par exemple pour la pêche plurispécifique, un certain nombre de techniques ont été élaborées pour aider à mesurer quantitativement la capacité de pêche excédentaire et la surcapacité. Parmi ces techniques figurent les méthodes DEA (Data envelopment analysis – analyse de l’enveloppement des données), SPF (Stochastic production frontiers – Niveau de production stochastique) et PTP (Peak-to-peak analysis – Analyse crête à crête)19.

Les mesures de surcapacité utilisant la méthode DEA ont été élaborées pour évaluer les niveaux de surcapacité des pêches par rapport à un objectif de rendement biologique20 ou un objectif de rendement économique tel que le Maximum Economic Yield – MEY (rendement économique maximum).

On a également eu recours à des modèles bioéconomiques pour évaluer la mesure de la surcapacité ou de la surcapitalisation. Dans ces modèles, la taille et la configuration de la flottille convenant le mieux aux objectifs d’aménagement peuvent être estimées et comparées à celles des flottilles habituelles afin d’arriver à une évaluation du niveau de surcapacité et de surcapitalisation21.

Toutes ces approches ont leurs points forts et leurs faiblesses, le choix de la méthode appropriée variant en fonction de la nature de la pêche, des données disponibles et de l’usage que l’on envisage pour la mesure de la capacité.

Les mesures de capacité subjectives

On doit disposer de données quantitatives pour des estimations quantitatives de la capacité de pêche. Comme il peut être difficile d’obtenir de telles données quantitatives, les responsables devront élaborer des estimations non quantitatives de la capacité de pêche. Des mesures subjectives et des indicateurs qualitatifs des niveaux de capacité sont nécessaires.

Afin d’arriver à des appréciations subjectives sur toute une série d’indicateurs, on a utilisé des techniques d’appréciation rapide et les connaissances des experts (par exemple la méthode Delphi). Cependant, de telles techniques ne devraient être employées qu’au cas où l’analyste a accès à des personnes ou à des organismes ayant une connaissance approfondie des pêches concernées et qui sont en mesure d’apporter des informations sur les changements historiques intervenus.

Les indicateurs de capacité qualitatifs

Les évaluations qualitatives de la surcapacité peuvent être basées sur des indicateurs vérifiables, même s’il est clair qu’aucun indicateur ne peut à lui seul déterminer la surcapacité d’une pêche. Il faut disposer d’un ensemble d’indicateurs, chacun montrant un changement dans le temps, pour déterminer les niveaux de capacité qualitative des pêches, notamment:

La situation biologique de la pêche. Si des signes de surpêche sont observés sur l’espèce cible d’une pêche que l’on effectue, il est probable qu’il y ait surcapacité – surtout dans un contexte d’accroissement des capacités.

Ratio récolte/objectif de capture. La surcapacité est vraisemblable si, dans des conditions normales, la récolte dépasse l’objectif de capture – avec un ratio récolte/objectif de capture nettement supérieur à un. Toutefois, cet indicateur doit être situé dans le contexte de l’aménagement de la pêche. Si une pêche est arrêtée avant le dépassement de l’objectif de capture, le niveau de récolte ne va pas dépasser l’objectif et on ne va pas observer d’apparente surcapacité. En outre, cet indicateur n’est pas sensible à tout rejet pouvant avoir lieu dans une pêcherie gérée à travers des quotas, et n’est donc pas un bon révélateur de la surcapacité des pêcheries gérées à travers des VAC ou des quotas. De plus, en cas de surpêche, et si le niveau de récolte est inférieur à l’objectif de capture, l’indicateur peut donner un chiffre inférieur à un alors qu’il y a surcapacité.

VAC/durée de la saison. En utilisant le ratio du niveau de VAC sur toute la saison, une augmentation dans le temps de ce ratio indique une surcapacité.

Conflits. Les controverses accompagnant la fixation des VAC et leur affectation entre les différents utilisateurs peuvent également être un signe de surcapacité dans une pêche.

Permis latents. Un nombre relativement important de permis latents, ou une quantité limitée de permis actifs sur le total attribué, indique une surcapacité concernant une pêcherie et, si le ratio diminue, la probabilité de surcapacité augmente.

Capture par unité d’effort. Un recul dans le temps des captures par unité d’effort (CPUE) dans un contexte de stagnation des captures signifie généralement une situation de surpêche et très probablement de surcapacité. Cependant, la fluctuation des VAC, dans le cadre d’une stratégie constante de gestion de la mortalité par pêche pourrait masquer cet effet, la tendance des CPUE restant la même ou augmentant pour les espèces de poissons se rassemblant en bancs, même si les stocks reculent globalement.

Valeur par unité d’effort: La valeur des captures par unité d’effort (VPUE) est susceptible d’être un indicateur de surcapacité dans le cas des pêches plurispécifiques, en particulier si la VPUE diminue alors que les CPUE globales stagnent ou décroissent. La VPUE constitue un indicateur de capacité utile pour les pêches où il est irréaliste d’enregistrer les captures de chaque espèce séparément, alors qu’il est possible de comptabiliser la valeur totale des ventes.

LE POINT SUR LES REJETS DE PÊCHE DE CAPTURE MARINE DANS LE MONDE

VUE D’ENSEMBLE

Les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies, la Déclaration de Kyoto22 et le Code de conduite pour une pêche responsable comptent parmi les instruments internationaux qui ont mis en lumière la nécessité de réduire ou de minimiser les rejets de la pêche. La FAO, chargée de faire périodiquement rapport aux Nations Unies sur les progrès de mise en œuvre de ses résolutions, est un chef de file dans l’effort de sensibilisation au gaspillage de ressources halieutiques que représentent les rejets et à l’importance d’agir sur ce front.

Les changements qui ont marqué les activités de pêche partout dans le monde influent sur les pratiques de rejet. Cette étude spéciale de la FAO a pour objet d’actualiser les estimations antérieures concernant le volume des rejets à l’échelle mondiale et d’examiner les tendances en cette matière ainsi que d’autres questions y afférentes23.

Quand vient le moment d’établir des plans de gestion et des initiatives destinées à promouvoir une pêche et une utilisation responsables des captures, il est utile en effet de pouvoir quantifier les rejets, actuels ou prévisibles. Cette question en appelle d’ailleurs beaucoup d’autres, se rapportant aussi bien à l’interprétation, à l’application et au suivi du Code de conduite, qu’à la promotion de la pêche durable et de la sécurité alimentaire.

Estimations antérieures

Selon l’évaluation antérieure de la FAO24, les rejets mondiaux totalisaient quelque 27 millions de tonnes (entre 17,9 et 39,5 millions de tonnes). Ces chiffres sont fondés sur des données recueillies dans les années 80 et au début des années 90. Une étude subséquente de la FAO, dont les résultats figurent dans La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 1998, situe le volume de rejets à 20 millions de tonnes. Alverson confirmait en 1998, dans une autre étude, que ses estimations antérieures étaient trop élevées.

La méthode

Par rejets, on entend25 «la portion des prises qui est rejetée à la mer», quelle qu’en soit la raison. Plantes et animaux aquatiques sont exclus des calculs.

La présente étude prend pour hypothèse que le volume des rejets varie en fonction des lieux de pêche, de l’équipement employé et de l’espèce visée. Un inventaire mondial des pêcheries comportant, pour chacune, des informations sur les captures et les rejets a été compilé dans une«base de données sur les rejets». Ces informations proviennent de nombreuses sources: publications et statistiques nationales et régionales sur les pêches, extraits de revues scientifiques, documentation parallèle et sites Internet et, enfin, contacts pris directement avec des instituts de pêche nationaux ou régionaux. La base de données sur les rejets indique les sources d’information pour chacune des pêcheries, ce qui permet de vérifier, de mettre à jour ou de remplacer l’information en temps utile.

On a supposé un rapport direct, pour une pêcherie donnée, entre le volume total des captures et celui des rejets. En d’autres termes, pour évaluer la quantité totale de rejets, on a appliqué au volume total débarqué le taux de rejet calculé sur échantillon. Pour les pêcheries artisanales, en l’absence d’informations contraires, on a utilisé un taux de rejet de 1 pour cent ou moins, ce qui est négligeable.

Comme la plupart des études sur les rejets concernent les pêcheries où les taux sont élevés, les résultats s’y rapportant pourraient comporter une distorsion en leur faveur. Ce déséquilibre potentiel est toutefois compensé par l’inclusion d’un grand nombre de pêcheries artisanales.

PRINCIPALES CONCLUSIONS

Estimations au niveau mondial

À l’échelle mondiale, la somme des rejets comptabilisés atteint 8 pour cent (quantité de rejets en pourcentage des captures totales).

En appliquant ce taux de 8 pour cent au volume moyen, calculé sur 10 ans (1992-2002), des captures nominales mondiales indiquées dans Fishstat26, on arrive à un total de 7,3 millions de tonnes de rejets. Dans de telles extrapolations, la prudence est de mise cependant, certains pays grands producteurs de poisson27 étant sous-représentés dans la base de données sur les rejets.

Rejets par zone de pêche

Les quantités de rejets les plus importantes sont observées dans les Zones 27 (Atlantique Nord-Est) et 61 (Pacifique Nord-Ouest) de la FAO, qui représentent ensemble 40 pour cent des rejets. Les rejets sont faibles en Asie du Sud-Est et de l’Est, dans les petits États insulaires du Pacifique Sud et les Caraibes, et dans les pays qui se sont dotés de politiques de rejets zéro.

Rejets par type de pêche

Quelque 50 pour cent de l’ensemble des rejets estimés concernent la pêche au chalut de crevettes et de poissons de fond à nageoires, lesquels, selon la base de données, constituent environ 22 pour cent de l’ensemble des captures. La pêche au chalut des crevettes tropicales comporte le taux le plus élevé de rejets et représente à elle seule 27 pour cent des rejets totaux. La pêche à la crevette pénéide en Indonésie, en Amérique du Sud et aux États-Unis occasionne environ un million de tonnes de rejets. Les taux sont nettement moins élevés pour la pêche au chalut de crevettes d’eau douce. Il n’empêche que la proportion des rejets peut varier de plus de 80 pour cent pour certaines pêches au chalut de langoustines Nephrops, à moins de 6 pour cent pour les crevettes Pandalus.

Trente-six pour cent des rejets mondiaux estimés touchent le poisson démersal pêché au chalut. Il n’est pas rare que les chalutiers recherchant les poissons plats ou les poissons d’eau profonde rejettent 50 et 39 pour cent de leurs prises respectivement, sinon davantage.

Les pêches à la senne coulissante, à la ligne, à la turlutte, aux trappes et aux casiers ont en général de faibles taux de rejets. Dans le cas du thon pêché à la palangre, le taux se situe à 29 pour cent si l’on compte parmi les rejets les carcasses de requins dont on a prélevé les ailerons.

La pêche artisanale produit généralement moins de rejets que la pêche commerciale. Selon la base de données sur les rejets, elle représente au minimum 11 pour cent des débarquements et présente un taux de rejets global estimé à 3,7 pour cent.

Principales tendances

Deux estimations des rejets ont été effectuées, pour les périodes 1988-90 et 1992-2001. Plusieurs facteurs rendent la comparaison directe entre ces estimations plus difficile: (1) la méthode a été modifiée, de sorte que l’estimation par pêcherie est désormais plus consistante; (2) la première estimation était comprise entre 17,9 et 39,5 millions de tonnes, avec une moyenne de 27 millions de tonnes, alors que la seconde était comprise entre 6,9 et 8,0 millions de tonnes; (3) les données relatives aux débarquements utilisées pour effectuer les extrapolations nécessaires à l’évaluation des rejets globaux pendant les deux périodes concernées étaient compromises par les incertitudes dues à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée et par l’éventualité d’une surestimation des débarquements de la part de la Chine.

Toutefois, bien que l’on ne dispose pas de séries statistiques chronologiques d’envergure mondiale, pour un grand nombre de pêcheries, l’information disponible témoigne d’une importante réduction des rejets depuis la publication du rapport de 1994. Cette baisse est attribuable à deux facteurs principaux: une diminution des captures accessoires attribuable à l’utilisation d’équipements de pêche plus sélectifs, à l’adoption de règlements sur les captures accessoires et les rejets, et au renforcement des mécanismes d’application de ces règlements; et à une plus forte rétention des prises accessoires aux fins de l’alimentation humaine ou animale, rendue possible par l’amélioration des technologies et des possibilités de commercialisation.

La diminution des captures accessoires

Celle-ci s’explique par une combinaison de facteurs. D’abord, les résolutions de la promotion du Code de conduite pour une pêche responsable ont contribué à sensibiliser l’opinion et la communauté internationale au fait que les rejets constituent un gaspillage inacceptable sur le plan moral. Les préoccupations des scientifiques au sujet des taux inexpliqués de mortalité chez les poissons juvéniles, et celles des pêcheurs quant à l’impact des pratiques de pêche non durable sur une ressource en péril, se sont traduites par un large éventail de mesures visant à réduire les rejets et les captures accessoires. Les facteurs économiques, tels les coûts liés au tri des captures, la pénurie d’hommes d’équipage, la nécessité de se conformer aux exigences de l’écoétiquetage et l’introduction de quotas sur les espèces accessoires, ont tous exercé des pressions à la baisse sur le volume de captures non désirées. Les améliorations apportées à la gestion des pêches et au suivi de la réglementation ont également joué un rôle important à cet égard. Dans plusieurs pays, gouvernement et industrie, poussés par les mêmes inquiétudes, ont uni leurs efforts pour mettre au point des stratégies de réduction des captures accessoires et instaurer des mesures de contrôle. Il s’en est suivi une importante diminution des rejets dans les pêcheries suivantes: pêche au chalut de la crevette dans le golfe du Mexique, du poisson de fond en Alaska, pêcheries canadiennes et de la zone de l’Organisation des pêches de l´Atlantique Nord-Ouest, plusieurs pêcheries australiennes, et pêches pratiquées dans les pays à régime de rejets zéro, y compris l’Islande, la Namibie et la Norvège.

Par contre, on a observé une augmentation des rejets dans d’autres pêcheries, en particulier les pêches en eaux profondes et celles où des quotas stricts ont entraîné une hausse des rejets de petits poissons (rejet sélectif). La surpêche a eu les mêmes conséquences, notamment dans les zones où une plus forte proportion des espèces visées est constituée de poissons juvéniles. Enfin, la mise en œuvre ou un meilleur suivi de certains règlements – touchant par exemple la taille minimale au débarquement – ont également fait grimper le volume des rejets.

La rétention des captures accessoires

Un grand nombre d’espèces et de types de poisson autrefois considérés comme des captures accessoires figurent maintenant dans un éventail élargi d’espèces recherchées. Il faudra des analyses plus poussées pour déterminer dans quelle mesure les augmentations de captures non rejetées sont à mettre au compte des débarquements de poisson antérieurement rejeté. Une fois de plus, l’absence de séries chronologiques rend problématiques les estimations empiriques à l’échelle mondiale, mais tout indique que l’utilisation des captures accessoires se développe dans de nombreux secteurs de l’industrie, et en particulier:

Parmi les nombreux facteurs expliquant le développement de l’utilisation des captures accessoires, mentionnons:

La poursuite des efforts déployés en vue de promouvoir l’utilisation des prises accessoires devrait normalement accélérer la réduction des rejets, notamment dans es pays à faible revenu et à déficit vivrier d’Afrique, d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud.

Alors que beaucoup de pays asiatiques tendent vers une pleine utilisation de toutes les espèces récoltées ou presque, la tendance en Occident, dans bien des cas, est d’accroître la sélectivité et de réduire les captures accessoires.

INCIDENCES ET ENJEUX

Incidences sur les politiques publiques

L’approche «rejets zéro»

Bon nombre de pays se sont dotés de politiques et de régimes de gestion de la pêche fondés sur le principe d’une absence totale de rejets. Une approche «rejets zéro» représente un virage fondamental: elle met au cœur du système non plus les débarquements et la production, mais les captures et les taux de mortalité. Elle oblige les pêcheurs à faire des efforts pour éviter d’attraper le poisson non recherché. En outre, elle est conforme à l’approche de précaution: lorsque les «rejets zéro» deviennent la norme, tout renvoi de captures à la mer doit être justifié. Pour réussir, cependant, cette politique doit être renforcée par des dispositions complémentaires prévoyant l’élimination de la réglementation sur la taille minimale au débarquement et la mise en marché de la totalité du produit débarqué.

Équilibrer réduction et utilisation des prises accessoires

Les principes biologiques et sociaux qui permettraient d’équilibrer correctement la réduction et l’utilisation des captures accessoires devront faire l’objet d’études plus poussées en vue de l’élaboration de nouveaux cadres décisionnels. Il faudra notamment préciser le sens du terme «approche écosystémique» dans ce contexte, et examiner en particulier les avantages relatifs de la pêche sélective et de la pêche non sélective. De même, il importe d’étudier les incidences éventuelles d’une stratégie «d’utilisation totale» des captures accessoires sur l’état de conservation de la ressource.

Espèces en voie de disparition

Les captures accidentelles d’espèces charismatiques, protégées ou menacées d’extinction (tortues, mammifères marins et oiseaux de mer), de même que les rejets qu’elles entraînent, auront sans doute un impact grandissant sur les activités de pêche et le commerce des produits de la pêche. Mais il pourrait être difficile de tenir un débat rationnel tourné vers des solutions viables en l’absence d’un mécanisme neutre, certifié et mandaté par la communauté internationale pour compiler l’information concernant les captures accidentelles de beaucoup de ces espèces particulières et pour promouvoir, après examen, les meilleures pratiques en matière d’atténuation. En effet, l’incidence des rejets sur la biodiversité et l’évolution des écosystèmes demeure peu connue.

Incidences techniques

La difficulté de mesurer les rejets

La pratique du rejet chez les pêcheurs répond à des motifs complexes d’ordre biologique, économique et réglementaire. Ces facteurs sont généralement propres à chaque pêcherie et la décision de rejeter les prises ou non diffère selon les expéditions, la nature des opérations de pêche, la saison ou les pêcheurs eux-mêmes. Aussi l’information à ce sujet est-elle très difficile à structurer. Pour arriver à estimer correctement les quantités retournées à la mer, il faut souvent procéder à de très nombreux échantillonnages; en outre, les rapports d’observateurs présents à bord des bateaux sont indispensables. On sait que le rapport entre les taux de rejet et d’autres variables (volume des débarquements, durée de la sortie de pêche, longueur du filet de fond, cours du marché) tend à être faible. C’est pourquoi on risque fort de se tromper en établissant pour l’ensemble d’une flottille ou d’une pêcherie des estimations extrapolées à partir des échantillons, particulièrement si le protocole d’échantillonnage laisse à désirer.

Autre facteur compliquant les extrapolations, les statistiques nationales ne sont généralement pas tenues par pêcherie, que ce soit à l’étape de la collecte, de la compilation ou de la diffusion. Il y aurait cependant beaucoup d’avantages à fonctionner sur cette base, entre autres celui d’encourager la formation d’unités de gestion cohérentes, de corréler les débarquements et les mesures particulières de gestion et de faciliter l’inclusion des captures accessoires et des rejets dans les évaluations de ressources.

L’intérêt des estimations de rejets

Les rejets sont sans doute à l’origine d’une large part de la mortalité dans le secteur de la pêche. Or, pour toutes sortes de raisons, ils ne sont pas toujours comptabilisés, loin s’en faut, dans les évaluations de stocks, les calculs du volume admissible des captures (VAC) ou la gestion des quotas de pêche. D’une manière générale, la «trousse de comptabilité des rejets» n’est pas complète.

L’élaboration de principes directeurs

On pourra dès lors examiner l’opportunité d’établir des principes directeurs ou de réviser les meilleures pratiques concernant, en particulier:

Perspectives d’avenir

Les estimations de rejets à l’échelle planétaire pourraient à l’avenir être associées au Système mondial d´information sur les pêches (FIGIS) actuellement en voie d’implantation, un système de renvois à Fishstat permettant éventuellement de cerner les tendances en matière de débarquements d’espèces traditionnellement rejetées. En vue de responsabiliser les membres et les organismes régionaux à l’égard de la base de données, il conviendrait de les inviter à participer aux travaux de vérification et de mise à jour de son contenu. Il faudrait également continuer de solliciter de l’information sur les rejets et les captures accessoires auprès des pays et des entreprises de pêche qui ne les comptabilisent pas, de manière à les éveiller à l’importance de cette question. Enfin, dans l’intérêt d’un approfondissement des connaissances requises pour assurer la gestion durable de la ressource, il serait souhaitable de conduire des révisions périodiques complémentaires sur le taux de survie du poisson rejeté, sur les causes de mortalité du poisson indépendantes des rejets et qui échappent à l’observation, et sur l’impact des rejets sur les écosystèmes.

LES SUBVENTIONS À L'INDUSTRIE

INTRODUCTION

La FAO faisait observer que les subventions à l’industrie de la pêche encouragent la surcapacité de production et la surpêche dans Marine fisheries and the law of the sea: a decade of change28. Ce rapport de 1992 contribuait à mettre en lumière l’état lamentable de nombreux stocks commerciaux de poissons marins à travers le monde. Plus troublant encore, le rapport signalait une nette détérioration de la situation depuis les beaux jours où, à l’issue la Troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, la majorité des États côtiers assumaient le contrôle de la pêche jusqu’à 200 milles marins de leurs rives. Les auteurs en concluaient que les subventions à l’industrie avaient eu pour effet de contrecarrer les fins souhaitées et attendues de la nouvelle législation, soit le développement et le maintien d’une pêche durable.

Cette question fait couler de plus en plus d’encre depuis une douzaine d’années. De nombreux organismes intergouvernementaux, tels la Banque mondiale, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et la FAO29, l’ont étudiée et ont publié des documents pour la porter à l’attention du public. La quatrième Conférence ministérielle de l’OMC, tenue à Doha en 2001, a formulé une directive claire à l’intention des négociateurs du prochain cycle de pourparlers, leur enjoignant de réclamer le resserrement des mesures disciplinaires de l’OMC applicables aux subventions à l’industrie de la pêche. En 2002, le Plan d’action du Sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg a renouvelé l’appel à l’action lancé à l’OMC dans la Déclaration de Doha concernant les subventions à l’industrie de la pêche.

DÉFINITION

Mais qu’entend-on exactement par subventions? L’expression désigne, au sens strict, les transferts de fonds effectués par les gouvernements et, dans un sens très large, toute intervention de l’État ayant pour effet de modifier à court, moyen ou long termes les perspectives de profit d’une entreprise de pêche. De toute manière, les subventions agissent sur les entreprises d’une manière qui altère le cours normal du commerce international et qui affecte l’effort de pêche et, partant, la viabilité de la ressource. Instaurées pour répondre à des objectifs sociaux en principe louables, elles ne sont pas indésirables en soi mais il faut faire des distinctions. Certaines violent les dispositions de l’Accord international sur les subventions et les mesures compensatoires, donc les normes internationales. De ce fait, elles sont clairement passibles d’actions en réclamation en vertu de la réglementation actuelle de l’OMC. D’autres, toutefois, ne sont pas passibles de poursuites et celles-là font problème lorsque le contexte de leur adoption s’est tellement modifié qu’elles deviennent une menace pour la durabilité de la ressource. Un exemple: après l’extension de la limite territoriale à 200 milles, un État côtier pouvait très bien décider de créer sa propre flottille de pêche pour la substituer à une flottille étrangère dans ses eaux, ne serait-ce que pour faciliter les opérations de surveillance. Aux yeux du public, une subvention instaurée dans ce but peut être appropriée. Avec le temps, cependant, le principe de l’aide financière en vient à s’enraciner dans l’esprit des exploitants, et il devient très difficile d’éliminer les subventions une fois leur premier but atteint (ici, la création d’une flottille nationale). Poussons l’argument un peu plus loin. Comme les subventions stimulent la construction des bateaux de pêche, si elles ne sont pas abolies à temps, elles finissent par créer un excédent de capacité dans l’industrie, ce qui conduit à la surpêche.

Ainsi, après l’instauration de la limite de 200 milles, aux États-Unis et au Canada, des politiques gouvernementales (subventions) ont été adoptées en vue d’encourager la création de flottilles nationales. Des décennies plus tard, au début des années 90, le Canada s’est vu forcé d’interdire la très importante pêche commerciale à la morue de l’Atlantique, dont les populations s’étaient décimées. De la même façon, en 1999 aux États-Unis, on estimait que, parmi les populations recensées, le tiers des stocks dont le Gouvernement américain avait la garde avait été miné par la surpêche. À n’en pas douter, les subventions y sont pour quelque chose.

RAISONS D’ÊTRE ET RAPPEL HISTORIQUE

Les subventions à l’industrie peuvent se justifier d’au moins trois façons. Premièrement, un État peut y avoir recours pour faciliter l’implantation d’une industrie nationale naissante qui fait face à la concurrence étrangère, en lui fournissant un capital de départ. Deuxièmement, une grande entreprise peut éprouver des difficultés financières, ce qui pourrait entraîner sa faillite, et par là avoir des retombées néfastes sur d’autres secteurs de l’économie. En accordant des subventions temporaires, le gouvernement pourrait protéger l’ensemble de son économie. Troisièmement, on peut recourir aux subventions pour inciter l’industrie à bien se comporter sur le plan environnemental.

Il y a 40 ans – le plus souvent en se réclamant de l’argument de l’industrie naissante – on considérait les subventions comme des outils utiles pour la société. De nos jours, l’idée que l’on se fait du rôle de l’État dans la sphère économique est différente, et bien que l’argument environnemental demeure convaincant, on remet en question l’utilité sociale des subventions. En fait, tout dépend du contexte. Il convient donc de se poser quelques questions: les subventions auront-elles les résultats escomptés? Le cas échéant, sera-t-il possible d’abolir les subventions avant qu’elles ne commencent à engendrer des effets pervers? Y a-t-il d’autres moyens de parvenir aux résultats recherchés?

Indépendamment du résultat de cet exercice, les subventions existent. Comme on le verra ci-dessous, elles ont une longue histoire.

En effet, 20 ans ne se sont pas écoulés depuis l’établissement d’une colonie au Massachusetts, en 1620, que déjà les pêcheurs reçoivent une aide spéciale: ils sont exemptés du service militaire et de certains impôts. À la même époque, l’Angleterre octroie des monopoles pour stimuler les pêcheries dans ce qui constitue de nos jours l’Atlantique canadien. Au milieu du XIXsiècle, la Norvège engage des spécialistes pour étudier les fluctuations des rendements de la pêche, début d’une politique de subventions soutenue. En Islande, à la fin du XIXe siècle, l’industrie se modernise à la faveur des prêts consentis par une banque d’État en vue de l’achat de bateaux de pêche. Au début des années 70, le Pérou adopte un plan de développement des pêches permettant d’approvisionner le marché interne en poisson frais et en produits congelés. Dans le cadre de ce plan, le gouvernement investira dans les infrastructures et les équipements. De 1960 à 1975, le Gouvernement chilien développe sa propre industrie en se dotant d’une politique de subventions prenant la forme d’exemptions d’impôt sur le revenu et de droits d’importation. Pendant un quart de siècle, à partir de la moitié des années 60, le Brésil choisit la voie des exemptions d’impôt pour stimuler la croissance des pêcheries dans ses eaux. On le voit, les exemples de recours aux subventions sont légion, tant dans les pays développés que dans les régions en développement; la pratique n’a pas cessé depuis 100 ans.

LE CALCUL DES SUBVENTIONS

Les subventions sont difficiles à calculer, non seulement parce qu’elles répondent à une multiplicité de définitions et que les informations à leur sujet sont insuffisantes, mais aussi en raison des incompatibilités liées à la variété des interventions que les pays sont prêts à considérer comme des subventions. Pour en établir la valeur, on se base en général sur le montant des transferts de fonds publics ou des exonérations consenties aux intéressés. Des efforts considérables ont été faits à plusieurs reprises pour appliquer cette méthode de calcul à l’industrie de la pêche. La Banque mondiale, notamment, a publié un ouvrage sur le sujet qui fait autorité depuis, signé par M. Milazzo30. De son côté, l’OCDE a compilé et publié une liste par pays des subventions publiques dont bénéficient les entreprises de pêche. Le Groupe de coopération économique Asie-Pacifique a également préparé et diffusé une étude portant sur la nature et l’ampleur des subventions aux pêcheries accordées par ses pays membres. Enfin, la FAO a établi à l’intention des gouvernements un guide détaillé visant à leur faciliter le calcul des subventions. Tout importante qu’elle soit, la collecte des données ne représente toutefois qu’un premier pas, car ce ne sont pas les subventions en tant que telles qui constituent le nœud du problème mais leur effet sur les comportements des gens et des entreprises. Ont-elles des incidences négatives sur le commerce international? Incitent-elles les pêcheurs et les industriels à agir au détriment de la ressource qu’ils exploitent?

Théoriquement, certaines subventions ne peuvent que conduire à la surpêche. C’est le cas en particulier des «mannes» gouvernementales qui reportent sur l’État une portion des coûts de construction et d’équipement des bateaux. Ces subventions réduisent les dépenses des pêcheurs ou des entreprises, améliorent les perspectives de profit et constituent en fait un double stimulant à la surpêche: d’abord, sur la base des bénéfices réalisés par unité, elles augmentent la rentabilité en même temps que le nombre de captures; ensuite, elles forment un capital que les entreprises ont tout intérêt à utiliser. À moins de démonstrations scientifiques irréfutables en faveur d’une limitation de la pêche, les détenteurs de capitaux excédentaires voudront convaincre les gestionnaires de ne pas ralentir leurs activités. Les scientifiques évoluant dans un univers d’incertitude, ils ne sont pas en mesure de fournir de telles preuves, et les opérations de pêche se poursuivent à un rythme excessif, menant les stocks de poisson au bord de l’extinction du point de vue commercial. En fait, ce scénario n’est pas que théorique et peut très bien se concrétiser, comme on l’a vu à Terre-Neuve avec la morue de l’Atlantique. Évidemment, d’autres facteurs que les subventions pèsent sur les ressources: l’erreur scientifique (à ne pas confondre avec l’incertitude), les pressions politiques exercées par les collectivités dépendantes de la pêche, la pêche illégale, non déclarée ou non réglementée et, pour finir, des questions environnementales telles que les conditions climatiques ou le déséquilibre entre le nombre des prédateurs et celui des proies. Sur le plan pratique, il faut se demander, premièrement, dans quelle mesure les subventions contribuent effectivement à la surpêche; deuxièmement, quelle part elles occupent dans les bénéfices prévus (qui, eux, motivent les décisions de l’industrie) et, troisièmement, jusqu’où la perspective d’augmentation des bénéfices incite l’entreprise à pratiquer la surpêche. Ces questions, on ne fait que commencer à les étudier.

LES CONFÉRENCES INTERNATIONALES

L’année de la parution de a decade of change, 1992, a ouvert une nouvelle ère dans l’histoire de la gestion de la pêche. Au mois de mai de cette année-là, la Conférence internationale sur la pêche responsable s’est réunie à Cancún, au Mexique. Convaincue de la nécessité de protéger les pêcheries comme source importante d’alimentation pour l’humanité, de préserver la qualité des milieux marins et de résoudre les problèmes liés à la surcapacité de production, la Conférence invitait la FAO à préparer un Code de conduite pour une pêche responsable (document qui a été approuvé par les pays membres de la FAO trois ans plus tard). Toujours en 1992, la ville de Rio de Janeiro était l’hôte du Sommet de la Terre. Sans mentionner explicitement la pêche ou les subventions à la pêche, la Déclaration de Rio sur l´environnement et le développement était libellée en termes assez souples pour les englober. En 1995, la Conférence de Kyoto sur la contribution durable des pêches à la sécurité alimentaire renouvelait l’appel en faveur de pratiques de pêche responsables. En 2001, c’était le tour de la Conférence de Reykjavik sur une pêche responsable dans l’écosystème marin d’évoquer l’urgence de perfectionner les sciences halieutiques et les systèmes de surveillance dans le cadre de la mise en œuvre du Code de conduite pour une pêche responsable. La même année, enfin, la question des subventions à l’industrie était mise en avant à la Conférence ministérielle de Doha.

LE DÉBAT POLITIQUE

L’apparente impossibilité de stopper la surpêche par l’intermédiaire des arrangements internationaux a engendré d’énormes frustrations. L’OMC étant dotée de mécanismes exécutoires efficaces, de nombreux pays cherchent une manière légitime de faire intervenir l’Organisation dans les questions relatives à la durabilité. En 1999 déjà, cinq pays présentaient une demande au Comité de l’OMC sur le commerce et le développement visant à persuader les gouvernements de travailler de concert avec l’OMC en vue d’éliminer progressivement les sources de dommages environnementaux et de distorsion des échanges que sont les subventions aux pêcheries. La question est restée à l’étude jusqu’à la Déclaration de Doha en 2001, qui a mis en évidence l’urgence de la régler. Par la suite, elle a été renvoyée devant le Groupe de négociation sur les règles de l’OMC. Le préambule d’une communication conjointe présentée au Groupe par huit nations – Australie, Chili, Équateur, États-Unis, Islande, Nouvelle-Zélande, Pérou et Philippines,– notait que les pêcheries commerciales sont ou peuvent être exploitées par plusieurs pays et que, pour cette raison, l’impact commercial des subventions est loin de se limiter à la distorsion des rapports de concurrence. Dans la plupart des industries, l’effet des subventions visant à stimuler la production se fait sentir uniquement sur les marchés; il ne touche pas la capacité de production. Dans le cas de la pêche, la ressource étant partagée, cette capacité est compromise à partir du moment où l’un des partenaires subventionne son industrie au point de miner la ressource. L’appel au renforcement des mesures disciplinaires de l’OMC concernant la pêche, contenu dans la Déclaration de Doha, fut appuyé par les huit pays énumérés plus haut.

Toutefois, d’autres pays s’y sont opposés, arguant notamment qu’il fallait laisser à l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons le temps de prouver son efficacité. Cet accord avait pour seul but de répondre aux préoccupations soulevées par les huit pays requérants. Entre octobre 2002 et juillet 2003, le Groupe de négociation sur les règles de l’OMC fut à nouveau inondé de réclamations. Les États-Unis proposaient un système de type «feux de circulation»: certaines catégories de subventions seraient interdites (feu rouge), d’autres seraient présumées nocives (feu orange). Pour leur part, les Communautés européennes optaient pour une répartition en deux catégories simples: subventions «interdites» et subventions «autorisées». Les échanges se poursuivent à ce jour. Y participent l’Argentine, le Chili, l’Islande, le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, le Pérou et la République de Corée. Par ailleurs, un groupe de «petits États côtiers vulnérables» ont réclamé un traitement particulier à l’égard de questions comme les droits d’accès, l’aide au développement, les encouragements fiscaux à la domestication et au développement des pêcheries, et la pêche artisanale. On verra avec le temps si les «mesures disciplinaires» de l’OMC seront adaptées ou non au contexte particulier de la pêche.

LES EAUX DOUCES D'AFRIQUE: LA PÊCHE ARTISANALE FAIT-ELLE PROBLÈME?

INTRODUCTION

Depuis une décennie, la cogestion revient régulièrement parmi les solutions proposées pour en finir avec les échecs en matière de gestion de la pêche. Présentée comme une «alternative», la cogestion a quand même des points communs avec la gestion traditionnelle: elle repose sur l’idée que l’augmentation de l’effort de pêche entraîne la surexploitation, biologique et économique, et qu’elle constitue de ce fait le principal obstacle à la durabilité des pêcheries. En réglementant l’effort de pêche, on prend donc le meilleur moyen de prévenir les «tragédies» et d’améliorer l’efficacité de la pêche en même temps que les conditions d’existence de ceux qui la pratiquent. Contrairement à la gestion traditionnelle, cependant, la cogestion est basée sur l’hypothèse qu’une fois les gens du milieu convaincus des effets positifs d’une réduction de l’effort de pêche, le secteur finira par se soumettre à une forme ou une autre de régulation communautaire.

Récemment, des écologistes et des experts en sciences sociales spécialisés dans les domaines du pastoralisme et de la foresterie en Afrique ont remis ces postulats en question et s’interrogent sur l’impact réel de l’intervention anthropique sur la capacité régénérative des forêts et des pâturages tropicaux31. Leurs études montrent que les variables abiotiques relatives aux fluctuations et aux changements climatiques peuvent avoir des incidences beaucoup plus profondes que l’on ne croit généralement sur la dynamique des écosystèmes. Ces incidences pourraient même avoir plus de poids que l’intervention humaine, si bien qu’il est difficile de percevoir dans les écosystèmes, tels qu’ils se manifestent, des tendances qui résulteraient clairement de l’activité humaine. Ces questions ressurgissent actuellement au sujet des pêcheries africaines. En 2003, la FAO a publié les travaux d’un groupe de chercheurs européens et africains32 portant principalement sur les plans d’eau de taille moyenne exploités au Malawi, en Zambie et au Zimbabwe, et accessoirement sur d’autres pêcheries de la région. En résumé, les questions des scientifiques ont été les suivantes:

ÉVOLUTION DES CAPTURES ET DE L’EFFORT DE PÊCHE DEPUIS 50 ANS

Selon la FAO, les captures en eaux douces dans 12 pays de la SADC ont régulièrement augmenté de 1961 à 1986, passant de 168 000 tonnes à 598 000 tonnes. Elles se sont stabilisées depuis à un niveau allant de 600 000 à 700 000 tonnes. Cette croissance est attribuable d’une part à l’extension des activités de pêche sur de nouveaux plans d’eau (comme les lacs Kariba et Cabora Bassa) et, d’autre part, à la pêche d’espèces inexploitées jusque-là, notamment les petits pélagiques. L’effort de pêche dirigé sur les stocks déjà exploités a continué d’augmenter durant cette période mais il varie beaucoup d’un plan d’eau à l’autre. À titre d’exemple, le nombre de pêcheurs qui tendent leurs filets dans le lac Mweru n’a pas cessé d’augmenter alors que dans les marais avoisinants de Bangweulu il est depuis longtemps stable. Au lac Kariba, l’effort de pêche dirigé sur les stocks côtiers a beaucoup fluctué et ne s’est sans doute pas accentué beaucoup depuis le remplissage du lac à la fin des années 50. Au lac Malombe, le nombre de pêcheurs a progressé durant toutes les années 70, s’est stabilisé durant les deux décennies suivantes et décline maintenant depuis quelques années.

La dynamique de l’effort de pêche n’est pas du tout la même selon qu’il est question d’effort «lié à la population» ou d’effort «lié à l’investissement». Dans le premier cas, les fluctuations ont trait au nombre d’exploitants, alors que dans le second, elles ont trait au progrès des investissements et de la technologie. Toutes les pêcheries évoluent sur les deux fronts mais dans des mesures très variables. Dans les eaux douces de la SADC, ce sont les changements liés à la population qui ont dominé durant les 50 dernières années. Cela signifie que la technologie de récolte et les coûts globaux de production par unité de pêche sont restés relativement stables ou ont diminué, alors que le nombre des exploitants a fluctué ou progressé. Le cas du lac Malombe ou d’autres cas, où des entrepreneurs étrangers ont tenté (sans succès) de mettre sur pied des pêcheries «modernes», principalement au moyen d’apports financiers et technologiques, constituent des exceptions.

Les variations des niveaux d’effort de pêche sont parfois extrêmes. Par exemple, en moins de cinq ans (1963-1968), le nombre de pêcheurs du lac Kariba a chuté de 75 pour cent, pour remonter de 150 pour cent en sept ans durant les années 80. L’industrie de la pêche repose sur des technologies simples et peu coûteuses, donc faciles à acquérir. Cela favorise les mouvements de la main-d’œuvre dans le secteur. Économiquement parlant, n’importe qui peut s’établir comme pêcheur indépendant en quelques années. Cette mobilité est peut-être ce qui fait dire à Daniel Pauly que la plus grande préoccupation du milieu de la pêche artisanale, à l’échelle mondiale, est l’afflux de gens sans ressources ou autre occupation33. Pauly affirme que la pêche artisanale est devenue «un dernier recours» et que la multiplication du nombre d’indigents dans le secteur conduira à une «surpêche malthusienne».

La mobilité des pêcheurs d’eau douce de la SADC est plus grande encore. Comme au lac Kariba, les gens quittent le métier de la pêche aussi facilement qu’ils l’adoptent, y compris là où l’effort de pêche est en croissance continue. Au lac Mweru, par exemple, on a vu, au cours d’une période donnée, 3 000 travailleurs abandonner leurs filets pendant que 2 300 autres se faisaient pêcheurs à leur place. Dans cette région, la pêche n’est pas un dernier recours mais une soupape de sûreté; c’est une occupation à laquelle on s’adonne ou qu’on interrompt, selon ses besoins.

LES CAUSES SOUS-JACENTES DE L’ÉVOLUTION DE L’EFFORT DE PÊCHE

L’intensification de l’effort est souvent considérée comme inévitable, étant donné sa corrélation avec la croissance démographique (effort impulsé par la démographie) et avec la demande croissante de poisson (effort impulsé par l’investissement). Cependant, ces explications ne rendent compte ni des variations au fil du temps, ni des différences constatées entre les différents systèmes lacustres et fluviaux. De plus, l’intensification de l’effort impulsé par l’investissement semble représenter l’exception, malgré une augmentation générale de la demande de poisson dans toute la région.

Les changements observés dans l’effort impulsé par la démographie sont principalement induits par une combinaison de variations qui touchent la productivité écologique et les possibilités offertes par les autres secteurs. La réduction soudaine de la productivité après le remplissage du lac Kariba, conjuguée aux bonnes perspectives caractérisant les autres secteurs, a provoqué après 1963 une réduction spectaculaire du nombre de pêcheurs. De façon analogue, la crise qui a frappé l’économie de la Zambie après 1974 a poussé un grand nombre de personnes à se tourner vers la pêche dans le lac Kariba. Plus de 80 pour cent des pêcheurs arrivés dans la région au cours des années 80 avaient auparavant travaillé dans la Province du Copperbelt ou à Lusaka. La même crise devait pousser les personnes ayant perdu leur emploi dans le Copperbelt à introduire la pêche de chisense dans le lac Mweru. On peut considérer comme établi que les systèmes d’eau douce de la SADC constituent une importante soupape de sûreté pour une bonne partie de la population en période de détresse économique, même si l’entrée de ces opérateurs dans le secteur des pêches n’est pas irréversible.

On observe la présence générale de mécanismes locaux de régulation de l’accès au secteur, basés sur l’identité ethnique ou communautaire, mais leur efficacité dans le contrôle du recrutement de nouveaux pêcheurs n’est pas uniforme. Au lac Malombe, par exemple, ces mécanismes ont pendant longtemps exclu les propriétaires non originaires de la région. Quant au lac Kariba, c’est seulement au début des années 60 et au cours de la dernière décennie que les règlements locaux en matière d’accès ont réussi à exclure de façon efficace les opérateurs extérieurs, tandis que dans les autres sites de pêche, leur action a été négligeable.

En revanche, lorsque se produisent des changements importants impulsés par l’investissement, sous forme de méthodes de prélèvement à plus fort coefficient de capital, ils ont comme corollaire apparent une réduction de l’effort impulsé par la démographie. Toujours au lac Malombe, le passage du filet maillant à des méthodes de pêche à la senne employant davantage de capital a augmenté de façon substantielle les coûts d’admission, réduisant de ce fait le nombre des opérateurs potentiels.

Une contrainte d’ordre général pèse sur l’intensification de l’effort impulsé par l’investissement, à savoir l’accès au capital de financement. En effet, les activités de pêche ne suffisent pas à elles seules à enclencher un développement technologique coûteux, et c’est pourquoi il semble invariablement nécessaire d’obtenir des ressources financières à l’extérieur. Au lac Mweru, ce sont les entrepreneurs européens qui, au début des années 50, ont financé le démarrage des pêches de Mpundu (Labeo altivelis), et au lac Malombe, l’argent nécessaire à l’achat des sennes a été procuré grâce aux excédents générés par les migrations de travailleurs à l’étranger.

L’insuffisance des ressources financières et de la croissance impulsée par les investissements dans les systèmes d’eau douce de la SADC n’est autre que le reflet d’aspects beaucoup plus essentiels caractérisant les sociétés, au niveau central comme au niveau local. Les analyses portant sur le paysage institutionnel des pêches de la SADC font également ressortir combien il est difficile, au niveau local, de trouver des institutions régies par des règles sociales bien définies et étayées par des normes répondant aux valeurs communes. Ces difficultés transparaissent dans la relation qui existe entre pêcheurs et propriétaires d’équipement à Malombe: alors qu’elle apparaît souvent comme un rapport clairement défini d’employeur à employé, il semble que les normes sous-jacentes censées contribuer à stabiliser ce rapport soient loin d’être partagées de façon unanime, si bien que les règles donnent constamment l’impression d’être ambiguës, voire contradictoires. Il s’ensuit que les propriétaires ont de grosses difficultés à tenir en main leurs équipages, lesquels, en retour, se sentent souvent trahis ou exploités par les propriétaires.

LES INCIDENCES DE L’EFFORT DE PÊCHE ET DE L’ENVIRONNEMENT SUR LA RÉGÉNÉRATION DES STOCKS DE POISSON

Toutes les approches en matière de gestion font une large place à l’effort de pêche pour expliquer et prédire les fluctuations dans la régénération des stocks de poisson considérés individuellement. Cependant, dans de nombreuses pêches africaines, la méthode consistant à s’appuyer sur des modèles classiques d’évaluation des stocks pour fixer des limites à la mortalité des poissons n’a eu qu’un succès limité. Cet échec est attribuable à plusieurs facteurs intrinsèques de variabilité écosystémique. Il semble que, dans les lacs étudiés, les facteurs déclenchants environnementaux jouent un rôle plus déterminant que les variations d’intensité de l’effort pour expliquer les fluctuations de la production piscicole. En dépit de la stabilité surprenante des rendements globaux des pêches polyvalentes en matière d’espèces et d’équipements pour une large gamme de prises, on observe des variations considérables quant à la composition de ces prises sous l’angle des espèces comme de la taille, tant sous l’effet des activités de pêche que des processus induits par l’environnement. De nombreux stocks manifestent une adaptabilité et une capacité importantes de reconstitution, dès que s’atténue la pression dont ils ont fait l’objet. De ce fait, on observe que les variations au niveau de l’effort reflètent, dans une certaine mesure, les fluctuations de productivité des écosystèmes (figure 43) plutôt que l’inverse – comme le postulent les modèles classiques.

Étant donné que les fluctuations environnementales ont une incidence marquée sur la productivité, la gestion biologique des stocks de poisson doit s’appuyer sur une connaissance de la variabilité à long terme des systèmes, de même que sur les réactions des poissons comme des pêcheurs à de telles dynamiques. La base d’informations qui contient cette connaissance se compose de trois éléments: la variabilité des systèmes, la vulnérabilité des espèces à l’activité de pêche, et la sélectivité ainsi que l’envergure des différents modes de pêche.

La variabilité des systèmes

Les changements sur une longue période survenant dans le niveau des eaux, associés aux modifications climatiques, contribuent de façon importante à expliquer les modifications touchant les stocks. Ce phénomène est évident s’agissant des lacs intermittents tels que les lacs Mweru, Wa Ntipa et Chilwa/Chiuta où, une fois la remise à niveau effectuée, on assiste à une régénération et à une augmentation rapides de la productivité. Cependant, de tels effets ne sont pas limités aux cas extrêmes. Dans tous les lacs, il existe une relation significative et positive entre les taux de capture et les niveaux de l’eau. Au lac Kariba, on peut certes attribuer aux activités de pêche les différences de taille des prises et des taux de capture entre les secteurs du lac soumis à exploitation et ceux non exploités; cependant, là encore, la corrélation entre la production piscicole globale et les niveaux de l’eau dans le lac suggère fortement que l’environnement constitue un facteur dominant des fluctuations de stocks34. Au lac Tanganyika, les fluctuations importantes des taux de capture de clupéidés sur une période de 40 années semblent principalement attribuables à l’environnement, avec comme principal facteur la poussée éolienne35.

On peut classer les systèmes d’eau douce selon un éventail allant des environnements pulsés aux environnements constants. Lorsque les changements du niveau de l’eau constituent le principal facteur environnemental de changement, cela peut fournir des informations sur la stabilité relative du système, et les corrélations sont alors possibles tant avec les fluctuations de la taille des stocks qu’avec la productivité générale (figure 43).

La vulnérabilité des espèces à la pêche

La stabilité apparente du rendement des systèmes d’eau douce de la SADC peut masquer un nombre déconcertant de modifications (figure 44). Alors que l’on peut observer des exemples de déclin très accentué de certains stocks, leurs fluctuations se produisent indépendamment de l’effort de pêche. Les caractéristiques biologiques ont en effet leur rôle, certaines espèces étant particulièrement «vulnérables» à la pêche: ainsi, les espèces de grande taille et à croissance lente telles que le Lates, grand prédateur du lac Tanganyika, ont de toute évidence décliné par suite des activités de pêche; il en va de même pour les espèces présentant des phases particulièrement vulnérables comme les grands cyprinidés, qui sont des prises faciles durant les migrations de frai dans les lacs Mweru, Malawi, Victoria et Tana. Cependant, la plupart des espèces présentent une résistance remarquable à l’intensification de l’effort, et cette caractéristique est liée à la variabilité du système. Plus une espèce est adaptée aux environnements pulsés, moins la gestion conserve une incidence du point de vue biologique. Les espèces «résilientes» comme le tilapia dominent depuis bien longtemps de nombreux systèmes d’eau douce africains. Récemment, toutefois, la réorientation en faveur d’espèces pélagiques à croissance rapide, à faible longévité et «à forte résilience», tels que les clupéidés d’eau douce, a caractérisé de nombreux lacs.

La sélectivité et l’envergure des modes de pêche

Les pêches artisanales sont capables de s’adapter rapidement à l’évolution des conditions, en modifiant et en diversifiant leurs méthodes. Dans le lac Mweru, en réaction à la disparition, au cours des années 70, de l’Oreochromis mweruensis, espèce de grande taille, tous les senneurs ont réduit les dimensions des mailles en l’espace de quelques années. Après une période de mouvements intenses, on a vu se former des classes d’âge importantes et réapparaître l’espèce de grande taille O. macrochir, en dépit de l’intensification de l’effort. Ces poissons, qui échappaient à la capture par la majorité des filets aux mailles de taille réduite, ont constitué la base d’un renouveau de la pêche à la senne. Bien qu’invariablement polyvalentes en matière d’espèces, de nombreuses méthodes de pêche, parfois officiellement interdites, restent sélectives et peuvent même capturer des espèces par ailleurs inexploitées. Cependant, la diversification accrue des méthodes de pêche artisanale que l’on observe dans la plupart des systèmes d’eau douce de la SADC ne semble guère présenter de graves dangers. En parant à la variabilité inhérente à l’abondance relative de stocks multiespèces et en choisissant de cibler simultanément de nombreuses espèces en même temps qu’une large gamme de tailles, on fait apparaître un schéma global de pêche non sélective qui semble favoriser la conservation de l’écosystème. Si toutes les composantes de la population piscicole sont prélevées de façon proportionnelle à leur productivité, la structure de cette population demeurera inchangée. Ainsi, alors que la productivité du système et les taux moyens de capture semblent déterminer l’ampleur de l’effort général (figure 43), c’est l’environnement qui, dans une grande mesure, semble réguler les pêches artisanales. Le danger se situe plutôt dans une augmentation de l’envergure des activités découlant soit des investissements dans une technologie plus perfectionnée, soit d’une utilisation plus intensive de la technologie existante, dans le but de surmonter la variabilité inhérente aux stocks.

CONCLUSIONS

Depuis le début du XXe siècle, la réglementation des pêches en Afrique a permis d’échafauder des systèmes de gestion basés sur une reconnaissance admise des relations entre l’effort de pêche et la productivité biologique.

Cependant, les dynamiques écologiques sont complexes et l’intensification de l’effort impulsé par la démographie pourrait être moins préjudiciable qu’on ne l’avait généralement prévu. La prise de conscience croissante d’une variabilité naturelle s’accompagnant de phases vulnérables durant les périodes de faible productivité, associée aux incertitudes liées à l’apparition de technologies plus rentables, montre qu’il est nécessaire de mettre sur pied des «systèmes d’alerte avancée» en se basant sur les éléments esquissés plus haut.

L’observation selon laquelle la dynamique de l’effort dépend tout autant du développement économique et social dans la région que de l’économie du secteur des pêches, appelle l’adoption d’une approche beaucoup plus large en matière de suivi du secteur. Les analyses économiques basées sur la manière dont les populations répondent aux changements macroéconomiques sont tout aussi importantes, si l’on veut comprendre l’évolution des pêches, que les études basées sur la surveillance des phénomènes biologiques en cours.

Tant que les variations de l’effort demeureront impulsées par la démographie et que la pêche restera artisanale et basée sur la multiplicité des équipements, l’application d’une réglementation générale à l’effort sera problématique. Il sera notamment très difficile de démontrer que la réduction de l’effort entraîne l’amélioration des taux de capture et du rendement total. Cependant, une réduction de l’effort en fonction des circonstances pourrait présenter une pertinence au niveau local, soit pendant les périodes de grande vulnérabilité, soit comme moyen de faire face aux variations naturelles qui se produisent quel que soit le système de gestion. Cependant, si la dynamique de l’effort devient davantage impulsée par l’investissement, alors la nécessité d’une réglementation augmente de façon considérable. On devrait pouvoir trancher sans difficulté la question de savoir si les systèmes d’eau douce de la SADC doivent être maintenus en tant que soupape de sécurité économique et protection pour les populations de la région, ou s’il faut transformer ces pêches en entreprises industrialisées, en excluant de ce fait bon nombre de ces populations. Dans une situation caractérisée par des récessions profondes, durables et de portée macroéconomique, il semble indispensable de maintenir la fonction de protection. Au demeurant, on ne doit guère s’attendre à ce que les pêches en eau douce deviennent un élément moteur du processus, hautement nécessaire, de mise en œuvre des réformes économiques.

1 Cet article est un résumé de la FAO. 2004. Global aquaculture outlook in the next decades: an analysis of national aquaculture production forecasts to 2030. FAO, Circulaire sur les pêches no C1001. Rome. (Sous presse)
2
De nombreux pays ont répondu à cette demande, mais il n’a pu être utilisé en fin de compte que les communications de 11 d’entre eux (celles du Bangladesh, du Brésil, du Canada, du Chili, de Chine, d’Égypte, d’Inde, d’Indonésie, des Philippines, de Thailande et du Viet Nam) obtenues dans les délais fixés pour cette étude et contenant des objectifs de production quantifiés.
3 FAO. 1999. Historical consumption and future demand for fish and fishery products:exploratory calculations for the years 2015/2030, par Y. Ye. FAO, Circulaire sur les pêches n° 946. Rome; IFPRI. 2003. Fish to 2020: supply and demand in changing global markets, par C. Delgado, N. Wada, M. Rosegrant, S. Meijer et M. Ahmed. Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), Washington. Wijkström, U.N. 2003. Perspectives à court et moyen terme concernant la consommation du poisson. Veterinary Research Communications, 27 (Suppl. 1): 461-468.
4
Les statistiques de production halieutique les plus récentes disponibles sur FAOSTAT concernent l’année 2001.
5
FAO. 2003. Statistiques de production aquacole 1988-1997. Rome.
6
Source: Fishstat Plus (V. 2.30) du 21.06.2004.
7 Dans les projections de l’IFPRI, ce scénario a été appelé l’«effondrement écologique». Bien qu’il indique un recul spectaculaire de la pêche de capture et des perspectives pessimistes pour cette pêche, ce scénario ne constitue pas techniquement un effondrement complet.
8 FAO. 2003. Aquaculture development in China: the role of public sector policies, par N. Hishamunda et. R. Subasinghe. FAO, Rapport technique sur les pêches no 427. Rome.
9 Ces hypothèses reposent sur notre estimation selon laquelle la progression de l’aquaculture en Chine devrait poursuivre, pendant les 8 à 10 prochaines années, sa progression à un rythme plus lent qui pourrait se situer entre 2 et 4 pour cent l’an.
10 G. Barrett, M. Caniggia. et L. Read. 2002. Il y a davantage de vétérinaires que de médecins à Chiloé: incidence sociale et communautaire de la mondialisation sur l’aquaculture au Chili. World Development, 30(11): 1951-1965.
11
Union of British Columbia Indian Chiefs. 2004. Fish farms: zero tolerance – Indian salmon don’t do drugs (disponible à http://www.ubcic.bc.ca/UBCICPaper.htm; adresse valable en septembre 2004).
12
IFPRI. (op.cit., voir note 3, p. 117) a classé la carpe parmi les espèces à «faible valeur». Toutefois, cette classification a été nuancée pour tenir compte des régions (notamment de certains secteurs en Asie) où cette espèce est très appréciée.
13
Op. cit., note 8, p.119; et IFPRI (2003), op. cit., note 3 de ce chapitre.
14
Aerni, P. 2001. Aquatic resources and biotechnology: evolutionary, environmental, legal and developmental aspects. Document d’information sur la science, la technologie et l’innovation n° 13. Cambridge, Massachussetts, États-Unis, Center for International Development, Université de Harvard.
15 FAO. 2004. Impacts of trawling and scallop dredging on benthic habitats and communities, par S. Lokkeborg. FAO, Document technique sur les pêches n472. Rome. (Sous presse)
16 FAO. 2000. Rapport de la Consultation technique sur la mesure de la capacité de pêche, Mexico, Mexique, 1999. FAO, Rapport sur les pêches no 615. Rome; FAO. 2003a. Measuring and assessing capacity in fisheries: issues and methods, par S. Pascoe, J.E. Kirkley, D. Gréboval et C.J. Morrison-Paul. FAO, Document technique sur les pêches no 433/2. Rome; FAO. 2004. Measuring and assessing capacity in fisheries: basic concepts and management options, par J.M. Ward, J.E. Kirkley, R. Metzner et S. Pascoe. FAO, Document technique sur les pêches no 443/1.Rome. (Sous presse); FAO. 2003b. Measuring capacity in fisheries, par S. Pascoe et D. Gréboval, éds. FAO, Document technique sur les pêches no 445. Rome.
17
Op. cit., voir FAO (2000) dans la note 16 ci-dessus.
18 Lorsqu’on utilise le potentiel de capture en tant qu’indicateur de la capacité réelle, il est nécessaire de procéder à un ajustement afin de tenir compte du changement de conditions de ressource (taux de capture).
19
Des détails sur la façon d’évaluer des mesures sont présentés dans Kirkley et Squires. 1999. Measuring capacity and capacity utilization in fisheries. Dans FAO. Managing fishing capacity: selected papers on underlying concepts and issues, rédigé par D. Greboval. FAO, Document technique sur les pêches no 386. Rome; et dans FAO (2004), op. cit., voir note 16, p. 128. Des exemples de l’utilisation de ces techniques sont également présentés dans FAO (2003b), op. cit., voir note 16, p. 128.
20
J. Kirkley, J. Ward, J. Waldron et E. Thunberg. 2002. The estimated vessel buyback programme costs to eliminate overcapacity in five federally managed fisheries. Final contract report to the National Marine Fisheries Service, Silver Spring, Maryland. Gloucester Point, Virginie, États-Unis, Virginia Institute of Marine Science.
21
On trouve un exemple de l’application d’un modèle bioéconomique dans cette optique dans FAO (2004), op. cit., voir note 16, p. 128.
22 La Delaration de Kyoto et le Plan d’action ont été adoptés à la Conférence internationale sur la Contribution durable des pêches à la sécurité alimentaire, tenue à Kyoto, Japon, du 4 au 9 décembre 1995.
23
FAO. 2004. Discarding in the world’s fisheries: an update, par K. Kelleher. FAO, Document technique sur les pêches no 470. Rome. (Sous presse)
24
Les sources des estimations figurant dans ce paragraphe sont rerspectivement, FAO. 1994. A global assessment of fisheries bycatch and discards, par D.L. Alverson, M.H. Freeberg, S.A. Murawaski et J.G. Pope. FAO, Document technique sur les pêches no 339. Rome; FAO. 1998. La situation mondiale des pêches et l’aquaculture 1998. Rome; et D.L. Alverson. 1998. Discarding practices and unobserved fishing mortality in marine fisheries: an update. Rapport préparé pour le NMFS. Washington Sea Grant Publication WSG 98-06. Seattle, État de Washington, États-Unis, Washington Sea Grant.
25
FAO. 1996. Report of the Technical Consultation on Reduction of Wastage in Fisheries. Tokyo, Japon, 1996. FAO, Rapport sur les pêches no 547, Rome.
26Fishstat Plus (version 2.30), du 24.07.2003. Le calcul des prises nominales (ou non rejetées) ne prend pas en compte les plantes et animaux marins.
27
La Fédération de Russie, la Nouvelle-Zélande, les Philippines et la République de Corée. Les pays membres de l’UE et l’Inde sont partiellement représentés dans la base de données. Un certain nombre de pays petits producteurs ne sont pas inclus.
28 FAO. 1992. Marine fisheries and the law of the sea: a decade of change. Chapitre special de La situation mondiale de l’alimentation et de l’aquaculture 1992. FAO, Circulaire sur les pêches no 853. Rome.
29 FAO, 2003. Introducing fisheries subsidies, par W.E. Schrank. FAO, Document technique sur les pêches no 437, Rome.
30 M. Milazzo. 1998. Subsidies in world fisheries: a reexamination. Washington, Banque mondiale.
31 Voir, par exemple, I. Scoones, éd. 1995. Living with uncertainty: new directions in pastoral development in Africa, Londres, Intermediate Technology Publications, et J. Fairhead et M. Leach. 1996. Misreading the African landscape. society and ecology in a forest-savanna mosaic, Cambridge, Royaume-Uni, Cambridge University Press.
32
FAO, 2003a. Management, co-management or no-management? Major dilemmas in southern African freshwater fisheries – Synthesis report, par E. Jul-Larsen, J. Kolding, R. Overå, J. Raakjær Nielsen et P.A.M. van Zwieten. FAO, Document technique sur les pêches no 426/1, Rome; et FAO, 2003b. Management, co-management or no-management? Major dilemmas in southern African freshwater fisheries – Case studies, par E. Jul-Larsen, J. Kolding, R. Overå, J. Raakjær Nielsen et P.A.M. van Zwieten, éds, FAO Document technique sur les pêches no 426/2, Rome.
33 D. Pauly. 1994. On Malthusian overfishing. Dans D. Pauly, éd. On the sex of fish and the gender of scientists: essays in fisheries science, p. 112-117. Londres, Chapman and Hall; et D. Pauly. 1997. Small-scale fisheries in the tropics: marginality, marginalization and some implication for fisheries management. Dans K. Pikitch, D.D. Huppert et M.P. Sissenwine, éds. Global trends: fisheries management, p. 40-49. Bethesda, Maryland, États-Unis, American Fisheries Society Symposium 20.
34 L.P. Karenge et J. Kolding. 1995. On the relationship between hydrology and fisheries in Lake Kariba, Central Africa. Fisheries Research, 22: 205-226.
35
P.A.M. van Zwieten, F.C. Roest, M.A.M. Machiels et W.L.T. van Densen. 2002. Effects of inter-annual variability, seasonality and persistence on the perception of long-term trends in catch-rates of the industrial pelagic purse-seine fisheries of Northern Lake Tanganyika (Burundi). Fisheries Research 54: 329-348; et P. Verburg, R.E. Hecky et H. Kling. 2003. Ecological consequences of a century of warming in Lake Tanganyika. Science, 301: 505-507.

Page précédenteTable des matièresPage suivante