COFO-2001/9


COMITÉ DES FORÊTS

Point 9 de l'ordre du jour provisoire

QUINZIÈME SESSION

Rome (Italie), 12- 16 mars 2001

LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET LE PROTOCOLE DE KYOTO: QUESTIONS CLÉS TOUCHANT LA FORESTERIE

Note du Secrétariat

LES NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES CONCERNANT LE CLIMAT

1. La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (la Convention) a été adoptée en 1992 pour répondre aux préoccupations mondiales face au réchauffement de la planète. Elle vise à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère aux fins d'empêcher toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique mondial. Le dioxyde de carbone a été identifié comme étant le plus important de ces gaz. Les Parties inscrites à l'annexe I s'engagent au titre de la Convention à dresser des inventaires nationaux des émissions et des puits de gaz à effet de serre, et à œuvrer de concert pour réaliser des objectifs volontaires de réduction des émissions. Une Conférence des Parties des pays signataires a été organisée pour promouvoir la mise en œuvre efficace de cette réduction.

2. Au titre de la Convention, une phase pilote d'"activités exécutées conjointement" a été entamée pour tester et évaluer les possibilités de concrétiser les objectifs de la Convention. Les activités exécutées conjointement sont des projets de collaboration mis en œuvre par les Parties et visant à empêcher, piéger ou réduire les émissions de gaz à effet de serre.

3. La troisième Conférence des Parties à la Convention, tenue à Kyoto (Japon), en décembre 1997, a adopté par consensus un nouvel engagement juridiquement contraignant, appelé le "Protocole de Kyoto". Trente-neuf pays développés et pays en transition vers une économie de marché (pays de l'Annexe B) s'engagent à réduire entre 2008 et 2012 les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 5 pour cent par rapport aux niveaux de 1990. Les réductions vont de -8 pour cent, pour la plupart des pays européens et pour certains autres, à +10 pour cent pour l'Islande. Au sein de l'Union européenne, une redistribution de l'objectif global est consentie entre les pays membres; ce plan de redistribution s'appelle "bulle". Certains pays, comme l'Allemagne, se sont en outre engagés à réduire de 25 pour cent, d'ici 2005, les émissions de gaz à effet de serre par rapport aux chiffres de 1990.

4. Trois "mécanismes souples" pour l'atténuation du changement climatique ont été établis: a) échanges, sur la base de leurs engagements chiffrés en matière de limitation et de réduction des émissions, entre les pays inscrits à l'annexe I; b) exécution conjointe (de projets de réduction des émissions entre les pays de l'annexe I); et c) mécanisme pour un développement propre (entre les pays de l'annexe I et ceux n'y figurant pas).

FORÊTS ET ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE

5. Les forêts agissent comme réservoirs en piégeant le carbone dans la biomasse et le sol et comme puits de carbone lorsque leur étendue ou leur productivité s'accroissent entraînant par là une absorption majeure du CO2 atmosphérique. Inversement, elles sont une source de gaz à effet de serre lorsque la biomasse brûle ou se décompose. Les changements d'utilisation des terres (en premier lieu le déboisement dans les zones tropicales) représentent à l'heure actuelle environ 20 pour cent des émissions de CO2 dues à l'action de l'homme.

6. Certaines pratiques forestières jouent un rôle important en contribuant au ralentissement de l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère: gestion à des fins de conservation, gestion du stockage et gestion de substitution.

7. Pour quantifier la contribution des forêts à la réduction des émissions il faudra dresser un inventaire global à long terme des sources et des puits de carbone connexes, et effectuer une analyse détaillée des autres facteurs environnementaux et socio-économiques qui influencent le choix des modes de gestion forestière.

8. D'après le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), entre 1995 et 2050, la fixation de carbone mondiale découlant de la réduction du déboisement, la régénération des forêts et l'intensification des plantations et des pratiques agroforestières pourrait correspondre de 12 à 15 pour cent des émissions de carbone des combustibles fossiles.

DISPOSITIONS DU CADRE JURIDIQUE INTÉRESSANT LA FORESTERIE

9. Alors que la Convention ne fait que brièvement mention de la foresterie, le Protocole de Kyoto traite explicitement ce thème: l'article 2 stipule que, pour s'acquitter de ses engagements, chacune des Parties de l'annexe I devra appliquer et/ou élaborer plus avant des politiques et des mesures ... par exemple ... la promotion de méthodes durables de gestion forestière, de boisement et de reboisement.

10. Les autres aspects intéressant la communauté forestière qui sont traités dans les sections du Protocole de Kyoto concernant le boisement, le déboisement et le reboisement (article 3.3), ainsi que les sources et les réservoirs, y compris l'absorption par le sol et la biomasse (article 3.4), et leur estimation (article 5), la cession d'unités de réduction des émissions (article 6), l'établissement d'inventaires annuels (article 7), les mécanismes d'examen et de contrôle (article 8), les méthodes améliorées d'évaluation des émissions et des puits (article 10), et notamment le mécanisme pour un développement propre qui est décrit à l'article 12.

11. Le double objectif de ce mécanisme est d'aider les pays en développement qui sont Parties à la Convention à parvenir à un développement durable, et les pays développés Parties à la Convention à remplir leurs engagements chiffrés de limitation et de réduction de leurs émissions. Le mécanisme permettra aux Parties inscrites à l'annexe I et à ceux qui n'en font pas partie de réaliser conjointement des projets qui assureront des réductions d'émissions certifiées. Ce mécanisme complète l'approche sur les échanges permis entre les Parties de l'annexe I.

12. Les détails de la mise en œuvre du mécanisme pour un développement propre font encore l'objet d'un débat, notamment en ce qui concerne le remplacement des combustibles fossiles par des combustibles biologiques, et l'admissibilité comme puits des réservoirs de carbone dans les forêts et les sols.

13. Le rapport spécial sur l'utilisation des sols, les changements d'affectation des terres et la foresterie, soumis par le GIEC aux Parties à la douzième session de l'Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques (SBSTTA) en juin 2000 à Bonn (Allemagne), a permis de mieux mettre en exergue le rôle et les potentialités des forêts dans les mécanismes internationaux relatifs aux changements climatiques.

RÔLE ET INSTRUMENTS DE LA FAO EN MATIÈRE DE CLIMAT

14. Les travaux officiels de la FAO concernant le climat ont commencé en 1968 lorsque cette dernière, l'Organisation météorologique mondiale (OMM) et l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) ont établi le Groupe interorganisations sur la biométéorologie agricole. Par la suite, la FAO a lancé le projet des zones agroécologiques et le Système mondial d'information et d'alerte rapide sur l'alimentation et l'agriculture (SMIAR).

15. Le protocole de Kyoto souligne clairement l'importance de la participation active des organisations internationales aux questions climatiques mondiales. La Convention établit plusieurs catégories de pays qui auront besoin d'une aide particulière. Elles comprennent les petits pays insulaires, les pays ayant des zones côtières de faible élévation, les pays ayant des zones arides et semi-arides, des zones de forêts et des zones sujettes au dépérissement des forêts, les pays ayant des zones sujettes à des catastrophes naturelles, les pays ayant des zones sujettes à la sécheresse et à la désertification et, éventuellement, les pays ayant des écosystèmes fragiles, notamment des écosystèmes montagneux.

16. La FAO et ses membres font face à plusieurs enjeux issus directement ou indirectement des négociations actuelles sur le climat. Ils comprennent de nouvelles obligations (engagements) et de nouvelles possibilités liées au fait que le carbone pourrait devenir un nouveau "produit" à surveiller, quantifier et parfois gérer autrement que par le passé, ainsi qu'une nouvelle raison d'être pour les activités auxquelles participe la FAO et qui ont maintenant un rôle lié à l'évolution du climat à remplir. Au titre du Protocole de Kyoto, les Parties devront élaborer, appliquer et mettre à jour régulièrement des programmes nationaux et, là où il y a lieu, régionaux, contenant des mesures destinées à atténuer les changements climatiques et des mesures destinées à faciliter une adaptation appropriée de ces changements dans les secteurs de l'énergie, des transports et de l'industrie, ainsi que de l'agriculture et de la foresterie.

17. Dans la mise en œuvre d'un cadre climatologique, la FAO joue le rôle de:

Dépositaire de données et d'informations

18. Le Système d'information sur les forêts de la FAO, grâce à ses évaluations des ressources forestières, fournit l'ensemble le plus complet d'informations sur les forêts du monde et pourrait, de ce fait, devenir une base importante pour l'estimation des émissions de carbone au titre du Protocole de Kyoto. Le travail de la FAO en matière d'évaluation des données sur les combustibles ligneux et les systèmes de dendroénergie est également fondamental.

19. La FAO accueille le secrétariat du Système mondial d'observation terrestre (SMOT) qu'elle a établi en 1996 de concert avec le Conseil international des unions scientifiques (CIUS), le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), l'UNESCO et l'OMM pour fournir aux décideurs, aux gestionnaires des ressources et aux chercheurs les informations à long terme dont ils ont besoin pour détecter les changements mondiaux et évaluer la capacité des écosystèmes terrestres de soutenir le développement durable. L'un des domaines prioritaires du Système est l'évolution climatique, et il organise maintenant le lancement d'une initiative sur l'observation du carbone terrestre qui vise à aider les pays à évaluer et surveiller leurs sources et puits de carbone dans les secteurs agricole et rural, grâce à la collecte systématique de données sur le carbone réalisée moyennant l'observation terrestre et satellitaire. L'initiative a pour objet d'une part de pallier le manque d'informations sur le cycle du carbone terrestre et, de l'autre, de rassembler des données mondiales cohérentes qui serviront aux activités entreprises dans le cadre de la Convention. Ces deux fonctions satisfont aux besoins de données de la Convention.

Gestionnaire de définitions, directives, méthodes et modèles

20. La FAO contribue à l'harmonisation des différents processus d'élaboration de critères et indicateurs et des programmes de certification, à la rédaction de codes de pratiques régionaux et nationaux et aux systèmes de dendroénergie.

Instance neutre

21. La FAO offre une instance neutre pour l'échange de vues entre spécialistes et pour l'amélioration des connaissances en matière de changements climatiques par le biais de consultations d'experts. Récemment, la FAO a analysé les relations complexes existant entre la dégradation des terres, la fixation du carbone et la biodiversité lors d'une réunion conjointe FAO/FIDA (1999); elle a en outre coparrainé l'atelier d'experts sur la fixation du carbone, l'agriculture durable et la réduction de la pauvreté tenu à l'OMM (Genève) en août 2000, et a organisé en septembre 2000 une réunion d'experts sur la vérification des réservoirs et des échanges de carbone au niveau national des pays non compris dans l'annexe I.

Créateur de capacités et pourvoyeur d'informations

22. La FAO a organisé des ateliers régionaux sur les répercussions des changements climatiques sur le secteur forestier au Honduras (1999) et sur les questions concernant l'utilisation des sols, les changements d'affectation des terres et la foresterie en Bolivie (2000). Pour mettre au courant de ces questions les Parties intéressées des pays d'Amérique latine, elle a publié en 1999 le document intitulé El Protocolo de Kyoto y el Mecanismo para un Desarrollo Limpio - Nuevas Posibilidades para el Sector Forestal de América Latina y el Caribe, et un document analogue pour l'Afrique est en cours de préparation. Une étude intitulée Climate Change and the Forestry Sector: Possible Legal Responses and their Implications a été réalisée en 2000.

DOMAINES QU'IL EST PRÉVU DE RENFORCER

23. Pour l'information des États Membres du Comité des forêts, les domaines d'activités suivants de la FAO relatifs aux changements climatiques seront renforcés.

24. La FAO a mis en place un Groupe de travail interdépartemental spécial sur le climat et les liens avec l'agriculture et la sécurité alimentaire, qui coordonne les activités sur le climat du Bureau juridique et des Départements économique et social, de l'agriculture, des forêts, de la coopération technique et du développement durable. Le renforcement de ce groupe de travail permettra à la FAO de jouer un rôle plus actif à tous les niveaux, de la scène internationale aux collectivités forestières locales.

25. Les pays en développement Parties ont demandé une aide en matière de renforcement des capacités relatives à la foresterie et aux changements climatiques à la douzième réunion du SBSTTA en juin 2000, ainsi qu'aux réunions des Commissions régionales des forêts tenues en 2000. La FAO envisage de coopérer avec le PNUE, le CIFOR et d'autres organisations en vue de préparer conjointement un programme de renforcement des capacités et d'obtenir des crédits extrabudgétaires pour sa mise en œuvre.

26. La FAO entend instaurer une collaboration plus étroite et plus efficace avec le secrétariat de la Convention et avec le GIEC concernant, par exemple, les définitions, lesquelles revêtent une importance extrême dans le cadre juridique international. La FAO fournira son appui à la mise au point de directives et de méthodes.

27. L'Organisation restera une instance neutre où les experts techniques pourront débattre des questions pertinentes relatives à la foresterie et aux changements climatiques.

28. La FAO encouragera les synergies et la collaboration dans le domaine des forêts entre la Convention et les autres conventions liées à ce secteur, notamment celles qui portent sur la désertification (CCD), les zones humides (RAMSAR) et la biodiversité (CBD).