IRC: 02/05





COMMISSION INTERNATIONALE DU RIZ

Vingtième session

Bangkok (Thaïlande), 23-26 juillet 2002

ALLOCUTION LIMINAIRE

LE DÉVELOPPEMENT DES TECHNOLOGIES DU RIZ POUR UNE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE DURABLE: PROBLÈMES ET DÉFIS

Table des matières

INTRODUCTION

TENDANCES ET PROJECTIONS DE L'OFFRE ET DE LA DEMANDE

QUESTIONS PERTINENTES

Stagnation des rendements et baisse de la productivité

Uniformité et érosion génétiques

Qualité nutritionnelle

Ressources limitées

Préoccupations environnementales

Politiques du riz et obligations internationales

Transfert de technologies

SATISFACTION DES BESOINS FUTURS

Mise au point de variétés de riz de la nouvelle génération

Réduction des écarts de rendement

Gestion intégrée des cultures de riz pour réduire l'écart de rendement

Réduction des pertes après la récolte et lors du traitement

Amélioration des revenus et des moyens de subsistance des riziculteurs

CONCLUSIONS

RÉFÉRENCES


INTRODUCTION

Le riz est la plus importante culture vivrière, et plus de 90 pour cent de la production mondiale a son origine dans des régions tropicales et semi-tropicales d'Asie. Dans plusieurs pays d'Asie, le riz fournit de 50 pour cent à 70 pour cent de l'apport calorique et protéique. Le riz est également un aliment de base dans de nombreux pays d'Amérique latine et des Caraïbes, et la consommation, parmi les secteurs à faible revenu, y est proche des niveaux atteints en Asie. Le riz est la source d'alimentation qui s'accroît le plus rapidement dans plusieurs pays d'Afrique et le Nigéria est devenu un important importateur de riz. L'accélération de la production de riz au cours des 30 dernières années a été l'un des éléments déterminants du renforcement de la sécurité alimentaire mondiale. Il subsiste néanmoins aujourd'hui 800 millions d'êtres humains qui souffrent de déficit vivrier, et la plupart d'entre eux vivent dans des régions qui sont tributaires de la production de riz pour leur alimentation, leurs revenus et l'emploi.

Depuis la dix-neuvième session de la Commission internationale du riz (CIR) qui a eu lieu au Caire (Égypte) en 1998, nombre de faits nouveaux ont eu un impact profond sur l'industrie mondiale du riz. La production de riz a continué de s'accroître et de dépasser la consommation, tandis que plusieurs pays ont commencé à écouler les énormes stocks qu'ils avaient accumulés, ce qui a fait baisser les cours du riz sur les marchés internationaux. Dans plusieurs pays, l'élévation des revenus s'est reflétée dans une tendance à la baisse de la consommation par habitant. La faiblesse des prix du riz est préoccupante non seulement pour les pays qui en exportent mais aussi pour les pays importateurs qui en produisent étant donné que la production nationale risque d'être menacée par le riz importé, moins cher. La situation déprimée dans laquelle se trouve l'économie du riz et l'étendue des programmes menés par les pouvoirs publics pour soutenir la production nationale et les revenus ruraux risquent d'avoir de sérieuses conséquences pour les pays membres de l'Organisation mondiale du commerce eu égard aux engagements qu'ils ont pris aux termes de l'Accord sur l'agriculture du Cycle d'Uruguay.

En Chine, l'adoption généralisée de variétés hybrides de riz s'est traduite par une augmentation de la production alors même que la superficie des rizières a diminué au début des années 90. Les moyens biotechnologiques de manipulation de la génétique du riz en sont encore à leurs premiers stades mais laissent entrevoir la possibilité d'éliminer plusieurs contraintes qui entravent l'amélioration des différentes variétés. Le progrès de la technologie et l'approfondissement des conséquences sur le génome ont mis la biotechnologie du riz au premier plan des efforts scientifiques. En dépit des résultats positifs qui ont été obtenus, la polarisation entre adversaires et partisans des cultures transgéniques s'est intensifiée et compliquera beaucoup, à l'avenir, l'adaptation de variétés de riz génétiquement transformé et leur diffusion.

Cette étude examine la situation actuelle de la production de riz afin d'identifier les problèmes et les préoccupations à résoudre pour assurer une production économiquement viable. À cet égard, l'on ne peut pas séparer la situation actuelle de l'évolution à long terme de la demande de riz étant donné que les solutions apportées à la crise actuelle pourraient avoir une influence sur la satisfaction des besoins futurs.

TENDANCES ET PROJECTIONS DE L'OFFRE ET DE LA DEMANDE

L'on trouvera à la figure 1 des informations sur la production, la consommation et les stocks de clôture de riz de 1997 à 2001/02. Ces données montrent que l'on peut distinguer au cours des cinq dernières années deux phases distinctes. Pendant les trois années qui se sont écoulées entre 1997 et 1999, la production a dépassé la consommation. La surproduction a été imputable principalement aux effets conjugués de cours favorables sur les marchés internationaux les années antérieures, des prix de soutien et des aides à l'exportation versées par plusieurs pays producteurs. Après ces années de surproduction, la production mondiale de riz a diminué au cours des deux dernières années et a été inférieure à la consommation. Les stocks mondiaux ont également diminué pour compenser la baisse de production, bien que demeurant élevés au cours des deux dernières années. Cette tendance de la production devrait se maintenir jusqu'à ce que les stocks de riz tombent à un niveau plus réaliste et que le jeu de l'offre et de la demande fasse remonter les prix internationaux.

Au début des années 90, plusieurs scientifiques ont averti qu'une crise menaçait (Agcaoili et Rosegrant, 1992). Le taux d'augmentation de la production de riz s'était ralenti et était tombé de plus de 2,5 pour cent pendant les années 80 à 1,1  pour cent seulement au début des années 90 par suite de la lenteur de l'amélioration des rendements et de l'expansion limitée des superficies ensemencées. Selon différents rapports, la production devrait augmenter de 75 pour cent d'ici à 2025 pour satisfaire une demande de quelque 850 millions de tonnes de paddy (Pingali et al., 1997). Selon une analyse plus récente, toutefois, la demande de riz devrait être moindre aussi bien à court terme (2010) qu'à long terme (2030). Ces projections sont fondées sur des tendances plus récentes de la consommation qui tiennent compte de la baisse de la consommation de riz par habitant due à l'urbanisation et à l'élévation des revenus. Entre 2002 et 2010, la consommation de riz en Chine devrait diminuer à un rythme d'environ 0,45 pour cent par an (tableau 1). Dans les autres pays d'Asie, il est probable que la consommation stagnera. Selon les projections, le même scénario devrait prévaloir jusqu'en 2030 (tableau 2). La réduction prévue de la consommation de riz devrait être principalement le résultat d'une expansion économique estimée comme étant de l'ordre de 4 pour cent à 5 pour cent par an (tableau 3).

En résumé, la demande de riz en 2030 devrait être d'approximativement 533 millions de tonnes de riz usiné, soit bien moins que les projections antérieures, encore qu'une quantité considérable de riz sera nécessaire pour satisfaire les besoins futurs. De plus, bien que les projections de la production mondiale de riz ne prévoient pas de déficit, elles dissimulent souvent des déficits aux plans régional ou national. Ainsi, l'Indonésie devrait continuer de connaître des déficits qui, selon les projections, devraient passer de 3,6 millions de tonnes par an, ce qu'ils sont à l'heure actuelle, à plus de 4,4 millions de tonnes de riz en 2010 (tableau 1). À l'heure actuelle, le Nigéria importe chaque année environ 1 million de tonnes, chiffre qui devrait atteindre 1,8 million de tonnes en 2010. L'Afrique subsaharienne devrait importer chaque année plus de 6 millions de tonnes de riz en 2010. Le Brésil, Cuba et le Mexique devraient continuer d'enregistrer des déficits d'environ 1,5 million de tonnes de riz par an.

QUESTIONS PERTINENTES

Plusieurs problèmes naissants risquent de compromettre la capacité de satisfaire les besoins futurs de riz. La stagnation des rendements et les ressources limitées en terre et en eau qui seraient nécessaires pour élargir les superficies cultivées sont les principales contraintes à une augmentation durable de la production de riz. Par ailleurs, du fait des préoccupations que suscitent la qualité nutritionnelle, l'érosion génétique et la dégradation de l'environnement, la production de riz exige des choix plus rigoureux, spécialement dans le contexte des engagements pris au plan international.

Stagnation des rendements et baisse de la productivité

L'accroissement des rendements du riz s'est ralenti et est tombé à un peu plus de 1 pour cent par an, soit un pourcentage à peu près égal à celui de l'accroissement démographique (FAO, 2002). La stagnation des rendements paraît affecter même les riz hybrides (Yuan, 1998). D'innombrables sources d'information confirment que les rendements et la productivité sont en baisse sur 28 millions d'hectares de cultures intensives de riz irrigué en Asie. Au début des années 80, il est apparu que le rendement diminuait dans les rizières de culture intensive des stations de recherche des Philippines (Flinn et al., 1982, 1994). Les études réalisées par la suite dans plusieurs autres pays ont également confirmé cette baisse des rendements (Cassman et al., 1995, 1996). Des analyses plus récentes ont également signalé que, comme découvert précédemment, les recherches expérimentales reflétaient une baisse des rendements, mais n'ont pas pu déterminer l'étendue de cette diminution dans d'autres régions d'Asie par suite des fluctuations des rendements d'une année sur l'autre (Dawe et Doberman, 2000). D'autres observations montrent qu'une culture continue en rizières irriguées, où le sol est maintenu dans une situation anaérobique pendant des périodes prolongées, entraîne effectivement des troubles qui limitent les rendements (Pulver et Nguyen, 1998). Le principal problème tient à la production de toxines provenant de la décomposition anaérobique de matières organiques, qui risquent de limiter le développement des plantes et partant les rendements (Olk et al., 1996). Étant donné l'importance que revêt le système de production intensive, il faut s'attacher à préserver des rendements élevés et à éviter d'introduire des éléments pouvant les réduire.

Uniformité et érosion génétiques

En outre, l'on sait depuis longtemps que les rizières irriguées sont extrêmement vulnérables à une attaque biologique majeure du fait de leur uniformité génétique. Pendant les années 80, la variété IR 36 était cultivée en Asie sur quelque 13 millions d'hectares. À l'heure actuelle, la variété IR 64 occupe 10 millions d'hectares, soit environ 15 pour cent du total des rizières irriguées. Il en va de même des riz hybrides. En 1998, 95 pour cent de la production de toutes les variétés hybrides (près de 17 millions d'hectares) provenait de la même source de stérilité cytoplasmique des mâles, c'est-à-dire la source abortive sauvage (WA) (Brar et al., 1998). L'uniformité génétique des variétés et des riz hybrides modernes entraîne une grande vulnérabilité des cultures aux ravages d'innombrables parasites et maladies.

L'on craint également que la propagation des variétés à haut rendement et à faible diversité génétique n'érode la diversité du riz. Rares sont les variétés traditionnelles qui sont actuellement cultivées et beaucoup d'entre elles risquent de disparaître à mesure que les cultivateurs adoptent des variétés améliorées. Il apparaît également que le croisement externe des variétés améliorées érode la diversité génétique (Ellstrand, 2001). Cette perte de diversité génétique est certes une conséquence des progrès de l'agriculture, mais l'on peut dire que la contribution qu'apporte à la sécurité mondiale la culture de variétés à haut rendement dépasse de loin l'intérêt potentiel de la préservation du germoplasme traditionnel.

Il est surprenant qu'un programme d'hybridation aux Philippines puisse identifier plus de génotypes que nombre de programmes nationaux qui travaillent sur l'écologie productive locale. Cela s'explique peut-être par le fait que beaucoup de programmes nationaux d'hybridation n'ont pas encore atteint le stade auquel ils puissent efficacement utiliser les variétés améliorées introduites de l'extérieur pour les croiser avec des variétés locales, de sorte qu'ils ne peuvent introduire que de nouvelles variétés. En définitive, cela se traduit par l'adoption généralisée de variétés hybrides d'élite provenant d'une seule et même source et, par conséquent, par une uniformité génétique. Cette apparente défaillance des programmes nationaux a de sérieuses incidences pour la promotion de technologies plus avancées, comme les riz hybrides et les variétés transgéniques. Le problème de l'uniformité génétique n'est d'ailleurs pas limité aux pays en développement. Le riz produit aux États-Unis est notoire pour l'étroitesse de sa base génétique et, en Australie, presque toute la production provient de la même variété, largement utilisée en Californie. En Amérique latine, la production de riz repose également sur une base génétique étroite (Cuevas et al., 1992).

Qualité nutritionnelle

L'apport nutritionnel relativement réduit du riz est une source de préoccupation, spécialement dans les régions où la consommation est très élevée. Le riz est la principale source d'apport énergétique et est une importante source de protéines, qui représente une proportion substantielle de la dose journalière recommandée de zinc et de niacine (tableau 4). Cependant, le riz a une très faible teneur en calcium, en fer, en thiamine et en riboflavine et ne contient presque pas de béta-carotène. Il semble y avoir quelques variations génétiques pour ce qui est de la teneur en fer et en zinc, et cela représente peut-être une possibilité d'améliorer l'apport nutritif du riz pour ces métaux. Le riz doré, enrichi en vitamine A, pourrait contribuer à atténuer les carences en vitamine A à l'avenir.

Ressources limitées

Les possibilités d'étendre les superficies cultivées seront limitées par suite de l'absorption croissante de terre et d'eau par l'industrialisation et l'urbanisation. Les rizières irriguées représentent chaque année environ 75 millions d'hectares, soit la moitié environ du total des superficies ensemencées. Cependant, du fait de leur productivité élevée, les rizières irriguées représentent environ 75 pour cent de la production totale de riz. Le problème qu'elles suscitent est leur énorme consommation d'eau, supérieure aux besoins des cultures. En Asie, le riz irrigué consomme 150 milliards de m3 d'eau, soit une efficacité d'utilisation d'environ 20 000 m3 par hectare. À supposer que le rendement moyen soit de 5 tonnes par hectare, la productivité de l'eau dans les rizières irriguées n'est que de 0,15 kg de riz usiné par m3 d'eau. À l'heure actuelle, le prix du riz usiné sur les marchés internationaux est d'environ 250 dollars la tonne, de sorte que la productivité de l'eau n'est que de 0,038 dollar/m3. Du fait de la faible productivité des rizières irriguées, cette culture n'est pas compétitive au regard d'autres utilisations de l'eau.

L'on a estimé qu'une modeste réduction de 10 pour cent des quantités d'eau utilisées pour l'irrigation du riz permettrait d'économiser environ 15 milliards de m3, soit l'équivalent d'un quart environ du total de l'eau douce utilisée dans le monde pour des activités non agricoles (Klemm, 1999). De nombreuses études ont montré que l'on peut facilement cultiver du riz irrigué avec de 8 000 à 10 000 m3/ha, soit la moitié environ des quantités actuellement utilisées, sans pour autant affecter les rendements. La principale difficulté, s'agissant de la conservation de l'eau, est que son prix ne reflète pas sa valeur. Dans le cas de la plupart des systèmes d'irrigation, les usagers paient des droits d'eau, si tant est qu'ils en paient, en fonction de la superficie et non du volume d'eau consommée. De ce fait, il n'y a aucune incitation économique encourageant la conservation de l'eau.

D'autres propositions ont été faites pour réduire la consommation d'eau des rizières irriguées. Il a été suggéré notamment de limiter la culture du riz à la saison des pluies, d'employer des variétés utilisant l'eau plus efficacement (de type C4), la promotion des cultures en hautes terres et l'utilisation de moyens biotechnologiques pour mettre au point des variétés de riz résistant à la sécheresse (Tuong et Bouman, 2002). Toutes ces options ont un coût. Le riz irrigué est plus productif pendant la saison sèche, il n'existe guère de variations génétiques pour ce qui est de l'efficacité de l'utilisation de l'eau (le riz est une plante semi-aquatique) et les rendements des rizières des hautes terres sont faibles et instables. L'introduction d'une photosynthèse de type C4 ne permettrait d'économiser qu'une faible proportion des quantités d'eau utilisées pour la production irriguée.

Toutefois, l'on pourrait déjà aller assez loin au moyen de simples mesures de conservation, c'est-à-dire en ne maintenant un état de sursaturation du sol que pendant la période de culture, en éliminant ou en réduisant considérablement la préparation du sol submergé et en maintenant l'eau dans les champs en réduisant les décharges. En outre, il faut améliorer l'efficacité des systèmes d'irrigation pour réduire les pertes pendant le transport. Une gestion rationnelle des mauvaises herbes doit être un autre élément de cette stratégie. Il importe d'améliorer d'urgence l'efficience de la production de riz pour pouvoir soutenir la concurrence des autres utilisations de ces ressources.

Préoccupations environnementales

L'agriculture est de toutes les activités celle qui use et abuse le plus de ressources naturelles et, partout dans le monde, l'on s'emploie à atténuer l'impact des activités agricoles sur l'environnement. À l'avenir, des conditions de production seront surveillées de près par le public et les pays devront se conformer à différents accords internationaux, en particulier l'Accord sur l'agriculture de l'OMC et la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. La production irriguée de riz est particulièrement vulnérable aux nouvelles réglementations environnementales par suite de l'utilisation excessive d'eau d'irrigation, d'un emploi sans discrimination de pesticides et d'une utilisation peu efficace d'engrais. L'on a de fortes raisons de penser que les cultures de riz contribuent beaucoup aux émissions de gaz carbonique, de méthane, d'oxyde d'azote et d'ammoniac. Le gaz carbonique provient des brûlis de résidus agricoles, pratique commune dans de vastes régions du monde. En Californie, les règlements environnementaux limitent le brûlis de la paille de riz à 25 pour cent seulement des superficies cultivées chaque année. Toutefois, la plupart des pays n'ont pas encore promulgué de réglementation concernant cette question, mais risquent d'être obligés à le faire par les accords commerciaux internationaux.

Récemment, l'attention de la communauté internationale s'est portée non plus tant sur le gaz carbonique mais sur des gaz plus puissants. Les émissions de méthane sont un aspect spécifique des cultures irriguées de riz en raison des longues périodes d'inondation et de la décomposition anaérobique des matières organiques incorporées aux cultures (Hou et al., 2000). Ainsi, l'on estime que les rizières irriguées sont à l'origine de 20 pour cent des émissions mondiales de méthane, gaz dont l'effet de serre est d'environ 20 fois supérieur à celui du gaz carbonique. Quelque 90 pour cent des émissions de méthane proviennent de la plante et, selon certaines études, des variétés génétiquement différentes émettent des quantités différentes de méthane (Wang et al., 1997). Bien que les études de terrain n'aient dégagé que peu d'informations touchant les pratiques de culture et les émissions de méthane des rizières, il semblerait possible de réduire ces émissions en ménageant de courtes périodes de jachère ou une rotation avec une culture de hautes terres pour que les matières organiques puissent se décomposer dans des conditions aérobiques avant de remettre le sol dans un état anaérobique pour la culture irriguée du riz.

L'oxyde d'azote provient principalement des engrais azotés (Mosier et al., 1996). Les rizières irriguées peuvent émettre de grandes quantités d'oxyde d'azote lorsqu'on laisse le sol sécher après avoir appliqué de l'urée et qu'on l'inonde ensuite. L'apport continu d'eau après une application d'urée sur un sol sec peut réduire considérablement les émissions d'oxyde d'azote. L'ammoniac provient lui aussi des engrais azotés, et l'on estime qu'un sixième environ des émissions mondiales d'ammoniac proviennent des engrais utilisés dans l'agriculture (Bouwman et al., 1997). Dans les cultures irriguées de riz, les émissions d'ammoniac sont imputables principalement à une utilisation inefficace de l'urée. Le principal problème tient au fait que lorsqu'elle est appliquée dans l'eau ou sur de la boue, 70 pour cent environ de l'urée s'évapore sous forme d'ammoniac. Cette proportion peut être réduite d'au moins 30 pour cent à 50 pour cent sans affecter les rendements au moyen de méthodes efficaces mais simples de gestion des engrais azotés.

Politiques du riz et obligations internationales

Traditionnellement, les gouvernements des principaux pays producteurs et consommateurs de riz ont eu pour politique de maintenir la stabilité des prix du paddy pour les consommateurs des centres urbains et de subventionner la production. Ces politiques se sont traduites par une augmentation continue de la production et ont maintenu les prix à la portée du pouvoir d'achat des consommateurs économiquement faibles. Dans les pays qui sont de gros exportateurs de riz, les politiques ont tendu à privilégier les marchés d'exportation, bien que souvent aux dépens des producteurs. Les cours actuels du riz sur les marchés mondiaux sont tombés à leur niveau le plus faible depuis plusieurs décennies. Les exportations de la Thaïlande, premier exportateur mondial, ont atteint un chiffre record en 2001/02 alors même que les riz blancs de première qualité ne se vendaient que pour 178 dollars la tonne. Cela n'est possible qu'en raison du solide soutien fourni par le Gouvernement thaïlandais. La dépression des prix du riz sur les marchés mondiaux est préoccupante aussi pour l'Amérique latine, région où plusieurs gouvernements ont mis en place des barrières commerciales pour protéger la production nationale. Aux États-Unis et en Europe occidentale, le riz est l'une des cultures les plus subventionnées et le soutien de la production représente des dépenses énormes pour les gouvernements, car ces mesures publiques de soutien coûtent cher. En outre, les politiques de soutien du secteur du riz sont limitées par les engagements pris dans le cadre de l'Accord sur l'agriculture du Cycle d'Uruguay et des programmes d'ajustement structurel. À plus longue échéance, si l'on veut qu'elle soit durable, il faudra améliorer l'efficacité de la production de riz.

Transfert de technologies

Il existe enfin une pléthore d'éléments institutionnels et politiques qui exigeront de profonds changements si l'on veut pouvoir satisfaire les besoins futurs. Il faudra, de plus en plus, fournir une assistance technique aux agriculteurs pour les aider à adopter des pratiques plus efficaces. Dans les cas où les programmes de transfert de technologies et autres services d'appui du secteur public souffrent de l'inertie des institutions et manquent d'efficience et d'efficacité, il faudra mettre au point de nouveaux mécanismes de fourniture et de financement de services d'appui, aider au transfert de technologies et améliorer les méthodes de traitement et de commercialisation.

SATISFACTION DES BESOINS FUTURS

D'un autre côté, le progrès de la technologie et l'évolution de la science et de l'industrie du riz offrent des possibilités qui, si elles sont mobilisées comme il convient, permettraient une production durable. L'urbanisation offre de nouvelles possibilités de commercialisation du riz et l'élévation du revenu accroît la demande de riz de qualité, ce qui ouvre des perspectives nouvelles à des systèmes de production orientés vers la demande du marché. La biotechnologie et d'autres méthodes de pointe pourraient aider à générer des variétés de riz ayant un rendement plus élevé, qui soient plus tolérantes et/ou résistantes aux stress biologiques et autres et qui soient plus nutritives. Des systèmes holistiques et intégrés de gestion des cultures améliorent les rendements, réduisent les coûts et atténuent la dégradation de l'environnement en améliorant l'efficacité des activités de culture. La production de riz pourrait également être plus rentable en réduisant les pertes pendant et après la récolte ainsi qu'en diversifiant les systèmes intensifs riz-riz.

Mise au point de variétés de riz de la nouvelle génération

L'Institut international de recherches sur le riz (IIRR) a proposé d'accroître le potentiel génétique du riz afin de stimuler les rendements, et il a ainsi été entrepris des efforts pour mettre au point de "nouveaux types de plantes" (NTP). Ce concept est apparu au début des années 90 à la suite des études de modélisation des récoltes tendant à identifier dans l'intervalle qui s'écoulerait jusqu'en 2002 des NTP ayant un rendement potentiel de 12 à 15 tonnes par hectare (Fisher, 1994; Peng et al., 1994). Les progrès accomplis sur cette voie, cependant, ont été lents.

L'hybridation du riz constitue la technologie la plus importante depuis qu'il a été identifié des variétés naines. Les riz hybrides ont toujours eu des rendements supérieurs de 15 pour cent à 20  pour cent à ceux des variétés classiques. En Chine, les scientifiques ont commencé à travailler sur l'hybridation du riz à la fin des années 60 et la première variété hybride commerciale a été introduite en 1974. En 2000, l'on estimait que des riz hybrides étaient cultivés sur quelque 16 millions d'hectares en Chine, 300 000 ha au Viet Nam; 150 000 ha en Inde et 30 000 ha au Bangladesh (IIRR, 2000). Il en a été également cultivé, bien qu'à beaucoup plus petite échelle, au Myanmar, aux Philippines et en République populaire démocratique de Corée. En outre, une société commerciale américaine a mené un programme de recherches intensives pour identifier des variétés hybrides qui pourraient être cultivées dans les régions tempérées des Amériques, par exemple au sud des États-Unis, au sud du Brésil, en Uruguay et en Argentine. À l'heure actuelle, presque toute la production provient de variétés hybrides à trois lignes. La Chine a récemment introduit des hybrides à deux lignes qui, en 2001, étaient cultivés sur quelque 2 millions d'hectares (communication avec le Professeur Yuan Longping, 2001).

En dépit de ces progrès, plusieurs facteurs ont tempéré l'adoption à grande échelle des variétés hybrides. La production de semences constitue à cet égard l'obstacle le plus formidable. En Chine, la production de semences F1 n'était apparemment que de 0,41 tonne par hectare en 1976, mais les progrès de la technologie ont porté ce chiffre à 2,5 tonnes par hectare en 1995 (Yuan et Fu, 1995). Les scientifiques chinois ont signalé avoir obtenu des rendements de semences F1 plus élevés (2,5 à 3 tonnes/ha) au moyen de variétés à deux lignes. En dehors de ce pays, cependant, les rendements de la production de semences F1 demeurent peu élevés. Au Viet Nam comme en Inde, ces rendements n'étaient apparemment que de 1,3 à 1,7 tonne par hectare (Quach, 1997; Ahmed, 1997), ce qui se traduisait par un renchérissement des semences de variétés hybrides et par conséquent des cultures commerciales de variétés hybrides. L'adoption de ces variétés demeure par conséquent limitée aux régions où les salaires sont peu élevés et où le repiquage est pratiqué. La faiblesse persistante des rendements de la production de semences hybrides en dehors de la Chine, malgré tous les investissements et efforts de la FAO, du PNUD, de l'IIRR, de la BAsD et des systèmes nationaux de recherche pendant les années 90 (Nguyen, 2000), porte à conclure qu'il faudra, pour que les variétés hybrides de riz soient largement adoptées en dehors de la Chine, attendre qu'il soit identifié ou mis au point des lignes CMS caractérisées par une excellente aptitude à maintenir la stérilité du pollen et par un taux de croisement élevé avec d'autres variétés.

En bref, les efforts déployés pour accroître la production grâce à une amélioration des rendements au moyen de NTP ou de riz hybrides continuent de se heurter à des difficultés technologiques inhérentes, auxquelles les outils et méthodes biotechnologiques permettront peut-être de remédier. La réalisation la plus marquante, en matière de biotechnologie du riz, est l'identification de la séquence et de la cartographie du génome du riz réalisée dans le cadre du Projet international d'identification de la séquence du génome du riz (IRGSP) et par d'autres institutions publiques et privées. Une meilleure connaissance du génome du riz pourra beaucoup faciliter la mise au point de nouvelles variétés de riz ainsi que le transfert au riz de gènes d'autres cultures ou organismes.

À l'heure actuelle, il n'existe qu'une seule variété de riz produite commercialement mise au point au moyen de procédures transgéniques. Il paraît cependant que différentes variétés soient actuellement à l'essai, pour la plupart des variétés résistant aux herbicides et/ou utilisant le gène Bt. En outre, des mutants résistant aux herbicides doivent bientôt être lancés sur le marché. L'utilisation d'organismes génétiquement modifiés (OGM) demeure hautement controversée, mais de nouvelles caractéristiques importantes aussi bien pour les consommateurs que pour les producteurs apparaîtront sans doute au cours des dix prochaines années. Les pays producteurs de riz devront décider comment et dans quelle mesure ces innovations seront adoptées. La sécurité biologique est un aspect important mais qui ne concerne pas uniquement les OGM.

Réduction des écarts de rendement

La plupart des variétés à haut rendement existantes ont génétiquement un rendement potentiel d'environ 10 tonnes par hectare. Dans d'excellentes conditions de gestion sur le terrain, ces variétés produisent fréquemment de 7 à 8 tonnes par hectare, mais les rendements moyens obtenus par les producteurs n'atteignent que la moitié environ de ce chiffre. À sa dernière session, la CIR a recommandé à la FAO d'entreprendre une analyse approfondie de ces écarts de rendement. En septembre 2000, la FAO a organisé une Consultation d'experts sur les écarts de rendement et la baisse de productivité de la production de riz (FAO, 2000). Les résultats de nombreuses études sur le terrain ont montré que, dans le monde en développement, l'écart de rendement était d'environ 46 pour cent, soit l'équivalent d'approximativement 2,7 tonnes par hectare (tableau 5). Cet écart est le plus marqué dans l'écologie irriguée étant donné que l'environnement de production se prête mieux à des rendements élevés, que la plupart des cultivateurs utilisent déjà des génotypes améliorés et que les technologies concernant la production irriguée de riz sont déjà très avancées. L'on pourrait accroître la production d'environ 130 millions de tonnes de riz usiné en réduisant les écarts de rendement dans les régions de cultures irriguées d'Asie, qui représentent 72 millions d'hectares. La réduction des écarts de rendements des cultures irriguées est une question qui doit par conséquent retenir l'attention en priorité.

L'écart de rendement provient de nombreuses déficiences dues principalement à des pratiques de gestion inadéquates. De meilleures technologies de gestion des cultures existent, mais nombre d'entre elles n'ont pas été introduites, essayées ou modifiées pour être adaptées aux conditions locales. Les déficiences qui caractérisent la gestion des cultures sont par conséquent imputables souvent à l'insuffisance du transfert des technologies. La plupart des efforts déployés dans ce domaine sont le fait d'entités du secteur public qui ne disposent que de ressources limitées et d'un personnel peu formé et qui ne sont guère encouragées à s'améliorer. En outre, nombre d'organismes de vulgarisation souffrent d'inertie institutionnelle. Il est donc essentiel d'élaborer de nouvelles approches du transfert de technologies.

Il existe des exemples de moyens novateurs de fournir des services aux exploitants sans soutien massif du secteur public. Les associations de producteurs de riz d'Amérique latine se sont organisées pour créer le FLAR (Fonds latino-américain pour la riziculture irriguée) afin de mettre en oeuvre des programmes internationaux de collaboration tendant à résoudre des problèmes communs en évitant les chevauchements d'efforts et en facilitant l'échange d'informations. En Australie, le programme Ricecheck de transfert de technologies a beaucoup contribué à accroître la production au plan national en réduisant l'écart de rendement (Clampett, 2000).

Il existe d'importantes différences entre les technologies fondées sur le "savoir" et sur les "semences". Les traits améliorés incorporés aux gènes d'une variété d'élite sont relativement fixes et visuellement apparents et les agriculteurs peuvent facilement établir une distinction entre les variétés résistantes et susceptibles aux maladies et identifier les autres traits phénotypiques améliorés. En outre, dès lors qu'ils adoptent des technologies fondées sur les semences, les cultivateurs peuvent continuer à les utiliser sans autre assistance et sans engager de dépenses supplémentaires, à moins qu'il ne s'agisse de variétés hybrides. En revanche, il est souvent difficile pour les cultivateurs de constater l'impact de meilleures techniques de gestion qui réduisent considérablement les quantités d'eau utilisées. De même, il est rare que les agriculteurs comprennent la nécessité de préserver un équilibre biologique pour réduire les dommages causés par les parasites. Les agriculteurs peuvent constater de visu les résultats donnés par l'épandage d'engrais azoté mais pas les pertes importantes qui se produisent par évaporation lorsque les engrais ne sont pas appliqués de manière appropriée.

Gestion intégrée des cultures de riz pour réduire l'écart de rendement

Les limites inhérentes aux méthodes de gestion des cultures n'existent pas isolément mais sont interdépendantes. Par exemple, la vigueur accrue des jeunes plants produite par l'utilisation de semences de haute qualité n'affectera pas le rendement si les engrais ne sont pas utilisés comme il le faut. De même, une plus grande fertilité du sol n'aura pas d'effet sur la récolte si celle-ci doit faire concurrence aux mauvaises herbes. En outre, il est très difficile d'optimiser l'efficacité des engrais sans une gestion appropriée de l'eau. Tous ces exemples montrent à quel point il importe d'appliquer une approche intégrée. Néanmoins, l'on s'emploie souvent à remédier à nombre de ces contraintes comme s'il s'agissait de problèmes isolés au moyen de programmes comme des programmes de gestion intégrée des nutriments, de gestion intégrée des parasites ou de gestion intégrée de l'eau. Or, l'on peut progresser rapidement lorsque les contraintes existantes en matière de gestion des cultures sont intégrées de transferts de technologies. C'est ainsi, par exemple, que le programme intégré Ricecheck, en Australie, tend à résoudre de façon globale dix problèmes de gestion clés. Ce programme intégré a beaucoup contribué à porter le rendement moyen au plan national de 6,5 tonnes par hectare pendant les années 80 à 8,9 tonnes par hectare à la fin des années 90. Pendant cette période, l'écart de rendement a été ramené de 45 pour cent à 33 pour cent. Ce résultat illustre les avantages que peuvent apporter une approche intégré et des services de vulgarisation novateurs (Clampett, 2000).

Ce programme repose sur un processus de prise de décisions tendant à identifier une série de contraintes à la production et de les intégrer à un programme de production. Dans le contexte australien, les pratiques de gestion qui revêtent une importance critique concernent la plantation des récoltes, le moment des semis, la gestion de l'azote, la maîtrise des mauvaises herbes et la gestion de l'eau. Les agriculteurs sont encouragés à appliquer des pratiques de gestion optimales fondées sur des "vérifications critiques" des éléments dont on sait qu'ils ont un impact majeur sur les rendements. Indépendamment du concept de "vérifications critiques", l'approche suivie en matière de transfert de technologies est unique et fondée sur la création de groupes d'agriculteurs qui permettent non seulement d'accélérer ce transfert de technologies mais aussi d'obtenir une information en retour pour les chercheurs et les agents de vulgarisation.

Une meilleure gestion de l'azote est un autre bon exemple de la nécessité d'appliquer une approche intégrée à la gestion des cultures. La gestion de l'azote est particulièrement difficile dans un système de repiquage, comme celui qui est pratiqué dans la plupart des régions d'Asie, étant donné que la terre est préparée alors qu'elle est submergée, les plants sont repiqués dans la boue et tout le processus végétatif se fait en présence d'eau. L'application d'urée, qui est la principale source d'engrais azoté, dans l'eau ou sur une terre mouillée entraîne des pertes considérables qui atteignent normalement de 70 pour cent à 80 pour cent de l'azote appliqué. De ce fait, l'efficience de l'azote est faible, habituellement de l'ordre de 5 à 15 kg de riz par kilo d'azote (tableau 6), outre qu'il se produit d'importantes émissions de gaz à effet de serre comme oxyde d'azote et ammoniac. Les études menées récemment par le FLAR en Colombie montrent qu'il est préférable d'incorporer l'azote à la terre sèche avant les semis: les pertes d'azote n'étaient que de 20 pour cent à 30 pour cent et l'efficience de 25 à 30 kg de riz par kilo d'azote (FLAR, 2001). Ces études montrent clairement que l'efficience de l'azote peut être triplée sans surcroît de coûts, simplement au moyen d'applications au moment opportun, dans des conditions qui réduisent les pertes (sol sec), suivie par une gestion adéquate de l'eau et des mauvaises herbes.

Réduction des pertes après la récolte et lors du traitement

Une amélioration des rendements ne se traduira par une augmentation de la production que si elle est accompagnée d'améliorations dans les opérations postérieures à la récolte. Dans de vastes régions d'Asie, la manutention du riz après la récolte ne s'est pas améliorée depuis une dizaine d'années. La moisson et le battage à la main sont communs, les méthodes rudimentaires de séchage sont la règle et les conditions d'entreposage du riz sont médiocres. Il ressort des enquêtes menées par la FAO que les pertes subies lors de ces opérations représentent de 10 pour cent à 37 pour cent du total de la récolte (tableau 7). Or, il existe d'innombrables techniques qui permettraient de ramener ces pertes à des niveaux plus acceptables.

Les pertes résultant d'un séchage inapproprié sont élevées dans de nombreux pays d'Asie. La méthode la plus communément utilisée est le séchage au soleil, ce qui ne permet guère d'influer sur le processus. Le riz est souvent soit séché dans les champs, soit étendu sur une surface plane, par exemple au bord de la route, après battage. Du fait de l'absence de contrôle sur l'évaporation pendant le séchage, les grains se fissurent et se brisent lors de l'usinage. Lors du processus d'usinage, il se produit d'autres pertes causées par le mauvais fonctionnement technique du matériel. Par exemple, l'appareil à passage unique de type Engleberg, très répandu, est notoire pour les brisures qui se produisent pendant l'usinage, et les rendements ne sont souvent que de 50 pour cent, alors que du matériel moderne peut donner des rendements de 70 pour cent.

Normalement, le riz intact ou intact aux trois quarts coûte trois fois plus cher que les brisures de riz. Une incidence élevée de brisures représente par conséquent une importante perte financière. Pendant des décennies, la plupart des pays d'Asie se préoccupaient surtout de subvenir à leurs propres besoins et n'accordaient qu'une attention limitée à la qualité. Ces dernières années, toutefois, le pouvoir d'achat des consommateurs a augmenté et ils préfèrent le riz de qualité. En outre, les marchés d'exportations exigent du riz de haute qualité. L'on peut améliorer les rendements des opérations d'usinage et réduire les brisures, mais cela exige des investissements majeurs du secteur privé.

Indépendamment de l'amélioration du processus de séchage, il existe d'autres technologies permettant de réduire les pertes lors de l'usinage. Un nouveau trait génétique appelé "tolérance à une moisson tardive" permet de sécher le riz dans les champs jusqu'à des niveaux peu élevés (19 pour cent), ce qui laisse une certaine marge de manoeuvre dans le moment de la moisson sans causer des pertes dues à des brisures lors de l'usinage (Berrio et al., 2002). Il a été trouvé une tolérance à une moisson tardive dans deux variétés commerciales américaines et dans plusieurs variétés des régions tropicales et tempérées d'Amérique latine. Dans cette dernière région, la tolérance à une moisson tardive devient peu à peu l'un des principaux objectifs des efforts d'hybridation. Ce trait génétique n'a pas été utilisé dans les programmes d'hybridation réalisés en Asie, mais il pourrait être utile.

Amélioration des revenus et des moyens de subsistance des riziculteurs

Il a été préconisé d'encourager la culture intensive en rizières irriguées pour accroître la production par unité de superficie et renforcer ainsi la sécurité alimentaire. Pendant les années 80, nombreux ont été les pays à promouvoir l'adoption de variétés précoces pour pouvoir plus facilement obtenir trois récoltes de riz par an. Toutefois, dans de vastes régions d'Asie, la riziculture est une activité à forte intensité de main-d'oeuvre. Dans les cinq principaux pays producteurs de riz, l'apport de main-d'oeuvre varie entre 243 jours de travail par hectare au Bangladesh, 195 en Inde, 156 en Indonésie et de 60 à 80 dans les systèmes de production plus mécanisée aux Philippines et en Thaïlande (Pingali et al., 1997). L'on peut obtenir une estimation approximative du rendement du travail en combinant les informations disponibles sur les rendements moyens dans ces régions, les prix de soutien du gouvernement et l'apport de main-d'oeuvre requis. En Inde, le rendement du travail est estimé à 1,53 dollar par jour, au Bangladesh à 2,57 dollars, en Thaïlande à 6,06 dollars, en Indonésie à 5,58 dollars et aux Philippines à 7,28 dollars par jour (tableau 8). Des rendements aussi faibles du travail ne sont possibles que lorsqu'il n'y a pas d'autres sources d'emploi.

Les rendements du travail sont directement liés aux rendements des cultures. Une amélioration à la fois des rendements et de l'efficience de la production se traduit par une augmentation des rendements du travail. L'un des principaux avantages d'un rétrécissement des écarts de rendements serait une augmentation de ceux du travail. Récemment, la production nationale de riz ayant atteint des niveaux suffisants et des restrictions ayant été imposées à l'eau d'irrigation, plusieurs pays ont commencé à décourager la riziculture intensive. En outre, les débouchés pour des cultures beaucoup plus lucratives comme les légumes offrent des possibilités d'élever les revenus des agriculteurs. L'on préconise souvent une diversification des cultures, dans le cadre du système de riziculture irriguée, pour stabiliser les rendements de riz, réduire les émissions de méthane et accroître les revenus des agriculteurs. Souvent, la diversification est entravée par l'absence de cultures appropriées pouvant être plantées sur des terrains lourds et mal drainés, spécialement pendant la saison des pluies. Il faudra accorder une attention accrue à la diversification des cultures, mais les efforts devront tendre à identifier d'autres récoltes pouvant être cultivées sur des sols lourds.

Il existe différentes pratiques qui permettent de réduire l'intensité de main-d'oeuvre dans la riziculture, par exemple des semis directs plutôt qu'un laborieux repiquage. Des semis directs sont la méthode communément utilisée dans les Amériques, de sorte que les technologies et connaissances techniques nécessaires sont aisément disponibles. Il existe aussi bien d'autres technologies qui permettent de réduire l'apport de main-d'oeuvre, mais elles doivent être adaptées aux conditions locales. Le travail agricole est une source majeure d'emploi dans plusieurs pays d'Asie et d'Afrique, de sorte que toute tentative de réduire l'apport de main-d'oeuvre doit tenir compte des considérations sociales, spécialement en matière d'emploi rural.

CONCLUSIONS

Ce tour d'horizon de la situation actuelle du riz montre que la situation est beaucoup plus positive qu'on ne le dit souvent. Ce qui est le plus à craindre, c'est que la faiblesse des prix du riz sur les marchés internationaux ne déprime la production en Asie si cet état de choses persiste. Toutefois, plusieurs pays ont profité du peu de rentabilité de la riziculture et ont ajusté en conséquence la production. La Chine a entrepris de réduire les superficies cultivées et décourager la culture intensive. Le Viet Nam a également réduit le soutien de la production de riz. La plupart des pays opèrent à l'intérieur du cadre des accords commerciaux internationaux mais soutiennent considérablement aussi les prix du riz car, dans de nombreux pays d'Asie, il existe une étroite corrélation entre la pauvreté rurale et la production de riz. Il est difficile de dire combien de temps les pays en question pourront, étant donné l'énormité des dépenses que cela suppose, continuer de fournir le soutien requis.

La peur panique d'une crise imminente du riz ne paraît pas justifiée. Il se peut que les besoins futurs ne soient pas aussi considérables qu'on le dit du fait de la contraction de la consommation dans plusieurs pays d'Asie, en particulier en Chine. Toutefois, satisfaire la demande future du riz demeurera un défi. La stagnation des rendements dans l'écologie des rizières irriguées, qui est privilégiée, constitue la principale contrainte à une augmentation de la production. Plusieurs mesures pourraient être adoptées pour y remédier, notamment pour rétrécir l'écart de rendement des variétés actuellement utilisées et identifier des matériels génétiques à rendement plus élevé, par exemple des riz hybrides, des TNP et peut-être le nouveau NERICA pour l'Afrique. Quelle que soit l'approche adoptée, il faudra améliorer les pratiques de gestion des cultures pour que les variétés ou hybrides cultivés réalisent mieux leur rendement potentiel. Les moyens les mieux appropriés de satisfaire les besoins de riz dans l'immédiat (dix ans) consistent à réduire les écarts de rendements dans les rizières irriguées. La production du secteur irrigué, qui représente 75 pour cent de la production mondiale, pourrait être accrue de 45 pour cent si la gestion des cultures était améliorée. Nombre des technologies nécessaires pour réduire les écarts de rendements existent. La faiblesse des programmes de transfert de technologies est l'élément qui limite le plus les efforts entrepris pour réduire cet écart.

L'on pourrait aussi beaucoup accroître la production effective en réduisant les pertes après la récolte et lors de l'usinage. Ces dernières sont significatives, et il faut par conséquent moderniser les opérations d'usinage. La demande de riz de meilleure qualité ne cesse de croître, ce qui devrait encourager une amélioration des installations d'usinage dans plusieurs pays d'Asie.

RÉFÉRENCES

Figure 1. Tendances récentes de la production, de la consommation et des stocks de clôture de riz dans le monde (Source: USDA, Food Crop Database, 2002).

Tableau 1. Production actuelle estimée de riz (usiné) en  2010, estimations actuelles et pour 2010 des taux annuels d'augmentation de la production et de la consommation par habitant entre 2000 et 2010 et tendances projetées du commerce de riz (usiné)

RÉGION/PAYS PRODUCTION CONSOMMATION PAR HABITANT COMMERCE1
  2000 2010 Croissance annuelle 2000 2010 Croissance annuelle 2000 2010
  Millions de tonnes % kg/habitant % Millions de tonnes
MONDE 393,6 439,5 0,9 59,9 59,1 -0,11 24,9 29,3
ASIE 350,6 389,5 0,9 92,0 89,2 -0,25 +5,1 +7,0
- Chine 136,3 138,6 0,1 93,9 88,9 -0,45 +2,8 +1,0
- Inde 85,6 97,3 1,1 80,7 81,5 0,09 +2,8 +1,2
- Indonésie 31,3 36,3 0 159,0 158,0 -0,05 -3,6 -4,4
- Bangladesh 20,2 26,2 2,2 144,8 146,5 0,09 -1,6 +0,2
AFRIQUE 10,9 14,0 2,2 18,0 18,8 0,33 -4,1 -5,4
- Égypte 3,6 4,2 1,3 38,4 40,3 0,40 +0,36 +0,5
- Nigéria 2,0 2,2 0,7 20,3 22,0 0,67 -,78 -1,9
AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBES 13,9 17,1 1,8 27,9 28,5 0,17 -1,4 -0,9
- Brésil 6,6 8,1 1,7 44,5 46,5 0,36 -1,0 -1,0
PAYS DÉVELOPPÉS 17,4 17,5 0,1 15,9 15,9 0,01 +1,6 +0,8
AUTRES PAYS2 0,87 1,22 2,9 4,4 5,7 2,3 -0,97 +2,8

1 Données concernant le commerce: - = importations, + = exportations. Pour le monde, les données concernent le total des échanges.

2 Autres pays = d'Europe orientale en transition, CEI et États baltes. Source: FAO, Division des produits et du commerce international, 2002.

Tableau 2. Projections de la demande mondiale de riz pour la consommation humaine en 2015 et 2030 et taux d'augmentation de la demande (pourcentage par an), compte tenu des estimations actuelles de la croissance du PIB, de l'évolution des schémas de consommation, des tendances démographiques et d'autres variables, comme l'urbanisation

  Demande de riz (usiné), en millions de tonnes Augmentation de la demande par habitant, pourcentage/an
  1997/99 2015 2030 1999 2015 2030
Monde 386 472 533 1,2 0,8 1,0
Riz destiné à la consommation humaine, kg/habitant            
-Est de l'Asie 106 100 96      
-Est de l'Asie, à l'exclusion de la Chine 132 129 124      
- Asie du Sud 79 84 81      

Source: FAO (à paraître), "World Agriculture: Towards 2015/30, an FAO Study", Rome.

Tableau 3. Projections de la population et du PIB pour 2015 et 2030.

  Population, en millions d'habitants Taux annuel d'accroissement démographique (%) Croissance totale du PIB
pourcentage/an
Croissance du PIB par habitant, pourcentage/an
  1997/99 2015 2030 1997/99- 2015 2015 - 2030 1997/99- 2015 2015-20310 1997/99- 2015 2015-20310
Monde 5 900 7 207 8 270 1,2 0,9 3,5 3,8 2,9 2,6
Pays en développement 4 572 5 827 6 869 1,4 1,1 5,1 5,5 4,4 4,0
Afrique subsaharienne 574 883 1 229 2,6 2,2 4,4 4,5 2,3 2,0
Proche-Orient/ Afrique du Nord 377 520 651 1,9 1,5 3,7 3,9 1,8 2,4
Amérique latine 498 624 717 1,3 0,9 4,1 4,4 3,5 3,1
Sud de l'Asie 1 283 1 672 1 969 1,6 1,1 5,5 5,4 4,3 4,1
Est de l'Asie 1 839 2 128 2 303 0,9 0,5 6,1 6,3 5,8 5,5

Source: FAO (à paraître), "World Agriculture: Towards 2015/30, an FAO Study", Rome.

Tableau 4. Aspects nutritionnels de la consommation de riz dans des pays sélectionnés

  Consommation Calories Protéines Lipides Calcium Fer Thiamine Riboflavine Niacine Zinc
  g/jour Pourcentage de la dose journalière recommandée
Bangladesh 441 76 66 18 3 8 18 14 25 30
Brésil 108 14 10 0,8 <1 2 3 3 6 8
Chine 251 30 20 17 2 4 10 8 14 17
Inde 208 31 24 4 1 4 8 6 12 15
Indonésie 414 51 43 8 3 7 17 13 24 29
Myanmar 578 74 68 20 4 10 23 17 32 40
Philippines 267 41 30 5 2 5 10 8 14 17
Sri Lanka 255 38 37 3 2 5 10 8 14 17
Thaïlande 285 43 33 5 2 5 12 9 17 21
Viet Nam 465 67 58 14 3 8 19 14 27 34

Source: Kenny, Gina, 2001. FAO. Consultant ESNA. Rapport intitulé "Nutrient Impact Assessment of Rice in Major Rice Consuming Countries".

Tableau 5. Estimations de l'écart de rendement de la riziculture irriguée dans des pays sélectionnés

PAYS Rendement amélioré Rendement à l'exploitation Écart de rendement Pourcentage de l'écart de rendement
  tonnes/ha  
Inde 5,8 2,8 3,0 52
Philippines-saison des pluies

-saison sèche

5,7

7,8

3,7

3,9

2,0

3,9

35

50

Amérique latine 6,3 4,6 1,7 27
Mauritanie 7,2 4,1 3,1 43
Sénégal 6,8 5,1 1,7 25
Mali 8,2 6,1 3,1 26
Burkina Faso 7,0 4,6 2,4 34
IIRR - 9 pays 8,2 3,7 4,5 55
         
Moyenne 7,0 4,3 2,7 46

Source: Informations tirées des Actes de la Consultation d'experts sur les écarts de rendements et la baisse de productivité de la production de riz, septembre 2000.

Tableau 6. Utilisation moyenne d'engrais azotés et efficience d'engrais azotés dans cinq pays d'Asie

RÉGION/PAYS

UTILISATION D'ENGRAIS AZOTÉS EFFICIENCE DES ENGRAIS AZOTÉS
  Kg N/ha Kg céréales/kg N
Delta du Mékong, Viet Nam 46 8,6
Centre de Luçon, Philippines 136 12,5
Nord-ouest de Java, Indonésie 108 5,3
Plaines alluviales centrales, Thaïlande 114 11,4
Tamil Nadu, Inde 115 15,3
MOYENNE 112 10,6

Source: Olk, D.C., K.G. Cassman, G. Simbahan, P.C. Sta. Cruz, S. Abdulrachman, R. Nagarajan, Pham Sy Tan et S. Satawathananont, 1996. Congruence of N fertilizer management by farmers and soil N supply in tropical irrigated low rice systems. Dans: Actes du Colloque international sur la maximisation durable des rendements des rizières grâce à une gestion améliorée des sols et de l'environnement, novembre 1996. Khon Kaen (Thaïlande).

Tableau 7. Estimations des pertes survenant à différentes étapes, de la récolte au traitement, dans le sud-est de l'Asie

OPÉRATIONS ORDRE DE GRANDEUR DES PERTES %
   
RÉCOLTE 1 - 3
MANUTENTION DANS LES CHAMPS 2 - 7
BATTAGE 2 - 6
SÉCHAGE 1 - 5
ENTREPOSAGE 2 - 6
TRANSPORT 2 - 10
   
TOTAL 10 - 37

Source: FAO, 2000. Information Network on Post-Harvest Operations. Informations tirées de DeLucia and Assennato, 1994. FAO, Bulletin des services agricoles, No. 93.

Tableau 8. Estimations des rendements bruts du travail dans la riziculture irriguée dans des pays d'Asie sélectionnés

  Travail manuel1
jours de travail/ha
Prix du riz2
dollars/tonne
Rendement moyen de la riziculture irriguée3, tonnes/ha Rendement du travail4
dollars/jour
Bangladesh 243 162 4,6 2,57
Inde 195 116 3,6 1,53
Indonésie 156 187 5,3 5,58
Philippines 82 211 3,4 7,28
Thaïlande 64 127 4,0 6,06

Source: 1Pingali, P.L., M. Hossain and R.V. Gerpacio, 1997. Asian Rice Bowls: The Returning Crisis. IIRR. 2Government support rice from Review of Basic Food Policies. Division des produits et du commerce international, FAO, 2001. 3Les données concernant les rendements moyens de l'agriculture irriguée sont tirées de IIRR, 1993. 4Dans l'hypothèse de 120 dollars/ha d'apports matériels (engrais, pesticides, etc.), sur la base des études réalisées aux Philippines. Informations tirées de Pingali, P.L. et al., 1997.