CFS:2002/Inf.7


COMITÉ DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE MONDIALE

Vingt-huitième session

Rome, 6-8 juin 2002

PROGRÈS RÉALISÉS EN MATIÈRE DE CONCRÉTISATION DU DROIT À L'ALIMENTATION

Table des matières



I. RAPPEL DES FAITS

1. De toute évidence, le Sommet mondial de l’alimentation de 1996 a été un moment décisif, en ce qu’il a permis d’appeler l’attention sur le droit des êtres humains à l’alimentation. Au titre de l’Objectif 7.4 (e) du Plan d’Action sur la sécurité alimentaire mondiale, les participants au Sommet mondial de l’alimentation se sont engagés à: “inviter le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, en consultation avec les organes pertinents des traités, et en collaboration avec les institutions et programme spécialisés pertinents du système des Nations Unies et les mécanismes intergouvernementaux appropriés, à mieux définir les droits concernant la nourriture figurant à l’Article 11 du Pacte et à proposer des moyens d’appliquer et de matérialiser ces droits afin de remplir les engagements et d’atteindre les objectifs du Sommet mondial de l’alimentation, prenant en compte la possibilité de formuler des lignes directrices facultatives en vue de la sécurité alimentaire pour tous”. Conformément à cet objectif, le Directeur général de la FAO et le Haut Commissaire aux droits de l'homme ont signé, en mai 1997, un protocole d’accord portant sur le suivi du Sommet mondial de l’alimentation.

II. ORGANES DES NATIONS UNIES CHARGÉS DES DROITS DE L’HOMME: RÉALISATIONS EN MATIÈRE DE DROIT À L’ALIMENTATION

2. La Commission des droits de l’homme, qui a adopté tous les ans des résolutions sur la question[1], a nommé un Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, qui fait rapport à la Commission et à l'Assemblée générale.[2] La FAO apporte un soutien dynamique au Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et au Comité des droits économiques, sociaux et culturels, en vue de concrétiser le droit à l’alimentation. L’Observation générale n° 12 adoptée par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels fait aujourd’hui autorité en matière d’interprétation de l’Article 11 sur le droit à l’alimentation du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Elle a permis de mieux comprendre les implications, au sens large, du droit à l’alimentation et de disposer de principes sur lesquels se fonder pour identifier les obligations et les responsabilités des parties prenantes, que ce soit des États ou non, en ce qui concerne l’application de ce droit. L'Observation générale n° 12 a jeté les bases de la phase suivante, soit l’application concrète du droit à l’alimentation au niveau national.[3] Elle a également conduit la Commission des Nations Unies sur les droits de l’homme à nommer, en 2000, un Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation (Jean Ziegler), chargé d’établir des liens de coopération avec les gouvernements, les organisations intergouvernementales, notamment l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l'agriculture, et les organisations non gouvernementales, en matière de promotion et d’application effective du droit à l’alimentation. Le rapporteur a pour mandat de “solliciter et recueillir des informations sur tous les aspects de la mise en oeuvre du droit à l'alimentation (…) et y répondre”[4]. Jusqu’à présent, il a effectué deux visites sur place, au Niger et au Brésil. Ses recommandations les plus récentes sont reprises à l’encart 1.


Encart
1. Recommandations du Rapporteur spécial sur
le droit à l’alimentation

  • Il convient également d'examiner les obligations relatives au commerce international afin de garantir qu'elles ne soient pas incompatibles avec le droit à l'alimentation. Les changements en matière de politique économique ne doivent pas menacer la vie en engendrant la malnutrition; il faut au contraire qu'ils garantissent, à tout le moins, le respect du droit à l'alimentation et du droit à la vie. Le Rapporteur spécial recommande fermement que les négociations décisives sur l'agriculture et d'autres questions actuellement menées à l'OMC tiennent dûment compte de la sécurité alimentaire et garantissent la compatibilité des règles commerciales avec le droit international en matière de droits de l'homme.
  • Étant donné que les programmes d'ajustement structurel sont susceptibles d'aggraver les disparités sociales et d'empêcher un grand nombre de ménages les plus indigents d'avoir accès à des rations alimentaires minimales, le droit à l'alimentation devrait constituer un principe directeur du processus d'examen de ces programmes, de même que de l'élaboration de politiques dans le cadre de la préparation de documents stratégiques sur la lutte contre la pauvreté.
  • Afin d'éliminer la faim et la malnutrition, le Rapporteur spécial recommande de mettre davantage l'accent sur les programmes concernant les petites exploitations agricoles familiales, la sécurité alimentaire locale et la nutrition. Même s'il se trouve dans une situation précaire, un État peut prendre, immédiatement et à moindre coût, des mesures en vue de garantir la sécurité alimentaire locale, notamment mettre en place des programmes d'éducation en matière de besoins nutritionnels, assurer la distribution de repas scolaires à tous, promouvoir l'allaitement maternel, ou octroyer des jardins familiaux et des petites parcelles de terre, et adopter d'autres mesures qui concernent les titres fonciers, le microcrédit, les coopératives locales et l'accès à l'eau.
  • Les actions menées aux fins de la sécurité alimentaire locale devraient par ailleurs apporter des précisions sur la question de l'organisation de l'approvisionnement en nourriture et en eau en cas de catastrophes naturelles, sans discrimination ethnique, sexuelle ou religieuse. En outre, il y aurait lieu de mettre en place, au niveau local, des structures de contrôle chargées de veiller à ce que la quantité et la qualité des aliments consommés soient suffisantes pour garantir la croissance des nourrissons et des enfants et à assurer la bonne santé des femmes, des personnes âgées et d'autres groupes vulnérables.
  • Il conviendrait d'encourager les pouvoirs publics locaux à participer plus activement à la prestation de services aux groupes démographiques en situation d'insécurité alimentaire. La décentralisation suppose un transfert de responsabilités et de moyens financiers aux autorités locales, conformément au principe de subsidiarité.
  • Chaque gouvernement devrait élaborer un cadre législatif national qui soit conforme à la nécessité de respecter, protéger et réaliser le droit à l'alimentation et qui reconnaisse les obligations prévues par le droit international en matière de droits de l'homme et le droit humanitaire, en particulier le paragraphe 29 de l'Observation générale n° 12 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Ainsi que l'ont recommandé les participants à la troisième consultation d'experts sur le droit à l’alimentation tenue à Bonn, Allemagne, du 12 au 14 mars 2001, la stratégie adoptée devrait prévoir un inventaire ou une liste des questions qui appellent une réglementation nationale, telles que l'accès garanti aux ressources productives pour les personnes qui se trouvent dans une situation d'insécurité alimentaire et les groupes vulnérables, y compris l'accès à la terre et à l'eau. En outre, il conviendrait de procéder à un examen de la législation en vigueur afin de déterminer si elle va à l'encontre des obligations prévues par le droit à une alimentation adéquate ou si son application est insuffisante. Toute personne dont le droit à l'alimentation est enfreint ou négligé devrait avoir accès à des procédures de recours administratif et judiciaire efficaces
  • Les gouvernements devraient nommer, au sein de leurs administrations nationales, des responsables des questions relatives au droit à l'alimentation chargés de coordonner les travaux des ministères compétents (agriculture, finances, action sociale, santé et propriété foncière). Ainsi qu'il est prévu au paragraphe 29 de l'Observation générale n° 12, les gouvernements devraient établir des indicateurs et fixer des critères qui permettent de suivre les progrès réalisés en ce qui concerne le droit à l'alimentation au niveau des pays.
  • Le Rapporteur spécial recommande que les États adoptent un code international de conduite sur le droit à l'alimentation consistant en principes directeurs afin de réaliser l'objectif de la sécurité alimentaire pour tous, tel que l'exigent les dispositions de l'objectif 7.4 de la Déclaration et le Plan d'action de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale adoptés lors du Sommet mondial de l'alimentation. L'élaboration de ces principes directeurs, dont l'application serait facultative, devrait figurer à l'ordre du jour de la réunion de suivi du Sommet mondial de l'alimentation qui se tiendra en novembre 2001. À cet égard, le Code international de conduite de 1997 sur le droit à une alimentation suffisante, qui avait déjà été élaboré et approuvé par de nombreuses organisations non gouvernementales, constitue un excellent point de départ, et la FAO et le Haut Commissariat aux droits de l'homme devraient en poursuivre l'élaboration en collaboration avec d'autres organismes et mécanismes interinstitutionnels pertinents.
  • Le Rapporteur spécial recommande que les organisations internationales, notamment la FAO, le PAM et le FIDA, ainsi que les organismes bilatéraux et multilatéraux de coopération pour le développement adoptent, ainsi qu'il est prévu aux paragraphes 40 et 41 de l'Observation générale n° 12, une méthode de travail visant à mettre en oeuvre le droit à l'alimentation.

Source: Rapport préliminaire sur le droit à l'alimentation soumis aux membres de l’Assemblée générale et établi par M. Jean Ziegler, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur le droit à l'alimentation, conformément à la résolution 2001/ 25 de la Commission des droits de l'homme, en date du 20 avril 2001, telle que l'a adoptée le Conseil économique et social à sa session de fond de 2001.
 

III. ÉVOLUTIONS ET DÉMARCHES RÉCENTES

3. La prochaine étape consiste à transposer l’Observation générale n° 12 d’un point de vue législatif, exécutif et administratif dans des contextes nationaux spécifiques, afin de reconnaître le droit des êtres humains à l’alimentation, de le respecter et de le mettre en œuvre de manière efficace. En 2002, une série de dialogues nationaux devrait s’amorcer, sous forme de séminaires nationaux organisés dans des pays sélectionnés et portant sur les implications de la mise en œuvre des principes de l’Observation générale n° 12. L'objectif est de concrétiser dans ces pays une approche fondée sur le droit à la sécurité alimentaire et nutritionnelle et d’orienter une telle approche. Deux séminaires ont déjà eu lieu: en Afrique du Sud en janvier 2002 (organisé par la Commission sud-africaine des droits de l’homme et l’Université de Pretoria) et au Brésil en mars 2002 (dans le cadre de la visite du Rapporteur spécial sur le droit àde l’alimentation). Des séminaires nationaux se sont également tenus en Norvège, en avril (à l’invitation des ministères de l'agriculture et des affaires étrangères), et en Allemagne les 22 et 23 mai 2002 (à l’invitation du Ministère de la protection des consommateurs, de l’alimentation et de l’agriculture). D’autres séminaires de ce type seront organisés cette année en Ouganda (grâce à la Commission ougandaise des droits de l’homme, en collaboration avec l’Université de Makerere), au Mali (grâce au Commissaire du développement institutionnel) et au Népal (grâce à la Commission népalaise des droits de l’homme). Dans tous les cas, ces séminaires porteront essentiellement sur les mesures à mettre en œuvre au niveau national lorsqu’un pays se fonde sur les principes de l’Observation générale n° 12 pour la planification de la sécurité alimentaire et pour les activités y afférentes. Une synthèse des leçons tirées des premiers séminaires devrait être disponible au début de 2003. D’autres États Membres intéressés seront ainsi en mesure de se fonder sur ces expériences pour amorcer à leur tour des processus semblables, en ce qui concerne les dialogues internes et l’application du droit à l’alimentation à l’échelle nationale.

4. Ces séminaires nationaux, organisés sous l’impulsion de l’organisation norvégienne International Project on the Right to Food in Development (IPRFD)[5], permettent également d’analyser le rôle et la participation des organismes des Nations Unies en matière de mise en œuvre du droit à une alimentation adéquate et des droits connexes, y compris celui du Haut Commissariat aux droits de l’homme et de la FAO. Ces séminaires peuvent être des pépinières d’idées pour les organisations internationales, qui peuvent se fonder sur leurs conclusions pour orienter leurs conseils techniques et l’appui donné aux États Membres dans ce domaine, mais aussi pour cibler les besoins en matière de développement des capacités internes.

IV. CONCLUSION

5. La FAO a participé activement à l’élaboration du projet de Code international de conduite sur le droit à une alimentation suffisante, appuyé aujourd’hui par des centaines d’ONG et des gouvernements. De toute évidence, la décision relative à la négociation d’un tel code revient aux membres de la FAO et des Nations Unies, y compris la question de savoir si un tel instrument devrait être placé sous l’égide de la FAO ou d’une autre entité. Le Comité est invité à débattre de la meilleure façon de mettre en œuvre un Code de conduite sur le droit à l’alimentation.

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[1] Documents des Nations Unies: E/CN.4/RES/2001/25, E/CN.4/RES/2000/10, E/CN.4/RES/1999/24, E/CN.4/RES/1998/23 et E/CN.4/RES/1997/8.

[2] Documents des Nations Unies: E/CN.4/2001/53, A/56/210, E/CN.4/2002/58.

[3] Les Observations générales servent également de lignes directrices aux États parties quant au contenu du rapport obligatoire qu’ils doivent présenter au Comité des droits économiques, sociaux et culturels sur l’application du droit concerné.

[4] Résolution de la Commission sur les droits de l’homme 2000/10, 17 avril 2000.

[5] L’IPRFD fournit des conseils techniques et un appui à ces séminaires, le cas échéant, et préparera un document de synthèse, en collaboration avec les organisateurs nationaux.