AU/MIN/AGRI/1

CONFÉRENCE DES MINISTRES DE L'AGRICULTURE DE L'UNION AFRICAINE
MAPUTO, MOZAMBIQUE
1ER - 2 JUILLET 2003

Réunion préparatoire d'experts

1er juillet 2003

Point 1 de l'ordre du jour provisoire

LA SITUATION DE L'AGRICULTURE ET DE L'ALIMENTATION EN AFRIQUE 2003


Introduction
La sécurité alimentaire et l'agriculture
La performance agricole en Afrique
La performance du commerce agricole
Une contribution plus décisive de l'agriculture à la réduction de la pauvreté
La sécurité alimentaire et le VIH/SIDA en Afrique
La réponse dans le cadre du NEPAD

Tableau annexe 1: Incidence de la sous-alimentation en Afrique
Tableau annexe 2: Taux de croissance de la production agricole nette
Tableau annexe 3: PIB réel (taux de variation annuelle)
Tableau annexe 4: Profils statistiques des pays africains
Tableau annexe 5: Profil comparé des pays africains
Tableau annexe 6: Profil comparé des pays africains (Partie 2)


Introduction

L'agriculture domine l'économie de la plupart des pays africains, fournissant des emplois, des revenus et des produits d'exportation. Les activités agricoles emploient environ 60 pour cent de la population et représentent 20 pour cent des recettes d'exportation du continent. Il est essentiel de renforcer le secteur agricole pour assurer de façon générale la croissance économique de l'Afrique. L'expansion constante du secteur agricole est cruciale pour lutter contre la faim, la pauvreté et les disparités. Plus de 70 pour cent de la population totale et la majorité des personnes souffrant d'extrême pauvreté et de sous-alimentation vivent dans les zones rurales. Un secteur agricole en bonne santé signifie davantage d'emplois, de revenus et de nourriture pour les pauvres.

L'amélioration des performances agricoles crée des revenus aussi bien dans les zones rurales que dans les zones urbaines. A son tour, l'augmentation des revenus permet aux ménages d'épargner et de dépenser davantage, ce qui stimule la croissance et l'investissement dans d'autres secteurs. L'agriculture est source de recettes fiscales et fournit une vaste gamme de matières premières aux agro-industries locales. La transformation des produits agricoles représente les deux tiers de la valeur ajoutée manufacturière dans la plupart des pays africains.

La FAO a préparé ce rapport spécial sur la Situation de l'alimentation et de l'agriculture en Afrique pour la Réunion ministérielle de l'Union africaine du 2 juillet 2003 et pour la réunion préparatoire d'experts qui aura lieu le 1er juillet. Le rapport a pour but de faciliter la discussion et de favoriser les mesures destinées à renforcer la contribution de l'agriculture à la croissance économique et à la réduction de la faim.

La sécurité alimentaire et l'agriculture

Les principaux motifs justifiant une attention prioritaire au développement agricole en Afrique sont: (i) l'évolution alarmante de la sous-alimentation à l'échelle des pays; (ii) les forts niveaux de sous-alimentation. Le Tableau 1 fournit des indicateurs de sous-alimentation par sous-région pour l'Afrique (le Tableau annexe 1 fournit les chiffres et tendances de la sous-alimentation par régions et par pays). En 1998-200, plus d'un quart de la population d'Afrique souffrait de sous-alimentation chronique (202 millions de personnes).

Les données du Tableau 2 présentent les tendances de la sécurité alimentaire et des indicateurs de pauvreté par région, en soulignant l'urgence du problème pour les pays africains. Le nombre des personnes qui vivent avec moins de 1 dollar EU par jour devrait s'accroître de 45 millions en Afrique entre 1999 et 2015, tandis que dans les autres régions en développement, le nombre des pauvres devrait baisser de 330 millions. Pour la sous-alimentation, les prévisions concernant cette période évoluent dans le même sens, avec 6 millions de personnes de plus en Afrique subsaharienne, contre des baisses sensibles en Asie et en Amérique latine. Enfin, la consommation vivrière régionale moyenne en Afrique ne devrait augmenter que de 7 pour cent au cours des 15 prochaines années pour passer à 2060 kcal/hab/jour, contre 2700 pour l'Asie du Sud, 2980 pour l'Amérique latine et 3060 pour l'Asie de l'Est.

L'incidence de la sous-alimentation en Afrique subsaharienne n'a fléchi que légèrement au cours des deux dernières décennies, de 36 pour cent à 33 pour cent. La FAO prévoit une diminution de la proportion des personnes sous-alimentées en Afrique subsaharienne à 22 pour cent d'ici 2015. Malheureusement, comme l'indique le Tableau 2, il faut s'attendre à une hausse des effectifs en termes absolus, de 168 millions en 1990/92 à 205 millions en 2015. En Afrique du Nord, l'incidence de la sous-alimentation devrait tomber à 4 pour cent.

Tableau 1: Incidence de la sous-alimentation en Afrique

  Nombre de personnes sous-alimentées Taux de sous-alimentation par rapport à la population totale
  1969-71 1979-81 1990-92 1998-00 1969-71 1979-81 1990-92 1998-00
  millions pour cent
Afrique du Nord 19,3 7,4 5,5 6,2 27 8 5 4
Afrique subsaharienne 91,9 125,4 166,4 195,9 35 36 35 33
Afrique centrale 10,4 15,1 22,0 45,1 30 34 35 57
Afrique de l'Est 39,7 42,5 73,7 83,0 44 35 44 41
Afrique australe 13,1 17,0 34,0 37,1 33 33 48 43
Afrique de l'Ouest 28,7 50,7 36,7 30,7 30 40 21 14

Source: FAO

Tableau 2: Indicateurs d'alimentation et de faim par région

  Année Afrique sub-saharienne Proche-Orient et Afrique du Nord Asie du Sud Asie de l'Est Amérique latine et Caraïbes PVD
Consommation alimentaire par habitant (kcal/personne/jour)
  1964-66 2058 2290 2017 1957 2393 2054
  1997-99 2195 3006 2403 2921 2824 2681
  2015 2360 3090 2700 3060 2980 2850
 
Millions de personnes sous-alimentées
  1990-92 168 25 289 275 59 815
  1997-99 194 32 303 193 54 776
  2015 205 37 195 135 40 610
 
Millions de personnes vivant dans la pauvreté (1$EU/jour)
  1990 242 6 495 452 74 1269
  1999 300 7 490 260 77 1134
  2015 345 6 279 59 60 749

Source: FAO

Pendant les années 90, dix pays africains ont obtenu une diminution du nombre des personnes sous-alimentées. Un exemple important est le Ghana, où ce chiffre est passé de 5,1 millions en 1989-91 à 2,2 millions en 1998-2000 (l'Encadré 1 présente des informations générales sur le succès ghanéen). Toutefois, à la fin des années 90, dans trente pays, le taux de sous-alimentation par rapport à la population totale représentait plus de 20 pour cent et dans 18 de ces pays, plus de 35 pour cent de la population souffrait de faim chronique.

Les méfaits de la faim et de la malnutrition sur la productivité humaine sont de mieux en mieux décrits et compris. Il a été démontré récemment que la faim peut avoir des effets négatifs graves sur le taux de croissance des pays où la sous-alimentation est particulièrement élevée. Les travaux de la FAO sur les liens entre la faim et la croissance économique suggèrent que pour l'Afrique subsaharienne, le coût économique de la faim et de la malnutrition, exprimé en perte de productivité, taux de morbidité et de mortalité, est élevé. A la fin de la période allant de 1960 à 1990, les pays de la région auraient pu atteindre un PIB moyen par habitant de 2200 dollars EU si la sous-alimentation avait été éliminée. Au lieu de cela, en 1990, leur PIB moyen par habitant stagnait à 800 dollars EU par an.

La réduction de l'incidence de la faim est essentielle pour accroître la productivité agricole et accélérer la croissance. Les personnes qui souffrent de la faim sont marginalisées dans l'économie, contribuant peu à la production et moins encore à la demande. L'investissement dans la réduction de la faim est un impératif moral qui est également rationnel du point de vue économique.

L'amélioration de la croissance agricole est essentielle pour réduire la pauvreté et la faim en Afrique. Le développement axé sur l'agriculture engendre la croissance économique, allège la facture des importations vivrières et prélude à l'expansion des exportations. L'accroissement de la productivité agricole, l'intensification des exportations et la production de cultures à plus forte valeur ajoutée font grimper le profit agricole et les revenus de la population active dans ce secteur. Les propriétaires terriens, les travailleurs agricoles, les fournisseurs d'intrants, les détaillants et toute la chaîne des activités qui desservent l'agriculture en profitent. Les revenus de la main d'œuvre augmentent car les chômeurs trouvent de l'embauche et ceux qui sont sous-employés travaillent davantage.

L'un des messages importants de l'expérience africaine est qu'il est possible de faire jouer à l'agriculture un rôle plus efficace dans la réduction de la pauvreté et de la faim. Instruite et bien formée, dotée d'accès aux routes, aux services de santé, à l'irrigation et à des technologies de production adaptées aux conditions locales, la population rurale obtiendra des rendements nettement plus élevés. Les investissements consacrés au bien-être des populations et à l'infrastructure rurale, ainsi que l'accès amélioré aux marchés locaux et internationaux feront baisser les coûts de production et grimper les bénéfices avec, à la clé, un gain de compétitivité et des revenus accrus.

La performance agricole en Afrique

L'Afrique regroupe des pays très disparates pour ce qui est de leur dotation en ressources et de leur économie. Les conditions agricoles varient considérablement sur un même territoire national et d'un pays à l'autre. Il n'en reste pas moins que les pays africains partagent un ensemble de caractéristiques et de tendances préoccupantes telles que, par exemple, la forte variabilité de la production, des rendements agricoles relativement faibles et la dépendance vis-à-vis des exportations de produits de base qui sont caractérisés par une faible élasticité de la demande et une forte volatilité des cours. Par rapport à l'agriculture d'autres régions en développement, celle de l'Afrique est sous-capitalisée, faiblement compétitive et peu performante.

Il faut noter qu'au-delà des différences entre pays, les secteurs agricoles nationaux présentent généralement deux facettes: a) une agriculture à petite échelle - y compris pour l'élevage, la pêche et la foresterie, allant de la semi-subsistance à la petite agriculture commerciale; b) une agriculture à grande échelle. Les performances agricoles offrent un double profil et les tableaux qui présentent les chiffres de la production agricole et de la contribution respective de la petite et de la grande agriculture aux approvisionnements alimentaires, aux échanges sous-régionaux et au commerce international ne dévoilent pas les forts contrastes qui existent en réalité. Par manque de place, il est impossible de détailler ici toute la gamme des performances, difficultés et possibilités inhérentes à ces sous-secteurs mais il convient d'en tenir dûment compte dans la recherche de solutions pour l'avenir.

Le Tableau 3 présente une série d'indicateurs agricoles qui montrent comment l'Afrique subsaharienne reste bien en dessous des autres régions en développement pour ce qui est de la proportion de terres irriguées, de la valeur ajoutée par travailleur, des niveaux d'application d'engrais, et de la croissance de la productivité pour les cultures et l'élevage. En Afrique subsaharienne, moins de quatre pour cent de la surface cultivée est irriguée, la valeur ajoutée par travailleur du secteur agricole devrait doubler pour égaler celle de l'Amérique latine et les rendements céréaliers devraient augmenter de plus de 100 pour cent pour rattraper ceux de l'Asie du Sud.

La performance de l'agriculture, relativement faible et souvent en recul, dénote l'insuffisance des moyens investis tant pour les infrastructures agricoles, en particulier les systèmes de maîtrise de l'eau, les routes rurales et les installations d'entreposage, que pour le capital humain, les réseaux de recherche et de vulgarisation, et la gestion de crise à long terme. Plus ces investissements essentiels sont retardés et plus la compétitivité de l'agriculture diminue tandis qu'augmentent les coûts de production, de transformation et de commercialisation des produits agricoles.

Tout retard supplémentaire a des conséquences désastreuses. L'Afrique est la seule région où la production vivrière moyenne par habitant n'a cessé de diminuer au cours des 40 dernières années, exposant de vastes segments de la population au risque d'insécurité alimentaire et de malnutrition (Figure 1). L'Afrique est la seule région en développement pour laquelle la FAO projette une augmentation du nombre des sous-alimentés et du nombre des pauvres d'ici 2015 (Tableau 2).

Tableau 3: Indicateurs agricoles par région

  Afrique Afrique subsaharienne Proche-Orient et Afrique du Nord Asie du Sud Asie de l'Est et Pacifique Amérique latine et Caraïbes Pays à revenu moyen Pays à revenu élevé Monde
Proportion de terres arables irriguées 7,0 3,8 28,7 39,3 31,9 11,6 19,9 11,9 20,0
Valeur ajoutée par travailleur en 1999 ($/an) 416 285 1 859 412 461 3 028 335 17 956 645
Production céréalière par habitant 1997/99 (kg/an) 147 128 128 224 336 259 339 746 349
Rendements céréaliers 1997/99 (kg/ha) 1 225 986 1 963 2 308 4 278 2 795 2 390 4 002 2 067
Productivité de l'élevage 1997/99(kg/ha) 164 128 147 121 150 198 191 248 193
Utilisation d'engrais 1997/99 (kg/ha) 22 9 69 109 241 85 111 125 100

Source: FAO

Figure 1: Production alimentaire totale et par habitant en Afrique

(Indice: 1989-91=100)

Source: FAOSTAT

La croissance agricole en Afrique exige une augmentation de la productivité agricole, en particulier par le biais d'investissements pour la maîtrise de l'eau et les infrastructures rurales, un secteur commercial beaucoup plus dynamique et des mesures d'incitation adéquates pour passer à des cultures plus prisées, investir dans des pratiques durables et améliorer les revenus des foyers ruraux - aussi bien directement pour les exploitants propriétaires et ouvriers agricoles, qu'indirectement, pour les fournisseurs d'intrant, négociants, transformateurs, détaillants, exportateurs et consommateurs.

La nécessité d'améliorer la productivité est soulignée par les données figurant dans le Tableau 4, qui trahissent la dépendance du secteur agricole à l'égard des conditions météorologiques. Au cours des trois dernières décennies, toutes les grandes activités agricoles affichent à la fois des taux de croissance faibles et de grandes variations de la production. Dans une large mesure, ce sont les précipitations irrégulières et peu fiables qui déterminent les niveaux de rendements et le degré de sécurité alimentaire pour la grande majorité des pauvres d'Afrique. Le caractère aléatoire de la production provoque d'une campagne à l'autre des variations considérables des prix, qui envoient des signaux trompeurs aux producteurs et aux consommateurs.

Le taux moyen annuel de croissance agricole pour l'Afrique subsaharienne pendant la période allant de 1967 à 1997 était d'environ 2 pour cent. Les projections de la FAO suggèrent des taux de croissance entre 2 pour cent et 3 pour cent pour la période allant jusqu'à 2030. En Afrique du Nord, toujours entre 1967 et 1997, la croissance agricole a été de 3 pour cent, et les projections de la FAO prévoient un taux de croissance de 2 pour cent au cours des 30 prochaines années. L'amélioration des rendements a été le principal facteur de croissance de la production en Afrique du Nord (entre 1961 et 1997), à raison de plus de 60 pour cent. Pour l'Afrique subsaharienne, l'augmentation de la surface de production a contribué pour 40 pour cent à la croissance, tandis que l'intensification de l'exploitation et l'augmentation des rendements y ont participé respectivement à 25 et 35 pour cent. La croissance démographique en Afrique entre 1967 et 1997 a été plus rapide que l'accroissement de la production agricole, de sorte qu'en réalité, la production par habitant a diminué pendant cette période.

Tableau 4: Production agricole nette: Taux moyens de croissance annuelle pour l'Afrique

  1970-74 1975-79 1980-84 1985-89 1990-94 1995-99 2000-02
Agriculture 1,7 0,6 0,7 3,0 2,1 3,3 0,3
Céréales 3,4 -0,8 -1,8 4,1 3,8 3,5 1,9
Cultures 2,2 -0,5 0,4 3,4 2,6 3,9 0,3
Prod. vivrière 1,9 0,7 0,7 3,1 2,4 3,4 0,4
Élevage 0,7 3,3 1,5 2,0 1,1 2,3 0,5

Source: FAOSTAT

Les cultures vivrières couvrent environ 60 pour cent des terres arables en Afrique subsaharienne. Les ruraux pauvres et les personnes souffrant d'insécurité alimentaire tirent la plus grande partie de leurs revenus des cultures de base, ou d'activités liées à la production de ces dernières. Pour l'ensemble du continent, la production céréalière annuelle par habitant a fluctué entre 140 kg et 175 kg dans les années 90 - bien en deçà de la moyenne mondiale de 358 kg. La croissance de la production céréalière en Afrique subsaharienne, de l'ordre de 2,5 pour cent par an au cours des 30 dernières années, devrait demeurer approximativement au même niveau au cours des 30 prochaines années.

La FAO prévoit que la croissance annuelle de la production agricole pendant les 30 années à venir (de 1995-97 à 2030) viendra essentiellement de l'accroissement des rendements en Afrique du Nord (à l'exception de l'Égypte). L'augmentation des surfaces et l'intensification des cultures apporteront une contribution relativement faible. En Afrique subsaharienne, les projections de la FAO indiquent que 25 pour cent des gains de production futurs proviendront d'une expansion des terres arables et que 75 pour cent seront dus à l'accroissement combiné des revenus (62 pour cent) et du taux d'exploitation (13 pour cent). La progression des surfaces cultivables devrait diminuer par rapport à la cadence historique mais une extension de l'ordre de 57 millions d'hectares supplémentaires est néanmoins prévue.

Les secteurs des pêches et des forêts apportent une contribution importante aux économies africaines. Les projections de la FAO indiquent que les niveaux de consommation de poisson par habitant ne dépasseront pas leur niveau relativement faible de 1999 (6,8  kg) au cours des 15 prochaines années. Les stocks sauvages locaux sont proches de la pleine exploitation et il faudrait donc accroître les importations de 46 pour cent d'ici 2015 pour maintenir les niveaux de consommation de 1999. Si l'aquaculture a connu un essor rapide en Afrique pendant la décennie écoulée, c'est à l'Égypte qu'est due la plus grande partie de cette expansion et de la production. En 1999, l'Égypte a représenté  80 pour cent de la production totale de l'Afrique. L'aquaculture représente moins de un pour cent du total des approvisionnements halieutiques.

La production halieutique dans les pays africains (y compris les captures dans les eaux intérieures et en mer ainsi que la production aquacole) s'étalait entre 4,9 millions et 5,9 millions de tonnes en 1990-98. Depuis 1994, la production halieutique a crû en moyenne de 3,5 pour cent par an. Des cinq régions africaines, l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique australe sont celles dont la contribution à la production halieutique totale du continent est la plus élevée.

Les forêts aussi continuent de jouer un rôle important dans l'économie officielle de nombreux pays de la région. Des 530 millions de mètres cubes de bois produit dans la région en 1998, près de 90 pour cent ont été utilisés comme bois de chauffe et charbon de bois. Pour ces deux produits, la plus grande partie du commerce se fait à l'intérieur des frontières nationales. L'Encadré 2 illustre l'Étude prospective du secteur forestier en Afrique, récemment achevée, qui fournit une perspective sur 20 ans et un cadre de planification à long terme pour le développement du secteur forestier.

La performance du commerce agricole

Développer les possibilités d'échange et de commercialisation à l'échelon local, régional, et international favorise la croissance de l'agriculture, la hausse des revenus et la réduction de la pauvreté et de l'insécurité alimentaire. Le commerce introduit souvent de nouvelles technologies, plus productives et durables, avec les systèmes de transformation et les services connexes. Le commerce offre des possibilités de s'orienter vers des productions plus nobles. Pour de nombreux producteurs, un éventail plus large de débouchés agricoles à l'échelle locale et intrarégionale est une première étape décisive pour profiter des chances d'accès aux marchés internationaux. Toutefois, d'après un document récent 1, les échanges continuent d'être marqués par une dépendance presque exclusive vis-à-vis des marchés étrangers traditionnels des pays industrialisés, bien que l'on ait enregistré (mais en partant de très bas) un accroissement important du commerce intrarégional en Afrique. A l'exclusion du secteur non répertorié, et souvent non officiel, des menus échanges transfrontaliers, 10 pour cent en moyenne des exportations s'opèrent entre pays appartenant à une même organisation économique régionale africaine. En raison d'une plus grande complémentarité économique (Afrique du Sud, Zimbabwe et Maurice étant assez industrialisés), la Communauté pour le développement de l'Afrique australe (SADC) affiche le taux le plus élevé de commerce intracommunautaire, 31 pour cent des exportations et 17 pour cent des importations s'effectuant entre ses membres. Les exportations et les importations entre les membres de la CEDEAO se situent juste en deçà de 20 pour cent, tandis que pour la CENSAD, les taux sont d'environ 12 pour cent (exportations) et 10 pour cent (importations).

Hormis le rôle, fréquemment vanté, d'un secteur manufacturier officieux qui domine probablement les opérations de transformation après récolte dans la région, la caractéristique de trop nombreux pays africains aujourd'hui est de posséder une économie relativement peu diversifiée, avec un secteur industriel et manufacturier restreint et des exportations limitées à une ou deux matières premières. Souvent, la principale source des recettes d'exportation est constituée par un unique produit agricole primaire, situation qui engendre l'incertitude en raison de la faible élasticité de la demande et de la détérioration et de la volatilité des termes de l'échange associées à ces produits. La Figure 2 énumère plusieurs pays africains qui sont fortement tributaires d'un seul produit agricole pour leurs recettes d'exportation. Globalement, le secteur agricole africain représente environ 20 pour cent des exportations totales de marchandises, soit une baisse de plus de 50 pour cent par rapport aux années 60 (Figure 3).

Au cours des trente dernières années, les importations agricoles ont distancé les exportations agricoles et la région est importatrice nette de produits agricoles depuis 1980 (Figure 4). La croissance démographique en Afrique étant plus rapide que la production vivrière, le recours aux importations et à l'aide alimentaire est nécessaire pour combler la différence (Figure 5). Au milieu des années 90, sur un total mondial de 32 millions de victimes de catastrophes, qui bénéficiaient de l'aide d'urgence du Programme alimentaire mondial (PAM), 21,5 millions vivaient en Afrique. En 2000, l'Afrique a reçu 2,8 millions de tonnes d'aide alimentaire, ce qui représente plus d'un quart du volume mondial. En 2001, le nombre de personnes frappées par de crises alimentaires s'est situé entre 23 et 28 millions. L'encadré 3 apporte des informations générales sur les urgences alimentaires récentes en Afrique.

Figure 2: Dépendance d'un seul produit agricole d'exportation 1999-2001:

Pourcentage des recettes à l'exportation de marchandises

Source: FAOSTAT

Figure 3: Importations et exportations agricoles: valeur et pourcentage
par rapport au commerce total de marchandises

Source: FAOSTAT

Figure 4: Afrique: balance commerciale agricole

Source: FAOSTAT

Figure 5: Production et commerce de céréales

Source: FAOSTAT

Une contribution plus décisive de l'agriculture à la réduction de la pauvreté

De plus en plus, les études et les données portant sur la capacité des économies à maintenir la croissance et à encourager une répartition plus équitable des revenus prouvent que la croissance agricole contribue plus fortement à la réduction de la pauvreté que la croissance dans d'autres secteurs et qu'elle a des effets positifs sur la pauvreté en milieu rural et urbain. La croissance des activités urbaines n'a pas le même impact sur la réduction de la pauvreté rurale, même si l'agriculture urbaine et périurbaine ainsi que les micro-entreprises familiales de transformation situées dans les villes sont d'importants facteurs de réduction de la pauvreté.

L'expérience passée tient les politiques macro-économiques pour premières responsables des facteurs qui grèvent la croissance agricole. Le cadre macro-économique s'est amélioré dans de nombreux pays, mais demeure incomplet dans beaucoup d'autres. La répercussion des prix depuis les marchés intérieurs ou étrangers jusqu'à l'exploitation doit être améliorée. Il est essentiel que les producteurs bénéficient des situations avantageuses. Bien souvent, la baisse des cours mondiaux de cultures traditionnelles comme les céréales exige des mesures d'incitation plus vigoureuses pour passer à des cultures ou activités commercialement plus intéressantes.

Les engagements dans le domaine de l'agriculture et du développement rural sont la clé d'un développement agricole et rural réussi, ce qui suppose l'examen des décisions relatives aux dépenses publiques et aux politiques en vue d'éliminer toute distorsion pénalisant ce secteur. Remédier aux énormes carences de la région dans le domaine des infrastructures rurales, en particulier pour la maîtrise de l'eau, les routes rurales et les installations d'entreposage, est une étape essentielle du processus d'accroissement des investissements dans les secteurs agricole et rural.

Dans de nombreux pays, la part des dépenses publiques en faveur de l'agriculture ne reflète pas l'importance de ce secteur dans l'économie. En fait, au niveau régional, les prêts à l'agriculture sont en recul. En Afrique subsaharienne, la part des budgets nationaux destinée l'agriculture est passée d'environ 6,3 pour cent en 1990/91 à 4,6 pour cent à la fin de la décennie. L'aide internationale est aussi en baisse. Les données du Tableau 5 montrent que l'aide à l'agriculture (prêts à des conditions de faveur) provenant de sources internationales, a baissé de 36 pour cent dans les années 90. Les gouvernements nationaux comme les bailleurs de fonds internationaux doivent s'interroger sur les causes de cette diminution et sur la nécessité de renverser cette tendance. Pour que l'agriculture puisse prospérer et contribuer à la croissance, il faut à l'Afrique rurale une aide au développement, des investissements et d'autres ressources aussi bien au niveau international que national.

Tableau 5: Aide extérieure à l'agriculture *

Année Millions de $EU (à prix constants de 1995)
  Afrique subsaharienne PVD Afrique
1990 $3 657 $4 218
2000 $2 350 $2 654
Variation -36% -37%

*: L'aide extérieure à l'agriculture désigne les prêts à des conditions de faveur, selon la définition générale de la FAO.

La sécurité alimentaire et le VIH/SIDA en Afrique

La question du VIH/SIDA et de ses liens avec la sécurité alimentaire demande une attention spéciale. Dans son évaluation de la crise en Afrique australe en septembre 2002, l'envoyé spécial des Nations Unies pour les besoins humanitaires en Afrique australe a désigné la pandémie du VIH/SIDA comme une cause sous-jacente fondamentale de la vulnérabilité dans la région, qui représente la menace la plus grave pour sa population et ses sociétés en tant que facteur contribuant à leur extrême vulnérabilité. 2 De même, une récente Note ministérielle de la SADC sur la sécurité alimentaire affirme que le VIH/SIDA contribue directement à l'insécurité alimentaire et qu'il est aggravé par cette dernière et indique que les liens VIH/SIDA avec l'insécurité alimentaire peuvent être multiformes et durables.3 Les incidences du VIH/SIDA sur l'insécurité alimentaire sont étroitement mêlées à des aspects qui touchent à la gouvernance, à l'efficacité de la protection sociale, au bon fonctionnement du secteur privé et aux performances macro-économiques.4

Dans le monde entier, les tendances sont alarmantes, comme le montre le Tableau 6. Cependant, environ 70 pour cent des 42 millions de personnes infectées par le VIH vivent en Afrique ou le sida est désormais la première cause de mortalité. Les incidences de l'épidémie sur la sécurité alimentaire seront probablement les plus fortes en Afrique subsaharienne où, de ce point de vue, son impact est jugé aussi grave que les sécheresses récurrentes et autres facteurs.

Tableau 6: Statistiques et données sur le VIH/SIDA par région, fin 2002

Région Début de l'épidémie Adultes et enfants atteints par le HIV/AIDS Adultes et enfants récemment infectés Taux d'incidence chez les adultes % de femmes chez les adultes séropositifs
Afrique sub-saharienne fin années 70 début années 80 29,4 millions 3,5 millions 8,8% 58%
Afrique du Nord et Proche-Orient fin années 80 550 000 83 000 0,3% 55%
Asie du Sud et du Sud-Est fin années 80 6,0 millions 700 000 0,6% 36%
Aise de l'Est et Pacifique fin années 80 1,2 million 270 000 0,1% 24%
Amérique latine fin années 70 début années 80 1,5 million 150 000 0,6% 30%
Caraïbes fin années 70 début années 80 440 000 60 000 2,4% 50%
Europe de l'Est et Asie centrale début années 90 1,2 million 250 000 0,6% 27%

Source: adapté de l'ONUSIDA (2002): AIDS Epidemic Update, décembre 2002

Les liens entre le VIH/SIDA et la sécurité alimentaire sont bidirectionnels. La malnutrition due à la pauvreté est susceptible d'entraîner l'apparition précoce du sida en raison d'une sensibilité accrue aux infections opportunistes. L'épidémie appauvrit les ménages en provoquant la disparition d'emplois agricoles et d'autres moyens d'existence, l'augmentation des frais de santé et d'obsèques, la diminution de la capacité de s'occuper des enfants et d'autres individus vulnérables et l'érosion de la base d'actifs. Afin de lutter contre ses effets sur la sécurité alimentaire, gouvernements et donateurs doivent envisager une action à long terme, axée sur le développement et non sur un simple mécanisme d'intervention d'urgence. Les gouvernements devront imaginer des solutions novatrices pour lier les interventions à court terme et à long terme et s'engager plus fermement à remédier aux vulnérabilités structurelles qui sont à l'origine des situations de crise. Il faut savoir doser le financement à court terme de secours d'urgence utilisant l'aide alimentaire et les interventions à plus long terme sans composante alimentaire.

Les interventions en matière de sécurité alimentaire devraient être passées à travers le "filtre" du VIH/SIDA et être complétées par des interventions spéciales contre le HIV dans le but de réduire l'infection par le VIH et d'atténuer l'impact de l'épidémie. Au fur et à mesure que se répand le VIH, et qu'augmente le nombre des personnes qui tombent malades et meurent, l'impact sur la sécurité alimentaire risque de s'aggraver et de faire passer d'autres facteurs en second plan. Une solution de lutte axée sur la sécurité alimentaire, alliant les interventions à court et à long terme, s'impose. Dans ce cadre, il faut affronter les problèmes de production alimentaire, d'accès aux aliments ainsi que les aspects nutritionnels.

Les politiques et programmes de sécurité alimentaire doivent être ajustés pour renforcer la résistance au VIH/SIDA qui doit être considéré comme un nouveau choc parmi ceux qui frappent les foyers, les communautés et les pays, contre lequel il faut mettre en œuvre des mécanismes différents de ceux utilisés par le passé. L'incidence accrue de la morbidité et de la mortalité diminue la résistance des communautés face à des traumatismes qu'elles surmontaient autrefois. Les mesures à prendre pour s'attaquer aux facteurs structurels qui alimentent la double crise de l'insécurité alimentaire et du VIH/SIDA passent par la réforme de toute une série de politiques, la garantie d'un accès durable et bon marché aux intrants agricoles, la résolution des disparités entre les sexes, le renforcement prioritaire des capacités humaines et institutionnelles pour l'exécution des services ruraux, la résolution des pénuries structurelles de main d'œuvre provoquées par l'épidémie, la participation effective des personnes vulnérables à l'amélioration des politiques et la prise en compte des besoins des quelque 14 millions d'orphelins d'Afrique dont il faut assurer les soins et l'alimentation et préparer les moyens de subsistance futurs.

La réponse dans le cadre du NEPAD

Le document AU/MIN/AGRI/2 qui aborde les défis de la sécurité alimentaire et de l'agriculture, et le document AU/MIN/AGRI/3,qui présente le Plan d'action pour l'agriculture du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), offrent une base de discussion sur ce que l'Afrique peut faire pour répondre à la sombre réalité décrite dans ce rapport. Les mesures proposées dans ces documents s'inscrivent dans le contexte du Programme détaillé pour le développement de l'agriculture africaine (PDDAA) préparé par le Secrétariat du NEPAD avec l'aide de la FAO. 5 Le NEPAD attire l'attention des gouvernements membres sur toute une série de mesures nécessaires pour relancer l'agriculture africaine et fournit un cadre pour une stratégie d'intervention concertée. Cinq domaines spécifiques, mentionnés dans le NEPAD en vue d'améliorer l'agriculture africaine, sont présentés: (1) augmentation des superficies cultivées de façon durable et desservies par des systèmes fiables de maîtrise de l'eau; (2) amélioration de l'infrastructure rurale et des capacités commerciales pour faciliter l'accès au marché; (3) augmentation des approvisionnements alimentaires et réduction de la faim; (4) développement de la recherche agricole, diffusion et adoption de technologies; (5) amélioration de la réponse aux catastrophes et aux situations d'urgence

La vision globale du NEPAD dans le domaine de l'agriculture vise à optimiser la contribution du secteur économique le plus important du continent pour parvenir à une Afrique autosuffisante et productive qui puisse jouer pleinement son rôle sur la scène mondiale. L'Encadré 4 souligne quelques-uns des obstacles les plus importants à la relance de l'agriculture africaine, tels qu'identifiés dans l'étude du NEPAD. Le programme agricole du NEPAD offre quelques solutions aux problèmes identifiés. En outre, un aperçu général des mesures proposées pour répondre à la crise de la sécurité alimentaire et de l'agriculture en Afrique est présenté dans le document UA/MIN/AGRI/3 (point 3 de l'ordre du jour). En substance, le NEPAD vise une agriculture susceptible de soutenir un progrès économique à base élargie, auquel d'autres secteurs économiques, tels que le pétrole, les minerais et le tourisme, qui n'ont pas le même effet de masse critique, puissent apporter une contribution significative. L'objectif du NEPAD dans ce secteur est un développement axé sur l'agriculture qui élimine la faim et diminue la pauvreté et l'insécurité alimentaire, préparant l'expansion des exportations. Il s'agit pour l'agriculture africaine de pouvoir, d'ici 2015:

Encadré 1: Les succès du Ghana en matière de réduction de l'insécurité alimentaire chronique

Au cours des dernières décennies, le Ghana a obtenu des résultats remarquables en ce qui concerne la réduction du nombre des sous-alimentés. De 1980 à 2000, la proportion de la population sous-alimentée est tombée de 64 à 12 pour cent. Pendant la même période, l'apport énergétique journalier est passé de 1600 à 2700 calories par habitant, une amélioration due en grande partie à l'accroissement de la production vivrière. Pour le maïs, la production a augmenté assez fortement, tandis que la production de manioc et d'igname a grimpé en flèche, surtout après 1991. Il s'agit d'une évolution importante car le manioc est, au Ghana, la denrée qui présente le rapport calories/prix le plus avantageux et parce que la consommation de produits dérivés du manioc et de l'igname atteint un pic pendant la période de soudure qui précède la récolte.

L'augmentation des surfaces cultivées et des rendements a également contribué au bond de la production. Les investissements réalisés dans le domaine de la technologie du maïs par les institutions nationales et par des ONG ont permis de faire passer les rendements de 1 tonne/ha pendant la période 1981/1985 à 1,5 tonne/ha en 1996/2000. Des quatre cultures de base, la production de manioc a enregistré l'accroissement le plus fort, soit 260 pour cent. Les variétés améliorées mises au point par l'Institut international d'agriculture tropicale sont pour beaucoup dans l'accroissement de la production de manioc. Leur adoption a probablement été favorisée par les mauvaises récoltes généralisées qui ont suivi la grande vague de sécheresse de 1982/83. A l'époque, les agriculteurs se sont tournés vers le manioc en raison de sa résistance à la sécheresse et parce qu'il est relativement bien adapté aux sols pauvres. Séjournant dans le sol jusqu'à trois ans avant la récolte, il constitue en effet une réserve alimentaire facile à entreposer.

En dépit de ces bonnes nouvelles, les données sur le nombre et la proportion de sous-alimentés ne suffisent pas pour conclure à une amélioration de la capacité des personnes à acheter des aliments. Des informations supplémentaires sont nécessaires pour obtenir un tableau plus fiable de l'évolution de la sécurité alimentaire dans le pays. Pour mieux évaluer cette situation, les estimations fondées sur les résultats des enquêtes indiquent que la pauvreté liée à l'insécurité alimentaire a baissé modérément, passant d'environ 37 pour cent à près de 27 pour cent entre 1990/91 et 1998/99. Toutefois, plus qu'à une modification des schémas de répartition, cette évolution est due à la solidité de la croissance économique. Les données anthropométriques suggèrent même un progrès plus modeste: le pourcentage des enfants de moins de 5 ans présentant une insuffisance pondérale ou une émaciation modérées ou graves est tombé de 31 pour cent à 26 pour cent et de 27 pour cent à 25 pour cent entre 1987/88 et 1998/2000 respectivement.

En ce qui concerne l'augmentation de la production alimentaire, l'expérience du Ghana montre l'importance des investissements consacrés au développement de technologies plus productives pour les denrées de base et à leur adoption par les producteurs. La comparaison des mesures de la FAO avec d'autres indicateurs de bien-être suggère fortement que le principal obstacle à la réduction de la faim au Ghana pourrait bien être l'accès aux aliments, plutôt que l'approvisionnement alimentaire.

L'essor économique a amélioré les perspectives de sécurité alimentaire de nombreux Ghanéens. A l'avenir, les responsables politiques devront accorder une attention croissante à l'amélioration du fonctionnement des marchés et de l'accès à la nourriture pour les régions et les foyers qui n'ont encore pu bénéficier de cette évolution positive. Enfin, comme le suggèrent les données relatives à la sous-alimentation des enfants de moins de 5 ans, il faudra d'autres efforts importants, notamment le ciblage de l'éducation et de la nutrition maternelle, pour parvenir à éradiquer la faim.

Encadré 2: Étude prospective du secteur forestier en Afrique6

L'Étude prospective du secteur forestier en Afrique (FOSA), récemment achevée, fournit une perspective sur 20 ans et un cadre de planification à long terme pour le développement de ce secteur. Elle comprend un aperçu général et cinq rapports consacrés aux problèmes de chacune des sous-régions: Afrique centrale, Afrique de l'Est, Afrique du Nord, Afrique australe et Afrique de l'Ouest. Ces rapports identifient les éléments moteurs, décrivent les politiques et les contextes institutionnels, évaluent leurs incidences sur l'avenir de la foresterie et présentent les voies possibles pour en renforcer la contribution de celle-ci au développement durable. Leurs principales conclusions peuvent se résumer comme suit:

FACTEURS TOUCHANT LA FORESTERIE: Parmi les facteurs qui devraient avoir un impact sur le secteur forestier au cours des 20 prochaines années figurent:

  • la cadence des transformations politiques et institutionnelles, en particulier la démocratisation, la décentralisation et la participation des parties prenantes;
  • la persistance des situations de conflit et de guerre;
  • les variations démographiques, notamment un accroissement de population estimé à environ 400 millions d'habitants, soit 50 pour cent de plus, d'ici 2020 ainsi que les facteurs comme l'urbanisation, les mouvements de population et le VIH/SIDA;
  • la croissance trop lente des revenus, doublée d'une répartition inégale, qui accentue la pauvreté et, augmente la dépendance vis-à-vis de ressources naturelles telles que les forêts;
  • le lourd fardeau de la dette, la baisse de l'aide au développement, la faiblesse des investissements étrangers directs et la dégradation des termes de l'échange;
  • les nouvelles possibilités et contraintes découlant de la mondialisation;
  • la diversification insuffisante des économies et la prédominance du secteur informel;
  • des investissements insuffisants dans les ressources humaines et la technologie.

LES INCIDENCES: En l'absence de tout changement fondamental, la situation forestière en Afrique sera marquée par:

  • la persistance des conflits liés à l'utilisation des terres et la perte de couvert forestier à peu près au rythme actuel;
  • la lenteur des progrès en matière d'application des principes de gestion durable des forêts;
  • la détérioration des conditions de l'environnement, avec en particulier l'aggravation de la crise de l'eau, l'intensification de la dégradation des terres et de la désertification, et la perte de diversité biologique;
  • la dépendance vis-à-vis du bois comme source d'énergie, avec une augmentation de la consommation de bois de chauffe, de 635 millions de mètres cubes en 2000 à environ 850 millions de mètres cubes en 2020;
  • l'épuisement des produits forestiers non ligneux, particulièrement préoccupant pour les plantes médicinales;
  • l'intensification des conflits en matière de gestion de la faune et de la flore sauvages, qui minent leur potentiel en tant que source de gibier et de protéines pour les régimes ruraux et la nécessité de prévenir l'expansion du tourisme exploitant la vie sauvage;
  • une baisse importante de la productivité et du pouvoir d'achat sur les marchés nationaux et locaux, due au VIH/SIDA.

PRIORITÉS ET STRATÉGIES: Des changements fondamentaux dans les priorités et les stratégies sont nécessaires au cours des deux prochaines décennies pour renverser les tendances actuelles, en particulier dans le but:

  • d'atténuer la pauvreté, en insistant sur la production de biens et services de base et en créant des revenus pour satisfaire aux besoins de première nécessité;
  • de protéger l'environnement par la conservation et la remise en état des bassins versants, l'arrestation de la dégradation des terres et de la désertification et la conservation de la diversité biologique.

A cet effet, pour responsabiliser les principaux acteurs et renforcer la capacité d'action, il faut:

  • redéfinir les responsabilités du secteur public pour que ce dernier puisse jouer un rôle de chef de file et créer les conditions propices à la participation efficace de toutes les parties prenantes;
  • soutenir la mise en place d'un mécanisme de marché efficace et transparent;
  • améliorer l'efficacité du secteur informel par la fourniture de mécanismes de soutien juridique, institutionnel et autres.

Les rapports de l'Étude prospective soulignent comment ces priorités et stratégies pourraient être adaptées à chaque sous-région. Le suivi se concentrera sur l'incorporation des résultats dans les programmes forestiers nationaux. Une attention particulière sera accordée à l'amélioration des capacités nationales et sous-régionales de planification stratégique.

Encadré 3: Crises alimentaires en Afrique

Après deux années consécutives de mauvaises récoltes dans la plupart de pays d'Afrique australe, la sous-région est confrontée une crise alimentaire. A l'heure actuelle, 25 des 31pays qui connaissent des pénuries alimentaires graves et ont besoin d'aide alimentaire internationale sont en Afrique.

En Afrique australe, près de 13 millions de personnes ont besoin d'une aide alimentaire d'urgence après deux années consécutives de mauvaises récoltes céréalières. De vastes zones ont été dévastées par une sécheresse prolongée pendant la saison végétative en 2001/02, tandis que d'autres ont été arrosées par des pluies excessives. L'épuisement des stocks de maïs du gouvernement et des agriculteurs, l'arrivée tardive et le volume insuffisant des importations ont occasionné de graves pénuries alimentaires et des hausses de prix sans précédent. Au Zimbabwe, la réduction des semis par les grandes exploitations commerciales en raison des activités de réforme agraire a aggravé le problème. Une opération d'urgence régionale estimée à 507,3 millions de dollars EU a été approuvée conjointement par la FAO et le PAM, fin juin 2002, pour fournir une aide alimentaire à environ 10,3 millions de personnes, soit 80 pour cent de la population touchée, jusqu'à la prochaine récolte principale à partir d'avril 2003. Toutefois, les engagements réunis jusqu'au début d'août ne couvraient que 25 pour cent de ce montant.

En Afrique de l'Est, la situation alimentaire présente de sombres perspectives dans plusieurs pays en raison de l'insuffisance des pluies saisonnières. En Érythrée, les courtes pluies qui tombent de mars jusqu'en mai ont totalement fait défaut et la sécheresse s'est poursuivie en juin et juillet qui sont des mois cruciaux pour les semis et cette situation fait peser de graves doutes sur les perspectives de sécurité alimentaire. Plus d'un million de personnes ont actuellement besoin d'une aide. De même, en Éthiopie, la sécheresse grave a fait des ravages parmi le bétail, surtout dans les zones pastorales de l'est et du nord-est. Plus de huit millions de personnes ont besoin d'une aide. Au Kenya, de mauvaises pluies ont renversé les prévisions optimistes sur les récoltes et suscité de vives préoccupations au sujet des futurs approvisionnements alimentaires. On estime que près de 1,3 millions de personnes sont tributaires de l'aide alimentaire. En Somalie, malgré des prévisions favorables pour les récoltes de la campagne principale, on signale des taux très élevés de malnutrition qui résultent des vagues successives de sécheresse et de l'insécurité à long terme. L'escalade récente du conflit a provoqué des déplacements massifs de population et perturbé la livraison de l'aide alimentaire. En Tanzanie et en Ouganda, la situation globale des approvisionnements alimentaires est satisfaisante bien que la recrudescence du conflit dans le nord de l'Ouganda ait déplacé de nombreuses personnes, qui s'ajoutent aux plus de 1,5 millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays, réfugiés et autres personnes vulnérables dépendant déjà de l'aide alimentaire.

En Afrique de l'Ouest, le temps sec a gravement endommagé les cultures, particulièrement en Gambie, Guinée-Bissau, Mauritanie et Sénégal. Au Cap-Vert, les perspectives pour la récolte de maïs, dont les semis ont habituellement lieu à partir de juillet, sont défavorables en raison du retard des pluies. En revanche, les conditions végétatives sont meilleures dans la partie centrale et orientale du Sahel où les précipitations ont été plus abondantes et mieux réparties dans la plupart des régions agricoles du Burkina Faso, du Mali, du Niger et du Tchad. Les activités agricoles au Libéria ont été perturbées par la résurgence des troubles civils, laissant prévoir une diminution de la production rizicole cette année. Le Sierra Leone et la Guinée restent largement tributaires de l'aide alimentaire internationale en raison des lourds effectifs de personnes déplacées à l'intérieur des frontières.

En Afrique centrale, la situation des approvisionnements alimentaires s'est améliorée au Rwanda et au Burundi après les bonnes récoltes de la deuxième campagne de 2002. En revanche, la situation alimentaire et nutritionnelle en République démocratique du Congo est très alarmante. La persistance des troubles intérieurs continue de causer des déplacements massifs de population et le nombre des personnes déplacées à l'intérieur du pays est actuellement estimé à 2 millions. Leur situation alimentaire est extrêmement précaire, alors que la distribution de l'aide d'urgence est entravée par l'insécurité. La situation des approvisionnements alimentaires Kinshasa est également grave, les disponibilités alimentaires étant très inférieures aux besoins.

Source: Perspectives de l'alimentation, avril 2003

Encadré 4: NEPAD: Quelques obstacles à la relance de l'agriculture africaine

Introduction: La présence diffuse de la faim et le nombre croissant de personnes en proie à l'extrême pauvreté en Afrique sont les conséquences désastreuses d'un retard prolongé, imputable à l'insuffisance des investissements. L'absolue nécessité d'injecter de nouveaux capitaux place l'investissement au centre des trois "piliers" du PDDAA: gestion des terres et maîtrise des eaux, infrastructures et capacités commerciales pour favoriser l'accès aux marchés et sécurité alimentaire - tant pour assurer la protection sociale et répondre aux urgences que pour soutenir l'augmentation de la productivité agricole. Cette intervention portera en grande partie sur le volet "matériel" du développement agricole qui est essentiel pour répondre à la crise du secteur. Cependant, l'Afrique doit également créer des conditions propices au renversement permanent de la récession. Il lui faudra pour cela s'intéresser à de nombreuses autres interventions appartenant au volet "logiciel". Or, dans ce domaine, un certain nombre de faiblesses - présentées ici - ont contribué à faire de l'agriculture africaine un secteur faiblement productif et peu compétitif ainsi qu'un secteur à haut risque où dominent les produits de base à faible valeur commerciale.

Gouvernance: Une gouvernance médiocre au plan politique et économique explique en grande partie le malaise qui afflige l'Afrique. Elle engendre une incertitude généralisée sur ces deux fronts, un environnement imprévisible pour les affaires, des troubles civils, voire la guerre, qui entravent toute tentative de croissance économique. La question de la participation est également critique; le FIDA observe pour l'Afrique centrale et occidentale que "En premier lieu, les pauvres n'ont presque pas, voire nullement la possibilité d'intervenir sur les décisions qui touchent leurs moyens d'existence" 7.

La mauvais gouvernance crée aussi un environnement peu propice à l'investissement efficace de ressources humaines et matérielles et sape la formulation et la mise en œuvre de politiques et de lois susceptibles d'accélérer le processus de la croissance économique et du développement. Dans le cas précis de l'agriculture et du développement rural (dans son acception la plus large), il est grand temps d'apporter des améliorations permettant une adaptation à l'évolution des conditions du marché et aux priorités en matière de sécurité alimentaire. Il faut pour cela surmonter les rigidités institutionnelles et rationaliser les cadres macro-économiques. Des changements politiques, réglementaires et institutionnels sont nécessaires pour garantir, aux divers niveaux d'exploitation, une activité agricole stable vis-à-vis des ressources naturelles et des marchés. De nouvelles capacités sont requises dans le secteur public et privé, ce qui suppose d'accorder la priorité aux investissements dans le capital humain et social. Il faut une révision des systèmes de propriété de la terre et des régimes fonciers en même temps que la réduction des facteurs d'inégalité entre les hommes et les femmes, inhérents aux politiques.

La stagnation technologique: L'agriculture africaine doit surmonter un retard technologique et s'afrranchir d'une dépendance excessive vis-à-vis des aléas climatiques. Il faut pour cela accroître l'effort de recherche et développement et étendre la vulgarisation. Toutefois, pour lui permettre de participer au progrès technologique et de rattraper son retard dans ce domaine, la première condition est sans doute d'améliorer le niveau éducatif de la population rurale. La lutte contre le VIH/SIDA qui, dans certains pays, décime rapidement la population et frappe les classes d'âge les plus aptes à opérer la mise à niveau technologique, est essentielle.

La faiblesse des entreprises et du secteur privé: De nombreux pays africains sont dépourvus de ce que l'on appelle un secteur privé à vocation agricole et agro-industrielle. S'il est à la mode de parler du "petit exploitant" africain comme du véritable secteur privé de la région, la réalité est autrement préoccupante. Le petit exploitant africain constitue peut-être en effet une entité privée, mais il ne possède aucune éducation, son accès aux infrastructures de communication ou physiques est gravement restreint; ses conditions de santé et de nutrition sont mauvaises; il manque de marchés rémunérateurs et d'accès aux intrants favorisant les rendements; subit la concurrence de produits d'origine étrangère fortement subventionnés, avec lesquels l'agriculteur africain ne peut espérer se mesurer. Même s'il représente le "secteur privé", ce petit exploitant ne peut rivaliser avec l'agriculture multinationale et les géants de l'agroalimentaire qui commercent avec l'Afrique. Qu'elle soit ou non étiquetée comme secteur privé, la classe des petits agriculteurs, souvent marginalisée, ne dispose d'aucune voix pour influencer les politiques touchant à son principal moyen de subsistance et pour obtenir des services de soutien adaptés à ses besoins. L'Afrique ne peut s'en tenir à l'évocation flatteuse d'un vaste secteur privé de petits exploitants; elle doit développer une vraie capacité d'entreprise rurale. La réussite dans ce secteur exige de bonnes perspectives d'accès concurrentiel aux marchés, aussi bien intérieurs qu'internationaux, et des informations pour permettre aux agriculteurs de tirer parti au maximum de ces marchés.

Le VIH/SIDA: L'Afrique subsaharienne est l'épicentre de l'épidémie du VIH/SIDA, et 25 millions de personnes (quelques 70 pour cent du total mondial recensé) sont séropositifs. Les personnes qui subissent l'impact de l'épidémie vivent en majorité dans les zones rurales et sont extrêmement pauvres. Les effets à court terme sur la production et les revenus sont effrayants pour les économies des populations pauvres, à forte intensité de main d'œuvre. Alors que la production et les revenus baissent, les familles subissent une hausse radicale des dépenses de santé et d'obsèques. Les effets à plus long terme sur la transmission du savoir entre générations, sur les mécanismes traditionnels de protection sociale et sur les caractéristiques démographiques et socio-économiques de base de ces sociétés seront probablement encore plus graves. L'épidémie du VIH/SIDA crée une nouvelle dynamique de la pauvreté. Elle est en partie, aussi, entretenue par la pauvreté qui expose certains individus à des situations ou activités à haut risque, telles que la prostitution et la migration - auxquelles les femmes pauvres sont particulièrement vulnérables. La gravité et l'ampleur de l'épidémie sont telles, que les interventions de développement dans tous les secteurs - et particulièrement celles destinées aux zones rurales où vivent la majorité des personnes touchées - doivent affronter le problème avec la plus grande détermination

Autres préoccupations: L'éventail des domaines à considérer est pratiquement illimité. On peut citer: (a) une attention insuffisante aux besoins spécifiques des femmes qui, dans de nombreuses zones d'Afrique, sont les principales pourvoyeuses dans le domaine de la production agricole, de la commercialisation et de la nutrition; (b) le manque de spécialisation de la production et le fait que les pays de la région, individuellement ou collectivement, n'ont pas assez de poids pour influencer les marchés mondiaux; (c) une définition confuse du rôle respectif des institutions publiques, privées et de celles de la société civile dans le développement; (d) une mauvaise harmonisation des initiatives destinées à favoriser le développement agricole au niveau national, sous-régional et régional; (e) l'incapacité de mobiliser systématiquement l'épargne pour réinvestir; (f) l'abandon ou les mauvaises performances de cultures de rente qui, autrefois, contribuaient largement aux revenus ruraux.


1 Creation of a Common African Market for Agricultural Products: Issues, Choices and the Way Forward. Projet de document. Commission intérimaire de l'Union africaine, Addis Abeba, mai 2003.
2 T. Morris, Envoyé spécial du Secrétaire général pour les besoins humanitaires en Afrique australe. Rapport de la première mission au Lesotho, Malawi, Mozambique, Swaziland, Zimbabwe et Zambie, du 24 septembre 2002.
3 Note ministérielle de la SADC sur la sécurité alimentaire: 28 février 2003.
4 T. Morris, Envoyé spécial du Secrétaire général pour les besoins humanitaires en Afrique australe. Rapport de la première mission au Lesotho, Malawi, Mozambique, Swaziland, Zimbabwe et Zambie, du 24 septembre 2002.
5 Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), Programme détaillé pour le développement de l'agriculture, novembre 2002 (Projet).
6 FAO, Situation des forêts du monde 2003.
7 FIDA, Stratégie de réduction de la pauvreté rurale en Afrique occidentale et centrale:
http://www.ifad.org/operations/regional/2002/pa/pa.htm