LARC/04/3


VINGT-HUITIEME CONFERENCE REGIONALE DE LA FAO POUR L’AMERIQUE LATINE ET LES CARAÏBES

Ciudad de Guatemala (Guatemala),
26 – 30 avril 2004

LE DEVELOPPEMENT SOCIO-ECONOMIQUE:
BASE DES ACTIONS ENTREPRISES PAR LA FAO
EN AMERIQUE LATINE ET DANS LES CARAÏBES

Table des matières



I. Synthèse

1. Dans le présent document, nous étudions les facteurs institutionnels et opérationnels indispensables au rôle essentiel que doivent jouer les projets de développement rural dans la conception de politiques publiques axées sur le développement socio-économique des populations rurales. Nous tentons aussi de déterminer les approches et les modalités à adopter pour pouvoir transposer ces actions à plus grande échelle sans nuire à la cohérence d’une stratégie de développement national.

2. Nous donnons plus particulièrement des exemples pour illustrer la manière dont de tels projets ont pu – et pourraient – utilement servir à mettre en place des mécanismes de rétro-information à partir de l’expérience acquise grâce à leur mise en œuvre. Les enseignements tirés de ces projets sont destinés à aider les gouvernements à renforcer leurs activités et à améliorer leurs capacités d’exécution en concevant leurs politiques sous l’angle du développement rural intégré.

3. À cet égard, il importe notamment de relever les points suivants: le rôle des projets de développement rural en tant qu’outils d’adaptation et d’actualisation des lois et règlements et donc, en tant qu’outils de l’élaboration des politiques publiques; l’existence d’un ensemble accessible et facilement compréhensible d’expériences passées; la reconnaissance de la problématique et de l’environnement institutionnel; le rôle et l’importance des systèmes de suivi et d’évaluation. Chacun des ces éléments est fondamental si l’on veut traduire les enseignements tirés des activités de la FAO par des politiques nationales et par des projets d’investissements publics.

II. Réformes structurelles et mise au point de nouveaux consensus

4. Les résultats des réformes sont loin d’être à la hauteur des espérances. Au cours de ces vingt dernières années, le modèle de développement qui avait caractérisé la région depuis la deuxième Guerre mondiale1 s’est peu à peu effacé pour laisser place à un autre modèle axé sur de nouvelles formes d’intégration à l’économie mondiale, sur le retrait de l’État des activités productives et sur le rôle prédominant des mécanismes du marché dans l’affectation des ressources. Cependant, on note depuis près de deux décennies que les résultats de ces profondes réformes économiques sont loin d’être à la hauteur des espérances qu’elles avaient suscitées. On peut certes mettre en relief les succès remportés sur le plan économique: stabilité des prix, progression des exportations, augmentation des investissements étrangers et amélioration des institutions macroéconomiques, mais la croissance économique et l’amélioration de la productivité ont été décevantes et ne se sont pas maintenues à un rythme soutenu. Sur le plan social, on enregistre des taux de chômage à deux chiffres, la pauvreté s’est moins réduite par rapport aux décennies antérieures aux années 1980, la distribution du revenu est de plus en plus inégalitaire et il n’y a pas eu de progrès importants en matière de sécurité alimentaire.

5. Aggravation de la crise rurale. Les réformes récentes qui visaient à une libéralisation économique et politique plus poussée avaient pour objet d’annuler les politiques macroéconomiques antérieures caractérisées par une tendance à reléguer l’agriculture au second plan. Avec la libéralisation économique de l’agriculture, on escomptait : (i) que la réduction des niveaux de protection s’accompagnerait d’une dévaluation en termes réels, ce qui aurait eu pour effet de favoriser en termes nets les activités productrices de biens exportables ou de biens importables (lesquels englobent les produits agricoles dans les deux cas); (ii) que le plus grand rôle attribué au secteur privé et au marché remédierait aux inefficiences imputables aux interventions gouvernementales dans certains domaines – d’où un avantage accru pour le secteur agricole; (iii) que l’on mettrait fin à la forte distorsion des prix agricoles et que l’on réduirait le déficit budgétaire découlant de cette politique, en allégeant les pressions inflationnistes qui en étaient la conséquence.

6. Cependant, les prévisions sur le comportement des taux de change réels ne se sont pas concrétisées, car l’ouverture commerciale a coïncidé avec un accroissement des flux de capitaux vers la région et avec le choix d’une politique de fermeté pour les monnaies nationales afin de stabiliser l’inflation. Dans les années 1990, les effets combinés de ces phénomènes ont donné naissance à une tendance relativement généralisée dans la région à réévaluer les monnaies en termes réels. D’autre part, la suppression des prix garantis n’a pas réussi à éliminer totalement la distorsion des prix agricoles intérieurs par rapport aux cours internationaux. L’absence d’informations sur les marchés des pays de la région, l’insuffisance et l’inefficience des infrastructures de stockage et de transport, les subventions agricoles existant dans les pays développés et la lourdeur des charges financières sont les raisons pour lesquelles les prix à la production ont très souvent été inférieurs aux prix internationaux de référence.

7. De même, les tentatives faites pour attribuer un plus grand rôle au secteur privé et aux mécanismes du marché dans le secteur de l’agriculture en supprimant les lignes spéciales de crédit ouvertes pour ce dernier et en éliminant le subventionnement des taux d’intérêt, l’effacement du rôle de l’État dans la commercialisation des produits de l’agriculture et de l’élevage, ainsi que la décentralisation plus poussée des mesures de soutien, désormais orientées vers des projets locaux d’infrastructure et la prestation de services aux petits agriculteurs, avec la participation active d’ONG et d’organisations de producteurs, ont créé des vides institutionnels pour autant où la mise en place de ces nouvelles politiques n’a pas été de pair avec le développement de nouvelles institutions où le rôle des différents acteurs sociaux aurait pu s’affirmer.

8. Relégation des politiques sociales au second plan. Ces maigres résultats sont imputables en partie à une sous-estimation de la nécessité d’accompagner les réformes économiques d’une politique sociale capable de constituer le socle sur lequel les divers membres de la collectivité auraient pu s’adapter aux nouvelles conditions qui découlaient de ces réformes économiques. Comme on ne cesse de le réitérer de nos jours, il reste à mettre en place des structures axées sur la réduction des inégalités sociales et régionales ainsi que sur l’abaissement des coûts de transaction dans le secteur rural. À cette fin, il est indispensable de favoriser la création de liens qui permettent une réorganisation économique et, plus particulièrement, une multiplication des modalités contractuelles et associatives. À son tour, cette reconnaissance de la pluralité des liens contractuels doit s’accompagner d’un cadre juridique qui la garantisse et la favorise.

9. Importance de l’équité. Dans les réunions ministérielles comme dans les rencontres au sommet, on s’accorde de plus en plus à reconnaître la nécessité de réorienter les modèles de développement de la région en les axant essentiellement sur l’équité, en d’autres termes, sur la réduction des inégalités sociales dans leurs multiples manifestations. Cet effort s’impose d’autant plus que la région souffre dans son ensemble de la pire distribution du revenu dans le monde. Depuis les années 1970 jusqu’aux années 1990, la disparité des revenus en Amérique latine et dans les Caraïbes a été de 10 points supérieure à celle de l’Asie, de 17,5 points à celle des 30 pays de l’OCDE et de 20,4 points à celle de l’Europe orientale.2 Dans notre région, le décile le plus riche de la population absorbe 48 pour cent du revenu total, tandis que le décile le plus pauvre n’en perçoit que 1,6 pour cent.3 Les inégalités, en ce qui concerne l’accès tant aux moyens de production en général qu’au revenu en particulier, expliquent pour une large part la persistance de l’insécurité alimentaire et du sous-développement dans les zones rurales. L’augmentation du nombre de personnes qui ont faim correspond non pas à la faiblesse de la production vivrière, mais à l’inégalité de la distribution des ressources et du revenu.

10. Obstacles à l’investissement rural. Au cours de la Conférence sur le financement du développement tenue à Monterrey (2000), on a identifié cinq catégories d’obstacles qui compromettent la réalisation et les résultats des investissements ruraux:

11. Déficiences au niveau de l’exécution par les instances nationales. Parmi ces principales déficiences, on peut relever un excès de centralisme, la politisation, la bureaucratie et l’absence de transparence.

12. La « valeur ajoutée » conférée par les organismes multilatéraux. L’absence de systèmes adéquats de suivi et d’évaluation est l’une des principales raisons du peu d’impact des projets de développement rural. Parmi les autres raisons, on peut citer: la faible participation des bénéficiaires, la centralisation des opérations et l’excès de bureaucratie lors de la conception de ces projets et de la prise de décisions. Pendant la Conférence de Monterrey, déjà mentionnée, on s’est accordé à reconnaître qu’il devrait y avoir moyen d’améliorer l’exécution de ces projets et de démontrer leur impact réel, faute de quoi, les flux de financement des donateurs s’arrêteraient. En outre, l’efficacité des organismes multilatéraux en ce qui concerne la gestion des ressources affectées à ces projets est généralement critiquée, car on ne parvient pas à en identifier clairement les incidences. La question fondamentale est donc la suivante: Quelle est « la valeur ajoutée » attribuable à l’intermédiation de ces institutions et à leur exécution des projets de développement rural?

13. L’équilibre entre l’offre des experts et la demande des bénéficiaires. Compte tenu de ce qui précède, la révision et la réévaluation de ces projets ainsi que des facteurs clés dont dépend leur succès ont permis de délimiter la portée et le rôle de ces activités dans le contexte du développement rural. On s’accorde généralement à reconnaître que le facteur le plus important de leur réussite est l’équilibre entre l’offre des concepteurs du projet et la demande des bénéficiaires. Les projets de développement sont traditionnellement orientés vers les pauvres, mais dans une optique technocratique et réductionniste, où ce sont les experts qui les conçoivent, qui en définissent les buts et objectifs, qui les mettent en œuvre et qui en évaluent les résultats pour le compte des investisseurs et de l’État.

14. Les critères d’évaluation. Les critères qui servent à mesurer la réalisation des objectifs d’un projet sont fondés sur l’achèvement des activités prévues, sur le montant des fonds engagés et décaissés pour atteindre les buts fixés et sur les délais prédéfinis lors de sa conception. On n’évalue pas suffisamment ni de manière adéquate l’impact du projet au fur et à mesure de son exécution de manière à pouvoir l’ajuster « en cours de route ». De leur côté, les évaluations a posteriori exigent un large accord sur les approches adoptées afin de permettre des analyses comparatives des programmes à l’intérieur d’un même pays et d’un pays à l’autre de la région. Enfin, un élément capital de l’évaluation des incidences d’un projet de développement rural est l’opinion dûment enregistrée et statistiquement significative des personnes mêmes auxquelles s’adresse le projet.4

III. Les éléments du nouveau paradigme de développement

15. Le développement intégré. Si l’on veut que la croissance économique soit plus stable, plus dynamique et plus compétitive, il faut également faire en sorte que le développement soit plus intégré sur le plan social, et qu’il soit durable sur le plan de l’environnement. Lorsque l’on se fixe comme objectif de développement l’instauration d’une société plus équitable, on met au premier plan l’exercice effectif des droits économiques, sociaux et culturels qui correspondent aux valeurs d’égalité, de solidarité et de non-discrimination, ce qui démontre l’universalité de cet ensemble de droits, son indivisibilité et son interdépendance avec les droits civils et politiques.

16. Les citoyens en tant que bénéficiaires et acteurs du développement. La quête d’une plus grande équité exige des efforts pour créer un tissu social qui soit plus intégrateur, qui puisse donner naissance à des systèmes de protection, promouvoir l’égalité des chances et favoriser la qualité de vie dans les domaines jugés importants par la société même, afin que tous les citoyens puissent être des acteurs et des bénéficiaires du développement. Il s’agit d’un objectif plus large que celui de la phase de stabilisation microéconomique et de libéralisation des économies, et les priorités sont différentes, mais cela suppose de toute manière le maintien des résultats positifs de ces deux processus.

17. Une approche centrée sur les êtres humains. On admet de nos jours qu’il est impossible d’atteindre l’objectif du développement sans la participation des bénéficiaires. En d’autres termes, les familles pauvres doivent commencer par être des sujets, et non des objets, de leur propre développement – ce qui n’a rien de nouveau pour ceux qui connaissent les thèses du penseur brésilien Paulo Freire. La différence aujourd’hui, c’est qu’il existe des études qui démontrent non seulement la justesse de ses idées, mais également le fait qu’elles sont payantes sur le plan économique. Il est donc légitime de parler de « donner le pouvoir » aux communautés et aux collectivités locales afin de faciliter une utilisation flexible des ressources et de leur permettre de participer aux décisions qui touchent à leur vie. Lorsque l’on parle de « donner le pouvoir » aux pauvres, on entend par là l’élargissement de leur accès aux moyens de production et le renforcement de leurs capacités, afin de leur donner les moyens de négocier avec les institutions publiques et privées qui influent sur leur vie et de prendre en main leur sort. Cette responsabilisation exige un engagement politique, une bonne conception des projets et de bonnes capacités d’exécution.

18. Les facteurs décisifs de la participation. Il existe six facteurs décisifs qui influent sur cette responsabilisation : (i) une décentralisation des pouvoirs et des ressources; (ii) une participation réelle des personnes les plus nécessiteuses; (iii) la garantie d’un flux d’information dans les deux sens grâce à des activités adéquates de communication; (iv) un cofinancement des communautés et des organisations intéressées, afin d’assurer la participation de la population et l’appropriation des initiatives au niveau local; (v) l’accès à une assistance technique et à des activités de formation à l’issue de négociations où les bénéficiaires des projets auront le droit de définir et de qualifier la nature et la qualité de ce type de service; (vi) le développement de marchés à l’intention des populations pauvres, y compris l’organisation et l’insertion de ces marchés dans des structures qui permettront aux populations pauvres d’accéder aux marchés nationaux et même internationaux.

19. Un changement de culture. Il importe donc de promouvoir une culture du développement qui soit distincte, qui vise à dégager de bonnes pratiques au fur et à mesure de la mise en œuvre des projets – une culture du développement qui s’articulera autour de l’apprentissage continu, de l’innovation et de l’amélioration de l’exécution des projets par tous les intervenants – depuis les bénéficiaires jusqu’aux gouvernements. On pourra ainsi atteindre un stade où les capacités institutionnelles seront renforcées à un point tel que les projets deviendront des outils d’apprentissage qui permettront de tirer des enseignements des pratiques suivies et de leur impact quotidien. On pourra ainsi modifier à bon escient certains aspects fonctionnels, normatifs, juridiques et instrumentaux de telle ou telle politique aux niveaux local, national et régional. Cette culture de l’apprentissage exige:

20. Le projet de développement rural: un outil essentiel des politiques nationales. Dans ce contexte, on reconnaît la nécessité de réorienter ce type de projet pour en faire un outil essentiel au service du développement. À cette fin, il faudra mettre l’accent sur la conception et la formulation de politiques et de stratégies qui viseront à l’obtention de résultats durables en matière de développement humain et de croissance économique du secteur rural, qui seront élaborées démocratiquement, avec la participation de la population, et qui s’inséreront dans le cadre d’une distribution équitable des richesses.

IV. Recommandations et enseignements tirés des projets de la FAO

21. Après avoir réfléchi aux incidences des récentes expériences entreprises sur le terrain dans des pays Membres, la FAO a dégagé sept domaines de recommandations destinées à améliorer et à renforcer l’exécution et le succès des projets de développement rural dans la région.

A. Le projet comme espace d’apprentissage: l’unité de gestion du fonds créé pour le Programme d’accès à la terre (« le programme PACTA » – Programa de acceso a la tierra), Honduras

22. Le projet en tant qu’instrument d’apprentissage. Dans certaines situations particulières, lorsque les idées et les propositions formulées en vue du changement sont importées sans avoir été mises à l’essai – pour ne rien dire de leur validation –, les gouvernements courent un très grand risque s’ils s’engagent à faire de gros investissements ou à contracter des prêts. Cela étant, une phase d’essais et d’expérimentation s’impose au préalable. C’est alors que les gouvernements ont intérêt à collaborer avec la FAO pour évaluer les résultats de cette phase expérimentale au moyen de systèmes de suivi et d’évaluation, puis pour modifier sur cette base les modalités d’exécution du projet « en cours de route », en tirant profit des enseignements tirés.

23. Le projet PACTA est né en réponse aux demandes des paysans du Honduras qui faisaient pression pour avoir accès à la terre. Le gouvernement hondurien a négocié avec la Banque mondiale le financement d’un projet qui avait pour objectif la mise sur pied d’un marché foncier au niveau national – un marché financé par une banque privée, mais avec l’aval de l’État. Le gouvernement cherchait à promouvoir le jeu des mécanismes du marché pour permettre à des petits paysans pauvres ou à des paysans sans terre de faire des acquisitions foncières dans le cadre d’une stratégie de développement rural. Ainsi, ce projet s’est inscrit dans un programme gouvernemental destiné à favoriser le développement du secteur rural du pays. Son but était la création d’un marché foncier au service des très petits propriétaires agricoles et des paysans sans terre afin de leur permettre d’implanter des exploitations productives sur les terres ainsi acquises. Pour réaliser ce projet, il était prévu de former une équipe de spécialistes qualifiés et de mettre en place des structures institutionnelles au niveau de la banque privée, des entreprises prestataires de services techniques, des familles paysannes et des organismes gouvernementaux.

24. Le Secrétariat d’État aux finances, le Secrétariat d’État à l’agriculture et l’Institut national de la réforme agraire ont participé à la définition de ce projet. Une équipe de la Banque mondiale et des membres du personnel des Bureaux de la FAO à Tegucigalpa, à Santiago et à Rome ont également collaboré à cette tâche.

25. Le projet ainsi proposé était – et est – une initiative délicate compte tenu du contexte hondurien, où les organisations paysannes sont traditionnellement puissantes et avec lesquelles il est évidemment nécessaire de négocier. Le rôle de la FAO a consisté à offrir un cadre neutre et technique pour faciliter ces négociations qu’il a fallu conduire sur divers plans et avec différents acteurs sociaux. Il importait en outre d’expérimenter le projet sur le terrain, de trouver des méthodes pratiques et également, d’identifier et de systématiser les règles et les leçons tirées de ces essais afin de les incorporer dans une politique nationale déjà validée sur le terrain et ayant donc de plus grandes chances de succès lors de sa mise en œuvre à l’échelle du pays.

B. Le projet en tant que processus de validation: le Projet « Développement forestier paysan » (le « Projet DFC » – Desarollo Forestal Campesino), Équateur

26. Le processus de validation des changements proposés. Les gouvernements sont très souvent soumis à des pressions afin d’adopter des changements, parfois radicaux, dont les conséquences sont généralement inconnues et pour lesquelles il n’existe pas d’expériences préalables significatives. Divers pays ont dû payer un coût très élevé pour avoir introduit ces changements à l’échelle nationale et ce, non seulement en raison de la nature intrinsèque de ces réformes, mais également, pour les avoir imposées à un rythme inadéquat. À cet égard, grâce au fonds très riche de méthodes et de directives pratiques dont elle dispose, la FAO peut jouer un rôle en facilitant la réalisation de projets à une échelle suffisamment grande pour répondre aux besoins nationaux.

27. Le projet « Développement forestier paysan » est en cours d’exécution dans les Andes équatoriennes depuis octobre 1993, avec la participation directe de la FAO et de l’IFAN (l’institut national équatorien des forêts, des aires naturelles et de la vie sylvestre). Son financement est assuré par le gouvernement néerlandais. Il a pour principal objectif de contribuer à améliorer la qualité de vie des communautés rurales grâce au développement forestier communautaire.

28. Outre les progrès quantitatifs enregistrés dans le secteur forestier, on a identifié à ce jour d’importants effets de ce projet dans le domaine social et environnemental – lesquels ont eu à leur tour une influence positive sur d’autres domaines, par exemple, sur la vie économique, institutionnelle et culturelle ainsi que sur la gestion communautaire, mais surtout sur l’aspect humain. Comme ce sont ces aspects techniques, environnementaux, économiques, culturels et humains qui déterminent la qualité de vie des paysans des hautes terres, ce projet a transcendé son objectif initial, à savoir, le développement forestier, car il a concouru de manière non négligeable à l’amélioration des conditions de vie de plusieurs communautés participantes.

29. Depuis 1994, on est parvenu à tirer systématiquement parti des leçons tirées de l’aménagement des pépinières et des vergers agroforestiers communaux, ainsi que du développement de diverses petites industries à base de produits secondaires (champignons, herbes médicinales, corbeilles de vannerie, truites, câpres, etc.) qui ont contribué à améliorer le revenu des familles. D’autre part, on a réussi à tenir l’engagement pris par les experts d’accompagner en permanence les communautés, en se pliant à leurs exigences et à leurs horaires de travail. On a pu ainsi créer un corps de spécialistes qui agissent sur le terrain en étant pleinement acceptés et qui jouissent d’une grande crédibilité technique ainsi que de l’appui indiscutable des communautés rurales.

30. Les succès enregistrés à ce jour sont dus à une gestion caractérisée par sa transparence, son efficience et son efficacité. Au cours de ces deux dernières années, le projet a eu une portée considérable, particulièrement en ce qui concerne la formation du personnel qui lui était affecté sur le terrain, la validation des propositions sociales et techniques, les alliances interinstitutionnelles et la définition d’autres options économiques pour tirer profit des ressources forestières.

C. Le projet comme moyen de transposer les politiques à très grande échelle: le Programme national d’agriculture familiale (le « Programme PRONAF » – Programa Nacional da Fortalecimento da Agricultura Familiar), Brésil

31. Une fois validées les approches, les techniques, les méthodes et les stratégies d’un projet, la FAO est également à même de collaborer en vue de sa transposition à très grande échelle. Selon la taille et la structure du pays, cette transposition peut s’effectuer sous diverses formes, du niveau local au niveau régional et/ou au niveau de l’État. Les éléments essentiels de ce processus sont d’une part, la mise en valeur des ressources humaines et d’autre part, le réaménagement des lois et des règlements, car ce que l’on recherche au fond, c’est de changer les comportements des hommes. Il s’ensuit que le processus d’apprentissage associé à cette transposition à très grande échelle doit avoir lieu sur le terrain avec les animateurs ruraux chargés de promouvoir le projet afin de leur faire adopter de nouvelles habitudes. Cet apprentissage doit être axé sur le côté pratique et viser à modifier leur culture ainsi que leur comportement. Dans l’idéal, il faudrait accompagner ces changements sur le terrain de changements opérés dans le domaine de l’éducation et de la formation (théorique et pratique), car la FAO envisage plutôt les problèmes sous l’angle pragmatique, en déterminant ce qui fonctionne et en soutenant l’application systématique des leçons tirées. À cet égard, la FAO est un partenaire qui cherche à savoir « comment faire pour s’y prendre mieux ».

32. Dans les premières années 1990, le gouvernement brésilien a invité la FAO à évaluer son programme d’attribution de terres à des petits exploitants – ce qui correspondait à la seconde phase de la réforme agraire amorcée au milieu de la décennie 1980-1990. Cette évaluation portait sur une sélection de 44 exploitations nouvellement créées dans cinq régions du pays. Dix mois plus tard, les conclusions ont été présentées au gouvernement qui a rapidement publié un rapport.

33. Ces conclusions étaient étonnantes. Dans cette évaluation, on était parvenu à la conclusion que malgré les multiples problèmes posés par la conception et la mise en œuvre de ce projet, la réforme agraire avait eu des résultats économiques favorables. Il ressortait de cette étude que le revenu moyen des familles auxquelles des terres avaient été attribuées dans le cadre de la réforme agraire équivalait à 3,70 fois le salaire minimum, soit environ 280 dollars EU. En outre, cette étude démontrait que le revenu d’un ouvrier agricole qui travaillait dans ces nouveaux établissements était bien supérieur au salaire normal d’un journalier.

34. Dans les premières années 1990, les autorités ont lancé une série de nouvelles activités de coopération avec la FAO, entièrement financées par le gouvernement brésilien et qui prévoyaient la fourniture d’une assistance technique à l’INCRA (Instituto nacional de Colonizacão e Reforme Agraria). Il s’agissait dans un premier temps de tracer les nouvelles lignes directrices de la politique agraire en y intégrant le problème de l’accès à la terre et en prévoyant à cette fin un ensemble de mesures destinées à promouvoir et à renforcer l’agriculture familiale brésilienne. Le but recherché consistait à incorporer la redistribution des terres dans une politique de développement rural plus intégré. Il convenait donc de moderniser les dispositifs dont on disposait pour appliquer cette politique, car il fallait non seulement résoudre les problèmes posés par l’attribution des terres, mais également s’attaquer aux difficultés techniques à surmonter pour accroître la viabilité économique de l’agriculture familiale.

35. D’autre part, du fait de la politique agricole centralisée héritée du régime militaire des années 1950 et 1960, il était difficile d’élaborer une politique capable de répondre rapidement et efficacement aux besoins des petites exploitations familiales – qu’il s’agisse de celles qui avaient été créés dans le cadre de la réforme agraire ou des autres. De surcroît, l’INCRA, en tant qu’organisme public centralisé chargé de l’exécution du projet, s’était montré inefficace et n’avait pas associé les citoyens à la planification du projet ni à la prise de décisions.

36. Ces difficultés fondamentales ont fixé le scénario de l’action entreprise par le gouvernement pour appuyer l’agriculture familiale grâce à de nouveaux dispositifs décentralisés.

37. Avant de prendre des mesures concrètes au sujet de cette proposition, le gouvernement a amorcé un long processus de consultations publiques dans tout le pays. La FAO et l’INCRA ont organisé pendant une période de six mois une série de séminaires à laquelle participèrent 5 000 représentants de mouvements sociaux, d’universités, d’ONG, d’instituts de recherche, de gouvernements régionaux de la République brésilienne et de municipalités. Les débats ont permis de modifier divers points de la proposition et d’en incorporer de nouveaux qui n’avaient pas été examinés. La proposition finale présentait diverses options pour les modifications à apporter à la politique agricole et identifiait certaines améliorations institutionnelles possibles.

38. Le gouvernement fédéral a adopté plusieurs des propositions présentées en 1995. Parmi les plus importantes, il convient de relever: (i) la création du programme PRONAF un programme de crédit intégré pour les familles de petits propriétaires ruraux); (ii) un nouveau système de vulgarisation agricole capable de répondre aux besoins d’un grand nombre de petits propriétaires ruraux (projet LUMIAR); (iii) la création de nouveaux dispositifs pour l’accès à la terre. La réforme agraire ne devait plus dépendre exclusivement de la confiscation des terres improductives, mais il était prévu que les familles pourraient dorénavant acquérir plus de terres productives en hypothéquant celles qu’elles avaient déjà été acquises ou en les louant à des conditions favorables (projet SOF); (iv) la décentralisation, au bénéfice des gouvernements régionaux de la République brésilienne et des collectivités locales, de certains pouvoirs du gouvernement central concernant le développement des infrastructures dans les nouveaux établissements agricoles; (v) l’amélioration de la transparence ainsi que de la fiabilité financière et politique des institutions en faveur des bénéficiaires de la réforme agraire (projet PROCERA); (vi) la création, au niveau des municipalités et de l’État, de conseils de développement rural où la Confédération des travailleurs agricoles (CONTAG), entre autres, a été invitée à participer à la prise de décisions.

39. Lors du changement de gouvernement intervenu en janvier 2003, les objectifs généraux de la FAO relatifs à la lutte contre la faim ont clairement trouvé un écho politique. Dans ce contexte, la FAO a signé trois Projets de coopération technique, en appuyant tant les activités du Ministère extraordinaire pour la sécurité alimentaire et la lutte contre la faim que la structuration du principal programme de lutte contre la faim, le Programme « Faim zéro » (Fome Zero). Ce programme complexe comprend un ensemble de mesures appliquées par le canal de divers ministères à trois niveaux (gouvernement fédéral, gouvernements des États de la République du Brésil, municipalités), ainsi que par le biais de la société civile. Au nombre des actions clés conduites au titre de ce programme figure notamment l’unification des programmes de transfert de ressources au bénéfice des personnes les plus nécessiteuses. On peut citer notamment les exemples suivants: (a) La bourse d’étude pour la scolarisation des enfants, l’aide financière alimentaire (la « bourse alimentaire ») et la carte d’alimentation; (b) le Programme de transfert des ressources pour « la bourse alimentaire »: en liaison avec le Ministère de la santé, il est désormais administré par le biais de la carte d’alimentation; (c) le « Programme d’alimentation du travailleur » (PAT): il est élargi en liaison avec le Ministère du travail et des finances ; (d) Les actions en rapport avec les banques alimentaires et les restaurants populaires: elles sont en train d’être coordonnées avec le Ministère de la ville; (e) les activités d’alphabétisation: elles sont mises en œuvre dans les municipalités en collaboration avec le Ministère de l’éducation et la distribution de la carte d’alimentation s’insère dans leur cadre.

40. En outre, le Ministère du développement agraire et le Secrétariat d’État à l’agriculture familiale ont élargi le champ d’action du PRONAF. Le budget de ce programme a augmenté pour atteindre 5,4 milliards de réaux, sa mise en œuvre n’est plus bureaucratique, et de nouvelles lignes de crédit ont été ouvertes pour divers domaines d’activité , par exemple, pour le Programme PRONAF-Aliments , mis en œuvre en liaison avec la CONAB, la compagnie nationale du ravitaillement (Companhia Nacional de Abastecimento), afin de répondre aux besoins du Programme Faim zéro; pour le Programme PRONAF- Zones semi-arides afin d’améliorer la situation dans le Nord-Est brésilien; pour le Programme PRONAF-Femmes afin d’intégrer la question de la disparité entre les sexes dans le développement rural et pour le Programme PRONAF-Jeunes ruraux. D’autres lignes de crédit ont également été ouvertes pour la pêche, les zones de montagnes, l’agroécologie, l’élevage familial, le tourisme rural ainsi que pour l’achat de machines et d’équipements. Parallèlement, le gouvernement brésilien et la FAO ont signé un accord relatif à un projet financé sur un fonds fiduciaire unilatéral d’un montant de 5 800 000 dollars EU afin d’améliorer la qualité de ces activités, d’en assurer le suivi technique au fur et à mesure de leur réalisation et d’évaluer les résultats obtenus dans le cadre du Programme « Faim zéro ».

41. Qu’est-ce qui a incité les législateurs à décider de lancer les actions recommandées? Premièrement, le message était en lui-même dramatique et sans équivoque. En outre, les recommandations étaient fondées sur des preuves scientifiques solides qui démontraient de manière convaincante qu’en dépit de toutes les contraintes auxquelles étaient soumises les exploitations familiales, celles-ci savaient mieux mettre en valeur les terres que les gros propriétaires fonciers.

42. Deuxièmement, ces recommandations venaient en temps voulu sur le plan politique, car le gouvernement qui venait d’accéder au pouvoir s’était déjà engagé à réformer le secteur agricole, en accordant une attention particulière aux petits propriétaires et aux paysans sans terre.

43. Troisièmement, en ce qui concerne le problème posé par la concentration des terres, les tentatives faites précédemment pour le résoudre n’avaient pas réussi, tandis que le coût de ces échecs politiques ne cessait de s’alourdir avec chaque changement de gouvernement. Comme ces mouvements sociaux avaient accès aux informations voulues sur ce sujet, il était plus difficile pour le gouvernement d’ignorer ces recommandations.

44. Quatrièmement, les larges consultations qui avaient eu lieu avant la mise au point des recommandations répondaient à deux objectifs capitaux. D’une part, elles avaient fourni les preuves sur lesquelles se fondaient les recommandations qui avaient été porté à la connaissance de tous les principaux acteurs du secteur agricole brésilien, et d’autre part, elles avaient servi à modifier le libellé de ces recommandations sur les politiques à suivre afin de les rendre socialement acceptables par tous. En ce sens, elles avaient acquis un poids politique considérable lorsqu’elles furent présentées au gouvernement.

45. Enfin, la FAO a joué un rôle important, non seulement parce qu’elle a enrichi les débats de ses connaissances et de son expérience concrète des problèmes techniques à l’étude, mais également parce que ce sujet très polémique exigeait la participation d’une organisation politiquement neutre telle que l’est une institution des Nations Unies.

D. Le projet de développement rural, une occasion de coopérer pour les activités de suivi et d’évaluation: le projet Alliance pour la campagne, (Alicante para el campo), Mexique

46. Il est à noter dans ce contexte que les activités de suivi et d’évaluation ne reçoivent pas habituellement toute l’attention voulue. Pour que cela change au cours de la mise en œuvre du projet, surtout lorsque ses objectifs et ses retombées sont controversés, on peut faire appel à la FAO qui est une entité neutre, capable de garantir un contrôle de la qualité et donc, des mécanismes de rétroinformation. Elle offre ainsi aux autorités nationales l’occasion de réfléchir sur les programmes en cours sans céder à une trop grande politisation. À cet égard, la FAO s’efforce de rechercher les approches à adopter pour soutenir les stratégies nationales de manière que le processus de renforcement des institutions se prolonge au-delà de la durée du mandat de tel ou tel gouvernement ou de telle ou telle coalition gouvernementale.

47. En octobre 1993, la Présidence de la République a approuvé le projet « Alliance pour la campagne » destiné à réactiver l’agriculture mexicaine. Grâce à ce projet, le gouvernement mexicain s’efforce d’augmenter le revenu rural et de favoriser la capitalisation ainsi que la modernisation du secteur agricole. Sa mise en œuvre s’inscrit dans le cadre d’une politique de décentralisation – ce qui a exigé une articulation et une collaboration étroites des organismes publics dépendant du gouvernement fédéral avec les gouvernements des entités constitutives de la République fédérale du Mexique.

48. Le gouvernement fédéral s’était préalablement engagé à procéder à des évaluations de ce projet, dans le cadre de la stratégie retenue pour son exécution, afin d’analyser objectivement son déroulement, les caractéristiques que revêtaient dans la pratique sa conception, sa planification, ses opérations et son suivi, ainsi que l’efficacité et l’efficience de sa mise en œuvre. En outre, il s’agissait d’évaluer les incidences du projet sur la production et la productivité du secteur agricole, sur le revenu des exploitants, sur la création d’emplois, sur l’amélioration de l’utilisation des ressources naturelles et sur d’autres objectifs de développement. Ces évaluations ont permis d’enregistrer les retombées du projet, d’identifier ses points forts et ses points faibles, et de suggérer des mesures correctives pour son exécution, en appuyant ainsi le processus de planification et de programmation. À cette fin, le gouvernement a demandé l’appui technique de la FAO afin de conduire les évaluations annuelles du projet. La première évaluation, financée sur un fonds fiduciaire unilatéral (UTF/MEX/045/MEX), a porté sur les activités de 1998 et de 1999. Des évaluations ont été conduites pour les périodes ultérieures grâce à d’autres fonds fiduciaires unilatéraux.

49. Ces évaluations se sont traduites par des recommandations concrètes en vue d’améliorer la conception et l’exécution des activités réalisées au titre du projet « Alliance pour la campagne » et de renforcer ainsi leur impact.

E. Le projet de développement rural, un outil pour l’organisation et la gestion des informations sur l’agriculture: le système SISSAN d’information pour le suivi de la sécurité alimentaire et nutritionnelle (Sistema de información para el seguimiento de la seguridad alimentaria y nutricional), Nicaragua

50. Appui pour la collecte et la gestion de bases de données. L’un des rôles historiques de la FAO a consisté à collecter des informations sur le secteur de la sylviculture et sur la vie rurale. Cette fonction n’a pas perdu de son intérêt et la FAO continue encore aujourd’hui à accorder un appui aux États membres pour la conduite de leurs recensements agricoles, lesquels prennent en compte depuis quelques années le problème des disparités entre hommes et femmes. La FAO continue également à collaborer avec ses États membres afin de les aider à améliorer la gestion de leurs données nationales sur la sécurité alimentaire et, dans cette période de réchauffement de la planète, elle œuvre à la mise au point de systèmes d’alerte précoce concernant des phénomènes naturels tels que les sécheresses, les inondations, les incendies de forêts et les ouragans. Le suivi de l’impact de ces phénomènes sur les économies rurales est spécialement important.

51. Le gouvernement nicaraguayen s’est engagé à mettre au point un système national de suivi de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Il bénéficie à cette fin de l’appui de la FAO afin de conférer dans la pratique un caractère interdisciplinaire et intersectoriel à ce système, en y intégrant les différents domaines de la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans le cadre de l’initiative relative aux systèmes de surveillance alimentaire et nutritionnelle (les « systèmes SICIAV »).

52. Cinq objectifs particuliers ont été identifiés: a) renforcer la coordination du système SISSAN d’information afin d’en améliorer la qualité et la pertinence; b) faciliter la production et la diffusion des informations afin d’augmenter le nombre de leurs utilisateurs; c) accorder un appui pour renforcer le cadre institutionnel en vue de l’organisation du système aux niveaux central et départemental, en y intégrant des renseignements sur la disponibilité des données, leur accès, leur exploitation à des fins biologiques et les groupes vulnérables; d) assurer l’intégration du système aux réseaux internationaux de suivi de la sécurité alimentaire et nutritionnelle; e) assurer la durabilité du système en dispensant au personnel une formation adéquate tant au niveau central qu’au niveau départemental.

53. Ce projet est encore en cours d’exécution, mais la conception et le développement du système SISSAN ont déjà donné à ce jour quelques résultats qui laissent prévoir les bases de sa configuration et de son fonctionnement. On peut mentionner entre autres les acquis suivants: a)on a sensibilisé les principaux organismes publics et privés participants aux problèmes de la sécurité alimentaire et ils se sont engagés à les résoudre; b) on a proposé une série importante d’indicateurs pour la plupart des facteurs de la sécurité alimentaire – ce qui permettra de procéder concrètement et à brève échéance à l’entrée, à l’analyse et à la diffusion des données; c) on s’est assuré la participation de groupes de travail multidisciplinaires, composés de délégués des ministères participants et qui se sont engagés à donner corps au système SISSAN—ce qui permettra de diminuer l’insécurité alimentaire au sein de la population nicaraguayenne; d) il existe une demande de formation et on a identifié les ressources voulues pour mettre plus efficacement en œuvre les composantes du projet et/ou des programmes qui amélioreront la qualité des indicateurs du système SISSAN; e) on a rallié à cette initiative de nouveaux fournisseurs d’informations et de nouveaux utilisateurs du système SISSAN: universités, ONG, institutions de coopération technique et organismes techniques; en outre, la conception évolutive du système permettra aux utilisateurs potentiels du système d’avoir accès à ses avantages à chaque moment où ils le voudront; f) on dispose d’experts qualifiés ayant pour mission de former des responsables désignés par chaque ministère pour l’utilisation du système; g) on a déjà élaboré les matériels de diffusion.

F. Le projet de développement rural en tant qu’outil de formation des décideurs et des experts: le projet FODEPAL pour la formation en économie et politiques agricoles en Amérique latine

54. Transfert des connaissances de la FAO aux populations locales. Sur la base des multiples enseignements tirés de ses activités sur le terrain, la FAO recherche des moyens de tirer parti de ses expériences pour en faire profiter tant les pays membres que les populations locales. Dans ce contexte, l’Organisation mène son action sous diverses formes – l’option la plus importante dans cette région étant cependant le projet FODEPAL grâce auquel elle expérimente un programme de téléenseignement en étroite collaboration avec des universitaires et des universités de la région. Ce projet s’adresse principalement aux responsables de l’exécution de programmes de développement, aux dirigeants ruraux et aux décideurs.

55. Les décideurs chargés de la définition des politiques et de l’orientation des priorités nationales ont rarement le temps d’actualiser leurs connaissances sur les thèmes de débat et les tendances qui peuvent influer sur les domaines suivants: négociations commerciales avec d’autres pays; investissements avec des banques multilatérales, lignes de conduite des donateurs en matière d’assistance et de plus en plus souvent, négociations à l’échelon national avec des pouvoirs publics et des centres de décision décentralisés. La FAO reconnaît que ces hauts responsables ont besoin de s’informer et de mettre à jour leurs connaissances sur les débats qui touchent au développement rural, mais sans pour autant avoir à se dégager de leurs obligations et de leurs tâches quotidiennes.

G. Le projet de développement rural en tant que mécanisme intégrateur des enseignements tirés: le Programme national pour la sécurité alimentaire (PSSA). Divers pays d’Amérique latine

56. La FAO centre systématiquement ses efforts sur le thème de l’insécurité alimentaire à l’échelle mondiale. Il est notoire de nos jours que l’on dispose d’ores et déjà des connaissances et des ressources voulues pour éliminer ce fléau de la surface de la terre, mais il reste à savoir s’il existe une volonté politique en ce sens. On comprend également qu’il s’agit là d’une question de souveraineté nationale. Rares sont les pays qui ont besoin d’une aide humanitaire extérieure pour venir à bout de l’insécurité alimentaire lorsque leur population en est victime, mais quand tel est le cas, c’est en raison de la faiblesse de leurs institutions internes. Dans ce contexte, la FAO s’est fixé comme objectif prioritaire de mobiliser ses ressources à l’appui des pays qui ont élaboré une stratégie nationale pour assurer la sécurité alimentaire à toute leur population. Pour le Brésil et le Mexique, entre autres pays, il s’agit d’une priorité nationale et d’un programme-phare placé sous l’égide de leur Président respectif, tandis que la FAO s’est engagée à mobiliser tous ses efforts et toutes ses connaissances pour aider ces pays dans l’optique décrite ci-dessus.

57. La FAO a offert de s’associer aux gouvernements en vue de la réadaptation de leurs actions en faveur du monde rural et plus précisément, de la redéfinition de leurs projets de développement rural. À cette fin, la FAO recourt essentiellement à l’analyse des contraintes qui entravent l’exécution de ces projets en oeuvrant à l’intérieur d’un cadre de travail qui englobe tous les éléments du Programme spécial pour la sécurité alimentaire (PSSA). Selon l’approche méthodologique dont s’inspire ce cadre, il convient d’identifier les problèmes socio-économiques que les familles rurales doivent affronter pour atteindre l’objectif de la sécurité alimentaire, puis de les aborder par le biais d’un PSSA, en organisant un cycle d’essais sur le terrain et en procédant à des réaménagements du projet. Au fur et à mesure que l’on acquiert de l’expérience, on élargit progressivement son champ d’action pour couvrir une plus grande zone et pour élargir la gamme de ses composantes. Les PSSA sont axés sur la création des intrants et sur l’organisation des expériences nécessaires à la définition d’une politique ou d’un programme d’investissement destinés à assurer la sécurité alimentaire et le développement rural. Dans notre région, des PSSA sont actuellement en cours d’exécution en Amérique centrale, au Mexique, au Venezuela ainsi qu’en Équateur et on a commencé à en mettre en œuvre au Brésil et dans les Antilles britanniques.

58. Sur le tableau ci-après où figure un petit échantillon de projets de développement rural, nous résumons le rôle joué par la FAO et son utilité pour les États membres du continent.

LES EXPÉRIENCES DE LA FAO

Ligne directrice du projet

Nature du projet

Exemple

Utilité pour l’État

Définition des politiques

Instrument d’apprentissage

PACTA
Honduras

Permettre d’évaluer les nouvelles politiques avant que leurs coûts ne soient trop élevés (sur le plan politique, économique, etc.)

Validation sur le terrain

Essais sur le terrain (choix d’une zone de démonstration comme « creuset »)

Projet forestier communautaire,
Équateur

Essayer sur le terrain les approches technologiques et méthodologiques du projet, identifier les contraintes et autres éléments clés pour sa transposition à très grande échelle

Adoption du projet en tant que politique nationale

Transposition à l’échelle nationale et recherche de consensus nationaux

PRONAGER
Brésil

Transposer le projet à très grande échelle sur le plan politique, méthodologique et pratique – faire accepter son optique et son exécution à l’échelle nationale

Suivi
(audit technique)

Suivi, systématisation et évaluation

Projet
 « Alliance pour la campagne » Mexique

Assurer un suivi et une supervision de l’exécution des programmes de développement rural selon des critères internationaux

Base de données

Collecte et gestion des informations

SISIAV
Nicaragua

Générer des informations au moyen de systèmes de collecte de données au service des décideurs

Activités d’information et d’éducation

Tirer parti de l’expérience acquise grâce aux bases de données et aux enseignements tirés du projet en organisant des activités de formation

FODEPAL
projet régional

Organiser au niveau national et sur le terrain les informations générées par les projets afin d’en tirer des enseignements au bénéfice des décideurs, des experts, des intervenants et des éducateurs.

Synthèse

Intégrer les centres d’intérêt du projet dans une stratégie nationale de sécurité alimentaire

PSSA

Structurer systématiquement les intrants pour une stratégie nationale de sécurité alimentaire spécialement axée sur le secteur rural

___________________________

1 Pizarro, R. (2001) La vulnerabilidad social y sus desafios: una mirada deste América Latina. Serie estudios estadisticos y prospectivos (6). CEPAL.

2 Mesurée selon l’indice de Gini.

3 Perry, G., Ferreira, F. et Walton, M. (2003) Inequality in Latin America and the Caribbean: Breaking with History? Banque mondiale.

4 Binswanger, H. et Aiyar, S. (2003) « Scaling up Community-Driven Development: Theoretical Underpinnings and Program Desig Implications », Document de travail consacré à la recherche sur les politiques n°3039, Banque mondiale.