NERC/04/3


Vingt-Septième Conférence Régionale de la FAO pour le Proche-Orient

Doha (Qatar), 13 – 17 mars 2004

Suite donnée au Sommet Mondial de l’Alimentation et au Sommet Mondial de l’Alimentation: cinq ans après: Perspectives régionales

Table des matières


A. Aperçu général des tendances en matière de sécurité alimentaire dans la région du Proche-Orient

B. Principaux problèmes affectant la sécurité alimentaire dans la région du Proche-Orient

C. Perspectives d’accroissement de la sécurité alimentaire grâce à l’augmentation de la production vivrière


I. INTRODUCTION

1. Le présent document récapitule les principales mesures prises à l'échelle régionale et sous-régionale pour appliquer le Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation (SMA). Au moment de la prochaine conférence régionale, en 2006, tous les pays devraient être à mi-parcours par rapport à l'objectif du Sommet qui est de réduire de moitié, d'ici 2015, le nombre de personnes sous-alimentées. La Conférence Régionale de 2004 offre donc une excellente occasion de procéder à une évaluation collective des progrès accomplis à ce jour. Le présent document vise avant tout à souligner les besoins, les possibilités et les faiblesses propres à la région. Cet examen vise à faire le point sur les succès remportés et les difficultés rencontrées dans le cadre des programmes de lutte contre la faim en cours d'application afin d'en tirer des leçons, de susciter la motivation nécessaire et de solliciter des avis sur la voie à suivre à l'avenir.

2. La faim dans un monde d'abondance n'est pas seulement un scandale moral, elle représente aussi un problème à long terme d'un point de vue économique: en effet, les enfants dénutris ont des difficultés d'apprentissage (quand ils vont à l'école); les adultes sous-alimentés n'ont pas la force de travailler, tombent facilement malades et ont tendance à mourir jeunes. Le cycle de la faim se reproduit également lorsque des mères sous-alimentées donnent naissance à des bébés trop maigres, dont le potentiel mental et physique est déjà compromis. La productivité des individus et la croissance de nations entières sont gravement menacées par la faim. Il est donc dans l'intérêt de tous les pays de l'éradiquer.

3. La lutte contre la faim chronique peut devenir rapidement efficace dans les pays en développement s'il y a une volonté politique. Pour cela, la double approche, qui allie la stimulation de la croissance agricole au niveau des petits agriculteurs à des programmes ciblés visant à assurer des approvisionnements adéquats aux personnes sous-alimentées n'ayant ni les capacités de produire leurs propres aliments, ni les moyens de se les procurer, est particulièrement adaptée. Ces démarches se renforcent mutuellement, car les programmes visant à améliorer l'accès direct et immédiat à la nourriture offrent de nouveaux débouchés pour une production accrue. Les pays qui ont suivi cette logique constatent déjà les avantages.

II. COMPARAISON DES RÉSULTATS RÉGIONAUX PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS DU SOMMET MONDIAL DE L'ALIMENTATION

4. Selon les dernières estimations mondiales, 798 millions de personnes souffraient de sous-alimentation en 1999-2001 dans les pays en développement, soit un recul de 19 millions seulement par rapport à 1990-1992, période de référence du SMA. Depuis le Sommet, le chiffre n'a donc diminué, en moyenne, que de 2,1 millions par an. Si l'on veut atteindre l'objectif du Sommet mondial de l'alimentation, il faut relever ce chiffre, très inférieur au niveau projeté, pour le porter à 26 millions de personnes par an, soit presque 12 fois le taux de réduction actuel.

5. Certains pays ont réussi à faire reculer la faim. La Chine, à elle seule, a réduit de 58 millions le nombre de personnes sous-alimentées depuis 1990-1992. L'Indonésie, le Viêt-Nam, la Thaïlande, le Ghana, le Brésil et le Pérou sont tous parvenus à sortir trois millions de personnes, voire davantage, des griffes de la faim, ce qui a contribué à compenser les 75 millions de personnes supplémentaires souffrant de sous-alimentation dans 57 pays où aucun progrès n'a été enregistré. Mis à part la Chine et les six pays mentionnés précédemment, le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde a augmenté de plus de 60 millions dans les pays en développement depuis la période de référence du SMA.

III. PERSPECTIVES MONDIALES EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

6. La consommation alimentaire1, mesurée en kilocalories par personne et par jour, est une variable clé que l'on utilise pour évaluer la situation alimentaire mondiale. De grands progrès ont été réalisés à l'échelle mondiale en ce qui concerne la consommation alimentaire par personne. Ainsi, la consommation alimentaire moyenne par personne devrait passer de 2 680 kcal en 1997/1999 à 2 850 kcal en 2015 et à près de 3 000 kcal d'ici 2030 (tableau 1). Cela signifie que, dans les pays en développement, la proportion de personnes sous-alimentées pourrait être ramenée de 776 millions en 1997/1999 à 610 millions en 2015 et à 440 millions en 2030.

Tableau 1: Consommation Alimentaire par Habitant (kcal/personne/jour)

1964/66

1974/76

1984/86

1997/99

2015

2030

Pays du monde

2 358

2 435

2 655

2 803

2 940

3 050

   Pays en développement

2 054

2 152

2 450

2 681

2 850

2 980

   Afrique subsaharienne

2 058

2 079

2 057

2 195

2 360

2 540

   Proche-Orient/Afrique du Nord

2 290

2 591

2 953

3 006

3 090

3 170

   Amérique latine et Caraïbes

2 393

2 546

2 689

2 824

2 980

3 140

   Asie du Sud

2 017

1 986

2 205

2 403

2 700

2 900

   Asie de l’Est

1 957

2 105

2 559

2 921

3 060

3 190

Pays industriels

2 947

3 065

3 206

3 380

3 440

3 500

Pays en transition

3 222

3 385

3 379

2 906

3 060

3 180

Notes:

1. Pays du monde, moins pays en transition

2 261

2 341

2 589

2 795

2 930

3 050

2. Pays en développement, moins la Chine

2 104

2 197

2 381

2 549

2 740

2 900

3. Asie de l’Est, moins la Chine

1 988

2 222

2 431

2 685

2 830

2 980

4. Afrique subsaharienne, moins le Nigeria

2 037

2 076

2 057

2 052

2 230

2 420


© FAO, Agriculture mondiale: Horizon 2015/2030, p. 30.

7. D'après la dernière évaluation démographique des Nations Unies, la population mondiale, qui s'élevait à 5,9 milliards en moyenne sur la période 1997/1999, devrait atteindre 7,2 milliards en 2015 et 8,3 milliards en 2030. Cette augmentation en nombre absolu correspond cependant à une baisse du taux de croissance de la population mondiale, qui a atteint le point culminant de 2,04 pour cent par an dans la seconde moitié des années 60 avant de fléchir à 1,35 pour cent par an dans la seconde moitié des années 90. Un nouveau ralentissement du taux de croissance ramènera ces chiffres à 1 pour cent en 2010-2015 et à 0,7 pour cent en 2025-2030. C'est dans les pays en développement que se produira la quasi-totalité de l'augmentation d'environ 70 millions d'habitants par an en moyenne, jusqu'en 2015.

8. Malgré la lenteur des progrès visant à réduire le nombre absolu de personnes souffrant de la faim, il ne faut pas minimiser l'amélioration considérable que traduisent les chiffres projetés. Un nombre croissant de personnes vivront dans des pays bénéficiant d'un niveau moyen a élevé de consommation alimentaire par personne. Ainsi, d'ici 2015, 81 pour cent de la population mondiale vivra dans des pays où cette consommation dépassera 2 700 kcal/personne/jour, soit une augmentation de 61 pour cent par rapport à aujourd'hui et de 33 pour cent par rapport au milieu des années 70. Quarante huit pour cent de la population mondiale en 2015 et 53 pour cent en 2030, soit 42 pour cent de plus qu'aujourd'hui, vivront dans des pays où la consommation alimentaire dépassera 3 000 kcal/personne/jour.

9. Le nombre de pays caractérisés par un taux élevé de sous-alimentation (plus de 25 pour cent de la population) rendant nécessaires des interventions au niveau international diminuera considérablement, passant de 35 en 1997/1999 à 22 en 2015 et à 5 seulement en 2030. Aucun d'entre eux ne figurera au nombre des pays les plus peuplés (plus de 100 millions d'habitants en 1997/1999). Leurs populations représenteront une proportion toujours décroissante du nombre total de personnes sous-alimentées, soit 72 millions sur 440 millions de personnes en 2030, contre 250 millions de personnes sur 776 millions en 1997/1999.

10. Il existe une forte corrélation entre la croissance économique et le recul de la faim bien que cela ne soit pas automatique. Mais l'on peut constater que les pays dont la croissance économique est nulle ou dont le PIB par habitant recule n'ont pas été en mesure de réduire le nombre de personnes souffrant de la faim et qu'ils ont même vu ce nombre augmenter. Plusieurs pays caractérisés par un faible niveau de consommation alimentaire et par une forte incidence de la sous-alimentation risquent de ne pas avoir un taux de croissance économique suffisant pour réduire la pauvreté de manière substantielle d'ici 2015.

11. D'après la dernière évaluation de la Banque mondiale pour la période 2000-2015, la croissance devrait être lente pendant les cinq premières années de la période de projection, puis être plus soutenue durant les 10 années suivantes (2005-2015); mesurée en PIB par habitant, elle devrait atteindre, en moyenne, 1,9 pour cent par an. Le taux de croissance devrait progresser dans toutes les régions et dans tous les groupes de pays (en particulier dans les pays en transition dont l'économie se redressera), à l'exception de l'Asie de l'Est.

12. Les hypothèses de croissance économique exogènes utilisées ici, associées à l'accroissement de la population, sont les principaux déterminants de la consommation alimentaire prévue, et donc également de l'incidence de la sous-alimentation.

IV. LA VOIE À SUIVRE

13. Quels sont les instruments et les mécanismes les plus efficaces pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement ?  Les paragraphes suivants décrivent brièvement quelques-unes des intentions les plus récentes de la FAO:

V. PERSPECTIVES POUR LA RÉGION DU
PROCHE-ORIENT

A. Aperçu Général des Tendances en Matière de Sécurité Alimentaire dans la région du Proche-Orient

14. La région du Proche-Orient est caractérisée par un climat aride et semi-aride, avec une pluviométrie faible et variable. Elle est constituée de pays à revenu faible ou intermédiaire, et comptait environ 663 millions d’habitants en 2001, dont 238 millions directement tributaires de l’agriculture – terme englobant la pêche et l’élevage. Compte tenu de la rareté relative des ressources en terres arables et en eau et, de ce fait, de l’écart entre la production alimentaire et la demande intérieure, la sécurité alimentaire pose des problèmes propres à la région. Afin de répondre aux besoins d’une population en croissance rapide, le Proche-Orient doit accroître ses importations de produits alimentaires. Par ailleurs, les revenus par habitant et la disponibilité de denrées varient sensiblement à l’intérieur de chaque pays et entre les pays de la région. Même si l’approvisionnement alimentaire est en général suffisant, la pauvreté et la malnutrition perdurent.

i. Augmentation du Déficit Vivrier au Proche-Orient

15. Comme l’indique le tableau 2, toutes les sous-régions du Proche-Orient connaîtront des déficits alimentaires relativement conséquents d’ici 2010, à l’exception de la Turquie qui bénéficie d’importantes ressources agricoles. En 2010, le déficit vivrier de la région devrait augmenter d’environ 54 pour cent par rapport à 1995, soit un taux de croissance annuelle de 2,9 pour cent. Il existe une grande variabilité d’une sous-région à l’autre entre les besoins alimentaires couverts par la production d’une part, et le nombre d’habitants, d’autre part. Ainsi, 22 pour cent seulement du déficit vivrier serait imputable en Asie centrale, qui regroupe 45 pour cent de la population régionale, tandis qu’à l’autre extrême, ce chiffre serait de 24 pour cent dans la Péninsule arabique, où ne vit que 7,5 pour cent de la population.

Tableau 2: Déficit Alimentaire Prévu dans la Région du Proche-Orient en 2010 (en milliers de tonnes)

Sous-régions

Production

Demande

Déficit

Maghreb

49 850

77 654

27 804

Afrique du Nord-Est

72 045

88 081

16 027

Péninsule arabique

17 754

41 811

24 057

Asie de l’Ouest

26 665

56 729

20 064

Asie centrale

157 101

178 935

21 834

Turquie

107 470

102 515

(Surplus) 4 955

Total 2010

440 885

545 723

99 883

Total 1995

299 659

364 595

64 936


© FAO, Agriculture mondiale: Horizon 2010

Tableau 3: Taux Projetés d’Autosuffisance Alimentaire dans Certains Pays du Proche-Orient en 2010

Inférieur à 60%

De 60 à 80%

Supérieur à 80%

Libye

Tunisie

Maroc

Arabie saoudite

Égypte

Turquie

Algérie

Syrie

Somalie

Mauritanie

Liban

Soudan

Yémen

Iran

Afghanistan

Iraq

 

Pakistan

Jordanie


© FAO, Agriculture mondiale: Horizon 2010

16. Comme l’indique le tableau 3, les pays peuvent être également classés en fonction de leur taux projeté d’autosuffisance alimentaire (TAA: production alimentaire/demande totale). Sur la base de ces projections, ce taux sera inférieur à 60 pour cent dans environ un tiers des pays, soit dans trois pays riches en ressources pétrolières et dans deux pays à faible revenu. En raison de leur capacité limitée d’importer des produits alimentaires, les deux pays à faible revenu seront en difficulté. L’Iraq et la Jordanie, considérés comme des pays à revenu intermédiaire, risqueront également d’être dans une situation difficile si leurs ressources en devises n’augmentent pas suffisamment. Les pays à revenu intermédiaire, qui se situent dans le deuxième groupe, devront générer assez de devises pour financer des importations représentant 20 à 30 pour cent des besoins intérieurs. Enfin, en ce qui concerne le troisième groupe, la production alimentaire répondra aux besoins de consommation intérieure en Turquie et au Maroc et les trois autres pays, qui ont un faible revenu, disposeront de ressources agricoles suffisantes; ces pays atteindront un taux d’autosuffisance alimentaire élevé, mais les niveaux nutritionnels seront faibles. Quelles que soient les différences entre les pays, toute la région continuera à accuser un déficit alimentaire, à l’exception de la Turquie.

ii. État Nutritionnel

17. La consommation par habitant ayant augmenté, les niveaux nutritionnels ont sensiblement progressé depuis 1970. En 1995, la disponibilité de calories par habitant était plus élevée au Proche-Orient que dans n’importe quelle autre région en développement du monde. Mais il y a encore lieu de s’inquiéter. Dans de nombreux pays de la région, notamment dans les pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV), les apports caloriques moyens par personne semblent insuffisants pour garantir la sécurité alimentaire. Lorsque les approvisionnements alimentaires fournissent environ 2 200-2 500 calories par jour et par personne, les recherches montrent qu’environ 5 à 35 pour cent de la population, en moyenne, souffre de sous-alimentation, ce qui est clairement le cas d’une grande partie de la population des PFRDV.

18. D’après les indicateurs nutritionnels disponibles, l’insuffisance pondérale chez les enfants n’a que légèrement régressé, passant de 15 pour cent en 1985 à 13 pour cent in 1990. Les taux de mortalité infantile ont aussi rapidement diminué dans les années 90. Ce recul s’explique en grande partie par la croissance des revenus tirés des exportations de pétrole, dont les pays plus pauvres ont pu également bénéficier par le biais de la migration de travailleurs et/ou d’aide directe. Les projections établies pour l’ensemble de la région jusqu’en 2010 prévoient un ralentissement de la croissance démographique, des revenus par habitant, et donc de la demande. La consommation alimentaire par habitant continuera toutefois à augmenter, et les niveaux nutritionnels devraient s’améliorer dans l’ensemble, sauf en Asie centrale et dans les PFRDV. Ces changements seront associés à une hausse des importations de denrées et à une baisse du taux d’autosuffisance alimentaire.

iii. Commerce des Produits Agricoles

19. Le commerce intrarégional, y compris celui des produits agricoles, continue à stagner à un faible niveau. L’insuffisance de données actualisées et détaillées exclut la possibilité de procéder à une étude approfondie de la structure et de la valeur des échanges des produits agricoles au sein de la région. Sur la base des quelques données disponibles, les principales caractéristiques du commerce régional des denrées agricoles sont les suivantes:

20. Faible part du commerce intrarégional dans le total des échanges: le commerce intrarégional continue de représenter de 8 pour cent à 10 pour cent du total des échanges des produits alimentaires au Proche-Orient et la dépendance de la région à l’égard des marchés internationaux ne cesse de croître. La part des échanges interrégionaux et son évolution dans le temps varient considérablement entre les blocs sous-régionaux et d’un pays à l’autre. Dans le CCG, la part des exportations agricoles à destination du Proche-Orient tendait à la hausse, mais à la baisse dans les autres groupements.

21. Tendance à la baisse des exportations agricoles: Les exportations agricoles sont essentielles pour assurer la croissance économique de nombreux pays du Proche-Orient, l’agriculture étant en général un pilier de leur économie. Avec 12 milliards de dollars EU en 1990 et 14,4 milliards de dollars EU en 2001, leur valeur n’augmente pourtant que très lentement. La part du Proche-Orient dans les exportations agricoles mondiales a régulièrement fléchi, passant de 7 pour cent en 1971-1980 à 3 pour cent en 1991-2000.

22. Alors que dans quelques pays, le bétail sur pied, la fibre de coton, les légumineuses et les céréales représentent les principaux produits agricoles exportés, les fruits et légumes occupent une place importante dans les exportations de presque tous les pays de la région (Annexe 1). Ces derniers produits ont ainsi représenté, en moyenne, environ 40 pour cent de la valeur totale des exportations agricoles de la région en 1992-1996, et plus de 50 pour cent en Algérie, au Liban, au Maroc et en République islamique d’Iran. Ces parts devraient encore augmenter: en effet, face à la raréfaction de l’eau dans la région, plusieurs pays pourraient être amenés à accroître la production de fruits et de légumes qui rentabilise mieux l’utilisation de l’eau.

23. Forte dépendance à l’égard des importations de produits alimentaires: La plupart des pays du Proche-Orient sont des importateurs nets de produits alimentaires dont ils sont fortement tributaires. Pour l’ensemble de la région, les importations de céréales, par rapport au total de la consommation annuelle, sont passées de 15 pour cent en 1970-1975 à 37 pour cent en 1995-2001. Le degré de dépendance des pays varie de manière considérable. Ainsi, en 1995-2001, l’Égypte, l’Algérie et le Yémen ont respectivement importé environ 44 pour cent 70 pour cent et 90 pour cent du blé et de la farine de blé dont ils avaient besoin, deux denrées de base de ces pays.

24. Les pays fortement tributaires des importations alimentaires s’exposent à certains risques. Ainsi, les Accords sur l’agriculture du Cycle d’Uruguay, qui prévoyaient de réduire les subventions à l’exportation de produits alimentaires, ont fait craindre une augmentation des prix internationaux dans l’ensemble de la région. Les pays exportateurs de pétrole risquent moins que les autres d’être confrontés à une réduction de leur capacité d’importation. Ce sont les pays à faible revenu et à déficit vivrier de la région qui ont le plus de difficultés à générer suffisamment de devises pour financer les importations de produits alimentaires.

25. Forte dépendance vis-à-vis de l’exportation de produits primaires: Dans de nombreux pays du Proche-Orient, les recettes d’exportation ne proviennent que d’un nombre limité de produits primaires, ce qui les rend très vulnérables aux fortes fluctuations des cours internationaux. Une dépendance excessive à l’égard d’une gamme restreinte de produits a plusieurs conséquences importantes: elle expose les agriculteurs aux aléas météorologiques, aux attaques des ravageurs, aux maladies animales et aux fluctuations de prix; elle provoque des variations de revenus agricoles et de recettes publiques; elle contribue à la dégradation de l’environnement; enfin, elle est préjudiciable à la nutrition et à la santé.

26. Il apparaît clairement que la région doit diversifier la production et la gamme des produits d’exportation, tant horizontalement que verticalement, en privilégiant les denrées agricoles à forte valeur ajoutée. Le défi consiste à donner une impulsion à la diversification, puis de conserver l’élan pour exploiter le potentiel considérable de la région.

B. Principaux Problèmes Affectant la Sécurité Alimentaire dans la région du Proche-Orient

Les ressources pour assurer la sécurité alimentaire varient sensiblement d’un pays à l’autre au Proche-Orient, mais des problèmes communs se posent à la région.

i. Gestion de Ressources Limitées

27. Compte tenu de la diminution croissante des ressources dans un milieu naturel assez hostile, les priorités consistent à mettre en valeur le potentiel inexploité de la région et à préserver la quantité et la qualité des ressources productives. Environ 70 pour cent de la région est constituée de terres arides ou semi-arides qui ne se prêtent guère qu’à des cultures irriguées onéreuses et à un élevage nomade restreint. De plus, la faiblesse et l’irrégularité des pluies limitent sensiblement la production et la font fluctuer. En conséquence, la variabilité de la production agricole d’une année sur l’autre est plus importante que dans toutes les autres régions en développement.

28. En 2001, la superficie arable totalisait 50 millions d’hectares, dont près de 34 pour cent sous irrigation. La surface totale pouvant être irriguée sans investissements démesurés, soit environ 40 millions d’hectares, est quasiment déjà exploitée. Les terres sont irriguées à 90 pour cent par les eaux de surface et à 10 pour cent par les nappes phréatiques. Les eaux souterraines, fossiles pour la plupart et donc non remplaçables, sont d’une importance capitale dans plusieurs pays. Le potentiel résiduel de production agricole des zones irriguées est faible; il faudra néanmoins mobiliser les moyens nécessaires pour maintenir leur niveau de productivité actuel. Il faudra également que le développement de l’irrigation s’appuie autant que possible sur des méthodes et des technologies à faible coût qui seront adaptées aux conditions locales: récupération de l’eau, utilisation de pompes à basse pression et exploitation de nappes aquifères peu profondes utilisant des méthodes simples de soutirage de l’eau, par exemple. De nouvelles approches relatives à l’irrigation doivent également mettre l’accent sur le développement des compétences, la mise en place de mesures d’incitation et la gestion participative des ressources en eau.

ii. Taille et Qualité des Superficies

29. Les terres dont disposent les agriculteurs et les éleveurs ont un impact direct sur leur niveau de production. La croissance démographique, le morcellement des parcelles et les droits religieux/traditionnels régissant la propriété ont contribué à diminuer la dimension des exploitations. La terre est de piètre qualité en raison de la dégradation des sols, de la diminution de la fertilité, de la surexploitation, et de l’érosion éolienne et hydrique. Les éleveurs démunis, dont les moyens d’existence dépendent des terres de parcours et de la propriété commune des ressources en eau, ont souffert de l’expansion des communautés urbaines et rurales ainsi que des politiques gouvernementales qui ont encouragé la production de l’orge, le surpâturage et la mécanisation sur des terres mal préparées. La rigidité des politiques déterminant l’usage des pâturages et le manque d’organisations sociales ont rendu impossible l’adoption de programmes efficaces de gestion de propriété commune qui auraient incité les bénéficiaires à utiliser et à préserver les parcours de manière durable.

iii. Institutions

30. Les tribus, les clans et les groupes de parenté au Proche-Orient ont de très nombreuses traditions religieuses et culturelles. Toutefois, il existe peu de nouvelles formes d’associations permettant aux populations rurales de dialoguer avec des institutions politiques, administratives et économiques. Les groupes de citoyens et les institutions informelles sont peu développés dans la région, que ce soit au niveau de leur nombre ou de leur rayon d’action. En conséquence, les paysans pauvres ne peuvent revendiquer leurs droits, ont peu de pouvoir de négociation face aux groupes au pouvoir, sont mal équipés pour traiter avec les institutions publiques officielles et ont des difficultés à se faire entendre dans la politique locale.

iv. Technologie

31. Les paysans démunis souffrent de la part très faible des investissements consacrée aux technologies de production en agriculture pluviale, par rapport au nombre de ménages tributaires de ce secteur. De ce fait, les variétés améliorées, adaptées aux sols salins ou tolérant la sécheresse sont peu utilisées; les technologies d’économie d’eau sont rarement mises en œuvre; la recherche ne bénéficie que de faibles ressources et peu d’attention est accordée aux techniques d’amélioration de l’aménagement des parcours. De même, les races améliorées ou les technologies nécessaires pour les produire ne sont pas disponibles dans les zones rurales défavorisées et sont financièrement hors de portée pour les paysans pauvres.

v. Infrastructures Rurales et Services Sociaux

32. Les populations rurales démunies dans la région du Proche-Orient ont très peu accès aux infrastructures matérielles telles que les routes, l’eau potable, les services d’assainissement et les réseaux de communication et d’information; elles manquent également d’infrastructures sociales, comme les écoles, les hôpitaux et les centres de formation. Les coupes effectuées dans les dépenses publiques suite aux programmes d’ajustement structurel ont encore réduit les investissements de l’État en milieu rural. Ayant un accès limité aux services qui pourraient développer leurs capacités, les populations défavorisées dans les campagnes ne peuvent bénéficier d’une activité économique lucrative. En conséquence, notamment dans les régions reculées comme les zones montagneuses du Maroc, de la Turquie et du Yémen, les ruraux pauvres sont souvent isolés du reste de la nation d’un point de vue économique, physique, intellectuel et social.

vi. Services Financiers

33. Les services financiers continuent à être fortement dominés par les institutions du secteur public, en particulier en ce qui concerne le financement des activités agricoles et économiques en milieu rural. Dans le passé, les gouvernements ont eu recours aux institutions financières publiques pour exécuter des programmes nationaux de développement et de planification, pour attribuer des subventions et pour fournir des intrants à crédit. Les politiques de prêt de ces institutions avaient en général tendance à privilégier les grands agriculteurs et entrepreneurs capables d’apporter une garantie physique ou financière, au détriment des paysans appauvris. Les ménages ruraux à faible revenu ont peu d’autres possibilités de financement; les institutions financières informelles ou les groupes de crédit communautaire et l’épargne collective sont également très rares dans la région.

vii. Inégalité de la Répartition des Ressources et Migration des Travailleurs

34. La dichotomie caractérisant la répartition des ressources, notamment entre les pays exportateurs de pétrole et les pays à excédent de main-d’œuvre, constitue à la fois un problème et une opportunité. La mobilité de la main-d’œuvre entre les pays manquant de capitaux et ceux disposant d’un excédent de capitaux a une influence majeure sur les résultats économiques et agricoles de la région. En 1985, point culminant de cette mobilité, le nombre de migrants travaillant dans les pays exportateurs de pétrole au Proche-Orient dépassait 5 millions, dont environ 3,5 millions étaient originaires de pays de la région. Bien que le nombre de travailleurs migrants ait beaucoup varié en fonction des changements du marché pétrolier et des événements politiques, les fonds envoyés dans leur communauté d’origine représentent encore l’une des principales sources de devises.

viii. Protection de l’Environnement en Vue de Garantir la Sécurité Alimentaire

35. La grave dégradation des ressources naturelles, sous l’effet de l’érosion du sol, de la désertification, de la saturation en eau et de la salinité, est l’un des principaux facteurs entravant la production agricole dans une grande partie de la région; d’où l’importance primordiale accordée aujourd’hui à la gestion durable et efficace des ressources. La terre subit différents types de dégradation. Trente cinq pour cent de la superficie totale serait érodée par le vent, et 17 pour cent par l’eau; Un grand nombre de pentes, érodées par l’eau et le vent, sont dénudées et rocheuses. Ce processus a engendré une désertification qui est souvent irréversible. Dans les pays pratiquant une irrigation intensive, comme en Égypte et en Iraq, la salinité est l’un des problèmes majeurs; les politiques qui cherchent à mettre fin aux pratiques du passé (notamment l’irrigation gratuite ou subventionnée) contribueront à lutter contre l’utilisation excessive de l’eau et à en réduire les conséquences au niveau de la dégradation des sols.

ix. Libéralisation du Marché

36. Presque tous les pays du Proche-Orient ont adopté des réformes économiques axées sur le marché, avec plus ou moins de détermination et de réussite, et au prix parfois de grandes difficultés économiques, politiques et sociales. Les gouvernements ont en général cessé d’acheter de grandes quantités de céréales aux producteurs à des prix élevés et garantis. De nombreux pays de la région ont délibérément limité les augmentations annuelles visant à soutenir les prix d’achat.

37. Les monopoles semi-publics d’achat et de commercialisation ont également été abolis et le secteur privé a été encouragé à se mettre en concurrence pour ces activités. Des tendances similaires peuvent être également observées dans le domaine des intrants, notamment les engrais, en particulier sous forme de réduction des subventions et d’intervention croissante du secteur privé dans le commerce de détail. Les réformes politiques mises en œuvre en Égypte au cours des quatre dernières années illustrent clairement ce processus. Les réformes les plus importantes concernent la fin des restrictions sur les plans de cultures, la suspension des livraisons obligatoires, de blé et de riz notamment, la levée des restrictions imposées sur les transports privés et l’usinage du riz, enfin l’abrogation de l’interdiction de commercialisation et des contrôles sur la production de pain. Des programmes de libéralisation importants s’inspirant des mêmes principes sont en cours dans plusieurs pays du Proche-Orient.

38. Dans ce processus de réforme, la réduction des interventions sur la production agricole et sur les activités de commercialisation, la diminution des obstacles au commerce et la libéralisation des prix ont déjà permis à certains pays d’enregistrer une hausse de la productivité et des revenus agricoles. Il faut toutefois mettre en place des programmes et des mesures spécifiques pour protéger les agriculteurs démunis, les consommateurs et les populations vulnérables qui sont confrontés à une baisse importante des subventions accordées pour l’achat d’intrants et de produits alimentaires.

C. Perspectives d’Accroissement de la Sécurité Alimentaire Grâce à l’Augmentation de la Production Vivrière

39. Dans de nombreux pays de la région, les perspectives de l’économie et de la sécurité alimentaire dépendront en grande partie des résultats du secteur agricole. La production devra augmenter suffisamment pour réduire la dépendance à l’égard des importations de produits alimentaires, pour répondre aux besoins croissants des populations urbaine et rurale, et pour améliorer les revenus et la sécurité alimentaire, en particulier des populations rurales démunies.

40. En dépit de ressources limitées et d’un climat peu favorable, la région dispose d’un réel potentiel non exploité. D’ici 2010, la FAO prévoit que la production vivrière pourrait progresser de plus de 70 pour cent par rapport à 1988-1990 grâce à une hausse des rendements, à l’intensification de l’agriculture et à un léger accroissement des superficies cultivées. Près de 70 pour cent de cette augmentation proviendrait d’une hausse des rendements. Ce potentiel considérable d’amélioration s’explique par le gros écart existant entre les pays les plus performants et la plupart des autres qui obtiennent aujourd’hui, pour diverses raisons, des rendements moyens nettement inférieurs. L’existence de hauts rendements prouve néanmoins que la production peut encore considérablement augmenter de manière durable, même avec les technologies existantes  (variétés à haut rendement, meilleure gestion des terres et des eaux, choix judicieux d’intrants modernes, notamment d’engrais, intrants de protection des cultures, bonnes pratiques agricoles, etc.).

41. Plusieurs pays de la région ont fait beaucoup de progrès dans la production horticole en milieu contrôlé qui est destinée aux marchés nationaux et à l’exportation. Au-delà de la génération de devises et de la création d’emplois saisonniers, on reconnaît plusieurs mérites à ces systèmes agricoles: une forte productivité, l’utilisation contrôlée d’engrais agricoles et leur potentiel d’économie en eau.

42. Le nombre de têtes de bétail et les taux de prélèvement continueront à augmenter et représenteront respectivement 35 pour cent et 27 pour cent de l’accroissement prévu de la production carnée au cours des deux prochaines décennies. Pour obtenir une telle hausse de production, il faudra accroître et diversifier les aliments du bétail en optimisant l’utilisation des terres de parcours et des pâturages, et en ayant plus largement recours aux aliments concentrés pour animaux et aux sous-produits agricoles. Du fait du caractère semi-aride de la région, il est indispensable que le nombre de têtes de bétail reste compatible de manière durable avec la quantité de fourrage et d’aliments disponibles pour les animaux.

43. Dans un grand nombre de pays de la région, l’impossibilité d’accroître les zones de pâturage signifie que la croissance ne pourra être en général obtenue que par une hausse du rendement par animal. Les systèmes de production intensifs et semi-intensifs, comme ceux de la volaille et des produits laitiers, mieux adaptés aux conditions du marché, se développent dans de nombreux pays. Pour atteindre l’augmentation anticipée de la production animale, il faudra améliorer les systèmes de production et les services de santé animale d’une part, et diversifier les produits d’alimentation du bétail et en accroître la quantité d’autre part.

44. La lutte contre la faim est également l’un des objectifs de la région. Selon la FAO, le nombre de personnes sous-alimentées pourrait être ramené de 16 pour cent en 1990-92 à 11 pour cent d’ici 2010. Le nombre de personnes souffrant de sous-alimentation continuerait toutefois à être élevé dans plusieurs pays (40, voire 50 pour cent en Afghanistan, en Somalie et au Soudan, par exemple), qui devront intensifier leurs efforts. Afin que cette prévision se réalise, le taux annuel de la production agricole devra croître dans l’ensemble de la région (pour s’établir à 3,1 pour cent au minimum, contre 2,9 pour cent), ce qui suppose une accélération forte, mais difficile, pour les pays enregistrant les taux de sous-alimentation les plus élevés.

VI. CONCLUSIONS

45. Le présent document avait pour objectif de récapituler les principales mesures prises au Proche-Orient pour appliquer le Plan d’action du Sommet mondial de l’alimentation et de souligner les besoins, les potentiels et les faiblesses propres à la région.

46. Ce document montre clairement que la sévère dégradation des ressources naturelles, en particulier des eaux et des terres, est le principal facteur limitant une production agricole durable dans la majeure partie de la région. Cette dégradation provient d’une utilisation inefficace et non viable des ressources hydriques, ainsi que de l’érosion, de la désertification, de la saturation en eau et de la salinité des sols. La gestion efficace et durable des ressources naturelles, notamment de l’eau, est la réponse la plus appropriée pour que la production agricole puisse augmenter dans la région au cours des prochaines années.

47. Mesures recommandées

i) Les États Membres sont invités à:

ii) La FAO et les organisations nationales et internationales compétentes sont invitées à:

 

Annexe 1
Commerce des produits agricoles dans la région du Proche-Orient: Principaux exportateurs et importateurs (moyenne annuelle 1998-2002)

 

 

Total des exportations régionales
(en milliers de tonnes)

Principaux exportateurs

Total des importations régionales
(en milliers de tonnes)

Principaux importateurs

Total des exportations en % du
total des importations

Blé

3071

Turquie

35236

Iran, Égypte, Algérie, Maroc

9

Riz

2604

Pakistan, Égypte

4827

Iran, Arabie saoudite, EAU, Turquie

54

Animaux vivants (ovins) en milliers de têtes

5101

Syrie, Soudan

9298

Arabie saoudite, Koweït, EAU, Oman

55

Viande et produits carnés

80

Arabie saoudite, Turquie, Soudan, Iran

1324

Arabie saoudite, Égypte, EAU

6

Sucre

3594

Pakistan, Turquie, EAU, Soudan

8424

Iran, EAU, Algérie, Égypte, Arabie saoudite

43

Fruits +
Légumes

8519

Turquie, Iran, Maroc, Égypte, Syrie

7342

Arabie saoudite, EAU, Pakistan

116

Graisses et huiles

1068

Turquie, Iran, EAU, Tunisie

7060

Pakistan, Iran, Turquie, Égypte, Algérie

15

Légumineuses

495

Turquie, Iran, Syrie

1297

Pakistan, Algérie, Égypte, Turquie

38

Lait et produits laitiers

604

Arabie saoudite, Oman, Jordanie

6894

Algérie, Arabie saoudite, Égypte, EAU

9

Oeufs

52

Iran, Turquie, Arabie saoudite

92

EAU, Oman, Yémen, Koweït

57


Source
: FAO (2003) FAOSTAT

 

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1 Il serait plus correct d'utiliser, pour cette variable, l'expression "consommation alimentaire apparente moyenne à l'échelon national", puisque les données proviennent des bilans alimentaires nationaux, et non d'enquêtes sur la consommation.