APRC/04/INF/9


VINGT-SEPTIÈME CONFÉRENCE RÉGIONALE POUR
L'ASIE ET LE PACIFIQUE

Beijing (Chine), 17 – 21 mai 2004

INCIDENCES DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES SUR L'AGRICULTURE EN ASIE ET DANS LE PACIFIQUE

Table des matières


I. INTRODUCTION

«Par changement climatique, on entend toute évolution du climat dans le temps, qu'elle soit due à la variabilité naturelle ou aux activités humaines.» (GIEC, 2001a)

1. Selon les évaluations du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), il existe un consensus général sur le fait que des changements climatiques ont bien lieu, causés par une hausse d'origine anthropique des concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère terrestre, qui s'ajoute à d'autres facteurs d'origine naturelle. Les gaz à effet de serre (GES) comprennent le gaz carbonique, le méthane, l'oxyde nitreux et la vapeur d'eau; ils empêchent la chaleur, à savoir le rayonnement infrarouge, de s'échapper dans l'espace et, à terme, causeront un réchauffement du globe.

2. Le changement climatique assigne aux organismes nationaux et internationaux la lourde responsabilité d'élaborer des moyens d'atténuer ce phénomène, de s'y adapter et d'y porter remède.

3. L'objet du présent document est de fournir, en s'appuyant pour l'essentiel sur les évaluations scientifiques et techniques du GIEC, une information d'ensemble sur les incidences dont est porteur le changement climatique, et plus particulièrement la part d'information qui entre dans le mandat de la FAO dans la région Asie–Pacifique.

4. Le présent document comprend les éléments suivants: (1) un tour d'horizon des activités récentes de la FAO en rapport avec le climat; 2) une description des liens entre changements climatiques et agriculture; 3) les mécanismes par lesquels les changements climatiques exercent leurs incidences sur les cultures, le bétail, les forêts et la pêche; 4) les incidences régionales à l'échelon de l'Asie et du Pacifique; 5) les mesures envisageables; et 6) des conclusions.

II. TOUR D'HORIZON DES ACTIVITÉS DE LA FAO EN RAPPORT AVEC LE CLIMAT

5. Sachant le rôle de la variabilité du climat dans la production agricole, la FAO s'occupe depuis longtemps de questions en rapport avec le climat; elle le fait souvent en collaboration avec l'Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE).

6. Le Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation (SMA) de 1996 a souligné que les ressources de base de l'alimentation, de l'agriculture, de la pêche et des forêts subissait un stress et qu'elle était mise en péril par un certain nombre de problèmes dont le changement climatique susceptible d'exacerber la variabilité du climat, laquelle constitue un des principaux facteurs d'instabilité de la production vivrière d'une année à l'autre. Dans le but de contrecarrer les facteurs environnementaux qui menacent la sécurité alimentaire, le Plan d'action du SMA a encouragé les gouvernements à prendre en compte, dans l'élaboration de leurs politiques agricoles et d'aménagement du territoire, les incidences prévisibles de la variabilité du climat et des changements climatiques sur les régimes des précipitations et des températures.

7. Des documents relatifs aux changements climatiques ont été présentés en 2001 à la quatorzième session du Comité des forêts (Problèmes et possibilités du secteur forestier dans le cadre du protocole de Kyoto) ainsi qu'à la seizième session du Comité de l'agriculture (Variabilité et changements climatiques: un défi pour la production agricole durable). Le Comité de l'agriculture a appuyé la proposition d'élaborer un programme intégré sur les changements climatiques répondant aux conditions de la Convention-cadre sur les changements climatiques («La Convention») et faisant écho aux travaux du GIEC. Cette proposition fut entérinée par le Conseil de la FAO à sa cent vingtième session en juin 2001 (CL 120/REP). En septembre 2003, le Directeur général a annoncé la création officielle du Groupe de travail interdépartemental sur le changement climatique (DG Bulletin 2003/39). La FAO se voit ainsi dotée d'un mandat explicite dans ce domaine dont l'importance ne fait que croître.

8. Le Groupe interdépartemental se compose de membres nommés par tous les départements intéressés par les questions ayant trait aux changements climatiques. Son mandat comprend l'élaboration d'approches normatives et méthodologiques qui intègrent les effets des changements climatiques, leur atténuation et l'adaptation qu'ils nécessitent dans les activités agricoles, forestières, halieutiques, économiques et sociales; le Groupe doit également dispenser un appui technique aux pays membres sur les questions relatives aux changements climatiques. Il coordonne la participation de la FAO à la mise en oeuvre de la Convention et du Protocole de Kyoto et sa collaboration avec d'autres partenaires dans ce domaine.

9. Le Bulletin du Directeur général appelle également à l'élaboration d'un programme coordonné en matière de climat, destiné à appuyer les activités de la FAO. Au coeur de ce programme devraient figurer la formulation de politiques, le rassemblement de données, le renforcement des capacités, ainsi que la collaboration avec la Convention et le Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Il appelle par ailleurs à un renforcement de plusieurs domaines: piégeage du carbone, réduction des émissions de gaz à effet de serre, substitution des combustibles fossiles par des combustibles organiques, et d'une façon plus générale souhaite voir se renforcer la résistance de l'agriculture à la variabilité et aux changements climatiques.

10. La FAO a à son actif un certain nombre de réalisations techniques en matière de changement climatique: l'harmonisation des définitions forestières à l'usage des différentes parties prenantes; des méthodologies et des modèles de piégeage du carbone dans les sols, les cultures, les herbages et les forêts; et des méthodologies favorisant les usages productifs de l'énergie renouvelable, en s'attachant à la bioénergie.

11. Le Groupe interdépartemental a mentionné de manière répétée la nécessité de renforcer la dimension régionale de ses travaux.

III. LIENS ENTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ET L'AGRICULTURE

12. Si l'agriculture est appelée à être l'une des victimes du changement climatique, elle est aussi une source de gaz à effet de serre et contribue directement et indirectement à la perturbation des cycles naturels de nombreux éléments et de l'eau par la dégradation des terres et le déboisement. Elle a néanmoins le potentiel voulu pour contribuer dans une large mesure à l'atténuation du changement climatique.

13. On estime à 25 pour cent la proportion de gaz carbonique issue de sources agricoles (déboisement et autres changements d'affectation des terres: 20 pour cent; combustion de la biomasse: 5 pour cent). Les sources des émissions de méthane sont quant à elle moins bien quantifiées: on estime à 70 pour cent celles d'origine anthropique dont 20 pour cent ayant pour origine les ruminants domestiques, la combustion de la biomasse et la production de riz. La quantité d'émissions imputable aux zones humides naturelles pourrait être proche de celle des rizières. La majeure partie des oxydes nitreux a pour origine les activités agricoles: 44 pour cent proviennent des labours, 22 pour cent des engrais et 9 pour cent de la combustion de la biomasse. Les émissions d'origine agricole semblent être en recul par rapport à celles imputables à l'utilisation de combustibles fossiles.

14. Les pratiques agricoles plus efficientes que sont le travail superficiel du sol, la protection intégrée contre les ravageurs et l'emploi d'engrais organiques peuvent permettre une réduction des émissions de gaz à effet de serre imputables à l'agriculture et, avec le remplacement des combustibles fossiles par la bioénergie, font entrevoir des possibilités importantes d'atténuation du changement climatique.

IV. LES MÉCANISMES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE S'EXERÇANT SUR LES CULTURES, LE BÉTAIL, LES FORÊTS ET LA PÊCHE

15. Les incidences biophysiques du changement climatique sont complexes car elles comportent des modifications des valeurs moyennes des paramètres climatologiques et de leur variabilité ainsi que des effets physiques et biologiques comme la hausse des températures et l'élévation des concentrations de gaz carbonique. Le rythme de ces modifications est lui-même déterminant si l'on considère que certaines espèces (plus particulièrement celles des forêts naturelles) ne peuvent suivre les déplacements des zones climatiques comme le peuvent les espèces cultivées et de nombreuses espèces animales. Même si les mécanismes de ces incidences peuvent être évalués avec quelque certitude, leur effet combiné est généralement entouré de fortes incertitudes. On trouvera ci-après la liste des incidences les plus certaines.

16. Les incidences potentielles du changement climatique sur la production agricole seront fonction non seulement du climat en tant que tel mais aussi des dynamiques internes des systèmes agricoles. En contrepoint des incidences biophysiques manifestes sur les végétaux et les animaux, les effets des changements climatiques sur la production vivrière et la sécurité alimentaire au niveau mondial pourront être les suivants: un remaniement géographique notable des grandes zones de cultures productives (zones agroéconomiques) et des modèles d'utilisation des sols qui leur sont associés, ce qui pourrait donner lieu à une modification de l'équilibre géopolitique des cultures, avec en puissance un impact positif net sur la production dans les pays tempérés développés et des répercussions négatives dans les pays tropicaux en développement. Les systèmes naturels les plus menacés comprennent les glaciers, les récifs coralliens et les atolls, les mangroves, les forêts boréales et tropicales, les écosystèmes polaires et alpins, les prairies humides et les derniers pâturages naturels. S'il est vrai que l'abondance et l'aire de distribution géographique de certaines espèces sont susceptibles de s'accroître, ou que certaines puissent s'adapter aux modifications de leur environnement, le changement climatique accentuera les risques d'extinction auxquels sont déjà exposées un certain nombre d'espèces plus vulnérables ainsi que les risques de perte de biodiversité.

V. INCIDENCES RÉGIONALES EN ASIE ET DANS LE PACIFIQUE

Déplacements latitudinaux et altitudinaux des zones écologiques et agroéconomiques

17. Une hausse de la température de surface provoquera un décalage des zones cultivées vers les Pôles3, ce qui aura un effet favorable sur l'agriculture dans les régions froides les plus septentrionales de l'Asie continentale. De même on observera en Asie tempérée un déplacement vers le nord des zones cultivées subtropicales. Les déplacements de répartition des espèces appartenant aux écosystèmes de haute élévation vers des élévations supérieures se solderont par l'extinction de certaines d'entre elles du fait de la lenteur des rythmes de modification de la végétation, contrainte à laquelle il convient d'ajouter celles qu'imposent à la colonisation végétale, l'accentuation de l'érosion et le caractère fortement accidenté et escarpé du relief dans la chaîne de l'Himalaya. En fonction des climats régionaux et des paramètres biologiques et topographiques locaux, un réchauffement prononcé en Asie boréale pourrait entraîner l'amenuisement du pergélisol ou, par endroits, sa disparition. La limite sud du pergélisol sporadique ou saisonnier est appelée à se déplacer vers le Pôle en Mongolie et dans le nord-est de la Chine avec des répercussions préjudiciables au développement de l'agriculture.

Dégradation des terres

18. Dans un contexte où la disponibilité limitée des terres, leur dégradation, les chutes brutales des prix et la croissance démographique remettent déjà en question le maintien des niveaux de productivité agricole, les modifications des températures, le caractère extrême des régimes de précipitation et d'autres phénomènes climatiques ne feront qu'ajouter au stress que subissent les ressources agricoles. Les terres cultivables sont déjà limitées dans les régions arides et semi-arides d'Asie, ce qui rend l'agriculture potentiellement très vulnérable au changement climatique. La majeure partie des terres pouvant recevoir des cultures en Asie sont déjà exploitées et la superficie des terres exploitables dans les pays asiatiques en développement régressera d'ici 2010 en passant de 0,8 à 0,3 hectare par habitant. Cette évolution touchera des pays comme l'Inde, pays possédant la plus grande superficie de terres à céréales, et la Chine, qui enregistre la plus forte production de céréales en raison d'une productivité moyenne élevée. La superficie de terres récoltées par habitant n'a cessé de décroître.

Les facteurs géophysiques extrêmes

19. Les facteurs géophysiques extrêmes que sont les inondations, les sécheresses et les cyclones sont courants en Asie tropicale. En Chine, les sécheresses enregistrées en 1972, 1978 et 1997 ont été les plus graves et les plus étendues. La Chine a connu un grand nombre d'inondations désastreuses. De graves inondations, avec des précipitations de plus de 25 cm par jour, ont frappé la Corée en juillet et août 1998. Au Japon, les sécheresses catastrophiques ont été sensiblement plus fréquentes durant les années ayant suivi les réchauffements atmosphériques de l'oscillation australe El Niño (ENSO) que lors des années normales. Au Bangladesh, les inondations des années récentes ont touché 3,1 millions d'hectares environ; la superficie totale des zones inondables en Inde est d'environ 40 millions d'hectares. Au Bangladesh, 2,7 millions d'hectares environ sont sujets à des sécheresses annuelles. Certaines régions du Népal, de Papouasie-Nouvelle-Guinée et d'Indonésie connaissent la sécheresse ou des conditions qui s'en approchent lors des années marquées par le phénomène El Niño. En Inde, au Laos, aux Philippines et au Viet Nam, les sécheresses catastrophiques sont plus fréquentes durant les années qui suivent les phénomènes El Niño. La fréquence des sécheresses et le stress qu'elles font subir à l'agriculture sont appelés à s'intensifier dans certaines régions d'Australie et de Nouvelle-Zélande par suite de la hausse des températures et des phénomènes El Niño pouvant devenir plus fréquents. Les variations de températures et de pluviosité d'une année à l'autre sont intimement associées à El Niño, et provoquent des déficits hydriques en Papouasie-Nouvelle-Guinée, aux Îles Marshall, dans les États Fédérés de Micronésie, dans les Samoa américaines, au Samoa occidental et à Fidji.

Disponibilité de l'eau

20. La disponibilité de l'eau devrait être très sensible aux changements climatiques prévus.

21. Les décalages spatio-temporels des régimes de précipitations auront des effets défavorables sur les cultures, en particulier la riziculture, dans de nombreux pays d'Asie. La hausse des températures se combinant à une baisse de la pluviométrie dans les terrains de parcours arides et semi-arides, il pourrait s'ensuivre une réduction de la disponibilité d'eau d'irrigation et un fort accroissement de l'évapotranspiration conduisant à un stress hydrique sévère (GIEC, 2001a). Les ressources en eau de surface et celles des nappes phréatiques sont fondamentales pour la production animale, la pêche continentale, la foresterie, l'agriculture et l'activité industrielle. Les secteurs de l'eau et de l'agriculture seront vraisemblablement les plus sensibles aux conséquences du changement climatique en Asie. En Asie tempérée, les précipitations estivales semblent s'être réduites dans le Gobi, et le nombre de jours de forte pluie a diminué sensiblement. En Chine, au Kazakhstan et en Thaïlande, les précipitations annuelles n'ont fait que décroître. Dans le nord-ouest de l'Inde, qui fait partie de l'Asie tropicale, on a constaté l'augmentation des cas de pluies torrentielles lors des moussons d'été au cours des dernières décennies. Au Bangladesh, les écarts décadaires enregistrés dans la pluviométrie sont très supérieurs à la moyenne depuis 1960, et au Pakistan, on observe une tendance à l'intensification des précipitations en période de mousson. Des épisodes secs sont prévus dans la majeure partie de l'Australie au cours du XXIe siècle produisant de nouveaux cas de sécheresses. Une réduction des rendements du cheptel et des cultures est escomptée dans la plupart des régions tropicales et subtropicales sous l'effet des modifications des régimes des températures et des précipitations, ce qui aura des répercussions préjudiciables probables sur les pays de la région, car ceux-ci ne disposent pas des capacités humaines, institutionnelles et financières qui leur permettraient d'anticiper et de parer les effets directs et indirects du changement climatique.

22. La productivité agricole aura également à pâtir de l'augmentation des ruissellements; on escompte en effet un triplement du volume des ruissellements d'origine glaciaire en Asie centrale d'ici 2050 (GIEC, 2001a). La disparition des glaciers de montagne entraîne une diminution de leur ruissellement en période estivale, et l'activité agricole qui se déroule en aval et s'en alimente en subira les conséquences néfastes. La baisse des niveaux d'irrigation est appelée à transformer des territoires asiatiques de faibles et moyennes élévations en déserts intérieurs arides.

Élévation du niveau de la mer et salinisation

23. Les projections donnent pour scénario moyen une élévation du niveau de la mer de 50 cm d'ici l'an 2100. Bien que l'ampleur véritable de l'effet combiné des incidences du changement climatique et de l'élévation du niveau des mers soit loin d'être connue avec certitude, des conséquences néfastes sont projetées pour de nombreuses petites îles de faible relief, les littoraux de faible élévation, ainsi que pour de nombreux deltas, notamment le delta Mekhna-Brahmapoutre au Bangladesh et le delta du Mékong au Viet Nam. L'effet combiné pourra comporter une érosion littorale avec perte de terre, des inondations, et l'infiltration d'eau de mer dans les aquifères. Les quantités et la qualité de l'alimentation en eau peuvent avoir des conséquences sur la production agricole et la santé humaine, comme on peut le voir dans le tableau ci-dessous.

Pays

Élévation du niveau de la mer

Pertes de terres potentielles

Populations exposées

 

(cm)

(km2)

(%)

(million)

(%)

Bangladesh

45

15 668

10,9

5,5

5,0

Bangladesh

100

29 846

20,7

14,8

13,5

Inde

100

5 763

0,4

7,1

0,8

Indonésie

60

34 000

1,9

2,1

1,1

Japon

50

1 412

0,4

2,9

2,3

Malaisie

100

7 000

2,1

>0,05

>0,3

Pakistan

20

1 700

0,2

Sans objet

Sans objet

Viet Nam

100

40 000

12,1

17,1

23,1

24. L'élévation du niveau de la mer est une de causes probables de la salinisation. En Australie, la salinité naturelle et le niveau élevé des nappes phréatiques ont toujours été présents. Cependant, des changements dans l'aménagement des territoires, intervenant principalement sous forme de défrichement et d'irrigation, ont rendu la salinité plus préoccupante. Les terres agricoles qui seront perdues à cause de la salinité représenteront des pertes économiques importantes.

Les cultures agricoles

25. La région Asie-Pacifique est appelée à subir des pertes de productivité agricole sous l'effet des hausses de température, de la sécheresse, des inondations et de la dégradation des sols – la sécurité alimentaire de nombreux pays de la région s'en trouverait ainsi menacée. La productivité agricole pâtit notablement des épisodes secs prolongés ou du stress thermique qu'apportent les vagues de chaleur intervenant à des stades critiques du développement des cultures. Les pertes de rendement susceptibles de porter atteinte à la productivité en général et de nuire à l'offre vivrière peuvent en quelque sorte profiter aux cultivateurs car l'essor de la demande d'un produit devenu plus rare4 ne manque pas de s'accompagner d'une hausse de son prix. Cependant, les pertes écologiques et humaines peuvent s'avérer moins faciles à gérer que les pertes économiques car les économies s'ajustent en fonction de la dynamique des intérêts des producteurs et des consommateurs.

26. Comme on l'a mentionné, l'interaction de nombreux facteurs conditionnera les effets du changement climatique sur l'agriculture, les forêts, l'élevage, les parcours et la pêche en Asie. Les zones de latitudes moyennes à élevés connaîtront des hausses de productivité agricole, tandis que les latitudes plus basses verront généralement cette productivité décroître. Des conditions de stress hydrique sévères combinées à un stress thermique pourraient avoir des conséquences néfastes sur la productivité du blé et du riz en Inde, et ce en dépit des effets favorables prévus à la suite de l'élévation des concentrations de dioxyde de carbone.

27. Les fléchissements des taux d'autosuffisance céréalière ont été particulièrement spectaculaires dans les économies avancées: celle-ci a chuté de 30 pour cent au cours des dernières années. C'est ainsi qu'entre 1970 et 1996 le taux d'autosuffisance céréalière est passé de 45 à 27 pour cent au Japon, de 68 à 31 pour cent en Corée, de 61 à 19 pour cent à Taiwan (Chine) et de 60 à 25 pour cent en Malaisie (FAO, 1996). La rapidité de la perte d'autosuffisance céréalière dans ces pays est sans précédent dans aucune région du monde. Des baisses d'autosuffisance ont aussi été observées aux Philippines, en Indonésie et à Sri Lanka. Des modifications sensibles des rendements agricoles, ainsi que des filières de production, entreposage et distribution des produits sont attendues dans la région sous l'effet du changement climatique.

Pertes économiques dues à des modifications dans la production et le commerce

28. Les économies des pays en développement de la région Asie-Pacifique n'offrent traditionnellement aux travailleurs que des possibilités limitées de remplacement des emplois détruits par les pertes de rentabilité dans le secteur agricole; et les autres secteurs sensibles aux effets du climat pourront y être relativement plus vulnérables que dans les économies plus diversifiées. Les victimes actuelles de la pauvreté et de la malnutrition, qui dépendent de la production vivrière locale, sont les plus vulnérables aux risques de famine et de malnutrition auxquels les expose le changement climatique. Le changement climatique se superposant à la réduction d'accès à l'eau potable et à la réduction de revenu, les vulnérabilités s'en trouveront exacerbées, et ces facteurs auront des répercussions préjudiciables sur la santé et le bien-être général des populations, entraînant le stress supplémentaire des migrations forcées.

29. Des études ont montré que le fossé qui se creuse entre l'offre et la demande de céréales, dont le blé et le riz, en particulier en Asie, aboutira à une dépendance accrue à l'égard des importations. Les incidences économiques de la baisse de la production vivrière dans certaines zones pourront être atténuées par des augmentations dans d'autres zones, mais ces projections devraient être analysées avec attention car hausses et baisses ne s'équilibrent pas nécessairement au niveau national ou régional, ni du reste en ce qui concerne la répartition des ressources vivrières. De plus, elles ne rendent pas compte des conditions que créent les incidences indirectes sur les moyens d'existence des populations, ni ne permettent de les stabiliser.

30. Une grande partie des exportations d'Australie et de Nouvelle-Zélande se compose de produits agricoles et forestiers dont la production est vulnérable à tout changement climatique et sensible à la disponibilité en eau, la fertilisation par le gaz carbonique, les ravageurs et les maladies. Les revenus tirés de ces produits pourraient pâtir de l'augmentation projetée de la production agricole dans les pays tempérés de l'hémisphère Nord, laquelle influerait sur les prix des produits de base et le commerce mondial (GIEC, 2001a).

31. Les pays du Pacifique sont économiquement et culturellement très dépendants de leur environnement naturel. Dans cette région, l'agriculture et la pêche sont deux des principales activités économiques, et, pour une frange importante de la population, ces secteurs demeurent l'unique source de revenu et sont seuls à alimenter les exportations. Certaines tendances qui posent des problèmes écologiques majeurs aux îles du Pacifique portent directement atteinte aux moyens d'existence des minorités rurales: perte en terre, baisse de la qualité des eaux et sédimentation des lagons; et ce phénomène est exacerbé par la perte de couvert forestier, la dégradation des forêts et la déforestation en vue de la mise en culture. Les modifications radicales du climat ont des répercussions préjudiciables aux stratégies de revenus lorsque la diversification économique, les possibilités de revenus et les options d'élaboration de nouveaux moyens d'existence adaptés aux changements climatiques sont faibles ou limitées.

Le bétail et les parcours

32. Les espèces végétales composant les pâturages sont soumises aux mêmes influences que les cultures. C'est ainsi que les facteurs positifs que constituent la fertilisation par le gaz carbonique et une utilisation plus efficiente de l'eau sont compensés par des facteurs négatifs comme la hausse des températures, si bien qu'il reste à préciser les modifications de la valeur nutritionnelle du fourrage qui en résultent. Le GIEC (1997) conclut que la qualité du fourrage est appelée à baisser dans certaines périodes de l'année, ce qui porte à envisager une progression des besoins d'aliments d'appoint ou de pâturages de légumineuses.

33. Dans les zones tempérées, les hausses de températures pourront entraîner une hausse de la production pastorale dans les latitudes moyennes, s'accompagnant d'une intensification de la production animale.

34. En général, l'élevage en pâturage est appelé à profiter d'hivers plus doux, de l'allongement éventuel des saisons de croissance, et d'éventuelles améliorations de la qualité de l'alimentation dans les zones tempérées à forte pluviométrie. Une intensification du stress thermique estival, comportant des effets néfastes sur les animaux, est également probable.

35. Par ailleurs, le changement climatique, de par les modifications qu'il entraîne dans l'environnement, influe fortement sur les épizooties du bétail. Sont susceptibles d'être concernées ici la fièvre aphteuse dont le virus se transmet par voie aérienne ainsi que les infections transmises par les tiques, les mouches, les moustiques, les moucherons et d'autres arthropodes. La migration et la dispersion des oiseaux pourront modifier et altérer l'étendue géographique d'épizooties telles que la grippe aviaire hautement pathogène, qui touche aussi l'homme, ou la fièvre du Nil occidental dont la propagation, qui s'opère aujourd'hui sur l'ensemble de l'hémisphère Nord du continent américain pour s'étendre bientôt à la majeure partie de l'Europe occidentale, constitue une menace sanitaire pour l'homme. Les cycles de transmission de la plupart des parasitoses devraient eux aussi être altérés. C'est ainsi que les escargots qui subsistent dans les marais transmettent la douve du foie au bétail ruminant. Le changement climatique entraîne des maladies, et s'il est difficile d'en modéliser l'évaluation, l'apparition d'épidémies n'en constitue pas moins une certitude.

Les forêts

36. Le GIEC (1997) souligne que les cultivateurs de blé peuvent perdre la production d'une année lors d'intempéries catastrophiques, alors que les forestiers sont exposés au risque de perdre jusqu'à 30 années de croissance. En outre, cette période particulièrement longue signifie qu'il est plus difficile de mettre en oeuvre des mesures d'adaptation sur une forêt donnée. Les forêts autochtones à croissance lente seront plus gravement touchées que les plantations forestières d'essences exotiques à rotation rapide.

37. La forêt joue un rôle majeur dans les économies de nombreux pays de la région. On oublie souvent que certaines îles sont elles-mêmes couvertes de forêts et d'autres terres boisées. C'est ainsi que le couvert forestier et les terres boisées occupent plus de 60 pour cent du territoire national aux Îles Salomon, à Vanuatu et à Fidji.

38. L'Asie a subi une perte nette de 20,3 millions d'hectares de forêts pendant la décennie 90; cela a représenté une contribution approximative de 1,5 milliards de tonnes de carbone dans l'atmosphère, sans compter les émissions supplémentaires causées par la dégradation des forêts et les incendies. Le changement climatique est appelé à accroître la fréquence et l'intensité des incendies de forêt dans la région, en ne faisant qu'aggraver le problème lui-même délicat des émissions, des brumes et de la destruction d'habitats. Les mangroves de la région Asie-Pacifique, écosystèmes sensibles assurant d'importantes fonctions protectrices pour la biodiversité, les pêcheries et les littoraux, subiraient fortement les effets de l'élévation du niveau des eaux. Plus généralement, tous les arbres de la forêt à long cycle de vie sont en étroite relation avec les modifications de la température, de l'hygrométrie et de l'évaporation, et y réagissent de manière très sensible. Leur forme végétale leur interdit toute migration rapide. L'Asie pourra connaître un dépérissement terminal de ses forêts et un recul de certaines typologies forestières telles les forêts ombrophiles tropicales de la région qui remplissent d'importantes fonctions pour les populations humaines, l'environnement et le développement.

39. Les forêts tropicales pourraient être davantage touchées par des forces d'origine anthropiques que par le changement climatique proprement dit si la déforestation se poursuit à son rythme actuel. Les facteurs énumérés pour les plantes et les cultures en général valent largement aussi pour les forêts. La fertilisation par le CO2 est appelée à stimuler les croissances, en particulier lorsque les arbres connaissent un déficit hydrique. Les études s'intéressant aux incidences régionales potentielles du changement climatique sur les forêts et la foresterie d'Asie tropicale sont limitées. La superficie des forêts subtropicales pourrait reculer, tandis qu'augmenterait celle des forêts tropicales. On prévoit également un déplacement vers les Pôles des forêts tropicales humides vers des zones aujourd'hui occupées par les forêts tropicales sèches.

40. Une déperdition d'humidité des sols pourra entraîner une baisse de productivité des essences phares, dont le teck. La productivité des formations caducifoliées humides pourrait elle aussi se réduire.

41. Comme on l'a indiqué, la déforestation s'est accentuée en Asie tropicale. Le GIEC cite des études selon lesquelles la déforestation pourrait démultiplier les effets du changement climatique en produisant certaines perturbations de la mousson sur l'Asie du Sud-Est et modifier les facteurs déterminant le risque de feu, en particulier en Australie et dans les régions semi-arides.

42. Le GIEC (1997) souligne qu'en Australie, l'établissement des jeunes plants pourrait être gêné dans les plantations forestières. Un point positif cependant: là où les adventices principales sont des plantes à C4 (cas de la Nouvelle-Zélande), les effets de concurrence pourraient être réduits si les hausses de concentration de CO2 favorisent la croissance des C3 au détriment des C4 dans les zones tempérées.

43. Une modification de la fréquence et de l'intensité des sinistres causés par le vent et les tempêtes est également possible, particulièrement en Nouvelle-Zélande, tout comme on peut prévoir une augmentation de l'incidence des ravageurs arthropodes et des maladies.

Les pêcheries d'eau douce et maritimes

44. En ce qui concerne la pêche maritime, des modifications légères des variables écologiques (température, salinité, vitesses et directions des vents, courants océaniques et remontées d'eau froide) peuvent altérer fortement le degré d'abondance des populations de poissons en modifiant la solubilité de l'oxygène dans l'eau, la disponibilité des nutriments, les modèles migratoires d'espèces ichtyologiques, l'apparition d'algues proliférantes, etc. Les élévations du niveau de la mer pourront aussi causer la pénétration de fronts d'eau salée dans les terres, ce qui pourrait étendre les secteurs de pêche en eaux saumâtres. Les inondations de littoraux pourraient aussi être préjudiciables à l'aquaculture.

45. L'Asie tropicale compte parmi ses caractéristiques le fait que des franges importantes de la population consomment du poisson frais. Le GIEC (1997) souligne le peu d'études consacrées à l'incidence possible du changement climatique sur la pêche dans la région, et ce alors même que la pêche commerciale et vivrière – tant océanique que continentale – et l'aquaculture représentent une part importante du PIB et assurent un rôle important dans la sécurité alimentaire de nombreux pays de cette région.

46. Il est extrêmement difficile de prédire dans quelle mesure la modification du climat peut avoir des répercussions préjudiciables sur les stocks de poisson et l'industrie de la pêche, notamment dans le contexte des stress actuels que subissent les stocks de poisson. Une étude du GIEC de 1996 a conclu que même si la production mondiale des pêches maritimes demeurait sensiblement identique – malgré d'éventuelles modifications dans les espèces dominantes – il était vraisemblable que l'on assiste à des effondrements et à des expansions de pêcheries régionales spécifiques. Ces conclusions peuvent également s'appliquer à de grandes régions océaniques comme l'Australasie, même si l'état actuel des connaissances ne permet pas de prédire les incidences sur la productivité totale. Si les flottes de pêche hauturière mobiles sont moins portées à subir les effets du changement climatique, les petits pêcheurs, qui dépendent de secteurs de pêche situés au plus près des côtes, pourront se voir davantage exposés à des gains comme à des pertes considérables si les zones poissonneuses viennent à se déplacer.

47. L'aquaculture et la pêche en eau douce dans les latitudes moyennes pourront bénéficier d'un allongement des saisons de croissance, d'une plus faible mortalité hivernale naturelle, et de rythmes de croissance supérieurs.

48. La pêche, bien que pour une large part artisanale ou menée à petite échelle sur un plan commercial, n'en constitue pas moins une activité importante dans la plupart des petites îles. On ne prévoit pas que les hausses de température modestes projetées pour ces régions aient des effets nocifs généralisés sur les secteurs de pêche des petites îles, cela à l'exception peut-être de l'hypersalinité plus fréquente des lagons. Le rapport du GIEC souligne que la pêche des palourdes pourrait souffrir d'une hausse de la température de la mer. De manière générale, l'élévation du niveau de la mer ne devrait pas en soi porter préjudice à la pêche dans les petits États insulaires. Une élévation du niveau de la mer serait un facteur déterminant pour la pêche seulement si cette élévation se produisait bien plus rapidement que ce que suggèrent les projections actuelles. En pareil cas, on verrait se rompre la succession naturelle des écosystèmes littoraux dont dépendent certaines espèces: mangrove, herbiers, récifs coralliens.

Vulnérabilité et capacité d'adaptation en Asie et dans le Pacifique

49. La vulnérabilité5 au changement climatique dans la région Asie-Pacifique varie considérablement en fonction des catégories actuelles du climat6, des structures économiques et écologiques, de l'ampleur du changement climatique projeté, de la capacité à opérer les adaptations technologiques, de la capacité des institutions, des savoir-faire, de l'éducation et des capacités financières.

50. Le tableau 2 (d'après des études du GIEC) montre le degré de vulnérabilité au changement climatique des divers secteurs en fonction des grands ensembles climatiques et géophysiques. On peut affirmer avec un degré de confiance élevé que la plupart des secteurs sont très vulnérables.

Tableau 2: vulnérabilité de la production agricole de certaines régions asiatiques
(D'après GIEC 2001a, p.48)

Note:
Très élevée (*****, degré de confiance égal ou supérieur à 95 pour cent)
Très faible (*, degré de confiance égal ou inférieur à 5 pour cent)

Région

Aliments et fibres

Ressources en eau

Écosystèmes côtiers

Asie aride et semi-aride

Asie centrale

Très vulnérable
****

Très vulnérable
****

Assez vulnérable
**

Plateau tibétain

Peu ou pas vulnérable
**

Assez vulnérable
**

Sans objet

Asie tempérée

Très vulnérable
**

Très vulnérable
****

Très vulnérable
****

Asie tropicale et petits États insulaires

Asie du Sud

Très vulnérable
****

Très vulnérable
****

Très vulnérable
****

Asie du Sud-Est

Très vulnérable
****

Très vulnérable
****

Très vulnérable
****

Tableau 3: incidences du changement climatique, vulnérabilité et capacité d'adaptation
(D'après GIEC 2001a, p. 14, 15, et 17)

Incidences du changement climatique, vulnérabilité et capacité d'adaptation

Région

Incidences régionales vraisemblables du changement climatique

Vulnérabilité et capacité d'adaptation

Asie

Les événements climatiques extrêmes que sont les inondations, les sécheresses, les incendies de forêts et les cyclones tropicaux ont augmenté en Asie tempérée.

La capacité d'adaptation des pays varie en fonction de la structure sociale, de la culture, de la santé de l'économie, et du degré de dégradation de l'environnement.

Les stress thermiques et hydriques, l'élévation du niveau de la mer, et les cyclones tropicaux porteront atteinte à la sécurité alimentaire dans de nombreux pays d'Asie aride, tropicale et tempérée.

Sont concernés par ces risques les secteurs de l'eau et de l'agriculture, la sécurité alimentaire, la conservation de la biodiversité et la gestion des ressources naturelles, ainsi que l'aménagement des zones côtières et l'infrastructure.

 

L'agriculture se développera et deviendra plus productive dans les régions septentrionales.

Les capacités se renforcent dans certaines parties de l'Asie, en témoigne la réussite des systèmes d'alerte rapide pour les événements météorologiques extrêmes au Bangladesh; ces moyens demeurent cependant limités de par l'insuffisance des ressources, les inégalités de revenu, la faiblesse des institutions et une technologie limitée.

La perte d'humidité du sol durant l'été est susceptible de précipiter la dégradation des terres et la désertification.

Dans les basses terres littorales de l'Asie tempérée et tropicale, l'élévation du niveau de la mer et l'intensité accrue des cyclones tropicaux provoqueront le déplacement de dizaines de millions de personnes.

 

Australie et Nouvelle- Zélande

Bien que les changements climatiques et l'augmentation de la concentration de gaz carbonique qui en découle puissent avoir, dans un premier temps, un effet positif sur certaines cultures de climat tempéré, ce bilan devrait par la suite se révéler négatif dans certaines zones et pour certaines cultures (degré de confiance moyen).

En Australie et en Nouvelle-Zélande, les systèmes humains font généralement preuve d'une grande capacité d'adaptation, à l'exception de quelques groupes – dont les populations autochtones présentes dans certaines régions – qui ont du mal à s'adapter et qui sont par conséquent très vulnérables.

L'eau est appelée à devenir un enjeu majeur (degré de confiance élevé) au regard des tendances à la sécheresse que font apparaître les projections pour la majeure partie de la région et de l'évolution vers une situation moyenne caractérisée par une prédominance accrue du phénomène El Niño.

 

L'intensification des précipitations et des cyclones tropicaux (degré de confiance moyen), et les modifications à l'échelle régionale de la fréquence de ces cyclones, exposeront les personnes, les biens et les écosystèmes à des risques accrus de sinistres causés par les inondations, les ondes de tempête et les vents violents.

 

Seront menacées d'extinction certaines espèces aux niches climatiques peu étendues et qui sont incapables de migrer par suite du morcellement du milieu naturel, de la disparité des sols ou du relief (degré de confiance élevé).

Parmi les écosystèmes australiens particulièrement vulnérables aux changements climatiques figurent les récifs coralliens, les habitats arides et semi-arides du sud-ouest ainsi que de l'intérieur de l'Australie et les systèmes alpins australiens. Les zones humides riches en eau douce des littoraux australien et néo-zélandais sont particulièrement fragiles, et certains écosystèmes de la Nouvelle-Zélande sont vulnérables à une prolifération accrue des adventices.

États insulaires

L'élévation du niveau de la mer, qui devrait atteindre cinq millimètres par an au cours des 100 prochaines années selon les projections, aura pour effet d'intensifier l'érosion côtière, de faire disparaître un certain nombre de terres, d'engendrer la pauvreté, de provoquer le déplacement de nombreuses personnes, d'augmenter les risques liés aux ondes de tempête, de réduire la résilience des écosystèmes côtiers, de favoriser l'infiltration d'eau salée dans les réserves d'eau douce et de nécessiter la mobilisation de ressources considérables pour faire face et s'adapter à ces changements.

Dans les petits États insulaires, les systèmes humains font généralement preuve d'une capacité d'adaptation limitée et sont très vulnérables; selon toute probabilité, ces États compteront parmi les pays les plus gravement touchés par les changements climatiques.

Sont concernés par ces risques la sécurité alimentaire, les ressources en eau, l'agriculture, la biodiversité et la gestion des littoraux, ainsi que le tourisme.

Les récifs coralliens seront exposés à la décoloration et à une réduction du taux de calcification due à l'augmentation de la concentration de gaz carbonique; de plus, la hausse des températures et l'élévation accélérée du niveau de la mer auront des conséquences néfastes sur les mangroves, les prairies sous-marines et autres écosystèmes côtiers ainsi que sur la diversité biologique connexe.

Les îles disposant de ressources réduites en eau douce sont particulièrement vulnérables aux incidences du changement climatique sur le bilan hydrique.

La dégradation des écosystèmes côtiers aura un effet négatif sur les populations de poissons de récifs, sur ceux qui tirent leur subsistance de la pêche de ces poissons et sur ceux qui s'en nourrissent.

 

La faible étendue des terres cultivables et la salinisation des sols font que l'agriculture des petits États insulaires est extrêmement vulnérable aux changements climatiques, qu'il s'agisse de la production vivrière intérieure ou de celle, destinée à l'exportation, des cultures de rapport.

 

Les changements climatiques et l'élévation du niveau de la mer perturberont grandement le tourisme, qui constitue une source importante de revenus et de devises dans de nombreuses îles.

VI. MESURES ENVISAGEABLES

51. Le document COAG/01/5 a souligné que la FAO et ses pays Membres étaient confrontés à plusieurs enjeux découlant directement ou indirectement des négociations actuelles sur le climat. En particulier, le Protocole de Kyoto («le Protocole») traite explicitement du sujet et met un accent particulier sur les modes de gestion durable et la promotion de formes durables d'agriculture à la lumière des considérations sur le changement climatique.

52. Les articles du Protocole concernant la communauté agricole comprennent des sections sur le boisement et le reboisement (article 3.3) ainsi que sur d'autres sources et réservoirs, y compris l'absorption par les sols et la biomasse (article 3.4) et leur estimation (article 5). Les autres articles pertinents sont ceux relatifs aux permis négociables (article 6), la communication d'inventaires annuels (article 7), les mécanismes d'examen et de contrôle (article 8), les méthodes améliorées d'évaluation des émissions et des puits (article 10), et en particulier le Mécanisme pour un développement propre que décrit l'article 12.

53. La double finalité du Mécanisme pour un développement propre est d'aider les Parties du monde en développement à parvenir à un développement durable, et d'aider les Parties du monde développé à remplir leurs engagements chiffrés de limitation et de réduction de leurs émissions. Le Mécanisme pour un développement propre permettra aux Parties de l'annexe I et aux Parties hors annexe I de mettre en oeuvre conjointement des projets qui se traduisent par des réductions d'émissions certifiées. Ce mécanisme complète la démarche des permis négociables entre les Parties de l'annexe I. Si les modalités de la mise en oeuvre du Mécanisme pour un développement propre sont toujours en débat, ses possibilités en tant que mécanisme de développement durable n'en méritent pas moins d'être soigneusement évaluées.

54. Il est indiscutable que les négociations internationales sur le climat ouvrent des perspectives nouvelles liées au fait que le carbone soit devenu à présent une nouvelle «marchandise». Cela apporte un regain de justification à plusieurs activités menées par l'Organisation.

Les perspectives nouvelles

55. La plupart des pays de la région Asie-Pacifique sont admissibles à la participation au Mécanisme du développement propre, lequel instaure le boisement et le reboisement comme activités admissibles. Les plantations forestières peuvent aider à contrecarrer les effets nocifs qu'exerce le changement climatique sur les forêts naturelles. La FAO s'est lancée dans un processus de renforcement des capacités nécessaires au Mécanisme pour un développement propre dans les pays en développement, y compris ceux d'Asie.

56. En dehors du secteur forestier, d'autres possibilités ne manqueront pas de se concrétiser dans les domaines suivants:

Un regain de justification

57. La FAO rassemble et met à jour une vaste gamme de données géoréférencées, qui ont trait directement au problème du changement climatique, mais aussi aux exigences pratiques plus immédiates de communication de rapports auxquelles sont soumis les pays visés par la Convention. Il s'agit notamment:

VII. CONCLUSIONS

58. En se fondant sur les analyses fragmentaires aujourd'hui possibles, le GIEC conçoit le changement climatique comme une menace imminente qui appelle la mise en oeuvre immédiate de mesures, notamment dans les zones menacées par une élévation du niveau de la mer. Dans le contexte de la FAO, les efforts d'atténuation du changement climatique et de renforcement de la résilience des populations rurales et de leurs moyens d'existence face à la variabilité climatique et aux incidences du changement climatique peuvent être considérés comme étant en concordance avec ceux visant l'obtention de degrés supérieurs de durabilité.

59. Plusieurs domaines d'intervention offrent des perspectives aux pays de la région Asie-Pacifique dans le cadre des négociations internationales. Les domaines suivants peuvent être mis en exergue:

Bibliographie

Bazzaz, F. & Sombroek, W. 1996. Global climate change and agricultural production. Chichester, UK/Rome, Italy, John Wiley & Sons Ltd/FAO.

Bruinsma, J. (ed.) 2003. World agriculture: towards 2015/2030 an FAO perspective. London, UK/Rome, Italy, Earthscan Publications Ltd/FAO.

FAO. 1996. Enquête mondiale sur l'alimentation -1996. Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, Rome (Italie).

Fischer, G., Nachtergaele, F., Shah, M. & van Velthuizen, H. 2002. Global agro-ecological assessment for agriculture in the 21st century: Methodology and results. Laxenburg, Austria/Rome, Italy, International Institute for Applied Systems Analysis/FAO.

GIEC. 1997. Incidences de l'évolution du climat dans les régions: évaluation de la vulnérabilité GIEC Cambridge (R-U). Cambridge University Press.

GIEC. 2001a. Bilan 2001 des changements climatiques: conséquences, adaptation et vulnérabilité. GIEC New York (États-Unis). Cambridge University Press.

GIEC. 2001b. Bilan 2001 des changements climatiques: mesures d'atténuation. GIEC New York (États-Unis). Cambridge University Press.

Jürgens, I. 2002. Study of the effects of climate change on agriculture: Policy implications. Présentée à la sixième session du Groupe de travail conjoint de l'OCDE sur l'agriculture et l'environnement. Paris.

Tol, R.S.J. 2002. Estimates of the damage costs of climate change. Part I: Benchmark Estimates. Environmental and Resource Economics 21, 47-73.


1 La fertilisation par le gaz carbonique est le renforcement de la croissance des végétaux du fait d'une augmentation de la concentration de dioxyde de carbone dans l'atmosphère. En fonction du mécanisme de leur photosynthèse, certains types de végétaux sont plus sensibles à la concentration de gaz carbonique dans l'atmosphère. C'est ainsi que les végétaux en C3 montrent généralement une réaction plus forte au gaz carbonique que les végétaux en C4.

2 La vernalisation est l'exigence qu'ont certaines cultures céréalières tempérées, tel le blé d'hiver, d'une période de basses températures hivernales qui leur permet d'entamer et de hâter leur floraison. Une vernalisation insuffisante se traduit par un bourgeonnement floral réduit, et, à terme, par des pertes de productivité.

3 Vers le nord dans l'hémisphère Nord, vers le sud dans l'hémisphère Sud.

4 (Fischer et collaborateurs 2002 et Tol et collaborateurs 2002 ont fait apparaître une régression générale du PIB agricole dans les pays en développement (-1 pour cent (écart type < 1) et en Asie (-2,3 pour cent (écart type < 2). En fonction du degré d'adaptation, Tol et collaborateurs 2002 prédisent une évolution négative du PIB agricole de toutes les régions de la zone Asie-Pacifique en cas de non adaptation, et une évolution légèrement positive en cas d'adaptation. La Chine montre des résultats positifs dans les deux scénarios. Ces résultats sont cependant affectés de faibles degrés de confiance). En ce qui concerne les prix mondiaux sur les marchés de la grande production vivrière, Fischer et collaborateurs (2002) prédisent une progression s'agissant des scénarios B1 et A2 et une régression pour B2 (avec cependant des écarts types élevés).

5 «On entend par vulnérabilité la mesure dans laquelle un système est sensible – ou incapable de faire face – aux effets défavorables des changements climatiques, y compris la variabilité du climat et les phénomènes extrêmes» (GIEC, 2001a).

6 Les principales catégories sont celles de l'Asie aride et semi-aride, de l'Asie tempérée, de l'Asie tropicale, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande et des États insulaires du Pacifique.