ERC/02/6




VINGT-TROISIÈME CONFÉRENCE RÉGIONALE DE LA FAO POUR L’EUROPE

Nicosie, Chypre, 29-31 mai 2002

Point 8 de l’ordre du jour

SITUATION DE L’ALIMENTATION ET DE L’AGRICULTURE DANS LA RÉGION


Table de matières


RÉSUMÉ

1 Depuis l’introduction des réformes au début des années 1990, le nombre de personnes vivant en-dessous du seuil national de pauvreté dans les pays européens en transition a très nettement augmenté. Vers le milieu de la décennie, il était de 28,1 millions dans dix pays d'Europe centrale et orientale (PECO), en plus Moldova. En 1998, 20,7 millions de personnes vivaient dans des pays en transition avec 2 dollars É.-U., ou moins, par jour. Dans cette région, la pauvreté est essentiellement due aux bouleversements structurels de l'emploi et des revenus qui ont accompagné les réformes, ainsi qu'aux conflits locaux et aux catastrophes naturelles. La guerre et les conflits en ex-Yougoslavie, en Azerbaïdjan, en Arménie, en Géorgie, en Moldova et dans la Fédération de Russie ont provoqué de grands déplacements de population et interrompu les travaux agricoles. Dans ces situations, l'aide alimentaire a été déterminante pour empêcher une diminution trop importante des apports alimentaires et limiter l'incidence de la malnutrition.

2 À partir de 1999 et 2000, toutefois, la croissance économique et la stabilité politique commencent à transformer les perspectives des pays en transition. Dans leur ensemble, ces pays connaissent une croissance économique vigoureuse depuis 1999 et les prévisions pour 2002 sont également favorables. Au début de l'année 2002, la situation politique s'était stabilisée en République fédérale de Yougoslavie (province du Kosovo comprise) et dans l'ex-République yougoslave de Macédoine, l'ère de l'aide humanitaire d'urgence touchait à sa fin et la région pouvait s'attaquer aux problèmes de la reconstruction. En 2001, grâce à des récoltes exceptionnelles, la production céréalière a augmenté de 6 pour cent en Europe. En Europe de l'Est, les conditions météorologiques excellentes et l'augmentation des surfaces cultivées ont fait faire un bond de 35 pour cent à la production céréalière. Dans les pays du Caucase et en Moldova, la production de céréales a aussi augmenté de plus de 30 pour cent.

3 Le retour de la croissance, la fin des grands conflits dans la région et l'abondance des récoltes engrangées dans des pays (surtout du Caucase) où l'agriculture représente une part très importante du PIB ont ravivé les espoirs de réduire la pauvreté à long terme. Il ne faut toutefois pas s'attendre à ce que ces changements récents fassent disparaître la pauvreté qui a gagné du terrain pendant plus de dix ans. Le recul de la pauvreté dans les pays en transition ne dépend pas seulement de la croissance économique, puisque celle-ci s'inscrit essentiellement dans le secteur informel des petites et moyennes entreprises récemment créées. La pauvreté est, dans une large mesure, un phénomène structurel lié à la persistance d'un ensemble de facteurs socio-économiques, ce qui fait qu'elle cède difficilement aux mesures de lutte visant seulement à favoriser la croissance économique. Des études de la Banque mondiale menées à la fin des années 1990 ont montré que les habitants des régions rurales étaient plus exposés au risque de paupérisation que ceux des zones urbaines.1 C'est pourquoi l'augmentation de la production agricole et le développement des activités connexes non agricoles dans les campagnes peuvent constituer un facteur important de réduction de la pauvreté dans les pays européens en transition.

4 Trois faits marquants des politiques suivies ces trois dernières années ont des conséquences importantes pour la lutte contre la pauvreté et le développement rural dans les pays en voie d'adhésion à l'UE. Premièrement, les réformes de la Politique agricole commune (PAC) prévues par l'Agenda 2000 sont entrées en application en 2000 et se poursuivront jusqu'en 2006. Non moins importante est la chute considérable des prix d'intervention de l'UE (exprimés en dollars É.-U.) au cours des trois dernières années du fait de la dépréciation de l'euro par rapport au dollar É .-U. La baisse des prix d'intervention, découlant de l'Agenda 2000 et de la dépréciation de l'euro, a pour effet de rapprocher les prix des céréales de l'UE des cours internationaux, ce qui réduit les risques d'excédents de production et ouvre la porte à des exportations non subventionnées. Deuxièmement, les négociations sur le volet agricole avec les pays en voie d'adhésion à l'UE ont pris un nouvel essor avec la publication de la proposition de la Commission présentant les modalités d'application de la PAC à ces pays. La proposition prévoit une abondance de crédits en faveur du développement rural après les adhésions et l'augmentation continue des paiements directs aux agriculteurs des futurs pays membres jusqu'en 2013. Troisièmement, le Conseil des ministres de l'agriculture de l'UE a adopté un règlement instituant une Autorité européenne de la sécurité des aliments.

5 Ces tournants dans les politiques influent sur les perspectives à long terme de la production agricole en Europe et sur les chances de réduire la pauvreté dans les régions rurales des pays en voie d'adhésion, mais ils abordent des problèmes importants qui ont assombri les perspectives de l'agriculture européenne ces deux dernières années. Les réformes de l'Agenda 2000 et la dépréciation de l'euro limitent les risques de constitution d'excédents de production découlant du fait que les prix des produits de base européens sont supérieurs aux cours mondiaux. La proposition de la CE précise les conditions dans lesquelles les pays candidats à l'adhésion peuvent s'attendre à entrer dans l'Union européenne en 2004. La création de l'Autorité européenne de la sécurité des aliments répond aux préoccupations des consommateurs européens quant à la salubrité de leurs aliments, sujet qui suscite un vif intérêt dans l'opinion après les problèmes provoqués ces deux dernières années par l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) et l'épidémie de fièvre aphteuse.

6 En précisant de quoi sera fait l'avenir, ces mesures délimitent plus nettement le cadre du développement agricole et rural, et donc de la lutte contre la pauvreté dans les pays en voie d'adhésion jusqu'en 2013. Les réformes de l'Agenda 2000 et la dépréciation de l'euro, en réduisant les prix d'intervention et donc la nécessité des subventions à l'exportation, améliorent les perspectives d'exportation des agriculteurs des pays en voie d'adhésion puisque les exportations subventionnées sont limitées par les engagements contractés dans le cadre de l'OMC. La proposition d'étendre la PAC aux pays en voie d'adhésion prévoit de mobiliser des crédits importants pour le développement rural de ces pays après leur adhésion, ce qui devrait aussi améliorer l'avenir des agriculteurs et de la population rurale en Europe orientale. La création d'une Autorité européenne de la sécurité des aliments pourrait aussi exercer une influence notable sur le secteur de l'élevage en Europe si elle accroît la confiance des consommateurs dans la sécurité sanitaire des produits d'élevage européens.

7 Le présent document donne une vue d'ensemble de l'alimentation et de l'agriculture en Europe en 2000 et au début de 2001. Vu l'ampleur du sujet et l'étendue de la région, son but n'est pas d'être exhaustif. Dans un souci de concision, les auteurs ont à plusieurs reprises illustré les faits saillants par des exemples pris dans des pays représentatifs en laissant de côté les autres pays. Le document porte sur les pays européens membres de la FAO. Ainsi, ne sont désignés par le sigle CEI (4) que l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Géorgie et la République de Moldova. Par pays d'Europe centrale et orientale (PECO), on entend l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque, la République fédérale de Yougoslavie, l'ex-République yougoslave de Macédoine, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. L'Europe de l'Est comprend tous les PECO à l'exception des trois pays baltes. Les pays baltes sont l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie. Les PECO et la CEI (4) sont souvent désignés par les termes "pays en transition" pour souligner qu'ils sont passés d'une économie planifiée à une économie de marché, ce qui a eu des répercussions importantes sur leur agriculture et la sécurité sanitaire des aliments.

8 Pendant la phase de transition, la proportion de la population vivant au-dessous du seuil national de pauvreté a augmenté dans les pays d'Europe centrale et orientale et dans la CEI (4). Vers le milieu des années 1990, 28,1 millions de personnes étaient dans ce cas dans dix PECO plus Moldova, ce qui représente une augmentation de 3,9 millions de personnes depuis la fin des années 1980. Sur ce nombre, 8,1 millions vivent en Europe centrale, 13,5 millions en Roumanie, 1,3 million en Bulgarie, 2,3 millions dans les États baltes et 2,9 millions en Moldova (BERD, 1999). Cette augmentation de la pauvreté relative, c'est-à-dire de la proportion de la population vivant au-dessous du niveau de pauvreté fixé par chaque gouvernement national, s'est accompagnée d'une augmentation de la proportion de la population vivant dans la pauvreté mesurée en termes absolus de revenus. Le pourcentage de la population des pays en transition d'Europe et d'Asie centrale qui vit avec moins de 2 dollars É.-U. par jour est passé de 4 pour cent en 1987 à 21 pour cent en 1998 (Banque mondiale, 2001).

9 Pourtant, des faits très encourageants ont marqué les trois dernières années en ce qui concerne la pauvreté et la sécurité alimentaire, aussi bien dans les pays d'Europe centrale et orientale que dans la CEI (4). Tout d'abord, il y a eu la stabilisation politique des pays de l'ancienne Yougoslavie. Ensuite, la campagne de commercialisation 2001-2002 a été une campagne de récoltes exceptionnelles pour la région. Troisièmement, la région dans son ensemble connaît maintenant pour la troisième année consécutive une croissance vigoureuse et les perspectives de croissance pour 2002 sont aussi favorables. Ce cours des choses a permis de supprimer l'essentiel de l'aide alimentaire fournie à la région.2

10 En dépit de l'évolution globalement positive observée ces trois dernières années, on ne peut s'attendre à une régression rapide de la pauvreté, qui a considérablement augmenté au cours des dix années passées. Cela tient en partie à la nature de la pauvreté dans la région. Le recul de la pauvreté dans les pays en transition ne dépend pas seulement de la croissance économique, puisque celle-ci s'inscrit essentiellement dans le secteur informel des petites et moyennes entreprises récemment créées. La pauvreté est avant tout un problème qui touche les groupes sociaux vulnérables, tels que les personnes âgées, les minorités ethniques, les personnes déplacées à l'intérieur du pays, les chômeurs des villes et les familles nombreuses. Les conflits, les problèmes ethniques et (dans certains pays) le vieillissement de la population sont à l'origine de la persistance de ces problèmes. La pauvreté touche aussi ceux qui sont restés dans les anciennes grandes entreprises d'État, qui, bien que privatisées, sont pauvres en capitaux, peu compétitives et fortement endettées. Le chômage technique et la faiblesse des salaires dans ces entreprises sont l'une des principales causes de la pauvreté. C'est aussi un problème qui touche les fonctionnaires, dont les salaires sont très bas. En somme, la pauvreté est, dans une large mesure, un phénomène structurel lié à la persistance d'un ensemble de facteurs socio-économiques, ce qui fait qu'elle cède difficilement aux mesures de lutte visant seulement à favoriser la croissance économique.

11 La République fédérale de Yougoslavie illustre bien le problème de la pauvreté dans la région. Cet État émerge d'une crise économique aiguë à l'issue du conflit pour le Kosovo et de plusieurs années consécutives de sanctions économiques. Début 2000, quelque 900 000 personnes vulnérables, réfugiés et personnes économiquement et socialement défavorisées vivant en Serbie (province du Kosovo exclue) recevaient des secours alimentaires humanitaires fournis par le Programme alimentaire mondial. Ce nombre sera ramené à 174 000 d'ici juin 2002 (PAM, 2002). Dans la province du Kosovo, malgré la reprise de la production agricole en 2001-2002, la faiblesse du pouvoir d'achat de la population rurale et urbaine, conjuguée au manque dramatique de produits essentiels autres qu'alimentaires, continue de poser problème. Pendant la première partie de l'an 2000, 1 million de personnes ont reçu une aide alimentaire dans la province. Fin 2001, ce nombre avait été ramené à 100 000 environ (PAM, 2001). Pourtant, en 2001, il restait encore près de 400 000 réfugiés en Yougoslavie, venus principalement de Bosnie et de Croatie, dont 50 pour cent étaient sans emploi (PAM, 2002).

12 La Bulgarie connaît depuis 1998 un taux de croissance du PIB supérieur à 2 pour cent. Malgré ce tableau optimiste, certaines estimations indiquent que 21 pour cent de la population bulgare vit dans la pauvreté absolue (avec moins de 1 dollar É.-U. par jour), tandis que 17 pour cent au moins ne sont pas en mesure de satisfaire leurs besoins caloriques quotidiens minimaux (PNUD Bulgarie, 2002). L'analyse de la pauvreté dans ce pays montre que les taux de pauvreté sont supérieurs dans les régions rurales à ce qu'ils sont en ville. La pauvreté a aussi une dimension ethnique: la paupérisation touche davantage les Rom et les Turcs. Les pauvres en Bulgarie appartiennent pour 25 pour cent à des minorités ethniques, et les deux tiers de ce chiffre au peuple Rom. La part de l'alimentation dans le budget des ménages, toutes catégories confondues, reste élevée et stable. Plus d'un tiers des ménages consultés dans un sondage indiquaient qu'ils produisaient eux-mêmes plus de 50 pour cent de leur nourriture (PNUD, 1999). Les aliments de production familiale constituent un appoint important pour les ménages vulnérables.

13 Bien que la croissance ait été forte en Roumanie au milieu des années 1990, l'économie a subi des revers importants entre 1997 et 1999 et un recul de 13 pour cent. La croissance négative a fait grimper le taux de pauvreté de 19,9 pour cent en 1996 à 44 pour cent en 2000 (Catalin, 2001). Dans ce pays, l'ampleur et l'acuité de la pauvreté sont plus marquées dans les campagnes. Selon la Banque mondiale, 3,8 millions de pauvres vivent dans les régions rurales du pays. Le déficit de consommation, qui mesure la consommation des pauvres vivant au-dessous du niveau de pauvreté, atteint 27 pour cent dans les campagnes contre 24 pour cent dans les villes (Banque mondiale/ Commission nationale des statistiques). La plupart des habitants des campagnes sont tributaires de la terre pour leur subsistance. Les familles pauvres y suivent des stratégies de production à faible risque et faible rendement. Les périodes de croissance du PIB en Roumanie montrent que même une croissance de courte durée permet de sortir des millions de personnes de la pauvreté. Aussi, la stratégie suivie consiste-t-elle à favoriser la reprise de la croissance et à prendre des mesures de développement rural.

14 L'agriculture représente près d'un quart du PIB de l'Azerbaïdjan. L'augmentation de la production agricole a donc un effet important sur la croissance du PIB. La production alimentaire dans ce pays est en expansion depuis 1997 grâce à des conditions de culture favorables, à la stabilité financière et aux réformes de fond axées sur le marché, mais elle reste inférieure de presque 20 pour cent à son niveau de 1990. Le pays dispose d'un bon potentiel agricole mais, à court terme, la production est limitée par l'épuisement des sols, le manque critique de crédit en milieu rural, l'insuffisance des infrastructures et le mauvais état des réseaux d'irrigation et de drainage. Depuis la libéralisation des échanges, toute insuffisance de l'approvisionnement national est compensée par des importations. Par ailleurs, la faiblesse du pouvoir d'achat de la majorité de la population (8 millions de personnes) est préoccupante. Les dépenses consacrées à l'alimentation représentent 70 pour cent des dépenses totales des ménages les plus vulnérables. Ces dernières années, le nombre de personnes vulnérables a diminué, mais on compte encore quelque 860 000 PDI et réfugiés, principalement à cause du problème du Nagorno-Karabakh, qui n'est toujours pas résolu. En tout, près de 500 000 personnes, appartenant pour moitié à la communauté déplacée, ont encore besoin d'une aide humanitaire. Le PAM, qui fournit une aide humanitaire à l'Azerbaïdjan depuis 1993, continue de soutenir 485 000 personnes par le biais de son Intervention prolongée de secours et de redressement (IPSR), d'une durée de trois ans, qui a commencé en juillet 1999.

15 En Géorgie, le PIB est en progression constante depuis 1995, mais la production agricole, affectée par la sécheresse en 1998 et 2000, est plus irrégulière. Comme en Azerbaïdjan, l'agriculture représente une part assez importante du PIB (36 pour cent en 1999). On peut donc s'attendre à ce que la croissance de la production agricole ait un effet important sur la croissance globale du PIB, mais les rendements des récoltes varient sensiblement d'une année sur l'autre selon les conditions météorologiques, du fait de l'absence d'une bonne irrigation et d'une bonne fertilisation et du manque d'autres intrants. Le secteur agricole, encore en difficulté, se cantonne dans des activités à faible apport d'intrants et faible rendement, l'accès aux marchés et aux ressources étant limité.

16 L'Arménie connaît aussi une croissance régulière du PIB depuis 1994, mais l'agriculture, frappée à plusieurs reprises par la sécheresse au cours des dernières années, progresse en dents de scie. Comme dans les autres pays en transition, la pauvreté ne disparaît pas avec la seule croissance économique, mais est le lot de groupes sociaux vulnérables tels que les PDI, les personnes âgées, les chômeurs des villes, les familles nombreuses et les salariés des anciennes grandes entreprises d'État.

17 Depuis deux ans, trois politiques promettent d'avoir des effets sur la pauvreté dans les pays d'Europe orientale en voie d'adhésion. Parmi les pays en transition pris en considération dans le présent document, les pays en voie d'adhésion sont peut-être dans une meilleure posture, mais ils comptent encore plus d'un tiers des personnes vivant au-dessous des seuils nationaux de pauvreté des PECO et de la Moldova. En premier lieu, la réforme de l'Agenda 2000 est entrée en application dans le secteur des cultures de labour pendant la campagne de commercialisation 2000-2001. En agissant sur les prix relatifs, cette réforme a déjà entraîné des modifications des superficies cultivées en céréales et en oléagineux. À partir de 2005-2006, les réformes de l'Agenda 2000 commenceront aussi à modifier le régime des incitations dans le secteur laitier. Fait d'égale importance, les prix d'intervention de l'UE ont considérablement baissé au cours des trois dernières années (en dollars É.-U.) en raison de la dépréciation de l'euro par rapport au dollar. La baisse des prix d'intervention résultant de l'Agenda 2000 et de la dépréciation de l'euro a pour effet de ramener les prix des céréales de l'UE au niveau des cours internationaux, ce qui réduit les risques d'excédents de production et ouvre la porte à des exportations non subventionnées. Les exportations subventionnées étant limitées par les engagements dans le cadre de l'OMC, ces modifications donneront aux agriculteurs de l'Europe de l'Est plus de latitude pour maintenir leurs exportations après leur adhésion. En deuxième lieu, les négociations agricoles entre l'UE et les pays candidats ont fait un grand pas en avant avec la publication de la proposition de la Commission visant à étendre la Politique agricole commune à ces pays. La Commission espère clore les négociations sur le volet agricole avec la plupart des pays en voie d'adhésion d'ici à la fin de 2002, ce qui permettrait leur adhésion en 2004. Si les choses se déroulent selon ce schéma, les principaux paramètres des politiques agricoles des futurs États membres de l'UE sont maintenant connus, au moins jusqu'en 2013, bien qu'ils puissent faire l'objet de nouvelles mesures de réforme de la PAC, le cas échéant. La proposition prévoit une abondance de ressources en faveur du développement rural après les adhésions et l'augmentation continue des paiements directs aux agriculteurs des futurs États membres jusqu'en 2013. En troisième lieu, le Conseil des ministres de l'agriculture de l'UE a adopté un règlement instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et un nouveau cadre de législation communautaire en matière alimentaire. L'Autorité doit être un organe consultatif indépendant, distinct des institutions de la Communauté européenne mais financé par l'UE. La décision de créer cet organisme, qui n'aura certes pas d'effet immédiat sur la production alimentaire, représente une démarche importante pour rétablir la confiance dans les produits alimentaires européens. Elle pourrait donc stimuler la demande à venir, en particulier pour les produits de l'élevage.

A. INTRODUCTION DES RéFORMES PRéVUES PAR L'AGENDA 2000

18 Les réformes contenues dans l'Agenda 2000, approuvées par le Conseil européen de Berlin en mars 1999, ont pour but d'étendre la réforme de 1992 en remplaçant les mesures de soutien des prix par le versement d'aides directes et en définissant une politique cohérente de développement rural. L'ensemble de mesures porte, à des degrés divers, sur les secteurs du lait, de la viande bovine, des cultures arables et du vin, et fixe des paramètres de développement rural. Selon ce programme, la réforme du secteur laitier doit commencer en 2005-2006, bien que des augmentations des contingents de production soient déjà intervenues en faveur de l'Italie, de l'Espagne et de l'Irlande en 2000-2001. La réforme du secteur laitier prévoit d'échelonner sur trois étapes une augmentation des contingents de production de 1,5 pour cent et une réduction correspondante de 15 pour cent des prix d'intervention. Dans le secteur bovin, les prix d'intervention seront réduits de 20 pour cent, aussi en trois étapes. Pour les céréales, les prix d'intervention seront réduits de 15 pour cent en deux étapes. La baisse des prix d'intervention doit être partiellement compensée par une augmentation des paiements directs. Les paiements compensatoires versés pour les oléagineux sont réduits en trois étapes et ramenés au niveau de ceux des céréales d'ici à la campagne de commercialisation 2002-2003.

19 L'application des réformes de l'Agenda 2000 au secteur des cultures de labour a commencé le 1er juillet 2000. Le prix d'intervention des céréales a alors été réduit de 7,5 pour cent, puis de nouveau de 7,5 pour cent à partir du 1er juillet 2001. Une dernière réduction du prix d'intervention des céréales sera peut-être appliquée si la situation du marché le justifie. Ces réductions de prix ont pour but de rapprocher davantage les prix des céréales de l'UE des cours sur les marchés internationaux. Pour compenser en partie les baisses de prix d'intervention, les paiements compensatoires par tonne produite ont augmenté à partir de 2000-2001. Les paiements compensatoires attribués pour les oléagineux sont progressivement ramenés à 63 euros par tonne d'ici à 2002-2003, comme pour les céréales. Cette forte baisse des paiements en faveur des oléagineux a réduit la rentabilité de ces cultures et favorisé la conversion des surfaces cultivées d'oléagineux en cultures de céréales en 2000-2001 et 2001-2002 (figure 1).

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Source: Banque de données de la FAO
20 Malgré les réformes de l'Agenda 2000, le soutien accordé aux agriculteurs des pays de l'UE reste bien supérieur à celui des PECO. L'estimation du soutien à la production (ESP) mesure le soutien des prix du marché et les divers paiements directs accordés aux agriculteurs par le biais des politiques agricoles. L'ESP peut être exprimé en termes monétaires par pays ou par produit, ou en pourcentage des recettes brutes des agriculteurs, aides budgétaires comprises. La figure 2 montre le niveau de l'ESP en pourcentage pour l'ensemble du secteur agricole dans certains PECO et dans l'UE au cours des dernières années. Avec l'augmentation des paiements directs prévue dans la proposition de la Commission européenne d'étendre la PAC, les agriculteurs d'Europe de l'Est peuvent s'attendre à voir l'ESP se rapprocher des niveaux de l'UE jusqu'en 2013, tandis que, dans l'UE, les niveaux pourraient continuer à diminuer, en fonction des futures décisions de réforme de la PAC.

FIGURE 2 – Estimation du soutien à la production
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Source: OCDE

B. L'éLARGISSEMENT DE L'UE ET L'AGRICULTURE: LA COMMISSION DE L'UE DéVOILE SA PROPOSITION D'éLARGISSEMENT DE LA PAC EN 2002

21 L'élargissement de l'UE a pris un nouvel essor l'an dernier. La Commission européenne a maintenant publié (depuis le 30 janvier 2002) sa proposition concernant les modalités d'extension de la PAC aux pays en voie d'adhésion. Les principaux points de sa proposition sont: i) une période de transition de dix ans pour porter progressivement les paiements directs au niveau de ceux accordés dans l'UE des 15; ii) des crédits importants pour financer de mesures de développement rural; iii) les nouveaux États membres qui accordent déjà des aides directes pourront compléter les paiements de l'UE par des paiements nationaux; et iv) les données utilisées pour mettre en place les instruments de gestion de l'offre tels que les contingents de production, les superficies de base des cultures arables et les plafonds des primes à la viande bovine seront celles de la période 1995-1999. La proposition doit maintenant être examinée par les États membres dans le cadre du Conseil, lequel doit adopter une position commune avant juin 2002. Les négociations finales avec les 10 pays en voie d'adhésion pourront alors commencer, et devraient se terminer d'ici à la fin de 2002. Dix pays d'Europe centrale et orientale devraient normalement entrer dans l'UE en 2004, à savoir: Chypre, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Slovénie. Par ailleurs, l'UE continue de négocier avec la Bulgarie et la Roumanie au sujet de leur adhésion.

22 L'agriculture est le chapitre le plus vaste des négociations d'adhésion et l'un des plus épineux. La préparation à l'adhésion insiste tout particulièrement, dans le domaine agricole, sur l'aptitude du pays candidat à appliquer l'acquis communautaire, ensemble de lois régissant le secteur de l'agriculture et de l'alimentation. Les négociations sur le volet agricole se sont ouvertes avec Chypre, l'Estonie, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovénie en juin 2000. En juin 2001, c'était le tour de la Lettonie, de la Lituanie et de la Slovaquie, et en décembre 2001 de Malte. La Bulgarie et la Roumanie ont présenté leur position initiale sur l'agriculture, mais les négociations sur ce chapitre n'ont pas encore commencé. Les négociations agricoles ne sont terminées avec aucun pays. Trois points de discorde avec les pays candidats demeurent.

23 Le premier est que les PECO ne peuvent se conformer intégralement aux normes de l'UE en matière d'hygiène et de santé dans le court laps de temps qui précède leur adhésion. La Pologne, par exemple, a demandé une période de transition pouvant aller jusqu'à quatre ans pour pouvoir mettre à niveau ses abattoirs, ses laiteries et ses installations de transformation. D'autres pays ont formulé des demandes semblables.

24 Deuxièmement, la question des contingents de production promet d’être difficile à régler. Dans l'exposé de leur position, par exemple, la Hongrie et la République tchèque demandent des contingents laitiers supérieurs à leur production actuelle; la Slovénie, par ailleurs, a demandé que tous les contingents soient supérieurs à la production actuelle. Pourtant, comme dans le cas du lait, si l'UE maintient le soutien des prix, les contingents des nouveaux membres devront être proches de leur niveau actuel de production pour éviter la création d'excédents de production non exportables et le dépassement des engagements pris dans le cadre de l'OMC pour une Union élargie.

25 Le troisième point de discorde, le plus difficile, porte sur l'application des paiements directs. L'UE préfèrerait éviter d'étendre intégralement aux nouveaux membres le régime des paiements directs prévu par l'Agenda 2000 afin de ne pas grever le budget. Début 2000, des signes sont apparus que l'UE pourrait accomplir sa position en ce qui concerne les paiements directs et accorder aux agriculteurs des nouveaux États membres une aide au moment de leur adhésion tout en harmonisant le régime des paiements à long terme.

C. CRÉATION DE L'AUTORITé EUROPéENNE
DE SéCURITé DES ALIMENTS

26 Le 21 janvier 2002, le Conseil des ministres de l'agriculture de l'UE a adopté un règlement instituant une Autorité européenne de sécurité des aliments indépendante et un nouveau cadre communautaire pour les législations alimentaires. Pour que ce règlement puisse être mis en application, il faut maintenant que le Conseil désigne un Directeur exécutif et un Conseil d'administration. L'Autorité pourra alors entrer en activité, peut-être dès l'automne 2002. Sa création pourrait contribuer à améliorer la sécurité sanitaire des aliments en Europe, sujet qui suscite un vif intérêt dans l'opinion depuis les problèmes provoqués ces deux dernières années par l'ESB et l'épidémie de fièvre aphteuse.

27 L'Autorité sera un organe consultatif indépendant, distinct des institutions de la Communauté européenne quoique financé par l'UE, chargé principalement de six fonctions: donner des avis scientifiques indépendants (à la demande de la Commission, des États membres, des organismes nationaux compétents en matière d'alimentation ou du Parlement européen); donner des avis sur des questions techniques ayant trait à l'alimentation pour étayer les politiques et législations en matière de sécurité sanitaire des aliments et de nutrition, de santé et bien-être des animaux et de protection des végétaux; recueillir et analyser des données sur les modes d'alimentation, l'exposition et les risques, pour surveiller la sécurité sanitaire des aliments dans l'UE; repérer l'apparition de risques; assurer le fonctionnement quotidien d'un système d'alerte rapide portant sur l'alimentation humaine et animale; et jouer un rôle de communication en informant l'opinion des questions relevant de son mandat. En outre, l'Autorité doit être assistée par un Forum consultatif composé de 15 représentants d'organismes compétents des États membres, par exemple des agences nationales de l'alimentation. L'Autorité doit aussi se faire conseiller par plusieurs groupes scientifiques composés d'experts scientifiques indépendants désignés par le Conseil d'administration.

28 Les mesures prises agissent sur des problèmes importants qui ont assombri les perspectives de l'agriculture européenne ces deux dernières années. Les réformes de l'Agenda 2000 et la dépréciation de l'euro réduisent les risques d’excédents de production dus au fait que les cours des produits européens sont supérieurs aux cours mondiaux. La proposition de la Commission européenne précise les conditions dans lesquelles les pays en voie d'adhésion peuvent s'attendre à entrer dans l'Union européenne en 2004. La création de l'Autorité européenne de sécurité des aliments répond par ailleurs aux préoccupations des consommateurs quant à la sécurité alimentaire de leurs aliments, sujet qui suscite un vif intérêt dans l'opinion depuis les problèmes provoqués ces deux dernières années par l'ESB et l'épidémie de fièvre aphteuse. On trouvera, dans la section qui suit, les résultats de la production agricole, y compris pour la campagne 2001 et les tendances de la production de céréales et d'oléagineux, de l'élevage et de la production animale pour la période 1997-2001.

A. CÉRÉALES

29 Entre 1997 et 2001, la production de céréales (exprimée en tonnes) a augmenté régulièrement en Europe à un rythme annuel moyen de 1,9 pour cent. Dans l'UE, la production a en fait légèrement régressé, de 0,5 pour cent par an, mais en Europe de l'Est l'augmentation a été de 3,2 pour cent par an. En 2001, les dernières estimations de la FAO concernant la production de céréales dans l'ensemble de l'Europe font apparaître une progression de 11,1 pour cent. Cette année, de nouveau, la production dans l'UE a diminué, de 6,5 pour cent, alors qu'elle augmentait en Europe de l'Est de 34 pour cent par rapport à l'année précédente. La production de blé globale pour l'ensemble de la région a augmenté de 9,4 pour cent en 2001 et celle des céréales secondaires de plus de 12,8 pour cent, grâce encore exclusivement à l'Europe de l'Est. Dans les pays de l'UE, la production de blé a diminué de près de 13 pour cent, celle de céréales secondaires restant pratiquement au niveau de l'année précédente. En Europe de l'Est, en revanche, l'augmentation a atteint presque 27 pour cent pour le blé et près de 39,4 pour cent pour les céréales secondaires.

30 Dans la CEI (4), la production de céréales a progressé, de 1997 à 2001, au rythme soutenu, de 6,5 pour cent par an, tandis qu’en 2001 la production a augmenté de 32,6 pour cent. Cette augmentation a été en grande partie due au bond incroyable de la production de blé en Géorgie (242 pour cent). Les prévisions indiquent une tendance à la hausse de la production de blé dans la CEI (4) et les PECO, tandis que les surfaces emblavées semblent être en régression constante dans l'UE.

31 Ces tendances divergentes de la production sont en partie dues à l'évolution en sens opposés des superficies emblavées et récoltées. Dans l'UE, en ce qui concerne les céréales, celles—ci ont diminué au cours des cinq dernières années d'environ 0,1 pour cent par an en moyenne, alors que dans le même temps elles augmentaient en Europe de l'Est de près de 1 pour cent par an. Dans la CEI (4), elles ont progressé de 2,7 pour cent par an pendant les cinq dernières années.

FIGURE 3 – Rendements du blé
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Source: Banque de données de la FAO

L'UE a toujours été un grand exportateur net de céréales (de 10 à 20 millions de tonnes). Malgré la chute de la production des cinq dernières années, les exportations nettes de blé et de céréales secondaires ont augmenté entre 1998 et 2000 du fait d'un fort accroissement de la production en 2000 et d'un recul de la consommation lié à la réduction du cheptel. L'Europe de l'Est exporte habituellement jusqu'à 5 millions de tonnes de céréales par an, mais les exportations nettes sont tombées à moins d'1 million de tonnes en 2000 en raison d'une forte baisse de la production. La CEI (4) importe normalement près d'1 million de tonnes de céréales par an. En 2000, les importations nettes ont augmenté d'1,2 million de tonnes à cause du recul de la production et atteint au total 1,8 million de tonnes.

FIGURE 4 – Exportations nettes de céréales

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Source: Banque de données de la FAO

B. GRAINES OLÉAGINEUSES

33 Dans l'UE et en Europe de l'Est, la culture d'oléagineux augmente à un rythme annuel de plus de 2 pour cent depuis 1996. Les superficies étant stables dans les deux parties de la région, l'augmentation de la production provient de l'accroissement des rendements. Cette tendance s'est cependant inversée en 2000 et en 2001. La réforme de l'Agenda 2000, qui réduit les paiements compensatoires pour les oléagineux accordés pour ces deux années, pousse les agriculteurs à retirer de la production des surfaces cultivées en oléagineux. La superficie a diminué dans l'UE de 7 pour cent en 2000 et de 1 pour cent en 2001. Elle a aussi diminué dans les pays d'Europe de l'Est, notamment sous l'influence de facteurs tels que: a) l'abandon, dans plusieurs pays, des aides à la production au profit du soutien direct des revenus à l'hectare; b) une tendance globale à réduire la protection des producteurs en abaissant les droits et les restrictions à l'importation d'oléagineux (dans l'intérêt des consommateurs et des triturateurs); et, c) parfois, un accès accru au marché des graines importées sous l'effet de la transformation des obstacles non tarifaires en contingents tarifaires imposée par l'OMC.

34 Les superficies plantées en tournesol perdent près de 5 pour cent chaque année depuis 1996 dans l'UE comme en Europe de l'Est. La production a presque épousé cette tendance du fait qu'il n'y a guère eu de variation dans les rendements pendant cette période. La production de colza donne de bien meilleurs résultats avec une progression annuelle de plus de 14 pour cent en Europe de l'Est et de 4,4 pour cent dans l'UE de 1996 à 2001. Ces augmentations de la production proviennent principalement d'un accroissement des surfaces cultivées, mais, pendant la même période, les rendements ont augmenté de près de 5 pour cent par an en Europe de l'Est et de 1 pour cent dans l'UE. Les aides publiques en faveur du développement d'applications des biocarburants (utilisant principalement de l'huile de colza) ont contribué à étendre les superficies dans l'UE et dans certains pays d'Europe de l'Est.

35 Le colza et le tournesol sont des cultures importantes pour les PECO. Les pays d'Europe de l'Est produisent de 2 à 3 millions de tonnes de chaque par an. Ces trois dernières années, les trois pays baltes ont développé la culture du colza qui, de moins de 50 000 tonnes en 1997, est passée à 137 000 tonnes en 2001. L'aide accordée à ce secteur sous la forme d'un relèvement des protections à l'importation y est pour une bonne part. Le rendement des oléagineux dans les PECO est encore sensiblement inférieur à celui des cultures de l'UE, à l'exception du tournesol qui, dans plusieurs PECO, est la principale culture de graines oléagineuses.

FIGURE 5 – Rendements du colza
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: Banque de données de la FAO.

36 La production de graines de tournesol de la CEI (4) est concentrée en Moldova, qui produit de 200 à 300 000 tonnes de graines de tournesol par an. La production de tournesol de ce pays est passée de 157 000 tonnes en 1994 à 329 000 tonnes en 2001. Avec une production d'environ 42 000 tonnes en 2001, la Géorgie n'est qu'un petit producteur de graines de tournesol.

CHEPTEL ET PRODUCTION ANIMALE

37 La production de viande a diminué en Europe de 1,4 pour cent en 2001 et celle de lait augmenté de 0,3 pour cent. La production de viande de boeuf et de porc a continué de baisser en 2001, tandis que celle de volaille était légèrement en hausse. Les épizooties ont contribué à cette régression dans l'UE en 2000 et 2001 tandis qu'en Europe de l'Est, la poursuite de la restructuration de l'industrie de la viande se traduit par une diminution de la production de boeuf, de porc et de mouton et d'agneau et par une hausse de la production de volaille. Dans la CEI (4), la production de viande, qui a diminué tout au long des années 1990, a connu une reprise vigoureuse en 2001 (24 pour cent), grâce surtout à l'accroissement de la production de boeuf, d'agneau, de porc et de volaille en Azerbaïdjan.

Secteur des bovins et de la viande bovine

38 L'industrie européenne de la viande bovine est sous pression depuis le milieu des années 1990, la taille des troupeaux diminuant à un rythme de 3,6 pour cent par an environ (entre 1996 et 2001). L'UE a maintenant connu deux crises de l'ESB, dont la dernière a éclaté à l'automne 2000. Au printemps 2001, c'est une épidémie de fièvre aphteuse qui se déclarait, touchant plus particulièrement la Grande-Bretagne et les Pays-Bas. Pour remédier à la crise, la Commission européenne a appliqué un plan d'abattage de grande envergure, dont le programme d'achat pour destruction. Au total, ces plans ont abouti à l'abattage d'un peu moins de 2 pour cent du cheptel bovin de l'UE, maintenant inférieur à ce qu'il était en 2000. La reconstitution du cheptel n'est pas attendue avant 2002, bien que les répercussions des épisodes d'ESB et de fièvre aphteuse de 2000 et 2001 aient été au total moindres que ce à quoi l'on s'attendait dans un premier temps.

39 Dans presque tous les PECO, on a assisté à une diminution à long terme de la taille des troupeaux dans les années 1990, qui s'est poursuivie en 2001 avec une perte de 1,4 pour cent. Les principaux producteurs sont la République tchèque, la Pologne, la Roumanie et la République fédérale de Yougoslavie, et c'est en Pologne que le recul de la production de viande bovine a été le plus marqué en 2001 (- 11 pour cent). Il n'y a qu'en Bulgarie, en Slovénie et dans l'ex-République yougoslave de Macédoine que l'on a enregistré en 2001 un nombre de têtes supérieur à celui de 1995. En Croatie, en République tchèque et en République fédérale de Yougoslavie, le cheptel bovin a amorcé un redressement en 2001. Parmi les régions étudiées, seule la CEI (4) a connu un accroissement du cheptel bovin depuis 1996, en progression de près d'1 pour cent par an.

40 Bien que l'UE ait réussi à maintenir sa position d'exportateur net de viande bovine en 2001, la crise de l'ESB et de la fièvre aphteuse et la fermeture des marchés partout dans le monde ont réduit sensiblement le chiffre de ses exportations nettes. De plus, le renchérissement des viandes autres que le boeuf intervenu à la suite des problèmes de sécurité sanitaire a entraîné une diminution des exportations de toutes les viandes, ce qui a réduit d'un tiers le solde net exportateur de viande. Les pays de la CEI (4) ont importé, dans les années 1990, de la viande de boeuf en petites quantités variant entre 0 et 20 000 tonnes. Les pays baltes, en revanche, ont exporté régulièrement de la viande bovine à la fin des années 1990 et, en 2000, en quantités atteignant 20 000 tonnes. Ces chiffres ne comprennent pas le commerce des animaux vivants, particulièrement importants pour les exportations des PECO vers l'UE. La ventilation par produit des courants d'échange de produits agro-alimentaires entre les PECO et l'UE montre que les principaux postes d'exportation des PECO sont les animaux vivants et la viande, qui représentaient 25 pour cent en 1997 (Commission européenne, 1999).

FIGURE 6: Exportations nettes totales de viande
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Source: Banque de données de la FAO

41 Pour pouvoir exporter des animaux vivants et de la viande vers l'UE, les pays doivent satisfaire à des normes de qualité et de sécurité sanitaire très rigoureuses. La plupart des entreprises des pays en transition ne répondent pas à ces critères. C'est pourquoi les pays qui ont remis un document présentant leur position dans les négociations d'adhésion sur l'agriculture ont demandé des périodes de transition plus longues pour pouvoir s'adapter aux normes européennes. Dans l'immédiat, les possibilités de commerce de la région avec l'Union européenne sont donc limitées.

Secteur de la viande de porc

42 La production de viande porcine de l'UE a augmenté de 1 pour cent par an dans la période de 1996 à 2001. Les principaux producteurs de l'UE restent le Danemark, la France, l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Espagne, et une part importante de la production danoise et néerlandaise est destinée à l'exportation vers les marchés de pays tiers. La production de viande porcine en Europe orientale a reculé de 3,3 pour cent par an entre 1996 et 2001, surtout en Pologne, principal producteur. Dans les autres PECO, la production de 2001 était généralement inférieure à celle de 1995, à l'exception notable de la Croatie, de l'Albanie et de la Roumanie. La production de viande porcine a également diminué dans les pays de la CEI (4) au rythme de 4,9 pour cent par an entre 1996 et 2001.

43 La viande de porc est la viande la plus produite et la plus consommée en Europe orientale, et dans une proportion plus importante que dans le reste de l'Europe. Dans la CEI (4), la production de viande porcine est très faible en raison du niveau extrêmement faible de la production et de la consommation en Azerbaïdjan et en Arménie. En 2001, la production a diminué dans les pays de l'Europe orientale et la CEI (4), où elle a perdu respectivement 5,5 et 2,4 pour cent.

Secteur de la chair de volaille

44 Avec un taux de croissance moyen de 0,7 pour cent dans l'UE et de 4,2 pour cent en Europe orientale depuis 1996, la production de volaille a toujours été une lueur d'espoir dans une situation de recul général de la production animale en Europe, bien que la demande ait ralenti depuis la contamination des aliments pour animaux par la dioxine qui a perturbé les exportations de la Belgique et des pays voisins en 1999. Néanmoins, la production de volaille par habitant en Europe fait apparaître une croissance dynamique, passant de 14,6 kg en 1994 à 15,1 kg en 1999. La part de la volaille dans la production totale de viande a augmenté dans l'UE, mais surtout en Europe orientale. Depuis 1994, elle est passée de 23 à 24 pour cent dans l'UE et de 18 à 27 pour cent en Europe orientale. Les principaux producteurs d'Europe orientale sont la Hongrie, la Roumanie, la Pologne et la République tchèque. Dans la CEI (4), la production de volaille n'a pas connu l'essor qu'elle connaît en Europe de l'Est, et sa part dans la production de viande est restée constante à 14 pour cent entre 1994 et 2001.

45 Les pays d'Europe orientale ont réussi à maintenir leur position d'exportateurs nets au cours des cinq dernières années (figure 7) malgré les perturbations survenues sur leur marché principal, la Russie, tandis que les pays de la CEI (4) sont restés importateurs nets.


FIGURE 7: Exportations nettes de chair de volaille

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Source:
Banque de données de la FAO

Lait

46 Pendant la période de 1996 à 2001, la production de lait en Europe a peu varié, l'augmentation de la production étant plafonnée dans tous les pays d'Europe occidentale. En Europe orientale, la production a légèrement augmenté pendant cette période. Parmi ces pays, la Pologne, qui assure 40 pour cent de la production totale, est le principal producteur. Les autres grands producteurs sont la Roumanie et la République tchèque. La situation de la production laitière dans ces pays est variable. Dans plusieurs d'entre eux, elle est en augmentation depuis 1996. Il s'agit notamment de l'ex-République yougoslave de Macédoine, de la Slovérie, de la Roumanie, de la Pologne, de la Hongrie et de la Bulgarie. Dans d'autres, en revanche, elle diminue, surtout en Bosnie-Herzégovine, en Albanie, en Yougoslavie et en République tchèque. Dans les pays de la CEI (4), elle augmente depuis 1996 au rythme de 1,5 pour cent par an grâce à une augmentation régulière en Arménie et en Géorgie. La production moldave a régressé pendant cette période au rythme de 4,3 pour cent par an. En 2001, toutefois, elle a repris 4,4 pour cent, et en Arménie l'augmentation a été de 6,6 pour cent tandis qu'on enregistrait une baisse dans les autres pays de la CEI. Le résultat net a été une légère augmentation de la production en 2001, de 1,5 pour cent pour ces quatre pays de la CEI

47 Les produits laitiers sont un poste d'exportation important, à la fois pour les pays de l'UE et pour l'Europe orientale. Les pays de la CEI (4) en sont importateurs nets, mais, pour les pays baltes aussi ils constituent un poste important d'exportation, en particulier pour la Lettonie. La figure 8 montre les variations des exportations nettes de l'UE, de l'Europe orientale et des pays baltes de 1998 à 2000.


FIGURE 8 – Exportations nettes de produits laitiers

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Source: Banque de données de la FAO

Bien que les niveaux de pauvreté observés dans les pays de la région europénne membres de la FAO soient en moyenne relativement faibles comparés aux parties les plus pauvres du monde en développement, la pauvreté est assez importante en Europe, particulièrement dans les pays de la CEI (4) et dans les Balkans. Au milieu des années 1990, 28,1 millions de personnes vivaient sous le seuil national de pauvreté dans dix PECO plus la Moldova, se répartissant pour 8,1 millions en Europe centrale, 13,5 millions en Roumanie, 1,3 million en Bulgarie, 2,3 millions dans les États baltes et 2,9 millions en Moldova (BERD, 1999). Il est plus difficile de calculer l'incidence de la pauvreté dans les pays de la CEI (4) du fait que certains gouvernements n'ont pas fixé de seuil de pauvreté. Le retour de la croissance depuis 1999, la fin des grands conflits dans la région et des récoltes exceptionnelles engrangées dans certains pays, notamment du Caucase, où l'agriculture représente une part très importante du PIB, ravivent les espoirs de réduire la pauvreté à long terme.

49 Il ne faut pas croire que ces changement récents pourront faire régresser immédiatement la pauvreté qui a gagné du terrain pendant plus d'une décennie. Le recul de la pauvreté dans les pays en transition ne dépend pas seulement de la croissance économique parce que celle-ci s'inscrit principalement dans le secteur informel de petites et moyennes entreprises récemment créées. La pauvreté est, dans une large mesure, un phénomène structurel lié à la persistance d'un ensemble de facteurs socio-économiques, ce qui fait qu'elle cède difficilement aux mesures de lutte visant seulement à favoriser la croissance économique. Les études menées par la Banque mondiale à la fin des années 1990 montrent que les habitants des régions rurales sont plus exposés au risque de paupérisation que ceux des zones urbaines.3 Ainsi, la croissance de la production agricole et le développement des activités connexes non agricoles dans les campagnes peuvent constituer un facteur important de réduction de la pauvreté dans les pays européens en transition.

50 Les changements survenus au cours des deux dernières années dans la politique agricole et recensés dans le présent document sont prometteurs pour les pauvres vivant dans les régions rurales des pays en voie d'adhésion à l'Union européenne. Bien qu'il s'agisse de la minorité des pauvres des pays en transition, les pauvres de ces pays représentent toujours près d'un tiers de ceux vivant dans les dix PECO et la Moldova. Les réformes de la PAC prévues par l'Agenda 2000 et la dépréciation de l'euro ont ramené les prix d'intervention de l'UE à des niveaux bien plus proches de ceux d'Europe orientale. Pour prendre un exemple, le prix d'intervention du blé de l'UE, en avril 1999, était supérieur de 70 pour cent à celui payé en Hongrie à la production. En avril 2000, la différence n'était plus que de 29 pour cent et le prix du blé polonais était considérablement supérieur au prix d'intervention de l'UE. Des changements analogues sont intervenus dans les prix de la viande de boeuf et de porc et ceux des céréales destinées au bétail (Cochrane, 2001). Si ces prix, plus conformes aux prix internationaux se maintiennent, les agriculteurs européens de l'UE élargie auront plus de latitude pour exporter sans dépasser les limites fixées par l'OMC pour les exportations subventionnées. La proposition de la Commission européenne concernant les modalités d'application de la PAC aux pays en voie d'adhésion prévoit une abondance de moyens en faveur du développement rural après les adhésions et l'accroissement continu des paiements directs aux agriculteurs des nouveaux membres jusqu'en 2013. On peut espérer que ces changements résoudront au moins en partie les problèmes de pauvreté qui affligent les régions rurales de ces pays. Enfin, l'Autorité européenne de sécurité aimentaire devrait normalement parvenir à rassurer les consommateurs sur la qualité sanitaire des aliments en Europe et peut-être avoir un effet positif sur la demande à venir de produits animaux.

51 Le relèvement des paiements directs et des crédits affectés au développement rural provoquera très probablement une augmentation des rendements et contribuera à moderniser l'équipement de l'agriculture de l'Europe orientale après les adhésions. Il est indéniable que bon nombre d’agriculteurs et de transformateurs ont encore d'énormes difficultés à se conformer aux normes sanitaires, aux normes de qualité et autres normes de l'UE. On peut s'attendre à ce que des normes sévères (même avec des périodes de transition) associées à des crédits en faveur du développement rural renforcent la tendance à la concentration et à la modernisation qui se dessine déjà dans le secteur de l'élevage de l'Europe orientale (Cochrane, 2002). Ces tendances sont porteuses d'un potentiel considérable d'accroissement de la production animale dans les pays d'Europe orientaleaprès les adhésions. Si elles s'accompagnent de tendances analogues à la modernisation et à la concentration dans le secteur des cultures, on pourra peut-être observer dans ce secteur aussi des augmentations importantes de la production.

RÉFÉRENCES

1 Banque mondiale. 2000. Making Transition Work for Everyone: Poverty and Inequality in Europe and Central Asia (Washington, D.C.: World Bank) (Pour une transition sans exclusion: la pauvreté et l'inégalité en Europe et en Asie centrale). Les exceptions à cette généralisation étaient la République tchèque, l'Ukraine et l'Arménie. Aucun chiffre n'était disponible pour la République slovaque, l'Ouzbékistan et la Slovénie.

2 Malgré cette tournure positive des choses, 2001 n'as pas été une année sans conflit pour la région. Le conflit dans l'ancienne République de Macédoine a provoqué de grands déplacements de population à l'intérieur du pays et les personnes et les familles déplacées ont ainsi perdu dans les violences entre groupes ethniques leurs moyens de subsistance. Le retentissement de cette crise sur l'approvisionnement alimentaire et le prix des denrées est resté limité grâce à l'aide ponctuelle de la communauté internationale.

3 Banque mondiale. 2000. Making Transition Work for Everyone: Poverty and Inequality in Europe and Central Asia (Washington, D.C.: World Bank) (Pour une transition sans exclusion: la pauvreté et l'inégalité en Europe et en Asie centrale). Les exceptions à cette généralisation étaient la République tchèque, l'Ukraine et l'Arménie. Aucun chiffre n'était disponible pour la République slovaque, l'Ouzbékistan ou la Slovénie.