Tchad : développement de la filière dihé pour les personnes vulnérables


Le «dihé» est le nom local d’un ensemble d’algues d’origine africaine et pousse en quantité importante dans le Kanem et le Lac-Tchad. La pratique traditionnelle de récolte, de vente et de consommation du dihé est unique au monde.

 

Un Projet Pilote de Développement de la Filière ‘Dihé’ au Tchad réalisé dans la Convention cadre CE/FAO, elle-même inscrite dans l’accord de Coopération Tchad - Union européenne, a pour objectif global d’améliorer la sécurité alimentaire au Tchad tout en contribuant à la mise en œuvre du Programme National de Sécurité Alimentaire (PNSA) et à la lutte contre la pauvreté en milieu rural. Les objectifs spécifiques du projet sont : l’amélioration de la qualité de la production, la promotion de la filière commerciale du produit, le renforcement des capacités des productrices de dihé et l’amélioration de l’approvisionnement en eau potable et des conditions de réalisation du petit élevage, du maraîchage ainsi que des activités génératrices de revenus.

 

Le projet collabore avec La Société de Développement du Lac (SODELAC), L’Institut Tchadien de Recherche Agronomique pour le Développement (ITRAD), L’Office National de Développement Rural (ONDR), L’Institut National de Recherche pour les Aliments et la Nutrition (INRAN), L’ONG « Chibina », L’UNICEF et l’OMS, et d’autres institutions nationales et internationales.

 

Production

La production totale de dihé dans 14 ouadis appuyés par le projet est estimée à environ 388,8 tonnes par an. La production actuelle de dihé au Tchad est probablement sous-estimée en raison du manque de données. La durée de production du dihé par an varie selon les ouadis et les régions et peut atteindre 6 mois dans l’année.

 

Procédé traditionnel et amélioré

Le procédé traditionnel de production du dihé est composé de deux étapes: le ramassage et le séchage du dihé à même le sol. Le dihé est consommé sous forme de sauces, dont la préparation culinaire très longue cause une perte de nutriments. Pour pallier à ce problème, le projet a mis au point un procédé simple de dihé amélioré qui consiste à utiliser du matériel et des équipements locaux pour la récolte, le séchage et l’emballage du dihé. Les produits obtenus à l’issue de cette technique sont dépourvus de sable, et d’impureté et permettent une consommation sèche ou fraîche sans passer par la cuisson, d’où une meilleure conservation des éléments nutritifs.

 

Qualité

Les dihés améliorés et traditionnels sont des aliments très riches en protéines (plus de 60% de la matière sèche): la teneur en protéines dans des produits similaires est six fois supérieure à celle contenue dans la viande et deux fois supérieure à celle contenue dans la farine de soja. La fraction lipidique des dihés (6-8%) se caractérise par un bon équilibre acide gras saturés/acides gras poly-insaturés. Les dihés traditionnels et améliorés constituent des sources d’éléments minéraux dont les plus importants sont le potassium, le sodium, le phosphore, le fer, le calcium et le magnésium. La teneur en fer du dihé est très élevée soit 10 fois plus que le fer contenu dans les céréales complètes. Celui-ci constitue aussi une source importante d’acides gras et de folates (important lors des périodes de croissance et pour le développement du fœtus).

 

Commercialisation

Selon la SODELAC, en 2000, plus de 90% de la production est généralement vendue par les productrices. Le prix du dihé traditionnel varie d’un marché à un autre et d’une région à une autre. Sur les marchés les plus proches des lieux de production, les prix sont les plus bas : 500-800 FCFA le Koro (100 CFAF = 0,22 USD ; 1 koro équivaut à environ 1,6 kg).

La mise au point de dihé amélioré dans la zone de production est en train de changer les habitudes notamment en termes de techniques de récolte et de pratiques commerciales. Avant le projet, le dihé amélioré était inconnu des populations locales et des productrices qui le consomment sous sa forme traditionnelle depuis des siècles. De plus, comparée à des produits similaires vendus sur le marché africain et international on peut dire que le dihé amélioré est beaucoup moins cher.

 

Formation des productrices

Environ 450 femmes ont été formées en Bonne pratique de récolte, de séchage et d’emballage du dihé (BPR) et en bonne pratique d’hygiène (BPH). Plus de 800 femmes ont suivi des formations dans le domaine de la gestion courante de la vie associative (respect des statuts et règlements intérieurs, tenue de cahier de compte, gestion des revenus). Des formations dans autres domaines sont également prévues.

 

Conclusions

• Le Tchad est un pays qui dispose d’un potentiel important de production naturelle de dihé et il est le seul pays où il est consommé localement.

• L’introduction de nouvelles techniques de récolte, de séchage et de conditionnement a permis d’obtenir des produits de meilleures qualités hygiéniques et marchandes. Beaucoup de personnes qui refusaient de consommer le dihé traditionnel commencent à consommer régulièrement le dihé amélioré.

• Au-delà des bénéfices et du gain obtenu par les productrices, la consommation de dihé amélioré contribue grandement à l’amélioration de la situation nutritionnelle des consommateurs et surtout des enfants et des femmes.

 

Recommandations

• Un travail complet de caractérisation des ouadis et d’évaluation du potentiel de production du dihé est nécessaire et pourrait permettre de connaître la production totale de dihé au Tchad.

• La qualité toxicologique du dihé est un sujet crucial pour l’avenir de ce produit. Les résultats présentement obtenus ne sont pas trop alarmants en termes de teneur en cadmium, plomb et chrome trouvé dans le dihé. Pourtant, comme il n’existe pas encore de normes officielles sur le contenu en métaux lourds pour les produits d’origine micro algale, il semble important d’étudier les facteurs d’accumulation des métaux lourds, d’évaluer les fréquences de consommation et la quantité de dihé consommés par les populations locales et de définir des normes internationales pour le dihé.

• La filière commerciale du dihé est encore embryonnaire et le circuit reste informel. Avec l’apparition du dihé amélioré, un travail approfondi apparaît nécessaire si l’on veut promouvoir sa production et consommation (structure de la traçabilité du produit ; stratégie de commercialisation ; tests d’efficacité de la supplémentation en dihé du régime habituel des patients ; étude sur le réseau de vente et de diffusion du Dihé comme nutricament).

• Au regard des résultats importants réalisés par le projet, le gouvernement du Tchad a déjà confirmé sa priorité à la Commission Européenne pour le financement de la seconde phase de "développement" de la filière "dihé" dans le cadre du 10ème FED. Sur la base de la requête formelle qui sera adressée par le Tchad et de l'intérêt manifesté par la Commission Européenne, la FAO en étroite collaboration avec les autres partenaires engagera les premières démarches auprès de la CE par le financement de cette seconde phase avec notamment la soumission d'une note conceptuelle.

 

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