1.1 - Les systèmes dapprovisionnement en liaison avec lhistoire des politiques publiques
1.2 - La transition vers la libéralisation et les modalités dapplication
1.1.1 - Planification alimentaire et approvisionnement
1.1.2 - Sécurité alimentaire autocentrée et approvisionnement
1.1.3 - Sécurité alimentaire extravertie et approvisionnement
De tout temps, linquiétude envers les famines et la malnutrition sest manifestée et des aides aux défavorisés ont été organisées. Cependant, ce nest quau cours du premier tiers de siècle que les sciences de la nutrition et de lalimentation ont pris jour et, avec elles, lévolution de la pensée quant au rôle de lEtat dans ce domaine.
Cest en 1937 que le Comité International de la Nutrition (CIN) exprime clairement la nécessité de concevoir des politiques alimentaires nationales et internationales: «Nest-il pas du domaine des autorités publiques dassumer la responsabilité inhérente à une politique alimentaire et nutritionnelle; élaborer une politique et lappliquer de telle manière quelle bénéficie à lagriculture en crise, en accroissant la consommation des aliments dits protecteurs qui permettent aux hommes, aux femmes et aux enfants datteindre leur plein développement physique et mental en même temps quelle augmente leur résistance à de nombreuses maladies.»
Voilà des dispositions très clairvoyantes, qui nont pas été mises en application et qui ont été reprises par le CIN, 55 ans après. En trente ans, les concepts de sécurité alimentaire ont évolué et sont passés par trois phases principales qui ont eu des répercussions concrètes sur les modes dapprovisionnement des populations et, dune façon plus générale, sur les politiques alimentaires publiques.
La conception du rôle essentiel de lEtat a trouvé son point de maturité avec la planification alimentaire. Lidée principale qui sous-tendait ces mesures était que la sous-alimentation et la malnutrition pouvaient être réduites ou supprimées par une série de mesures techniques, sans remettre fondamentalement en cause la répartition des produits de léconomie et sans nécessiter de réformes sociales profondes. Un certain nombre de chercheurs (JONNSON et BRUN, 1978) se sont élevés contre cette vision des choses et argumentèrent que la planification alimentaire ne pouvait être efficace que si une répartition plus équitable des fruits de la croissance économique était lun des objectifs prioritaires du pouvoir central (LE FORESTIER, 1977).
Ce concept de planification alimentaire sest affirmé suite à la crise alimentaire mondiale de 1973/74 qui vit de grandes sécheresses et de grandes famines. LUSAID et la FAO aidèrent à la mise en place de systèmes de planification alimentaire et nutritionnelle. Le cur des préoccupations était lapprovisionnement alimentaire. La planification alimentaire fut conçue comme un outil nécessaire à la recherche de lautosuffisance. Le principe moteur était que la nation devait approvisionner prioritairement la nation et que la dépendance alimentaire devait être réduite. Ces politiques dautosuffisance ont constitué une réponse durgence à une crise conjoncturelle qui est devenue structurelle
La planification alimentaire peut être considérée comme une juxtaposition de politiques sectorielles le long de la chaîne alimentaire, et notamment tout ce qui touche lapprovisionnement en denrées alimentaires. Ce fut lépoque des grands offices publics qui assuraient la production agricole au sein de «projets de développement» de collecte des produits, de transformation (au travers dindustries clef en main), dimportations et de distribution. Les grands projets de développement, on le sait, ont profité largement aux cultures de rente au travers desquelles les Etats voyaient un moyen de rentrer des devises. La planification des vivriers étant un échec, lEtat a organisé et régenté les importations ou les aides alimentaires. La sécurité alimentaire des villes ne rentrait pas dans les priorités car lurbanisation était alors faible en Afrique et lobjectif était le seul approvisionnement global de la nation.
La planification alimentaire était, en fait, principalement une planification agricole car la satisfaction des besoins alimentaires était considérée comme un résultat automatique du développement agricole. La vision agricole du système alimentaire était encore privilégiée.
Lautosuffisance alimentaire peut être obtenue par deux voies: un développement autocentré ou un développement incorporant une certaine ouverture au marché international. Le premier se situe dans la pensée protectionniste, car il vise la satisfaction des besoins nationaux avec des importations sélectives et une politique de prix autonomes par rapport au marché mondial. Le second sinspire davantage de la théorie des avantages comparatifs, et a donné naissance au concept de sécurité alimentaire. Celui ci repose sur trois principes:
Dans les années 70 et au début des années 80, la sécurité alimentaire autocentrée est au cur des préoccupations des Etats. La stratégie alimentaire est perçue comme une voie privilégiée pour atteindre un meilleur degré dautosuffisance grâce à une démarche qui assure cohérence, intégration et synergie dactions jusque-là isolées (BENCHARIF, 1990).
Les travaux du CMA ont permis de préciser cette notion comme un: «moyen qui permet à un pays darriver à un plus grand degré dautosuffisance, grâce à un effort intégré visant à accroître la production vivrière, daméliorer la consommation de denrées et éliminer la faim». Elle consiste en un examen de la situation alimentaire dun pays qui sert ensuite de base à lélaboration dun ensemble cohérent de mesures, programmes et projets, ayant pour but datteindre les objectifs alimentaires du gouvernement. La réalisation dune stratégie demande le renforcement des capacités nationales et la mobilisation des aides extérieures additionnelles. Une stratégie alimentaire traduit donc la priorité quaccorde lEtat à la solution pratique et effective de ses problèmes alimentaires. Cette démarche place les problèmes alimentaires au cur de la responsabilité de lEtat, elle suppose une connaissance de lensemble des éléments de la chaîne alimentaire et de son fonctionnement et une intégration et une coordination de toutes les politiques sectorielles.
Les stratégies alimentaires autocentrées réclament une planification multisectorielle pour atteindre lobjectif politique dautosuffisance alimentaire. Les gouvernements néchappent pas à la confrontation de la sectorisation poussée de léconomie, et dans la pratique, une stratégie réclame des arbitrages délicats, des moyens importants pour identifier au mieux la situation alimentaire et les points de blocage dans la chaîne alimentaire. Ce schéma, certes très séduisant sur le plan conceptuel, a été mis en échec sur le plan de lapplication par des conflits dintérêts et labsence de politiques périphériques.
Cest au cours de ces périodes de développement autocentré que les politiques alimentaires furent les plus étendues. LEtat fait un geste politique fort en instituant des subventions aux produits alimentaires, ce qui lui assure une certaine paix sociale. Outre lavantage quelle offre sur le plan de la satisfaction alimentaire, cette politique évite la mise en uvre de politiques économiques spécifiques. Par les aides directes aux produits et le système autonome des prix, elle permet de maîtriser, voire de masquer, linflation économique; elle permet aussi de préserver une certaine capacité dachat aux populations, ce qui économise une politique de revenu et de protection sociale. Elle a le désavantage certain dinstaurer un biais en faveur des urbains, au détriment des ruraux. LEtat, plus soucieux de maintenir ces subventions aux consommateurs urbains que dassurer lautosuffisance qui réclame plus defforts, se détourne des investissements publics dans lagriculture et importe au moindre coût des denrées alimentaires pour satisfaire la population urbaine croissante. Laide alimentaire structurelle est largement utilisée pour assurer une alimentation peu chère.
Cette phase de stratégie alimentaire correspond à une approche par laval de la chaîne alimentaire, et non plus par lamont. On peut penser que linstauration des subventions alimentaires répond à un souci déquité. Il nen est rien, le principe nétant pas de parvenir à une répartition plus équitable des disponibilités alimentaires mais que la population urbaine puisse salimenter à des prix modérés. Aucun ciblage produit ou population défavorisée nétant prévu, les subventions cumulent les effets déflationnistes avec les avantages dune aide à la consommation. Ces politiques, conçues non pas comme une aide ponctuelle mais comme des politiques de long terme, ont conduit à une économie artificielle qui réclamait une grande rigueur de gestion. Cette option a conduit à une combinaison à la fois inefficace (du point de vue du secteur agroalimentaire), inéquitable et coûteuse.
La conjonction des difficultés économiques avec laffirmation de lavantage des politiques libérales a rapidement bouleversé le paysage des politiques alimentaires.
En opposition avec le CMA, la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) ont rejeté toute velléité de développement autocentré et ont développé des concepts différents. En 1981, le rapport Berg souligne que «lautosuffisance alimentaire nest pas un concept scientifique mais politico-idéologique. Il relève du nationalisme et non de lanalyse économique qui enseigne que la loi des avantages comparatifs est le meilleur guide en matière dalimentation comme dans dautres domaines dactivité économique.».
Dans la première moitié des années 80, les politiques libérales préconisées par la Banque Mondiale et le FMI ont été intégrées au sein des Plans dAjustement Structurels (PAS). La question alimentaire qui était une priorité, sest progressivement diluée dans des réformes économiques dont lobjectif fondamental est la recherche des grands équilibres macroéconomiques à travers la réduction des dépenses et la maximisation des recettes de lEtat.
Selon cette conception, la sécurité alimentaire est traitée comme un problème global. La conviction des experts est que la croissance économique conjuguée au respect des grands équilibres (balance commerciale, balance des paiements, budget de lEtat) génère, à terme, un certain bien-être. Dans ce schéma, des actions spécifiques pour lamélioration de la sécurité alimentaire ne sont plus nécessaires (CHENERY et al, 1977). Au nom de cette pensée orthodoxe, toutes les subventions aux producteurs et aux consommateurs qui, au total pèsent lourd sur le budget de lEtat et effacent toute vérité des prix, doivent être supprimées.
Le glissement des stratégies dautosuffisance autocentrée vers des stratégies libérales peut sexpliquer par trois éléments (PADILLA, 1995):
Une certaine impuissance à résoudre ces difficultés économiques a contraint les pays à accepter les schémas libéraux du FMI, afin de bénéficier de laide internationale, de négocier un rééchelonnement de leur dette, daccéder à de nouveaux crédits. Labandon des stratégies dautosuffisance sexplique plus par des contraintes économiques et des rapports de force sociale, que par un choix stratégique raisonné.
Les relations entre la situation alimentaire dune population et létat de santé économique de la nation sont intenses et lon peut penser quen agissant sur les variables structurelles de léconomie globale qui commandent léconomie alimentaire, on peut sabstenir de la mise en uvre de politiques spécifiques de sécurité alimentaire. Or, les économies et les sociétés sont le résultat dinteractions entre les acteurs qui les composent et les forces externes qui les influencent. Espérer que de telles interdépendances mèneront au développement et à la sécurité alimentaire relève de lutopie. Il nexiste pas de «main invisible», mais des intérêts juxtaposés, rarement convergents. Des politiques compensatoires sont dautant plus fondées que les mesures déquilibre structurel des économies conduisent à un appauvrissement des populations. Bien que les économistes saccordent à croire que ce «mal développement» nest que provisoire, les conséquences de linsécurité alimentaire de court terme et de moyen terme sur le développement humain suffisent à justifier des mesures compensatoires aux moins favorisés.
1.2.1 - Le cas du Maghreb: le maintien dun cadre législatif strict de planification centrale avec des obligations de rentabilité
1.2.2 - Le cas de lAmérique Latine: la coexistence de deux sous-systèmes
1.2.3 - Le cas de lAfrique subsaharienne: développement dune zone périurbaine et montée de linformel
La libéralisation de léconomie et ses modalités dapplication se posent avec acuité, car cette libéralisation intervient à lheure des grands défis pour les pays en développement. Lun des principaux défis est de nourrir les villes. Au sein des PEMD, la situation est contrastée entre une Amérique Latine qui est déjà globalement urbanisée au niveau constaté en Amérique du Nord (72 pour cent de la population vivait dans les villes en 1990), et lAfrique et lAsie qui restent encore à dominante rurale mais qui devraient connaître dans les trente prochaines années une explosion urbaine. En Afrique, le taux durbanisation qui est actuellement dun tiers de la population serait de 60 pour cent en 2025, selon les sources des Nations-Unies. Les conséquences sur les systèmes alimentaires seront bien évidemment importantes.
Plusieurs travaux récents sinscrivent dans le courant de lanalyse de la sécurité alimentaire (IFPRI, 1995), avec une question centrale: lagriculture mondiale peut-elle nourrir lhumanité étant donné les concentrations urbaines qui ne cessent de samplifier et poser de redoutables problèmes dapprovisionnement en aliments? Approvisionnements en termes quantitatifs, en termes de répartition, en termes qualitatifs, tout cela au moindre coût. Face à cet enjeu, la libéralisation des économies rend problématique lorganisation des systèmes alimentaires. Voyons les modalités dadaptations des différentes régions économiquement moins développées à ce nouveau contexte (RASTOIN, 1996).
LAfrique du nord constitue un exemple intéressant de structurations des systèmes alimentaires urbains. Les trois pays du Maghreb ont en commun une alimentation de type méditerranéen qui fait largement appel au blé (la consommation de céréales y est la plus élevée au monde avec environ 200 kg par habitant par an); mais la faiblesse de son potentiel productif local et son caractère précaire génèrent des importations massives de grains. En raison du caractère social du pain et de la semoule (on a assisté à des révoltes populaires liées aux augmentations subites de ces produits, dans les années 80), les gouvernements des trois pays avaient tous des politiques fortement interventionnistes pour assurer une certaine stabilité du prix de ces produits, prix très liés aux variations du marché international.
Un cas extrême de tentative de régulation de la filière est celui de lAlgérie (BENCHARIF, 1996). Le prix du pain et de la semoule est fixé par lAdministration à un niveau très bas par rapport au pouvoir dachat moyen des populations et aux autres produits alimentaires. Cette situation a entraîné des gaspillages et des détournements dusage des produits. Ces choix politiques ont été faits dans le cadre dune économie hautement planifiée qui a existé en Algérie jus-quen 1990. Les filières se sont organisées autour dentreprises agro-industrielles monopolistiques dEtat, à partir de matières premières importées. Par ailleurs, par souci de soutenir la production agricole locale et les industries, les prix dachat des produits agricoles locaux sont subventionnés et la masse salariale encadrée, ce qui signifie que les effectifs et les salaires sont minimums.
Ce cas est révélateur des grandes difficultés engendrées par la libéralisation de léconomie, car celle-ci est très partielle. Les contraintes sont dordre culturel et réglementaire. En effet, la loi sur lautonomie des entreprises date de plusieurs années en Algérie et en Tunisie, mais les mentalités, tant des cadres des entreprises que des fonctionnaires de tutelle ou même des banquiers, névoluent que très lentement. Il existe des rigidités liées à de nombreuses années de prise en charge par lEtat et dassistanat. Par ailleurs, lEtat ne met en place que très partiellement et très progressivement ses engagements de libéralisation des prix des produits alimentaires, par peur déveiller de nouvelles révoltes du peuple. Les entreprises de transformation et de distribution se trouvent donc face à une mission impossible: suivre les règles de rentabilité dune entreprise en système libéral et de concurrence, mais assurer parallèlement les fonctions de sécurité alimentaire des populations autrefois assignées à lEtat. Ce pari impossible conduit à la mise en faillite de nombreuses entreprises: en Tunisie, sur les 4000 entreprises de la chaîne alimentaire, seules environ 10 pour cent dentre elles pourront survivre et appliquer les règles de la mise à niveau, indispensables pour sintégrer au marché libéré au plan intérieur et au marché international.
Pourtant, du point de vue de lapprovisionnement des villes, une adaptation rapide est nécessaire, étant donné la pression quexercent les consommateurs urbains et les organismes financiers internationaux. Les consommateurs souhaitent des produits diversifiés, présentant des garanties de qualité, une distribution efficace et, bien entendu, des prix abordables. Le FMI et la Banque Mondiale poussent à une libéralisation rapide des filières agroalimentaires. Après lépuration des entreprises non viables, on devrait voir émerger un modèle hybride dentreprises de distribution, associant de puissants groupes internationaux adaptés à une population aisée et des commerces de proximité dans tous les quartiers. Le principal problème demeure lévolution de la législation qui permette une réelle concurrence et nentraîne pas la substitution dun monopole dEtat par un monopole dentreprises privées, ce qui serait pire, car les entreprises privées doivent obéir à une certaine rentabilité pour être viables et ne bénéficient pas de subventions de lEtat.
En Amérique Latine, le fait urbain est plus ancien que sur les autres continents: dès le XVIIIe siècle, cette région était la plus urbanisée de la planète. Les systèmes dapprovisionnement se sont déjà adaptés et se caractérisent par des bassins de production souvent éloignés des lieux de consommation. Les circuits de transport, de stockage et dintermédiation (marchés de gros, marchés de détail) y sont développés et complexes. La taille importante des villes entraîne des exigences de volumes des produits acheminés, des délais dacheminement et des méthodes de stockage et de transport appropriées. La conséquence est une dualisation des systèmes:
Dans ce dernier, lagriculture sest adaptée à cette forme dapprovisionnement massif. La distribution de grande surface est très présente dans les principales villes. Contrairement aux pays économiquement développés, les petits commerces ne vendent pas forcément plus chers que les grandes surfaces (RELLO in DOUZANT-ROSENFELD et GRAND-JEAN, 1995). Par contre, les réseaux de grossistes constituent des noeuds monopolistiques qui pèsent fortement sur les prix en amont de la filière.
Une autre particularité de lAmérique Latine est limportance des classes moyennes urbaines qui sont les plus dynamiques quant aux modifications de leur modèle de consommation alimentaire. Séloignant du modèle traditionnel maïs - légumes secs, elles réclament davantage de fruits et de légumes, ce qui suppose une reconversion des exploitations familiales traditionnelles vers ces produits.
Linck (in DOUZANT-ROSENFELD et GRANDJEAN, 1995) analyse bien cette évolution en prenant le cas de Mexico. La «Central de Abasto» serait le plus important marché de gros de produits frais au monde avec 16000 tonnes de fruits et légumes par jour. Douze bassins de production spécialisés, éloignés les uns des autres pour assurer létalement des productions en fonction des saisons, approvisionnent ce marché. Ces bassins sont spécialisés dans les produits réclamés par les populations urbaines, au détriment souvent de variétés locales moins adaptées aux circuits longs de distribution.
Lun des problèmes de lorganisation de ces filières est lextrême concentration des grossistes qui exercent une domination sur lensemble du système frais et effectuent une pression sur les prix en amont, autrement dit sur les producteurs. Ils se trouvent en position de force pour fixer les prix de référence et protègent leur rente en fixant des barrières à lentrée. Lexpérience européenne montre que dans ce cas, seule une concentration élevée de la distribution est susceptible de briser les verrous posés par les grossistes (RASTOIN, 1996). La croissance affichée de la consommation montre toutefois laptitude du système à répondre à une urbanisation intense.
En Amérique Latine, les formes dassistance par lEtat ont été bien moins intenses et durables quen Afrique du nord. Les politiques alimentaires stricto sensu (bons alimentaires, produits subventionnés, magasins à prix réduits, etc.) y ont toujours été ciblés sur les quartiers pauvres ou sur les populations défavorisées; on ne connaît pas dexemples dinterventions généralisées comme en Afrique du nord. Aussi, ladaptation à une forme libérale du commerce a-t-elle été plus rapide.
En Afrique, la situation est sensiblement différente de celle observée en Amérique Latine. Létude WALTPS (in COUR, 1994) montre que la réponse de lagriculture locale à lexplosion de la demande urbaine a été positive, mais sest manifestée avec retard étant donné les inerties des modèles de consommation et des systèmes de production. La principale raison de ce succès tient à la proximité de lagriculture à la demande urbaine: création dune ceinture verte à la périphérie des grands centres urbains. La communication et linformation sur létat de la demande sont ainsi facilitées. La ville joue le rôle dun pôle dentraînement pour lagriculture. La théorie du développement agricole extraverti trouve une large confirmation ici. Les agricultures locales nauraient pas souffert de la concurrence internationale avec la libéralisation étant donné la relative rigidité des modèles de consommation alimentaires dans les villes. Le niveau de dépendance alimentaire des pays de lAfrique de louest reste très modéré: 10 à 15 pour cent seulement des disponibilités alimentaires en 1985/1990. Létude des filières (LEPLAIDEUR et MOUSTIER, 1996) montre quil existe une complémentarité entre les productions intra et périurbaines spécialisées et les systèmes villageois associant plantes vivrières et légumes. Les principales contraintes identifiées sont foncières (statut précaire de la terre), logistiques (insuffisance des transports et des moyens de stockage) et techniques (accès à des innovations plus rentables). Les auteurs observent par ailleurs un recul des grandes installations de transformation au profit de petites unités locales, plus accessibles aux petits commerçants, mais avec une baisse de la qualité des produits. Ceux-ci, moins chers, sont plus appropriés à un pouvoir dachat érodé par lajustement structurel et par la dévaluation du franc CFA.