4.1 - Le PAS et ses modalités dapplication
4.2 - Conséquences des PAS sur les SADA et la sécurité alimentaire
Les déséquilibres macroéconomiques et financiers constatés à la fin des années 70 tiennent à la combinaison de politiques internes inadaptées (recours à lemprunt faute dépargne, projets non productifs, prélèvements sur lagriculture pour financer lappareil administratif, interventions publiques inefficaces et coûteuses, etc.) et à un environnement international instable et défavorable (inflation, chocs pétroliers, fluctuations des prix des matières premières). Au cours de la décennie 1980-90, nombre de pays de la zone subsaharienne ont eu recours à des PAS, justifiés par la nécessaire solvabilité des Etats. Le FMI et la Banque Mondiale accordent une révision de la dette avec conditionnalités. Les PAS sont construits sur trois objectifs fondamentaux: retour à léquilibre budgétaire, à léquilibre de la balance commerciale et à léquilibre de la balance des paiements. Pour cela, ils sappuient sur les trois principes suivants:
Lajustement structurel définit ainsi un «cercle vertueux» du fonctionnement économique (voir figure 2) aboutissant à une dynamique du développement axée sur les exportations (Griffon, Henry et Lemelle, 1991).
4.2.1 - Conséquences immédiatement perceptibles
4.2.2 - Quel pourrait être lavenir dans ce contexte?
Lévaluation de limpact des PAS se heurte à des difficultés méthodologiques. Selon Azoulay et Dillon (1993), plusieurs angles danalyse peuvent être distingués:
En ce qui nous concerne, nous avons opté pour une analyse portant sur les différents éléments de la sécurité alimentaire: disponibilités, accessibilité, risques, durabilité.
4.2.1.1 - Disponibilités
4.2.1.2 - Risques
La situation que nous avons constatée nest pas seulement la conséquence directe de lajustement structurel, mais laboutissement de vingt ans de planification centralisatrice et de dix ans dajustement structurel. La libéralisation a souvent permis de mettre à jour des carences déjà existantes des SADA, mais a eu par ailleurs des impacts négatifs sur lorganisation et le fonctionnement des SADA.
Les disponibilités de produits alimentaires dépendent du niveau de la production, du développement des industries, du bon fonctionnement du système de commercialisation. Examinons brièvement les différents agents de ces secteurs des SADA.
a) Producteurs
Le système agraire évolue peu, la population agricole nest pas renouvelée et vieillit. Les charges de population par agriculteur augmentent: par exemple, actuellement un agriculteur ivoirien doit nourrir un urbain alors quil y a trente ans, le rapport était de cinq pour un. Cette évolution est moins forte au Burkina, par exemple, qui reste encore profondément rural (taux durbanisation de 12 pour cent). Seules lintensification de la production et lamélioration des conditions de vie des agriculteurs permettront de pourvoir aux besoins des populations et aux besoins dexportation, lagriculture étant souvent la seule source possible de devises.
La production vivrière est importante et serait suffisante avec la maîtrise des déchets et des pertes (8 millions de tonnes de vivriers en Côte-dIvoire). On constate une diffusion relativement correcte de la production locale sur les marchés, mais on ne saurait ni la quantifier ni déterminer lorigine géographique et les circuits empruntés par ces flux. Ceci constitue une lacune importante pour lamélioration de ces approvisionnements dans le temps et dans lespace.
Figure 2 Schéma simplifié des objectifs et du fonctionnement de lajustement structurel
Source: CIRAD/MG/avril 1986Les potentialités de lagriculture sont importantes: si lextension des terres nest plus souhaitable parce quelle se fait à présent sur des terres fragiles, mettant en danger la pérennité de lenvironnement écologique, lintensification au moyen de techniques simples serait possible. Les agences de vulgarisation jadis publiques, comme lADER en Côte-dIvoire, ont été démantelées, mais sans aucune structure de remplacement. La conscience des enjeux de lalimentation fait défaut, pourtant des exemples montrent que si le désir politique est fort, des efforts considérables peuvent être fournis (exemple de la Côte-dIvoire qui est devenue autosuffisante en riz en sept ans par la mise en place de la SODERIZ pourvue de moyens). Au Burkina, lEtat continue à maîtriser la vulgarisation; toutefois, la réorganisation des services a permis la mise en place de stations pilotes avec démonstrations par cession de parcelles dans les villages par des agents techniques. LANADER en serait responsable. Lun des problèmes majeurs est de recréer la confiance des agriculteurs envers les agents techniques. Jadis fonctionnaires spécialisés dans un seul produit, les agents se succédaient et émettaient parfois des conseils contradictoires. Aujourdhui, les techniciens doivent être polyvalents et compétents de façon à raisonner sur lexploitation dans son ensemble.
Lagriculture très atomisée nest pas organisée (nous ne parlons pas là de lagriculture de rente pour lexportation qui a sa propre organisation et ses règles). Pourtant une organisation des producteurs constitue un contre-pouvoir face aux commerçants, qui est tout à leur avantage. Par exemple, les producteurs de café ivoiriens touchaient 10 pour cent de la valeur de marché du produit, aujourdhui ils en perçoivent 60 pour cent (entretien avec des responsables du Ministère de lagriculture). Une agriculture contractualisée constituerait une garantie pour le commerçant ou lindustriel, mais elle ne peut se créer quavec des groupements de producteurs pour faire des économies déchelle; or, les mentalités sont-elles prêtes pour cela? Les accords entre agriculteurs et commerçants se développent timidement.
La non-planification de la production engendre un manque à gagner important pour les producteurs. En effet, les mêmes produits arrivent en abondance sur les marchés en même temps, ce qui fait chuter les prix. La mise en place de calendriers de production pallierait cet effet. Les produits de contre-saison sont souvent trop coûteux à cause des pertes et de lirrigation nécessaire. En période sèche, le choix se fait entre leau pour la bouche et leau pour irriguer.
La libéralisation a temporairement profité au secteur productif du fait des hausses des prix; cet effet dynamique peut produire un effet boomerang dans la mesure où les hausses de prix ont conduit à une surproduction qui a créé une mévente ou une chute de prix. Les agriculteurs découragés peuvent se détourner de ces produits et lon peut assister à une nouvelle pénurie.
Pour lélevage, le système est de type extensif sur la base de la transhumance, aussi le cheptel est-il limité. Dautre part, il constitue un mode de capitalisation sûr en labsence de systèmes bancaires; il ny a décapitalisation quen fonction des besoins numéraires des éleveurs qui sont volontairement limités pour ne pas voir disparaître le capital au nom de la solidarité familiale. Pour pallier à linsuffisance de viande bovine, des tentatives de développement de laviculture ont été menées avec succès en rationalisant les méthodes délevage traditionnelles, notamment à Ouagadougou. Lavantage dune telle production est la proximité de la ville et loccultation des problèmes de conservation par la vente de volailles vivantes. Elle est toutefois limitée par linsuffisance daliments pour les volailles.
La pression foncière est très forte. LEtat avait hérité de la législation coloniale, selon laquelle tout appartient à lEtat. Aujourdhui, la propriété se transfère aux individus sous condition de mise en valeur des terres soit par des cultures, soit par limmobilier. Le droit coutumier et le droit légal saffrontent et le rapport de force a toujours été en faveur de ladministration; aujourdhui, les droits coutumiers resurgissent et une réglementation serait nécessaire pour éviter les installations sauvages et les colonisations de terres non prévisibles. Les nouveaux arrivés négocient avec les coutumiers et achètent illégalement des terres. LEtat reste actuellement le principal aménageur foncier dans les villes.
Une ceinture maraîchère sinstalle autour des villes. Ce circuit est très court: production dans la ville ou à 10 ou 20 km de la ville. Il sagit dune filière dynamique (les périodes de rupture samenuisent) et encore lucrative. Lorganisation du secteur est indispensable car les pertes sont importantes et les pics de disponibilités de produits trop forts, ce qui baisse les prix aux producteurs. Une meilleure productivité serait souhaitable mais elle est fortement dépendante de la qualité des semences: lusage est de constituer ses propres semences, ce qui a des répercussions sur la qualité des produits et leur rendement. La production est aussi très dépendante du statut foncier: les parcelles se raréfient avec lextension des villes et la production maraîchère seffectue sur des terres louées, dégagées des autres productions. Il nexiste par ailleurs aucune structure de services (froid, emballage, etc.).
Le crédit agricole, nerf de la guerre, est sporadique, les institutions dEtat ayant souvent été dissoutes et les privés nont pris le relais quavec beaucoup de réserve. Actuellement, il existe quelques services de crédits sur une base mutualiste. Il existe aussi des fonds sociaux qui sont des prêts aux opérateurs économiques avec nécessité de garanties qui posent problème.
Au fond, le drame des pays dAfrique de louest est que lagriculture nest pas considérée comme un métier, elle est une composante sociale et culturelle. La désorganisation de laval ne valorise pas les efforts réalisés en amont.
Par ailleurs, une analyse sociologique de la société africaine permettrait de comprendre certains blocages au progrès. Par exemple, la remise en cause des techniques culturales ancestrales constitue une désobéissance aux règles de respect et de soumission aux anciens. Comment lever de telles entraves? Une illustration peut être faite à partir du cas burkinabé, où lon observe un refus de lapplication de techniques dintensification pour les céréales traditionnelles (mil, sorgho), alors quil ny a pas dentrave pour une culture nouvelle comme le maïs.
b) Commerçants et distributeurs
Le problème de la commercialisation se pose avec plus dacuité dans certains pays comme la Côte-dIvoire ou le Sénégal que dans dautres comme le Burkina, qui commercialise seulement 10 pour cent de sa production, le reste étant autoconsommé. Il existe un partage social du commerce. Le commerce des céréales est réservé aux hommes (maïs, mil, sorgho, riz), le commerce du vivrier est le fait des femmes (manioc, igname, plantain, fruits et légumes). En Côte-dIvoire, 90 pour cent du commerce vivrier est assuré par les femmes; ce sont elles aussi qui maîtrisent dans les villes les ventes de produits artisanalement transformés ou préparés.
Les commerçantes assurent une fonction de distribution qui nexiste pas au niveau le plus atomisé; elles font preuve dune très grande adaptabilité aux moyens et aux besoins des consommateurs. Elles maîtrisent lensemble de la chaîne alimentaire depuis les crédits jusquà la vente et constituent un contre-pouvoir dont il faut tenir compte.
Lorganisation de la commercialisation est une condition sine qua non du développement de lagriculture et de la constitution du CEMAOC, grand marché régional regroupant 20 pays de lAfrique occidentale et centrale. Ce grand marché passe par une diminution des points de contrôle qui immobilisent les produits et entretiennent les taxes illicites, un allégement des procédures administratives, la mise en place dune réglementation commune et dune liste de commerçants agréés. Pour éviter les cartels et les monopoles, il est envisagé de faciliter les syndicats et les Chambres de commerce afin de créer une interprofession par filière. Des infrastructures de communications routières, de stockage et de marchés seraient nécessaires pour drainer les flux et limiter les pertes qui sont élevées (20 à 40 pour cent en Côte-dIvoire, par exemple).
Il nest pas envisageable de planifier la production tant que le transport ne sera pas régulier, suffisant et moins coûteux. Les transporteurs, peu nombreux, sont plus enclins à transporter des produits rémunérateurs comme le cacao, le café, le coton, les produits dexportation, que les vivriers, pour pouvoir compenser les lourdes taxes illicites dont ils sont les cibles. Ils en viennent à réclamer eux-mêmes le paiement dune patente qui les délivrerait de ces taxes diverses.
Actuellement, aucun marché de gros, au sens européen du terme, nexiste. Le premier est en création à Bouaké. Des marchés se créent spontanément aux lieux de rupture de charge et près des lieux de consommation. LEtat utilise ces carrefours naturels pour implanter des marchés structurés, dont la gestion et lentretien sont assurés aujourdhui par les collectivités locales. Par manque de personnel qualifié, de moyens et de volonté, létat des marchés laisse à désirer. Seul le grand marché de Ouagadougou fait figure dexemple; boudé lors de sa création, il abrite aujourdhui 4 000 commerçants et doit faire face à 20000 demandes. Sa gestion et son entretien sont sous-traités à une entreprise privée. Si les services de contrepartie de la patente sont convaincants, le marché organisé peut drainer la majorité du commerce, sinon il y a risque de voir se développer des marchés parallèles (cest un pari pour le marché de gros de Bouaké qui doit convaincre 600 grossistes de son utilité).
Les infrastructures de marché sont sommaires et ne disposent pas de chambres froides, ce qui contraint à des ventes dans la journée pour les produits périssables, notamment la viande.
En Côte-dIvoire, trois centres de collecte ont été créés pour drainer les flux vers Abidjan, en substitution aux marchés de production. Ce changement, bien que plus rentable sur le plan du transport et de la commercialisation, savère, à lusage, être un frein à la transparence du marché dans la mesure où il déconnecte les producteurs des commerçants. Cest sur les marchés de production que le prix de première mise en marché se constitue. En labsence dinformations, cette déconnexion aggrave lopacité du marché.
Les commerçants occupent souvent une fonction de crédits auprès des agriculteurs. Leurs collecteurs font office dintermédiaires et sont les pourvoyeurs dinformations nécessaires à la négociation des prix. Les années de faible production, les commerçants mènent une politique de clientélisme en abaissant les charges légales de taxes à la valeur ajoutée. Pour les gros commerçants, la spéculation sur les produits par stockage est financièrement plus intéressante au terme de la période dimmobilisation quun placement bancaire dune somme équivalente. Les commerçants utilisent très largement les fluctuations de la production pour faire une capitalisation à risque mais très fructueuse, au détriment du consommateur qui paye ses produits plus chers.
La majorité du commerce des produits alimentaires seffectue dans linformel. Lutilité de la fonction que remplit linformel nest pas mise en cause mais les avis sont très partagés sur la nécessité de formaliser ce secteur ou de soutenir le secteur informel (voir plus loin la discussion sur la place du formel et de linformel)
c) Les industriels
Le tissu industriel est faible et organisé seulement pour les produits dexportation. Une petite technologie de transformation des produits adaptée aux petites exploitations rurales ou aux commerçantes de rue visant à alléger le travail manuel des femmes (traitement du manioc, moulins à grains) serait nécessaire. Cette technologie existe mais se heurte à sa diffusion. Pour cela une étude sociologique serait utile pour comprendre les réticences et les moyens de les vaincre; il est notamment efficace de convaincre dabord le chef dun village de lutilité dune technique, au risque dassister à un conflit dautorité entre les chefs et les agents administratifs.
Pour les industries destinées à approvisionner les centres urbains, les industries de grande taille et/ou sophistiquées ne sont pas appropriées, les services et biens intermédiaires et la maintenance étant trop coûteux. Elles réclament par ailleurs des niveaux de formation du personnel hors de portée. Lurgence semble être sur lapprovisionnement des masses à bas prix, pour des produits entrant dans les pratiques alimentaires (pâte de manioc, attiéké, farine de maïs, autres préparations à base de maïs, fruits et légumes, etc.).
La petite industrie locale est encore embryonnaire et se limite à des confitures ou quelques conserveries de fruits et légumes. Le prix de ces produits nest pas compétitif car le contenant est plus coûteux que le contenu.
Deux types de risques sont à prendre en considération: les risques liés à la qualité des aliments et les risques nutritionnels liés aux défauts daccès aux aliments et à une ration alimentaire équilibrée.
Le contrôle sanitaire et de la qualité des produits alimentaires est lune des composantes de la sécurité alimentaire. Bien quil y ait généralement des contrôles à lentrée des pays, dans les abattoirs et aux marchés, le système souffre dune nette insuffisance dinfrastructures de contrôle, dorganisation et de formation du personnel. Les laboratoires de contrôle existants étaient conçus essentiellement pour les produits dexportation; ils devraient être étendus aux produits locaux. Par ailleurs, les textes de référence sont vagues et permettent toutes les interprétations. La libéralisation a eu pour conséquence le transfert de certaines réglementations et dattributions aux collectivités locales. Celles-ci ne disposant pas du personnel formé en la matière effectuent les prélèvements de taxes auprès des marchés, par exemple, sans pour autant rendre les services de contrepartie.
Les services dhygiène maîtrisent assez bien lamont de la chaîne alimentaire mais absolument pas laval. La priorité devrait être accordée au contrôle sanitaire dans les abattoirs, sur les marchés, dans les «maquis» et dans lalimentation de rue où le recyclage de produits périmés est courant. Les gestionnaires des marchés, les commerçants, les consommateurs nont aucune connaissance de base en matière dhygiène alimentaire. La gestion des marchés a été globalement transférée aux collectivités y compris les aspects sanitaires; or ils nont ni les moyens, ni les compétences pour assurer cette fonction. Les détournements de la réglementation ne sont pas rares et les pouvoirs locaux se heurtent au pouvoir administratif. Même en cas de saisie de produits non consommables, les structures de stockage et de destruction de ces produits font défaut.
Une difficulté majeure du bon fonctionnement du contrôle de la qualité est la dispersion des règles et des intervenants dans le contrôle: Ministère de lAgriculture, du Commerce, de la Santé, de lEducation, etc. On pourrait imaginer une structure unique de normalisation et de répression avec une mise en application par les différents organes de lEtat. Mais la nécessité préalable dun règlement sanitaire général avec un volet sur lhygiène alimentaire réclame une procédure de plusieurs années. Dans lattente, une campagne nationale sur lhygiène ne serait-elle pas utile?
Au niveau de lUEMOA, il est prévu de mener une réflexion en 1997 sur des normes de qualité consensuelles, acceptées par les opérateurs des différents pays. Pour cela, il est nécessaire de sinformer des réglementations actuelles, de les confronter, de les faire accepter.
Les pays de lAfrique francophone se trouvent à un tournant de leur société. Lenvironnement paraît difficile: un pouvoir dachat qui sérode, une désorganisation complète de léconomie, une absence de relais au retrait massif et brutal de lEtat, une déréglementation à tous les niveaux de la chaîne alimentaire.
Paradoxalement, ces difficultés peuvent être loccasion dun réel démarrage à condition quil y ait aussi une réelle volonté politique de relancer léconomie et dassurer la sécurité alimentaire des populations.
En effet, la libéralisation a mis les agents face à leurs responsabilités et les contraint à adopter des stratégies de survie; ils entrevoient à présent la nécessité de sorganiser et réclament eux-mêmes des règles de production et de marché pour ne plus subir les abus de linformel. La libéralisation a permis de mettre à jour une carence de réglementations ou de leur application au cours des trente années de monopole dEtat.
La libéralisation permet les échanges commerciaux. LAfrique occidentale possède suffisamment de potentialités pour assurer convenablement les approvisionnements alimentaires de toute la zone: riz, maïs, mil, sorgho, fruits et légumes, produits de lélevage. Sans pousser à la spécialisation extrême de chacun des pays constituant lUEMOA (ce qui peut mettre en danger le principe de sécurité alimentaire), il est remarquable que lensemble de ces pays présente des complémentarités du point de vue alimentaire. Par ailleurs, ces pays présentent un avantage commercial indiscutable avec une monnaie commune et un langage commun. Pour cela les Etats devraient lever leurs contradictions actuelles: profiter de la libéralisation pour écouler leurs produits sur les pays voisins mais se protéger des flux de ces mêmes voisins. Le bon sens serait une libéralisation interne à lUEMOA sans pousser à labsurde les avantages comparatifs, tout en se protégeant aux frontières régionales. Cela suppose des réglementations communes internes et externes.
La libéralisation permet enfin de recréer la confiance des opérateurs. Il est en effet remarquable quà tous les niveaux, il y ait une suspicion et un manque de confiance envers les informations, les contrôles, les décisions émanant des gouvernements. Ce climat rendra difficile la bonne marche de services publics indispensables. La meilleure preuve est la création de services privés parallèles non-officiels. La restauration de la confiance sera longue et ne pourra se faire quà preuve de compétences.
Au-delà de la libéralisation, la dévaluation constitue une nouvelle chance. Bien quelle ait contribué à une perte de pouvoir dachat, du fait du renchérissement des produits alimentaires importés et de biens et services intermédiaires, elle a favorisé le report de la consommation vers les produits locaux relativement moins chers. Les pratiques alimentaires se sont modifiées et favorisent les produits locaux. Cest donc loccasion dune relance économique du secteur agroalimentaire. Bien sûr, le gouvernement doit maîtriser linflation au risque de voir les bénéfices de la dévaluation vite perdus. Heureusement, léconomie libérale a correctement fonctionné et les prix après une flambée, se sont stabilisés à un niveau inférieur.
Enfin, par rapport au thème central du programme qui est lurbanisation, son accélération est source dinquiétude car il faut rapidement drainer des flux croissants de marchandises vers ces points de concentration et organiser la distribution interne aux villes. Autre paradoxe: ce phénomène est une chance pour la dynamique de lagriculture et du commerce car il assure un marché stable. La demande autrefois rurale, diffuse et fluctuante nétait pas structurante. Aujourdhui, il y a garantie de débouchés pour des quantités et des qualités stables, voire croissantes.
Lenvironnement, contrairement aux apparences, est donc tout à fait favorable au secteur alimentaire, bien que les tâches de reconstruction soient considérables. Les mesures daccompagnement aux plans dajustement structurel à mettre en place, doivent lêtre rapidement au risque de voir se constituer des cartels privés qui nauraient même pas le devoir de sécurité alimentaire des populations, comme lavait lEtat.