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CHAPITRE 7

7. APPLICATION DE LA TELEDETECTION A LA PECHE

Les océans occupent les deux tiers de la surface terrestre. L'homme en, dans une large mesure, pour sa nourriture - poissons, crustacés, mammifères marins, tortues, plantes aquatiques et algues. Pour mieux exploiter ces ressources, il faut que les pêcheurs prennent le plus de poissons possible (dans les limites des contraintes biologiques), tout en réduisant les coûts au minimum et en optimisant l'ordonnement de leurs opérations. A cette fin, les scientifiques doivent leur fournir des renseignements fiables sur l'environnement. Les observations obtenues par télédetection sur la surface des océans peuvent apporter une bonne part des renseignements nécessaires pour évaluer et améliorer la production potentielle des fonds de pêche. Jusque là, on s'et surtout servi de la télédetection pour aider à récolter efficacement les ressources naturelles. Aujourd'hui, on l'emploi pour la gestion, la conservation et l'exploitation de ces ressources.

Les variations dans les conditions de l'environnement influent sur le recrutement, la répartition, l'abondance et la disponibilité des ressources halieutiques. Il est impossible de relever par la télédetection, toutes les informations dont on a besoin pour évaluer les changements dans le milieu marin. Cependant, on peut souvent à partir des données de la télédétection par déduction, les conditions et les processus particuliers qui touchent les populations de poissons, par exemple: concentration de matière dissoute et en suspension, variations dans les niveaux de production primaire, distribution des isothermes de surface, emplacement de limites frontales, zones d'upwelling, structures des courants et de la circulation des eaux. Les paramètres dégageant des renseignements sur ces facteurs de milieu permettent de prévoir la répartition des poissons ou plus généralement, de définir les habitats des poissons marins. Il est souvent plus facile d'identifier ces habitats que la présence de poissons.

Les techniques de télédétection peuvent être utilisées directement, indirectement ou comme une aide générale dans la détection et l'évaluation des ressources halieutiques.

7.1   Méthodes directes de détection de poissons

La plus directe et la plus simple dans le domaine de la pêche est le repérage visuel du poisson. Les flottilles qui exploitent la grande pêche comme le thon ou le menhaden dépendent du repérage visuel du poisson à partir d'avion pour se diriger.

La photographie aérienne en soi ne présente guère d'intérêt pour la majorité des pêches commerciales. L'emplacement de bancs mobiles de poissons, par exemple, ne peut pas être communiqué assez rapidement aux pêcheurs. La photographie aérienne, cependant, peut être utile à un scientifique de la pêche en lui apportant des renseignements sur la répartition et l'abondance relative de poissons pélagiques, et en particulier les espèces en banc. La structure de répartition et l'emplacement servent à identifier les espèces observées, tandis que la superficie d'un banc mesurée à partir d'une photographie aérienne peut être mise en correlation avec la biomasse de certaines espèces.

Les écho-sondeurs et les sonars sont utilisés en télédétection depuis au moins 50 ans et sont aujourd'hui par les flottilles de pêche dans le monde entier. Les sonars permettent de détecter le poisson et d'estimer la biomasse. Récemment, les systèmes laser à forte puissance, qui fonctionnent dans la partie bleu-vert du spectre visible (lidar) ont donné des résultats très encourageants pour l'évaluation des ressources de pêche. Un lidar embarqué sur un avion volant à une altitude approximative de 1 700 m peut détecter des poissons à des profondeurs de 16 m.

7.2   Méthodes indirectes d'évaluation de la pêche

La mesure des paramètres influant sur la répartition et l'abondance de poissons aide à évaluer une ressource halieutique. La recherche sur les effets environnementaux liés à la pêche consiste, en grande partie, à mettre en corrélation un paramètre unique avec la répartition spatiale et temporelle des poissons. Il est très probable, cependant, que le poisson soit sensible à l'ensemble des facteurs du milieu. Aussi, est-il nécessaire de corréler un grand nombre de paramètres, obtenus par télédétection, avec la répartition du poisson.

Les paramètres environnementaux le plus couramment mesurés par les capteurs aériens et spatiaux sont les suivants: propriétés optiques ou bio-optiques de surface (le coefficient d'atténuation diffuse, la matière totale en suspension, la substance jaune, les pigments de chlorophylle et les macrophytes sont couramment regroupés sous le terme général de couleur d'océan); température de surface, caractéristiques de circulation verticale et horizontale; salinité, pollution du pétrole et état de la mer.

7.2.1   Propriétés optiques de surface

Les propriétés optiques de la couche superficielle marine sont déterminées par la présence de matière dissoute et en suspension. En conditions normales, la lumière visible pénètre les eaux marines à une profondeur d'une dizaine de mètres. A mesure que la concentration des composants aquatiques augmente, l'eau devient plus trouble, et la pénétration de la lumière du soleil diminue à cause des processus d'absorption et de diffusion. Suivant les caractéristiques spécifiques des matières présentes dans l'eau, c'est-à-dire leur signature spectrale, les processus d'absorption et de diffusion varient avec la longueur d'ondes de la radiation incidente. On peut donc se fonder sur les observations multispectrales pour évaluer la nature et la concentration des composants de l'eau. Les capteurs passifs fonctionnant dans les longueurs d'ondes visibles (principalement CZCS mais aussi MSS, TM et HRV) pour obtenir une image de la couleur de l'eau. Les capteurs actifs qui fournissent leur propre source d'éclairement, par exemple le lidar, peuvent également être utilisés mais seulement à partir d'un avion et pour l'échantillonnage plutôt que pour l'imagerie. Les principaux paramètres qui peuvent être calculés à partir de la radiation de paramètres qui peuvent être calculés à partir de l'eau, moyennant des algorithmes construits empiriquement, sont énumérés ci-dessous.

7.2.1.1 Coefficient d'atténuation diffuse: ce coefficient, à une longueur d'onde spécifique, est une propriété optique apparente. Sa valeur dépend de la répartition de la lumière résultant de la dispersion, de la diffusion et de l'absorption au point de mesure in situ. Ce paramètre, quand il est mis en corrélation avec la profondeur du disque Secchi et les nuances de couleur Mansell, de classer physiquement l'eau suivant la couleur. Sa valeur peut être interprétée comme une mesure de la turbidité de l'eau et il constitue un moyen précieux pour les études halieutiques. Il a été démontré, par exemple, que la turbidité et le repérage du menhaden dans le Mississipi Sound sont en étroite corrélation.

7.2.1.2 Matière totale en suspension (seston): outre les paramètres optiques, la concentration totale des agents d'absorption et de diffusion peut servir à classer les eaux de surface au moyen de leur couleur. Le recours à ce paramètre peut être particulièrement indiqué pour le classement des eaux où les sédiments minéraux et/ou organiques entrent pour une large part dans les propriétés optiques de la couche superficielle. Il convient aussi lorsqu'il faut utiliser la concentration de sédiment comme traceur naturel pour identifier le mouvement de l'eau et les limites frontales (voir figure 7.1).

7.2.1.3 Substance jaune: On peut la définir comme étant le matériaux provenant de la dégradation de la matière organique terrestre et marine. C'est un paramètre important pour la surveillance des eaux côtières polluées, puisqu'il permet d'identifier les zones marines où l'exploitation de filtreurs,, comme les coquillages, peut être dangereuse. Dans certaines régions du monde, par exemple la Mer du Nord, ce paramètre a montré une certaine corrélation avec la salinité des eaux de surface.

7.2.1.4 Pigments de chlorophylle: la concentration des pigments de chlorophylle (pigments photosynthétiques de phytoplancton) est souvent considérée comme un indice de la productivité biologique et, elle peut être rapportée à la production de poissons. Les concentrations de chlorophylle au-dessus de 0,2 mg/m³ indiquent une présence de plancton suffisant pour entretenir une pêche commerciale viable (Gower, 1972). Les pigments de chlorophylle ont une signature spectrale spécifique et distincte, car ils absorbent la lumière bleue (et rouge) et reflètent fortement le vert, influant ainsi sur la couleur d'océan. Les observations multispectrales à partir de capteurs aériens ou spatiaux permettent donc de déduire la concentration en phytoplancton (voir figure 7.2).

7.2.1.5 Macrophytes: dans les zones côtières on trouve couramment de la végétation macrophytique (algues). Certaines espèces ont une importance économique, mais toutes jouent un rôle majeur dans la subsistance de la faune marine. Les diverses espèces d'algues ont des propriétés différentes de réflexion de la lumière, par exemple, elles réfléchissent plus de radiation certaines espèces d'algues peut être détectée à partir de capteurs passifs visibles, aériens ou spatiaux. Etant donné la faible intensité de la lumière au moment où elle quitte l'eau, il est souvent plus efficace d'utiliser des capteurs aériens comme les caméras aériennes ou les radiomètres (voir figure 7.3).

7.2.2   Température de surface

Depuis 1973, la NOAA s'occupe de déterminer la température de surface de la mer - SST (Sea Surface Temperature) - à partir des données satellites. La détermination de la SST à partir des données du radiomètre infra-rouge est un processus bien rodé (voir figure 7.4). Des cartes mondiales de la température de surface de la mer (SST) sont établies sur une base opérationnelle. Elles se présentent sous forme de listing informatique ou de cartes en courbes de niveau avec des mesures spatialement uniformes et radiométriquement corrigées. A partir des données tirées des satellites TIROS, NOAA et METEOSAT, on a pu dresser des cartes de la SST avec une précision de 0,5° – 2°C et en temps proche réel.

Les satellites héliosynchrones de la séries NOAA fournissent des images à grand pouvoir de résolution (1 km) deux fois par jour, alors que les satellites géostationnaires (GOES, METEOSAT) fournissent des images toutes les demi heures mais avec une résolution de 25 km seulement. Les satellites géostationnaires sont utilisées principalement pour la zone proche-équateur où la résolution du capteur est la meilleure. A des latitudes supérieures à 40° la déformation de l'image est trop importante pour une utilisation opérationnelle.

La présence de nuages ou de brumes contamine les données jusqu'à un certain point, mais la connaissance des variations ou tendances journalières permet de faire des corrections par interpolation. L'information réelle donnée par les bateaux est une aide supplémentaire pour déduire avec précision les zones de température.

A ce jour, les cartes de SST sont principalement utilisées par les flottilles de pêche au thon et au saumon. Il est bien connu que certaines espèces de thon se nourrissent dans les eaux chaudes des fronts thermiques du large, et le saumon dans les eaux froides des forets thermiques de la côte. La présence de certaines autres espèces est également en corrélation avec la SST. De plus, les cartes SST permettent de détecter des caractéristiques physiques comme les gyres, les remous, les inversions et les upwellings qui sont importants pour la pêche.

7.2.3   Caractéristiques de circulation

Figura 7.1

Figure 7.1  Concentrations de sédiments en suspension dans la baie de Fundy, Canada, d'après les données LANDSAT MSS


Figura 7.2

Figure 7.2  Concentration de chlorophylle au large de la Côte Ouest de la France, d'après une image CZCS (juillet 1981). Une floraison de dinoflagellates est indiqueée an rouge.


Figura 7.3

Figure 7.3  Photographie aérienne infra-rouge couleur(1:10000) des Iles Chausey, France, prise le 24 avril 1982 à marée basse. On peut distinguer cinq espèces d'algues.


Figura 7.4

Figure 7.4  Image de la température de surface de l'Atlantique Nord-ouest enregistrée par radiométre infra-rouge à bord de NOAA-9

Plusieurs techniques de télédétection peuvent fournir des renseignements sur les caractéristiques de circulation de surface qui ont leur importance pour définir les habitats des poissons marins. Il s'agit, entre autres, de l'emplacement et de l'évolution des limites frontales, des zones d'upwelling, et des structures des courants et de la circulation en général. Les caractéristiques optiques et thermiques des eaux de surface peuvent être utilisées comme traceurs naturels des structures dynamiques. Ce qui a été dit précdédemment à propos de la couleur et de la température de surface de la mer est donc là encore à considérer du point de vue de cette application. Les techniques d'hyperfréquences, en particulier les capteurs actifs (altimètre à radar) peuvent aussi être employées pour la détection des grandes caractéristiques de circulation. Par exemple les mesures, par télédetection, des déplacements verticaux des eaux de surface peuvent fournir des renseignements sur les caractéristiques dynamiques d'un bassin.

7.2.4   Salinité

La mesure de la salinité à partir des données acquises par télédétection n'est pas opérationnelle actuellement. D'après les recherches cependant, il est possible de déterminer la salinité, en utilisant des capteurs à hyperfréquences ayant une précision d'une partie pour mille. Les propriétés des hyperfréquences sur la surface de la mer sont une fonction de son état physique et chimique. L'émissivité de l'eau de mer est en rapport avec la salinité. Les changements de salinité provoquent des changements importants de la température de brillance de l'eau pour des fréquences inférieures à 5 GHz. On peut donc déterminer, à l'aide de la télédétection, la salinité de l'eau de mer en mesurant avec précision la température de brillance. La précision de cette technique est suffisante pour permettre la cartographie de l'étendue d'eau douce à l'embouchure d'un fleuve ou l'étude des estuaires et des eaux proches du littoral.

7.2.5   Pollution par le pétrole

Différentes méthodes servent à repérer les nappes de pétrole en mer: détection à l'oeil nu, par une caméra aérienne, par MSS et CZCS; par hyperfréquence, par SMMR et SAR, par fluorescence (lidar) et détection thermique avec le scanneur à infrarouge.

La méthode visuelle permet de repérer le changement de couleur et de brillance dû à la présence de pétrole. Les effets d'interférence du REM (bande de couleur) et la modification de la réflexion spéculaire du soleil sur les nappes font partie des phénomènes de la lumière visible utilisés pour détecter les nappes de pétrole. La méthode d'hyperfréquence, guand on recourt aux techniques passives est basée sur la différence d'émissivité entre la surface de la mer et la nappe de pétrole. La détection de pétrole par les capteurs actifs à radar s'effectue grâce au phénomène de rétrodiffusion des petites ondes amorties par la nappe de pétrole. Les propriétés fluorescentes des hydrocarbures peuvent être détectées et distinguées par des lidars appropriés. Ces fluorocapteurs à laser peuvent aussi identifier les types fondamentaux de pétrole (lourd, léger, etc…) et fournir une mesure de l'épaisseur de la nappe. Les capteurs thermiques identifient le pétrole par le biais de la différence dans l'absorption solaire et l'émissivité thermique entre le pétrole et l'eau et ils fournissent également une mesure élémentaire de l'épaisseur de la nappe.

l'absorption solaire et l'émissivité thermique entre le pétrole et l'eau et ils fournissent également une mesure élémentaire de l'épaisseur de la nappe.

7.2.6   Etat de la mer

On sait depuis bien longtemps qu'une mer agitée sous l'effet du vent, influe sur la répartition du poisson. Les avions ou satellites équipés de SAR sont en mesure d'effectuer un levé photogramétrique en temps proche-réel de l'état de la mer dans les zones de pêche; ces renseignements peuvent être transmis aux pêcheurs via une station de contrôle au sol.

Les capteurs à hyperfréquence à bord du SEASAT sont capables de relever les mesure suivantes avec un haut degré de précision:

(i)  altimètre à radar: hauteur des vagues et microtopographie de la surface de l'océan;

(ii)  radar à synthèse d'ouverture (SAR): longueur d'ondes et direction des vagues (voir figure 7.5);

(iii)  diffusomètre à radar (SASS): vitesse du vent proche de la surface au dessus des océans, dans toutes les conditions atmosphériques.

Le satellite ERS-1, qui devrait être lancé en 1989, portera une charge utile de capteurs semblables à ceux du SEASAT. Ceux-ci serviront aux mêmes fins que celles évoquées ci-dessus.

Bien que plusieurs chercheurs aient déjà étudié l'effet des vagues sur la répartition du poisson, nul n'a encore tenté de relier quantitativement l'abondance du poisson à un des paramètres de l'état de la mer.

7.3   Aides générales aux opérations de pêche

Les satellites peuvent aider l'industrie de la pêche de bien d'autres façons qu'en repérant le poisson. La plupart de ces aides sont également utiles à des marins autres que les pêcheurs. Ainsi, on peut s'aider des satellites pour:

(i)   les opérations de recherche et de sauvetage: le satellite NOAA-8 possède un capteur spécial, SARSAT (Search and Rescue Satellite Tracking), qui détecte les signaux de détresse émis par les navires en difficulté. Le signal enregistré sert à localiser la position du navire. Les capteurs à bord de la série de satellites russes COSPAS-1, 2 et 3, lancés respectivement en 1982, 1983 et 1984 ont un rôle semblable à celui de SARSAT;

(ii)  les bulletins météorologiques : les satellites tels que NOAA, GOES ou METEOSAT peuvent fournir des renseignements météorologiques sur une zone étendue à un temps donné (voir figure 7.6). Ceci peut aider les

(iii)  la bathymétrie: la télédétection à l'aide de capteurs visibles actifs ou passifs, peut être utilisée pour des mesures bathymétriques. A l'exception des méthodes acoustiques (sonar), ce sont les capteurs aériens qui donnent les mesures bathymétriques les plus précises. De plus, les capteurs actifs comme le lidar bathymétrique sont plus fiables que les capteurs passifs.

Figura 7.5

Figure 7.5  Image du détroit de Juan de Fuca prise par SEASAT le 13 août 1978, á une altitude de 805 kms. L'image d'un radar à synthèse d'ouverture bande-L a ybe résolution de 25 m. On peut observer les vagues de gravité, les vagues intérieures et les zones d'eau douce.

Figura 7.6

Figure 7.6  Image de bande visible prise de GOES Ouest à 18h00 le 15 novembre 1984.


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