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Chapitre 11 : Exécuter l'intervention

(Phase 3 de mise en oeuvre - Troisième étape)

11.1. Le principe de synergie

Nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises : aucun média ne peut, à lui seul, exercer un impact décisif sur la communication sociale et, par là, sur les habitudes liées à la nutrition.

Les interventions au travers des différents médias se renforceront mutuellement. Pour atteindre l'efficacité dans la communication multimédia, le comité de planification aura une lourde tâche de coordination. La réussite est à ce prix.

Les programmes qui ont réussi à modifier des habitudes liées à la nutrition ont mis en évidence la nécessaire complémentarité des intervenants en face-à-face et des médias

Il en va ainsi de deux projets cités en exemple dans la littérature la plus récente (8), à savoir le Programme Indonésien d'Amélioration de la Nutrition et le Projet Intégré de Nutrition du Tamil Nadu (Inde).
Dans les deux cas, une forte mobilisation de bénévoles a assuré une communication interpersonnelle avec les publics-cibles. En Indonésie, il s'agissait de cadres villageois, les kaders, formés en éducation nutritionnelle et en surveillance nutritionnelle. Au Tamil Nadu, il s'agissait de groupes de travail composés de femmes elles aussi capables de mener à bien des séances de pesée et d'éducation nutritionnelle. Ces intervenants ont participé de façon directe à la mobilisation du public pour le programme et à l'introduction dans les familles de nouvelles habitudes alimentaires.
Les médias de masse ont apporté un concours décisif à l'action menée par les équipes bénévoles au sein des communautés villageoises. Ils ont renforcé la crédibilité des messages et la couverture de ceux-ci. En Indonésie, c'est la radio qui a joué ce rôle d'amplification médiatique alors qu'au Tamil Nadu, plusieurs médias de masse ont été utilisés, notamment le cinéma, très prisé du public local. Ainsi, les responsables du Programme du Tamil Nadu ont-ils été amenés à confectionner de films très courts qu'ils ont ensuite présenté dans des salles très fréquentées, juste avant le grand film.

L'utilisation de chaque média présente ses propres particularités. Après avoir guidé le lecteur dans le choix des médias (au chapitre 8), nous proposons ci-dessous quelques points de repères concernant leur utilisation.

11.2. La communication en face-à-face

Comme nous l'avons rappelé plus haut, la communication en face-à-face peut se dérouler dans deux cadres : un face-à-face entre deux personnes (l'intervenant et son client ou son patient) ou un face-à-face entre une personne (l'intervenant) et un groupe (appartenant au public-cible de l'intervention).

Nous venons de voir quel rôle peut jouer la communication interpersonnelle (une personne face à une autre) dans un processus multimédia visant à changer les habitudes liées à la nutrition.

Il ne faut pas perdre de vue l'intérêt particulier que revêt ce processus de communication interpersonnelle, à savoir l'écoute active du client. C'est en effet le moyen le plus efficace d'étudier le problème particulier de chacun et d'y adapter le message (24).

Souvent, l'agent de développement n'a pas été préparé à cette attitude d'écoute active. Le jeu de rôle est une méthode très adaptée à cet apprentissage (2).

L'écoute active implique une capacité de reformulation du discours du client, de façon à lui faire découvrir de lui-même les racines du problème qu'il pose et les solutions à y apporter.

C'est tout le contraire d'une attitude dogmatique et autoritaire qui vise à imposer à l'autre des solutions toutes faites aux problèmes qu'il pose.

Si l'intervenant en éducation nutritionnelle doit être parfaitement informé des messages qui font l'objet de l'action de communication en cours, il doit aussi être capable d'écouter son interlocuteur et de l'aider à trouver sa solution à son problème. Ceci rendra nécessaire une adaptation du message aux conditions de vie de la personne concernée.

A côté de ces interventions très personnalisées, il est souhaitable de travailler avec des groupes de personnes, à la fois pour réaliser des économies d'échelle et pour bénéficier des effets d'entraînement liés à la dynamique du groupe.

Il faut échapper à la traditionnelle causerie dont on a pu mesurer l'inefficacité. Tant que la causerie se limite à un exposé devant un auditoire passif, elle n'a guère de chances de modifier les attitudes et les habitudes du public. Le psychologue américain LEWIN avait déjà démontré, il y a une cinquantaine d'années, l'inefficacité relative de la conférence par rapport à ce qu'il avait appelé la décision de groupe.

La décision de groupe, c'est une décision prise en groupe d'essayer de modifier quelque chose dans sa façon de faire. Elle implique une discussion de groupe, dont nous allons décrire ci-dessous les modalités (F.T. no 13). Nous allons aussi nous interroger sur l'utilisation de supports dans le cadre de la communication en groupe : la vidéo (F.T. no 14) et la diapositive (F.T. no 15). Nous verrons ensuite comment utiliser le théâtre dans une perspective éducative (F.T. no 16).

FICHE TECHNIQUE No 13 : l'exposé-discussion

Le sujet de l'exposé

Le sujet à traiter doit être limité. L'une des raisons de l'échec des causeries traditionnelles réside dans le fait que, souvent, le sujet est mal délimité. Dans le cadre des recherches préliminaires à une intervention de communication, les messages à transmettre auront été clairement définis : il sera donc plus facile de circonscrire le thème de la discussion.

L'auditoire

L'auditoire guide toute la démarche de communication, ainsi que nous l'avons vu dès les premières pages de ce guide. Il guide aussi l'animateur de l'exposé-discussion. L'animateur doit connaître le niveau de familiarité de son auditoire par rapport au sujet de l'exposé. Pendant l'exposé, il doit être attentif aux réactions de l'auditoire, de façon à y adapter son discours.

Le but de l'exposé

La personne chargée de l'exposé doit être pleinement consciente du but de celui-ci. Ceci a été clarifié d'une façon générale par le comité de planification, qui a déterminé les objectifs de l'intervention de communication. Ils doivent être tout à fait clairs pour chaque personne qui devra mener des exposés-discussions dans le cadre de cette intervention. A-t-on pour but de modifier des attitudes, de partager des savoirs? La démarche sera différente.

Le plan de l'exposé

Un exposé doit suivre un fil conducteur construit à l'avance.

L'introduction commence par l'accueil de l'auditoire et la présentation du sujet. L'orateur doit motiver son auditoire.

Le développement consiste à aborder les points de l'exposé, en les décortiquant progressivement, en reformulant les points forts afin de les faire partager par l'auditoire. L'orateur doit faire référence aux autres modalités de transmission du message prévues dans le cadre de l'intervention de communication: par exemple, il invitera son public à écouter les émissions de radio consacrées à ce thème.

La conclusion doit être assez longue pour reprendre une fois encore les points que l'on souhaite voir mémorisés par l'auditoire. Celui-ci doit être prévenu qu'il s'agit de la conclusion afin qu'il mobilise toute son attention, toutes ses ressources à ce moment-là.

La discussion

Après l'exposé, la discussion va elle aussi respecter certaines étapes.

La première étape sera de laisser à l'auditoire le temps de poser des questions de compréhension, de clarification. Tout a-t-il été bien compris ?

La deuxième étape consiste à donner la parole à l'auditoire pour débattre ensemble des sujets abordés, pour analyser les problèmes spécifiques vécus par la communauté et pour trouver avec les participants des solutions adaptées au milieu. Dans notre démarche, cette étape de l'exposé-discussion est particulièrement importante puisqu'elle permet de se mettre à l'écoute du public, une fois de plus, et de l'aider à résoudre des problèmes qui le concernent.

La troisième étape serait de s'engager ensemble à essàyer de mettre en oeuvre de nouvelles façons de faire : c'est l'étape de la décision. Le groupe se met d'accord sur une innovation (une recette, par exemple) et décide de l'essayer une fois rentré à la maison. A la prochaine réunion, on fera le point sur la réussite ou l'échec de cette innovation.

Des modalités d'enrichissement de l'exposé-discussion

L'exposé-discussion peut être enrichi de diverses manières (33).

Les supports de communication, visuels ou audio-visuels, sont un premier moyen d'enrichissement. On verra plus loin comment procéder avec la diapositive et la vidéo. Il existe d'autres supports : le tableau, le flanellographe (qui permet de faire bouger les éléments visuels en les accrochant sur un tableau en flanelle), l'écran sur lequel on projette des transparents (à l'aide d'un rétroprojecteur), etc.

La démonstration permet à l'orateur de visualiser de façon très concrète son exposé : c'est un moyen particulièrement approprié de transmettre une façon de faire (une recette, par exemple).

Le conte est un mode d'expression particulièrement approprié en milieu traditionnel. Le conte fait entrer l'imaginaire dans le contenu de l'exposé. Il permet de parler par images d'un sujet qui, sans cela pourrait être perçu comme trop ardu, trop technique ou trop logique. Il introduit une dimension de rêve et de gaîté dans l'exposé-discussion.

Le chant accentue encore cette note de gaîté, d'autant qu'il encourage la participation de tous et qu'il facilite la mémorisation des messages.

En définitive, l'exposé ennuyeux des causeries traditionnelles et conventionnelles cède la place à des réunions participatives et amusantes d'où chacun peut sortir avec quelques résolutions sur la conduite à tenir par rapport à un certain type de difficulté rencontrée dans la vie quotidienne.

FICHE TECHNIQUE No 14 : la vidéo-animation

Utilité

Comme nous l'avons montré dans la fiche technique № 9, la télévision, quoique non interactive, est un excellent moyen de modification des attitudes et d'acquisition de connaissances, de concepts et d'habileté orales. C'est même un bon moyen d'acquisition des savoir-faire, quoique, dans ce domaine, rien ne surpasse l'expérience directe.

La vidéo, lorsqu'elle est utilisée dans le cadre d'animation en prise directe avec le public, dépasse encore les possibilités de la télévision.

Pourquoi ?

Parce qu'au-delà des qualités intrisèques de l'outil télévisuel (l'image animée accompagnée du son), elle permet l'interaction entre le présentateur et son public. Elle autorise le feed-back, la reformulation, le retour en arrière, le ralenti, l'arrêt sur image, etc. Elle permet de décortiquer le message pour en retirer toute la substance, pour le réinterpréter et pour l'adapter.

Les limites de l'utilisation de l'outil vidéo tiennent précisément à son adaptation au public visé. La production vidéo coûte cher, très cher même au regard de la production d'autres supports (diapositives, affiches, boîtes à images, etc.). Les producteurs cherchent donc à assurer à leurs bandes vidéo une diffusion qui soit la plus large possible. De leur côté, les utilisateurs cherchent à tirer un maximum de profit des bandes vidéo disponibles sur le marché.

Nous envisagerons dans cette fiche technique la seule utilisation des programmes existants, tout en conseillant au lecteur l'ouvrage de VON STEDINGK cité en référence pour examiner les questions liées à la production.

Le choix d'un programme vidéo

La grille proposée par DONNAY et ERNST nous servira de référence.

Il faut en premier lieu disposer d'une information suffisante sur les programmes existants. Ceux-ci sont de plus en plus nombreux. Dans les domaines de l'éducation pour la santé et la nutrition, la production est assurée par des organismes internationaux et, de plus en plus, par les services nationaux de l'éducation pour la santé. Les télévisions nationales disposent également de ressources qu'elles peuvent mettre à la disposition des agents de développement. Dans certains pays, d'importants centres de production vidéo ont été créés, qui peuvent à la fois produire des documents spécialement conçus pour l'animation vidéo et assurer la formation de producteurs d'autres pays. Tel est le cas du CESPA (Centre de Services de Productions Audiovisuelles) à Bamako.

Tous les centres de production peuvent mettre à la disposition des utilisateurs une liste des programmes disponibles. Les responsables nationaux des programmes de communication en nutrition devraient se doter d'un répertoire de ces programmes.

Avant d'utiliser un vidéogramme dans le cadre d'un programme particulier, l'éducateur devrait procéder à une analyse préalable. Cette analyse peut être conduite en répondant à huit questions.

  1. Qui parle? Il s'agit d'identifier non seulement le producteur du support vidéo, mais aussi ceux à qui il donne la parole (médecins, nutritionnistes, jeunes mères, etc.).

  2. A qui parle-t-on? Quel est le public-cible du vidéogramme? Quel niveau d'instruction, d'alphabétisation? Eventuellement, quelle catégorie professionnelle? Quelle tranche c'âge? Le public-cibe du vidéogramme correspond-il au public que nous souhaitons atteindre?

  3. De quoi parle-t-on? Quel est le thème principal? Quels thèmes secondaires sont abordés? Quels sont les messages? Le contenu est-il exact? Ne relève-t-on aucune erreur scientifique, aucun défaut d'objectivité, aucun réduction, aucun manque d'actualité du contenu? Y a-t-il adéquation entre le contenu du document et le thème de mon action éducative?

  4. Qu'apporte-t-on? Quels objectifs poursuit ce document audio-visuel? Au niveau des savoirs, des savoir-faire, des attitudes? Correspondent-ils aux objectifs de mon action éducative?

  5. Quels sont les procédés pédagogiques? Quels procédés sont utilisés pour susciter l'intérêt, pour soutenir l'attention, pour favoriser l'apprentissage? Y a-t-il adéquation entre ces procédés et ma façon de mener l'animation-vidéo?

  6. Que faut-il comme prérequis? Le document suppose-t-il la connaissance préalable de certaines notions ou une certaine maturité psychologique? Le vocabulaire technique est-il important? Mon public-cible possède-t-il ces prérequis?

  1. Dans quelles conditions d'utilisation? Ce support impose-t-il des conditions d'utilisation particulières? Des conditions liées au lieu, à la durée, à la taille du groupe, à la compétence du présentateur-animateur? Ces conditions peuvent-elles être respectées dans la situation éducative où le support va être utilisé?

  2. Quelle est la valeur audio-visuelle du document? Quel est le format du document? Dessin animé, interview, reportage, fiction, témoignage, débat, exposé? Quelle est la qualité technique de l'image, du son? Quelle est la pertinence des prises de vue, du montage, du traitement de l'image (trucages...)? Le scénario et l'interprétation éventuelle témoignent-ils du talent de ceux qui ont contribué à la production de ce vidéogramme?

Ces questions orienteront le choix de l'utilisateur. Elle devraient aussi guider le producteur si l'on a la chance de pouvoir produire un document vidéo spécifique à notre programme.

L'animation-vidéo

L'animation-vidéo exige un minimum de matériel aujourd'hui largement disponible. Ce matériel, l'unité de lecture, est constitué d'un magnétoscope et d'un moniteur vidéo.

Le magnétoscope devrait accepter les cassettes de format VHS. Les standards vidéo diffèrent d'un pays à l'autre: PAL, SECAM ou NTSC. La solution idéale consiste à acquérir un matériel tri-standard, qui permet d'utiliser des cassettes enregistrées selon n'importe quel standard.

L'animation-vidéo respecte généralement les étapes suivantes:

  1. Introduction du sujet par le présentateur. Celui-ci attire l'attention du public sur le but du programme qui va lui être présenté.

  2. Projection de la cassette vidéo dans son intégralité.

  3. Débat animé par le présentateur-animateur. Qu'a voulu dire le producteur de ce programme? Quels messages a-t-il voulu transmettre? Qu'en penset-on? en quoi nous concernent-t-ils? Quels passages voudrait-on revoir?

  4. Nouvelle projection des passages retenus par le public. Arrêt sur image éventuel (pour détailler une situation, l'expression d'une attitude,...), utilisation du ralenti. Retours en arrière à la demande du public ou du présentateur. Discussion.

  5. Conclusion: quelles leçons tire-t-on de cette animation-vidéo? Qu'allons-nous modifier dans notre façon de faire à partir de maintenant? Quand nous reverrons-nous pour évaluer les changements intervenus dans notre vie quotidienne?

Références:

DONNAY J., ERNST D., Analyse pour l'utilisation du vidéogramme éducatif, Liège, APES, Collection Méthodes au service de l'éducation pour la santé, no 1, 1989.

VON STEDINGK, M., La vidéo appliquée, Guide pour l'utilisation de la vidéo dans les projets de terrainde la FAO (traduction de Using Video in the Field), Rome, FAO, 1990.

FICHE TECHNIQUE No 15 : le diapo-langage

L'utilité

Nombre d'agents de développement utilisent depuis longtemps la diapositive dans le cadre de l'animation, de la vulgarisation ou de l'éducation sanitaire. La diapositive est souvent utilisée comme le support d'un exposé. Elle aide l'orateur à faire passer un message à son public. Il s'agit là d'un usage intéressant de la diapositive, mais ce n'est pas le seul: d'autres utilisations de la diapositive, plus interactives, méritent notre attention.

Le diapo-langage est un outil de mobilisation des personnes en formation. Il permet de lancer la personne en formation dans un processus d'évolution personnelle. Il l'aide ensuite à franchir les étapes de ce processus: la prise de conscience d'un problème, l'auto-évaluation des pratiques, l'expression des raisons qui justifient ces pratiques, la prise de décision sur les objectifs et les moyens du changement et l'évaluation.

Le diapo-langage permet ainsi de dépasser le cadre étroit de la transmission du message.

Rôle et profil des animateurs

L'animateur n'est plus celui qui sait, face à un public composé de personnes ignorantes.

Son rôle est plutôt de valoriser l'autre, de l'aider à trouver dans ses propres ressources les moyens de résoudre les problémes qui se posent à lui.

Aux différentes étapes du processus de changement correspondent des tâches d'animation différentes.

Les étapes de la progression vers le changement

Le diapo-langage peut être utilisé à toutes les phases d'un processus de changement des pratiques liées à la nutrition.

Phase de conception

Etape de sensibilisation: l'animateur cherche à créér les conditions d'une prise de conscience du problème et d'une décision du groupe d'agir sur ce problème. A cette étape, les diapositives doivent présenter un contenu très large, partant assez loindu sujet pour s'en raprocher. La méthodologie est celle de l'écoute active, qui permet aux participants de s'exprimer avec le plus de liberté possible.

Etape d'auto-diagnostic: l'animateur invite le groupe à observer ses pratiques et les résultats obtenus, à déceler les points positifs et négatifs, à mettre à jour les raisons qui justifient les pratiques traditionnelles. Les diapositives utilisées à cette étape sont davantage centrées sur le sujet retenu. Elles montrent des façons de faire locales, photographiées dans leur contexte. La méthodologie est celle du pourquoi et du comment: les raisons profondes des pratiques traditionnelles sont investiguées.

Phase de formulation:

Le groupe cherche des arguments qui vont justifier d'autres pratiques, plus adaptées. Le groupe se met d'accord sur les principes qui vont permettre de mettre en oeuvre ces nouvelles façons de faire. Cette étape est décisive: bien des résistances doivent être vaincues pour aboutir à des objectifs communs de changement. Les diapositives illustrent les raisons de l'adoption de nouvelles pratiques et les conditions de mise en place de celles-ci. L'animateur doit recueillir et faire discuter les arguments pour et contre changement des pratiques. Il doit aboutir à une décision, qui prévoit aussi les modalités selon lesquelles le changement pourra s'opérer.

Phase de mise en oeuvre:

Pendant la phase de promotion d'une nouvelle pratique, l'utilisation du diapolangage permet de préciser la dimension technique et organisationnelle du changement. Chaque diapositive est l'illustration d'un point précis de la réalisation de la nouvelle pratique. Une recette culinaire, par exemple sera décrite point par point. L'animateur doit faire preuve d'une grande rigueur pour structurer sa présentation. Ici encore, l'animateur doit être attentif à donner la parole aux membres du groupe, qui, à titre individuel, restent maîtres de la décision d'adopter telle ou telle conduite liée à la nutrition et qui, à titre collectif, peuvent choisir d'entreprendre une action communautaire de promotion de la nutrition (telle que le renforcement du service de santé, l'aménagement d'un puits, le développment de telle ou telle culture, etc.).

Phase d'évaluation

L'évaluation se réalise avec le groupe concerné. Les diapositives auront été prises pendant la phase de mise en oeuvre du programme. Elles aident les participants à analyser les difficultés rencontrées en cours de route et à y remédier.

La méthode du diapo-langage s'inscrit donc dans l'ensemble de la démarche de planification des interventions de type éducatif. Son champ d'application ne se limite pas à la mise en oeuvre de la stratégie. Elle est une méthode qui favorise la participation des groupes concernés à la résolution des problémes nutritionnels qui les concernent.

Le recours à cette méthode suppose néanmoins une formation technique préalable, tant pour la production des diapositives que pour leur utilisation dans le cadre de l'animation.

Une séance de diapo-langage

Les éléments-clés de la participation à une séance de diapo-langage sont l'observation, le sentiment, la réflexion et la décision d'agir.

L'observation

L'animateur donne la parole aux participants pour leur faire dire ce qu'ils voient. Il encourage chacun à écouter l'autre dans ce qu'il voit, mais aussi dans ce qu'il ressent et dans ce qu'il pense.

Le sentiment

L'animateur permet à chacun de réaliser qu'il peut s'exprimer librement, que ce qu'il ressent est partagé par d'autres et que son avis est écouté.

La réflexion

L'animateur favorise l'expression et la discussion des avis des uns et des autres. Les solutions proposées font ainsi l'objet d'un débat où chacun peut apporter le résultat de sa réflexion personnelle.

La décision d'agir

L'animateur aide les participants à prendre une décision qui engage le groupe. On ne se sépare pas sans avoir pris une résolution. Quand on se retouvera, on commencera par évaluer les résultats de la mise en oeuvre de cette résolution.

Référence :

CLAVREUL J.Y., Le diapo-langage, Nouveau regard sur la diapositive, Rome, FAO, Collection La communication pour le développement, Etude de cas, 1989.

FICHE TECHNIQUE No 16 : le théâtre traditionnel

Utilité

La pièce de théâtre une histoire, elle met en scène la vie des gens, elle accentue les effets dramatiques. Elle accroche ainsi le spectateur par son côté imaginaire, tout en lui délivrant un message édifiant.

C'est un média particulièrement approprié au village, où il correspond dans nombre de cultures à une activité ancestrale, remise au goût du jour par une utilisation de thèmes contemporains, mais respectant les règles d'écriture d'autrefois. La participation du public est généralement souhaitée, ce qui en fait un média interactif au niveau de la communauté.

La pièce de théâtre permet au spectateur de réfléchir à son comportement, en s'identifiant à un personnage qui se trouve dans une situation problématique bien connue. Le spectateur peut ainsi trouver, dans la pièce de théâtre, un modèle de comportement qu'il adoptera ensuite dans sa vie quotidienne.

L'identification est d'autant plus aisée que les spectateurs sont proches des acteurs, physiquement et psychologiquement.

Le scénario

Les planificateurs d'interventions dans la communication sociale seront bien inspirés s'ils font appel à des acteurs professionnels ou tout au moins à de brillants amateurs pour traduire les messages qu'ils veulent transmettre. Il n'est en effet pas facile de transmettre un message de santé au travers d'une pièce de théâtre.

Ce message, pour passer la rampe, doit être intégré dans une bonne histoire, mettant en scène des personnages crédibles, respectant les règles de la narration théâtrale.

On peut construire la pièce de telle façon que le public adhère au récit ou, au contraire, on peut favoriser une certaine prise de distance du public par rapport à ce récit. Le public peut être invité à participer à l'histoire en cours de narration. On parlera alors de théâtre-forum ou de théâtre-action.

Le scénario, qu'il soit ouvert ou fermé, doit être élaboré entre le metteur en scène, ou l'ensemble des acteurs et les dépositaires du message nutritionnel. Deux risques doivent en effet être évités : réaliser une pièce ennuyeuse par trop didactique ou, à l'inverse, s'écarter tellement des objectifs de santé que le spectateur s'amusera ...mais n'en tirera aucune leçon.

Costumes et décors

Les acteurs seront habillés du type de vêtements que portent généralement les personnages représentés : il faut donc prévoir des costumes. Ils évolueront dans un décor généralement assez précis pour qu'il doive être reconstitué. La reconstitution mentale du décor (par le spectateur lui-même peut cependant dis penser le metteur en scène de dépenses excessives dans ce domaine. Les acteurs disposeront enfin des accessoires requis pour les personnages qu'ils représentent. Tout cela doit être prévu à l'avance.

Publicité

La représentation doit être annoncée, afin qu'y participent un maximum de personnes concernées. Le titre de la pièce doit être suffisamment accrocheur pour attirer la foule. Les acteurs devront être prêts au jour dit : une répétition générale, à la veille de la première, sera sans doute bénéfique, ce d'autant plus qu'en éducation nutritionnelle, il est encore plus important de rester fidèle au texte prévu, vérifié par des experts en ce domaine.

Les spectateurs seront invités à participer soit pendant, soit après la représentation. Cette participation accroît considérablement leur possibilité d'apprendre quelque chose pendant le spectacle.

Un exemple du Togo (extraits) (3)

Sauvons le fils du chef !

NB : Cette pièce de théâtre, jouée au milieu du village, comporte un élément tragi-comique : le tragique, c'est la maladie du fils du chef, l'héritier du pouvoir; le comique, c'est l'intervention de personnages fictifs, que les spectateurs n'auront aucune peine à identifier comme des éléments de la prise en charge de la santé .. de tous les enfants du village.

(...) Le meneur de jeu, appelé Président, a réuni les notables pour trouver un moyen efficace de lutte contre la maladie du fils du chef.

M. le Médicament : Ne craignez rien ! Je vais appeler ma famille en force. Tous mes cousins qui sont vendus au marché vont venir ! Nous allons éradiquer la diarrhée !

Tous les autres notables : Non ! Asseyez-vous ! Restez tranquille, Monsieur le Médicament !

Le Président : M. le Médicament, votre famille est forte, mais pour le moment, nous n'avons pas besoin de votre concours. nous apprécions votre aide, mais il faut vous employer avec soin. Attendez d'abord ! Laissez-nous essayer ! Si nous échouons, l'infirmier vous appellera ! Vous devez toujours demander la permission à l'infirmier avant d'agir.

Le Président se tourne vers Mme Solution Salée Sucrée.

Le Président : Nous avons un nouveau membre dans notre groupe. Permettez-moi de l'introduire. c'est Mme Solution Salée Sucrée, nouvellement arrivée dans le village. Elle manifeste son intérêt pour nous aider dans cette lutte.

Mme Solution Salée Sucrée se tient debout.

Mme Solution Salée Sucrée : Merci. ce que dit le Président est vrai. Vous pourrez toujours me trouver au village. Je suis très efficace pour combattre la déshydratation. Je peux aller dans chaque famille pour lui apporter mon aide en cas de diarrhée. J'ai aussi un grand frère, M. le Sachet, qui se trouve au dispensaire en permanence. Il peut aussi vous rendre service.

Le Président : Merci, Mme Solution Salée Sucrée, nous sommes très contents de ce que vous pouvez faire pour nous aider à combattre la déshydratation. Nous avons 48 heures pour faire de notre mieux. Mais si la diarrhée continue après 48 heures, il faut envoyer l'enfant au dispensaire. l'infirmier pourra alors le soigner. (...)

La pièce de théâtre est une autre façon d'apprendre. Une façon amusante, traditionnelle qui intègre des contenus modernes d'apprentissage avec des façons ancestrales de communiquer. C'est sans doute le contraste entre ces deux pôles de la vie communautaire - l'ancien et le moderne - qui crée l'effet comique, auquel sont si sensibles les publics de ce genre de spectacle.

11.3. La communication par les médias de masse

FICHE TECHNIQUE No 17 : la radio rurale

De quoi s'agit-il?

La radio rurale est l'utilisation de la radio sur une base régionale, interactive et ouverte aux traditions du monde rural. La radio rurale amplifie une communication sociale préexistante à toute intervention éducative.

La radio rurale donne la parole au paysan. Elle lui donne l'occasion de poser les problèmes à sa façon, avec ses mots, avec la force de son expression. Elle instaure un débat. Dans un premier temps, il s'agit d'un débat au sein d'une communauté villageoise. Dans un second temps, le débat est porté sur les ondes: il va interpeller la population de toute une région.

La place du nutritionniste est celle d'un conseiller. Il intervient par petites touches successives pour faire ressortir les paroles qui lui paraissent porteuses d'un espoir d'amélioration de la nutrition.

La radio rurale favorise la rencontre entre le monde rural d'une part et ceux qui sont investis d'une mission de développement d'autre part. C'est le lieu d'un débat contradictoire entre deux systèmes de valeur, l'un fondé sur une tradition quasi immuable, l'autre mû par le progrès scientifique et technologique.

L'intervention nutritionnelle est au coeur de ce débat. La nutrition scientifique propose en effet une vision nouvelle du rapport de l'homme à son alimentation, présentée comme un facteur de santé. Les sociétés traditionnelles projettent d'autres valeurs sur la conduite alimentaire. Dans la plupart des programmes nutritionnels, le débat sur les valeurs est occulté; la radio rurale permet de l'instaurer.

A quel moment l'utiliser?

La radio rurale permet de refléter le discours populaire sur les questions liées à la nutrition. Elle donne la parole aux villageois, qui vont s'exprimer librement sur un sujet donné. L'utilisation de la radio rurale interviendra donc à différents moments de notre stratégie.

Durant la phase de conception, très exactement au moment du diagnostic éducatif, la radio rurale peut être utilisée pour recueillir sur une bande magnétique les avis, les opinions de membres d'une communauté appartenant à la population-cible de l'intervention. Ces enregistrements peuvent être utilisés dès ce moment pour une diffusion sur antenne suscitant déjà une communication sociale sur les questions traitées. Il seront aussi conservés pour une utilisation ultérieure.

Durant la phase de formulation, les enregistrements de la radio rurale seront utilisés pour élaborer des messages particulièrement adaptés aux communautés auxquelles ils sont destinés, pour habiller les concepts nutritionnels des vêtements de la tradition.

Dans le village de Gourgé, près de Ouahigouya au Burkina Faso, les reporters ont mis en évidence une méthode curieuse de traitement de l'avitaminose A. La femme qui souffre de cécité nocturne est invitée à porter le pantalon du mari et son carquois. Elle s'approche d'un groupe de femmes et tire une flèche au milieu d'elles. Ces femmes s'enfuient en criant.

Le symbolisme du pantalon du mari pourrait, s'il est confirmé par des enquêtes approfondies, être utilisé dans la formulation de messages de type: CONSOMMER CES ALIMENTS (riches en vitamine A), C'EST PORTER LE PANTALON DE SON MARI.

Ceci n'est cependant, qu'une hypothèse dont il faut vérifier toutes les implications. Ainsi, dans d'autres groupes sahéliens, porter le pantalon de son mari, c'est porter son deuil. On perçoit les effets ravageurs que le slogan présenté ci-dessus pourrait avoir dans ces groupes de population!

Le choix d'un slogan faisant appel à un symbolisme traditionnel doit être le résultat d'une recherche minutieuse auprès des populations auxquelles il sera destiné. La radio rurale contribue à cette recherche.

Durant la phase de mise en oeuvre, la radio rurale servira à amplifier, parmi les paroles recueillies dans la population, celles qui semblent favorables à une bonne nutrition. Les messages auront d'autant plus de force qu'ils seront formulés par des personnes appartenant à la population-cible, utilisant ses mots, ses intonations, ses expressions.

Au moment de l'évaluation, la radio rurale permet de faire le point sur ce qui a changé dans la communication sociale: les personnes rencontrées dans les villages parlent-elles autrement de la nutrition? Ont-elles retenu les messages-clés diffusés par la radio? ont-elles modifié leurs habitudes?

Au-delà de sa contribution à l'évaluation d'une intervention spécifique, la radio rurale peut revenir régulièrement sur les quesions liées à la nutrition. Elle encourage la communication sociale au sujet de la nutrition et elle s'en fait le médiateur privilégié.

L'enregistrement de l'émission publique de variétés

L'entrée en matière, c'est l'émission publique de variétés.

La population du village est conviée à une grande fête qui va être enregistrée dans son intégralité.

L'animateur entame le dialogue avec la population en proposant à un ancien de présenter le village et ses origines.

Vient ensuite l'énigme, premier jeu proposé à la population. Elle va introduire le sujet.

Des éléments radiophoniques seront repris dans le cadre de micro-programmes, qui, diffusés régulièrement sur antenne, vont populariser des messages simples au sujet de la nutrition. Leur particularité est d'avoir été prononcés spontanément par des personnes appartenant à la population visée par le programme de communication.

Un traitement traditionnel de la cécité nocture est appliqué dans plusieurs pays du Sahel. Il consiste à jetter un morceau de foie cuit dans la case du malade, plongée dans l'obscurité. Le malade est ensuite invité à chercher à tâtons le morceau de foie, puis à le consommer.

Compte tenu de la haute teneur du foie en vitamine A, ce mode de traitement est tout à fait efficace.

Un témoignage décrivant cette habitude traditionnelle peut introduire des messages plus courts sur le rôle de la consommation du foie dans la prévention et le traitement de la cécité nocturne.

L'exigence d'intersectorialité

L'élaboration des émissions de la radio rurale consacrées aux problèmes nutritionnels requiert une franche collaboration intersectorielle. Les reporters doivent accepter et maîtriser cette façon de faire de la radio interactive et participative. IIs doivent aussi accepter le conseil de personnes spécialisées en nutrition, dont le rythme de travail, dans la formulation des messages, est souvent plus lent.

Ces spécialistes en nutrition, de leur côté, devront faire un effort pour laisser de côté leurs prescriptions et se mettre à l'écoute de la sagesse populaire. Les spécialistes de l'agriculture seront conviés à l'élaboration de telles émissions tant il est vrai que la nutrition est l'affaire des producteurs comme celle des consommateurs.

Cette collaboration intersectorielle ne devrait pas se limiter, dans le temps, à la durée d'une intervention spécifique. Elle s'établit sur le long terme afin que les préoccupations nutritionnelles de la population fassent régulièrement l'objet d'une amplification radiophonique. En cela, la radio rurale constitue un outil irremplaçable de communication en nutrition.

les feuilles du haricot niébé sont riches en provitamine A.

L'animateur: Voici l'énigme: dans les champs, je rampe. Adulte, je porte des cornes sur les bras. Celui qui mange ma toison peut voyager dans la nuit sans lune. Qui suis-je?

Résponse attendue: le haricot niébé. (Ses feuilles, riches en provitamine A, protègent de la cécité nocturne).

Les réponses apportées par une vingtaine de participants devant une foule intéressée révèlent la mentalité villageoise à l'instar des entretiens individuels ou de groupe présentés dans le chapitre 5 de ce guide.

Le deuxième jeu prend la forme d'une dramatisation. Parmi les participants à l'énigme, huit hommes et femmes sont retenus pour prendre part à ce deuxième jeu.

L'animateur: Vous êtes le niébé. Adressez-vous à la foule et essayez de convaincre la foule de consommer régulièrement votre toison, c'est-à-dire vos feuilles.

Le jeu théâtral, déployé par chaque candidat, produit une argumentation originale que pourrait difficulement concevoir l'éducateur pour la santé cloîtré dans son bureau.

Le troisième jeu permet de départager les quatre meilleurs candidats. IIs sont invités à composer, puis à interpréter une chanson.

L'animateur: A vous, lauréats de ce jeu-concours, je demanderai ceci, afin de vous départager. Chacun d'entre vous va composer une chanson à la gloire du niébé et l'interpréter face au public.

Cette dernière épreuve permet de désigner le vainqueur et de récompenser les lauréats selon leurs mérites respectifs.

Tout au long de l'émission publique de variétés, un groupe du village interprète musiques, rythmes et chants populaires. Le talent d'improvisation des griots peut d'ailleurs les conduire à introduire dans le texte de ces chants des éléments de nutrition.

Les reportages

A la suite de l'émission de variétés, la population villageoise est prête à accueillir les membres de l'équipe de la radio pour des entretiens individuels ou en groupe. Ceux-ci seront également enregistrés.

Le recueil de témoignages individuels obéit à certaines règles:

Une table ronde, un débat peuvent aussi être organisés entre quelques villageois. Ceci fera apparaître d'éventuelles divergences d'opinions sur les questions traitées.

Tous ces enregistrements constituent un trésor dans lequel l'équipe de radio va puiser pour réaliser ses émissions ultérieures.

La préparation de la diffusion

Pour visualiser l'information recueillie sur le terrain et faciliter son utilisation ultérieure, tous les enregistrements, y compris celui de l'émission publique, sont transcrits (et éventuellement traduits et retranscrits). Ceci permettra à l'équipe de radio, assistée de conseillers en nutrition, de procéder à des découpages et assemblages sur papier avant de réaliser les montages radiophoniques.

L'émission publique sera ainsi diffusée sur antenne, non dans son intégralité, mais soigneusement agencée.

Les reportages seront diffusés par épisodes successifs, en fonction de la programmation.

Pour en savoir plus:

QUERRE F., Les mille et un mondes, Manuel de radio rurale, Rome, FAO, 1991.

Les exemples présentés dans cette fiche technique ont été récoltés à l'occasion d'un atelier qui s'est tenu à Ouagadougou du 17 août au 4 septembre 1992 dans le cadre du projet FAO Soutien aux programmes sahéliens de lutte contre la malnutrition et l'avitaminose A en matière de communication.

FICHE TECHNIQUE No 18 : la télévision

Utilité

La télévision peut être utilisée pour créer des modèles sociaux de comportements (30).

Le format

C'est la manière spécifique dont les éléments de production sont organisés : un débat, un reportage, un feuilleton, un concours, un spot, etc.

Chaque format a son propre mode de narration, son propre langage. L'erreur des responsables de l'éducation pour la santé a sans doute été de privilégier un certain type de format sans bien percevoir l'intérêt des autres. L'émission sur la santé comprend classiquement un reportage suivi d'un débat entre un journaliste et un ou plusieurs experts du domaine abordé. Il faut ici présenter d'autres formats : le feuilleton, dont nous allons voir qu'il permet l'identification, mieux que tout autre moyen, et le spot qui, répété à haute fréquence, finit par installer un slogan dans la communication sociale quotidienne.

Les émissions classiques d'éducation pour la santé s'adressent à nos fonctions intellectuelles les plus élevées. Faut-il en rester là ? Les feuilletons et les films s'adressent davantage à nos émotions. Les spots, c'est-à-dire les messages courts, s'adressent à nos pulsions instinctives. Il faut être bien conscient que, dans le domaine du changement comportemental, il ne suffit pas de s'adresser à la sphère logique de la personnalité...

Les feuilletons

Selon les théories modernes du changement comportemental, en particulier celles de BANDURA, le feuilleton peut être un puissant vecteur de changement, moyennant quelques conditions que nous reprenons ici.

  1. Les spectateurs peuvent être amenés à imiter la conduite présentée par un modèle s'ils observent que ce dernier en retire une gratification.

  2. Les spectateurs peuvent être amenés à éviter la conduite présentée par un modèle s'ils observent que ce dernier est puni pour l'avoir adoptée.

  3. Le modèle doit être présenté dans une situation réelle afin que sa conduite apparaisse clairement et en détail.

  4. Lorsque le modèle adopte une conduite, les conséquences doivent apparaître clairement : si la conduite est louable, la conduite doit avoir des conséquences positives; si elle est répréhensible, des conséquences négatives.

  5. Pour que les spectateurs se reconnaissent en eux, il conviendra de choisir des modèles proches du public qui les regardera.

  6. On choisira cependant des modèles légèrieurs au public-cible (en beauté, en intelligence, en richesse) pour que celui-ci ait envie de s'y identifier.

  7. Si on ajoute à la présentation du modèle en situation une description verbale de ce qui lui arrive (par exemple sous la forme d'une conclusion au terme de la séquence), l'effet sur le spectateur sera renforcé.

On voit comment la télévision peut, moyennant le respect de certaines règles de la psychologie, conduire le spectateur à modifier sa conduite pour d'autres raisons que les raisons purement logiques.

Soyons cependant attentifs à éviter des formes de manipulation qui nous écarteraient de notre conception de l'éducation nutritionnelle. Nous cherchons à susciter un changement volontaire chez les personnes concernées.

11.4. Le rôle de l'école

Philosophie

L'école est un média particulier.

L'école assure la transmission de savoirs, de savoir-faire, d'attitudes et de valeurs à toutes les générations d'enfants qui s'y succèdent.

Dans les pays où le taux de scolarisation est élevé, l'école atteint donc une proportion élevée de la population, sans doute plus qu'aucun autre média. Sa limite est l'âge de son public-cible. Cependant, les enfants peuvent se révéler de bons relais des messages vers leurs propres parents, voire même vers la communauté toute entière. Tel est l'espoir sur lequel se fonde l'approche de L'ENFANT POUR L'ENFANT (21).

Le Programme Child to Child a été lancé à Londres en 1979, Année Internationale de l'Enfant, sous l'impulsion du Dr David MORLEY. Il s'est rapidement répandu dans le mode anglophone, puis dans les pays francophones et hispanophones.

Le Programme se fonde sur un constat : partout dans le monde, mais surtout dans les pays en développement, les grands enfants, surtout les filles, s'occupent de leurs plus jeunes frères et soeurs. Le Programme L'Enfant pour l'Enfant s'est donc donné pour but initial d'éduquer ces grands enfants à devenir plus efficaces dans la prise en charge de leurs cadets.

Par la suite, la réalisation d'actions éducatives en faveur des enfants a aussi mis en évidence le rôle de relais qu'ils peuvent jouer dans la transmission de savoirs, d'attitudes et de pratiques vers leurs pairs, vers leurs parents et, en définitive, vers la communauté dans laquelle ils grandissent.

Le Programme L'Enfant pour l'Enfant s'est développé dans divers milieux d'accueil de l'enfance et de la jeunesse, en particulier à l'école. Il propose des méthodes actives d'éducation pour la santé, des méthodes fondées sur l'analyse des problèmes de santé vécus par la collectivité et sur l'intervention directe dans le milieu. Cette méthodologie révolutionne les pratiques scolaires traditionnelles en faisant de l'enfant le principal acteur de son éducation (21).

Il y a au moins deux façons de travailler avec l'école : la première consiste à intervenir de l'extérieur de façon ponctuelle pour délivrer aux enfants (et, par la même occasion, aux enseignants) un message d'éducation pour la santé ou la nutrition. La seconde consiste à modifier les programmes scolaires de l'intérieur, afin d'y insérer des préoccupations de santé et de nutrition.

Les interventions ponctuelles

Les interventions ponctuelles consistent à utiliser l'école comme canal de diffusion occasionnel de messages favorables à la santé ou à la nutrition. Ainsi, par exemple, au cours d'une campagne de promotion de la vaccination, des intervenants extérieurs viendront expliquer aux élèves le bien-fondé de cette campagne et la façon de procéder pour se faire vacciner (soit pour que les élèves eux-mêmes se fassent vacciner, soit pour qu'ils informent leurs proches).

La façon de procéder est assez simple : les responsables locaux d'une intervention de communication commencent par prendre contact avec les directeurs des écoles. (Au besoin, les responsables nationaux auront obtenu, au préalable, les autorisations nécessaires à cette collaboration.) Ils conviennent ensemble d'un programme de visite dans les classes. Pendant ces visites, les enseignants laissent la parole aux intervenants extérieurs, spécialistes du sujet traité. Une fois l'information diffusée, la vie de l'école reprend son cours habituel.

Voici donc une façon d'intégrer l'école dans une campagne de communication en faveur de la nutrition. Le procédé est simple. Il se justifie dans le cadre de campagnes de courtes durée. Cependant, comme le lecteur l'aura compris, ce guide méthodologique oriente l'éducation nutritionnelle vers des interventions visant le long terme.

Nous privilégierons donc des interventions visant à modifier le curriculum scolaire.

La refonte des curriculums scolaires

Le curriculum peut être défini comme un ensemble d'actions planifiées pour susciter l'instruction : il comprend la définition des objectifs de l'enseignement, les contenus, les méthodes (y compris l'évaluation), les matériels (y compris les manuels scolaires) et les dispositions relatives à la formation des enseignants (16).

Si l'on veut modifier de façon durable et répétée l'enseignement donné aux élèves, il faut agir sur toutes ces composantes du curriculum : introduire de nouveaux objectifs et de nouveaux contenus, y adapter les méthodes d'appren-tissage (ce que propose L'Enfant pour l'Enfant, réviser les manuels scolaires (ou en produire de nouveaux) et recycler les enseignants.

Il sera aussi important de créer un environnement nutritionnel positif au sein de l'école. On sait aujourd'hui qu'en matière de santé et de nutrition, les élèves apprennent autant sinon plus par ce qu'ils vivent que par ce qu'ils étudient. A quoi servent les leçons sur l'équilibre alimentaire si les collations et les repas servis aux enfants à l'école se distinguent par leur déséquilibre en faveur des graisses ou des féculents. A quoi bon donner une leçon d'hygiène si les enfants vivent dans un environnement scolaire malpropre ?

L'éducation nutritionnelle cède progressivement la place à la promotion de l'environnement nutritionnel, qui implique tous les partenaires de la communauté éducative. Il s' agit alors non seulement d'enseignement, mais aussi d'aménagement des conditions de vie à l'école. On s'est en effet aperçu qu'il est vain d'enseigner les qualités d'un repas équilibré aux élèves si les repas servis à la cantine sont eux-mêmes déséquilibrés!

Dans la perspective d'un changement de la communication sociale en nutrition, l'école introduit des perspectives à très long terme. Les messages diffusés au centre social, au dispensaire et ailleurs trouveront un terrain plus fertile chez les adultes de demain si l'école entreprend dès aujourd'hui leur formation en nutrition.

Un autre manuel serait nécessaire pour présenter une approche cohérente de l'éducation nutritionnelle à l'école.


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