2. RESSOURCES AQUATIQUES ET LEUR UTILISATION


Plus des deux tiers de la surface du globe sont couverts par les eaux et la production annuelle tota1e de matière organique dans le milieu aquatique a été éstimee à environ 40 milliards de tonnes (Moeller Christien, 1968). Des plantes microscopiques, le phytoplancton, sont les premiers producteurs de matières organiques utilisant l'energie solaire (Figure 2.1).

Figure 2.1 La production annuelle aquatique de matière organique est estimée à 40 milliards de tonnes (Moeller Christensen, 1968)

Cette énorme production primaire est le premier maillon de la chaîne a1imentaire et forme la base de toute vie dans la mer. On a beaucoup spéculé sur la quantité de poisson potentielle résultant de cette production primaire. Cependant il y a d' énormes difficultés à estimer l' efficacité écologique, c' est-à-dire le taux de production tota1e à chaque niveau trophique successif. Gulland (1971) donne un ordre d'idée de 10 à 25% mais suggère que 25 % est la limite supérieure absolue de l'efficacité biologique. Par exemple, la production d'un niveau trophique donné n' est pas entièrement absorbée par le suivant. L' efficacité biologique varie également entre les niveaux. Elle est plus importante aux niveaux inférieurs de la chaîne alimentaire avec des organismes plus petits utilisant proportionnellement une part plus importante de leur alimentation pour la croissance plutôt que pour l' entretien. L' efficacite biologique peut également être influencée par les maladies, la mortalité, la pollution, etc. A titre d'exemple, on montre à la Figure 2.2 les conditions dans la mer du Nord, une region possédant de riches eaux de pêche.

Figure 2.2 Production annuelle (en millions de tonnes) de la Mer du Nord, l'une des zone de pêche les plus riches du monde (Moeller Christen et Nystroem, 1977)

Du fait que la production est plus importante aux premières étapes de la chaîne alimentaire, les prises potentielles sont également plus importantes si la récolte se fait à étapes.

Selon les statistiques de la F AO, les prises mondiales de poisson marins ont continué a croître à un taux moyen annuel de 6% jusqu'en 1970. Différents auteurs exprimaient un optimisme estimant que le potentiel annuel des pêches mondiales se situait entre 200 million et 2 milliards de tonnes (Gulland, 1971): l'essentiel de cette grande variation étant dû aux incertitudes sur le niveau trophique auquel se situerait la récolte.

La Figure 2.3 montre l'évolution de la pêche mondiale depuis 1970.

Figure 2.3 Pêche mondiale totale de 1970 à 1992 (FAO, 1994a)

La Figure 2.3 montre bien que la croissance annuelle des prises s’est ralentie depuis 1970 et que la prise totale a atteint un pic de 100 millions de tonnes en 1989. Depuis lors, elle a commencé à baisser du fait que certains stocks de poisson ont commencé à s’épuiser, souvent à cause de la surpêche. On note cependant une légère tendance à la remontée en 1992 et les captures mondiales prévues pour 1993 sont estimées à 101 millions de tonnes. Tandis que la pêche totale a commencé à décliner depuis le maximum atteint en 1989, les prises globales des pays en développement continuent d’augmenter pour dépasser depuis 1985, celles des pays développés. C'est ainsi qu'en 1992, un peu plus de 60 % des prises totales mondiales ont été pêchées par les pays en développement et on estime que ce chiffre atteindra 66 % en 1993. Ceci signifie aussi qu’une part croissante des prises mondiales provient des eaux chaudes tropicales.

Sommes-nous en train d’atteindre les limites de la production des ressources aquatiques "sauvages" maintenant ou bien les prédictions optimistes de 1970 sont-elles encore valables? La réponse à cette question est non seulement affirmative mais, pour plusieurs ressources, la limite était déjà atteinte plusieurs décades avant le maximum des débarquements globaux (FAO,1993a). L’association de plusieurs facteurs a aidé à l’épuisement de plusieurs ressources conventionnelles. C'est ainsi que l’investissement continu dans les flottes de pêche du monde entier a fait que malgré le fait que les taux de capture et l’abondance d’espèces de poisson de grande valeur ont souvent diminué, le niveau général de l’effort de pêche a augmenté de sorte que, pour des quantités sensiblement égales mises à terre, les coûts ont été plus élevés pour beaucoup de pays.

Les problèmes réels des ressources de poisson en déclin sont bien connus. D’abord, il y a la "tragédie des biens communs"- quel que soit le produit sans propriétaire, bison ou poisson - que chacun va s’empresser d’exploiter et finalement arrivera par détruire la ressource.

Le problème suivant que l’on peut identifier est la médiocrité flagrante dans la gestion des ressources aquatiques. Ce qui a été fait l’a été trop tard et trop peu. La loi de la Mer de 1982 qui étendait les eaux territoriales de 12 à 200 milles a donné aux Etats côtiers la possibilité de protéger leurs intérêts sur leurs zones de pêche. Au contraire, plusieurs de ces Etats se sont empressés de piller les ressources en offrant des primes et des exemptions de taxes pour armer de nouveaux bateaux. Le système des quotas souvent utilisé est également sujet à de sévères critiques. Souvent le résultat est une augmentation des pêches et des rejets car des poissons parfaitement commercialisables sont jetés par-dessus bord si les quotas ont déjà été atteints. De nombreuses ressources (telles que lieu jaune, églefin et flétan au large de la Nouvelle Angleterre) ont aujourd’hui "commercialement disparu"; c’est-à-dire qu’il y a trop peu de poisson pour rentabiliser la pêche.

L’histoire typique de l’exploitation d'une seule ressource est illustrée à la Figure 2.4.

Figure 2.4 Evolution schématique d’une ressource : abondance, prises et effort de pêche dans des situations de développement, surexploitation et gestion des pêcheries. (Source : DANIDA, 1989)

D’une situation initiale de sous-exploitation, la pêche passe par une phase d’expansion rapide jusqu’à ce que la limite de la ressource soit atteinte. Elle est alors suivie d’une période de surexploitation avec un grand effort de pêche mais des prises réduites jusqu’à ce que finalement - et espérons le - on atteigne une phase de gestion satisfaisante. Les détails sur la gestion de la ressource sortent du cadre de cet ouvrage mais devraient inclure le concept de pérennité, les aspects environnementaux et la pêche responsable. Cependant, dans une publication de la FAO (FAO, 1994), il est établi que changer une politique centrée sur le développement à court terme de flottes de pêche pour une gestion adéquate est une condition nécessaire mais insuffisante pour un développement prolongé. Dans le même rapport, il est dit que le "Développement pérenne" lancé par la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement (CNUCED) en 1992 ne peut être réalisé dans des régimes de libre accès aux ressources que celles-ci soient à l’intérieur ou à l’extérieur des eaux territoriales.

A l'inverse, la production mondiale de l’aquaculture, y compris les plantes aquatiques, a augmenté de façon continue au cours de la dernière décade totalisant 19,3 millions de tonnes en 1992, dont près de la moitié (49 %) est produite en aquaculture marine, 44 % en aquaculture d’eau douce et le reste en eaux saumâtres. Le poisson en représente environ 49 %. Celle des plantes aquatiques augmente rapidement atteignant 5,4 millions de tonnes en 1992 tandis que l’on observe des augmentations plus faibles des productions de mollusques et de crustacés (Figure 2.5). La valeur totale de la production de l’aquaculture est estimée à plus de $EU 32,5 milliards en 1992.

En résumé, on peut dire qu'un approvisionnement en poisson plus important est possible grâce à une meilleure utilisation des ressources, une réduction des pertes et à un développement futur de l’aquaculture.

Le tableau 2.1 donne la répartition de la production mondiale du poisson.

Tableau 2.1 Répartition de la production mondiale du poisson ( pourcentage du total mondial en poids vif) (FAO, 1993 a)

Année

Pour consommation humaine

Autres utilisations

 

Total

Frais

Congelé

Salé

En conserve

Aliment de bétail

1982

71,1

19,4

25,3

12,8

13,6

28,9

1992

72,8

27,0

24,1

9,3

12,4

27,2

Le tableau 2.1 montre des différences relativement faibles dans la répartition de la production de poisson durant la décade 1982-1992. Il y a cependant une croissance significative de la consommation de poisson frais. La consommation humaine totale de poisson a augmenté de 1,2 % tandis que le poisson utilisé pour la conserve et la semi-conserve a continué de diminuer.

Figure 2.5 Production mondiale de l’Aquaculture par catégorie d'espèces, 1984-1991 (FAO, 1993 c)

En termes de valeur, les exportations de produits de la pêche ont atteint approximativement $EU 40,1 milliards en 1993 (FISHDAB, 1994). Les exportations de poisson et de produits de la pêche des pays en développement ont continué à croître pour atteindre une valeur totale de $EU 19,4 milliards en 1993. La même année, les exportations des pays développés ont chuté de 5 % pour atteindre une valeur estimée à $EU 20,7 milliards. En termes d'échanges des produits de la pêche, les pays en développement ont enregistré une balance commerciale positive en croissance et atteint un excédent de $EU 12,7 milliards en 1993 (FISHDAB, 1994).

On devra noter que le tableau 2.1 ne donne pas une idée exacte de la quantité de poisson disponible pour l’alimentation humaine. Une quantité énorme de poisson est perdue du fait des rejets à bord ou des pertes après capture pendant le traitement et la distribution. On a estimé que le montant total des rejets est de l’ordre de 17 à 39 millions de tonnes par an avec une moyenne annuelle de 27 millions de tonnes (Alverson et al., 1994). De plus, les pertes en produits finis ont été estimées à environ 10% (James D., communication personnelle, 1994). Ces lourdes pertes sont surtout dues aux problèmes de gestion des pêcheries et au manque de technologie appropriée et d’incitations économiques.