9. Rôle de la recherche dans la sécurité
alimentaire mondiale et le
développement agricole


Documents d'information technique
© FAO, 1996


1. Introduction 

1.1 Parler de sécurité alimentaire, c’est évoquer l’humanité et son aptitude à produire des aliments pour se nourrir, à l’échelle de l’individu et de la collectivité à laquelle il appartient, ainsi qu’ à l’échelle des marchés nationaux et internationaux. C’est vouloir que chacun ait la possibilité matérielle et les moyens économiques d’accéder aux aliments, et que la nourriture puisse être utilisée de façon appropriée pour garantir une bonne nutrition. La recherche fait partie intégrante du mécanisme d’envergure mondiale qui se met en place pour faire en sorte que nos connaissances actuelles et notre potentiel intellectuel deviennent le ferment d’un savoir nouveau, adapté aux enjeux de l’avenir. La recherche en faveur de la sécurité alimentaire demande à l’homme de mettre son ingéniosité au service d’un double défi: augmenter la production alimentaire et améliorer l’accès aux aliments.

1.2 Il s’agit d’ une entreprise colossale. Au cours des 30 prochaines années, la population mondiale devrait s’accroître de 2,6 milliards de personnes, dont 97 pour cent vivront dans le monde en développement. L’augmentation démographique en chiffres absolus sera la plus forte en Asie (1,5 milliard) et la plus faible en Amérique latine et dans les Caraïbes (230 millions) (ECOSOC, 1995). Les projections n’indiquent plus aucun progrès significatif quant à la diminution du nombre des pauvres, après deux décennies d’évolution favorable. Cependant, s’il est prévu que les chiffres absolus restent quasiment inchangés, les estimations régionales laissent entrevoir de profondes variations (tableau 1).

1.3 Actuellement, la région qui connaît le plus fort taux de pauvreté est l’Asie du Sud où 50 pour cent de la population vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Suivent l’Afrique subsaharienne avec 19 pour cent, l’Asie de l’Est avec 15 pour cent, l’Amérique latine et les Caraïbes avec 10 pour cent. Cependant, d’après les prévisions, la pauvreté devrait augmenter de 40 pour cent en Afrique, qui comptera alors 27 pour cent des pauvres du monde en développement. Les ruraux pauvres représentent plus de 75 pour cent des pauvres dans de nombreux pays subsahariens et d’Asie du Sud. Les pauvres des zones urbaines sont en légère majorité en Amérique latine, bien que les plus pauvres parmi les pauvres se trouvent encore dans les zones rurales. Les études sur la pauvreté rurale identifient les petits exploitants, les paysans sans terre, les femmes, les pasteurs nomades, les pêcheurs artisanaux, les groupes ethniques autochtones et les personnes déplacées comme étant les groupes les plus vulnérables dans le secteur rural.

Tableau 1: NOMBRE DE PERSONNES VIVANT AU-DESSOUS DU SEUIL DE PAUVRETÉ EN 1990 ET EN 2000

1.4 Etant donné l’accroissement des populations et des revenus, la demande commerciale en céréales et en produits de l’élevage devrait croître beaucoup plus vite dans les pays en développement que dans les pays développés(IFPRI, 1995). Il est estimé que la demande moyenne en céréales vivrières par habitant dans les pays en développement augmentera de 0,4 pour cent par an entre 1990 et 2020 et que la demande en produits de l’élevage augmentera de 1,5 pour cent, ce qui suppose un accroissement équivalent de la demande en céréales fourragères.

1.5 La population urbaine dans les pays en développement devrait s’accroître de 4,6 pour cent par an, arrivant à constituer 43 pour cent de la population d’ici à l’an 2025 (ECOSOC, 1995). Cette tendance accentuera le problème de disponibilités, et de distribution d’aliments. Les revenus de certains segments des populations urbaines sont en train de croître rapidement, ce qui entraîne une demande nouvelle en hydrates de carbone plus chers et plus diversifiés, tels que des céréales nobles au lieu des racines et tubercules, et des produits de l’élevage, de la pêche, de l’horticulture et de la forêt (épices). Cependant, la majorité des citadins, dans la plupart des pays en développement, continuera d’avoir un pouvoir d’achat limité et aura donc besoin de se procurer des aliments à faible coût, faciles à entreposer et dont la préparation ne coûte pas trop cher.

1.6 Si l’on s’accorde généralement à croire que la croissance démographique et l’élévation des revenus feront passer la demande mondiale d’aliments d’ici à 2025 à plus du double des niveaux de production actuels,(McCalla, 1994) les opinions ne concordent pas sur la possibilité de mobiliser les ressources nécessaires pour satisfaire à ces besoins. Les estimations classiques donnent bon espoir que l’on puisse y répondre à l’échelle mondiale sans augmenter les prix, tandis que d’autres estimations tendent à démontrer qu’il faudra pour cela entamer le capital de ressources naturelles, au détriment par conséquent de la production future. En outre, il semble acquis que certaines régions, en particulier l’Afrique subsaharienne, auront du mal à produire suffisamment pour satisfaire leurs besoins alimentaires, qu’il s’agisse des cultures ou de l’élevage, des pêches et des forêts. Ces prévisions laissent supposer une hausse forcée des prix alimentaires régionaux qui compromettra dans une certaine mesure les possibilités de croissance des revenus.

1.7 Bien que les différentes estimations concernant la demande aboutissent à peu près aux mêmes conclusions, celles qui concernent l’offre alimentaire varient amplement. Toutes les estimations concernant l’offre alimentaire reposent sur l’hypothèse d’une amélioration continue de la technologie et du soutien accordé à la recherche afin d’accroître la production alimentaire. C’est l’hypothèse qui est examinée dans la présente étude.


2. Evolution de la recherche agricole

2.1 La science et la technologie, à travers les investissements dans la recherche agricole, ont contribué de façon remarquable à la croissance du secteur agricole dans de nombreuses régions du monde en développement. Depuis le milieu des années 60, la production alimentaire mondiale a augmenté de 80 pour cent, et plus de la moitié de cette augmentation s’est produite dans les pays en développement. L’expansion agricole, rendue possible par l’adoption de la technologie moderne a contribué à améliorer la sécurité alimentaire et à faire reculer la pauvreté dans le monde en développement.

2.2 Parmi les objectifs de la recherche, doit figurer celui de libérer les nécessiteux et les défavorisés du joug de la misère et de la faim. Cela traduit une nouvelle appréciation du rôle de l’agriculture et de la recherche dans la lutte contre la pauvreté. Selon des théories précédentes, la pauvreté et les pauvres n’étaient pas du ressort de la recherche; ils relevaient plutôt du développement. L’opinion actuelle, qui privilégie une vision d’ensemble du problème, voit l’agriculture comme un facteur important pour stimuler la croissance et considère donc la recherche comme un instrument capital pour atteindre les pauvres. Cela a permis de mieux comprendre l’impact de la pauvreté sur les ressources naturelles et sur l’environnement, énoncé à travers le concept de développement durable.

2.3Au cours des quatre dernières décennies, les accroissements de rendement des principales céréales vivrières dans le monde ont été considérables. Les niveaux de rendement du maïs, du riz et du blé ont presque doublé pendant la période 1960 à 1994 (tableau 2). Ces accroissements de rendement sont largement attribuables à l’amélioration des variétés, à l’irrigation, à l’utilisation d’engrais et à toute une série de techniques d’amélioration des cultures et d’aménagement des ressources. Cela a été réalisé en grande partie dans le cadre de la révolution verte1. La mise au point de variétés de courte durée a permis d’accroître la production alimentaire et d’améliorer, pour les producteurs pauvres, le retour d’investissement sur de coûteux achats d’intrants, tandis que les technologies de cultures et d’aménagement des ressources ont amélioré la durabilité au plan de l’environnement et des ressources. La culture de terres moins aptes grâce à de nouvelles variétés végétales (par exemple, des variétés résistantes à la sécheresse) a également joué en faveur de l’augmentation de la production alimentaire (Plucknett, 1993). Il ne faut pas non plus oublier que les innovations dans l’industrie chimique ont entraîné une baisse du prix des engrais et des autres produits agrochimiques, même si les fluctuations des cours mondiaux du pétrole ont une influence sur le prix d’achat pour les agriculteurs. Par des investissements similaires dans l’infrastructure d’irrigation, l’agriculture irriguée s’est trouvée massivement subventionnée. Les facteurs de production étant moins chers, les coûts de production ont baissé et la production a été stimulée.

 

Tableau 2: Rendements moyens de riz, blé et maïs, de 1960 à 1994, par région

2.4 En règle générale, les gains rapides de productivité ont fait baisser la dépense alimentaire et ont amélioré la sécurité alimentaire, particulièrement pour les segments vulnérables de la population. Les pauvres des agglomérations urbaines ont largement bénéficié de cette tendance à la baisse. Dans le cas des Etats-Unis, par exemple, sans les gains de productivité réalisés depuis les années 50, les consommateurs paieraient maintenant approximativement 100 milliards de dollars de plus chaque année (USDA, 1991) pour se nourrir. Une productivité plus élevée a également réduit le taux de conversion des forêts, des pâturages et des marécages en terres destinées aux cultures vivrières. Tweeten (1994), par exemple, estime qu’aux Etats-Unis, si l’on utilisait encore la technologie de 1950, il faudrait deux fois plus de terres cultivables pour obtenir l’équivalent de la production actuelle.

2.5 Dans les pays en développement également, la recherche agricole a joué un rôle important dans l’amélioration de la sécurité alimentaire et la diminution de la pauvreté et pour asseoir largement le développement économique. Les solutions technologiques de la révolution verte ont été le résultat d’efforts de recherche intenses, et l’impact généralisé de la recherche agricole sur les pauvres des pays en développement est attesté par un certain nombre d’indicateurs importants de la sécurité alimentaire et du développement économique. Citons entre autres:

2.6 La recherche agricole a eu des effets positifs sur l’environnement, surtout grâce à une productivité accrue qui a permis de réduire l’exploitation des zones marginales. En Inde, par exemple, en appliquant la technologie des années 60, les agriculteurs auraient besoin d’environ 60 millions d’hectares de terres supplémentaires pour produire la quantité de blé qui est consommée aujourd’hui (GCRAI, 1995).

2.7 La recherche agricole a également permis de réduire la dépendance vis-à-vis de certains produits chimiques utilisés en agriculture. La recherche sur les questions d’environnement et sur l’utilisation et la conservation des ressources naturelles est cependant plus récente; son impact commence tout juste à se faire sentir. Un domaine d’activité plus avancé est celui de la protection intégrée (PI), qui donne de nombreux résultats positifs. Les PI dans plusieurs pays d’Asie ont fait baisser considérablement l’utilisation de pesticides et ont en réalité accru les rendements rizicoles (IRRI, 1995). Une étude récente du Centre international d’agriculture tropicale (CIAT) montre que les planteurs de haricots des régions andines de Colombie, d’Equateur et du Pérou peuvent réduire l’utilisation d’insecticides de 70 pour cent sans faire baisser le rendement des cultures (IFPRI,1996). La protection intégrée a montré des résultats prometteurs dans la lutte contre le charançon de la pomme de terre au Pérou et dans de nombreux autres pays. L’application de l’effort de recherche dans le cadre de la PI a souvent été au centre de la mise en œuvre élargie d’autres résultats de recherche appartenant aux sciences biologiques et sociales, par exemple à travers les principes de l’école de terrain des agriculteurs de la FAO utilisés en Asie du Sud-Est.

2.8 Même dans les régions pluviales moins aménagées, plus diversifiées et plus sujettes à risque, la recherche agricole a remporté des succès importants. Des variétés améliorées de céréales, de manioc, de sorgho et de niébé sont largement utilisées dans les pays en développement et ont eu un impact important sur la production alimentaire, aussi bien à des fins de rapport que de subsistance. Les zones pluviales plantées en variétés à haut rendement (VHR) de céréales dépassent en effet en surface les zones irriguées consacrées à ces variétés (Byerlee, 1993). Cependant, l’augmentation de la productivité agricole dans certains de ces contextes difficiles n’a pas suivi la croissance démographique, et les ressources naturelles sont soumises à une pression toujours plus frande pour subvenir aux besoins d’un nombre important et croissant de pauvres.

2.9 La recherche agricole a amélioré considérablement la condition économique des producteurs comme des consommateurs, en élevant la productivité. Les investissements dans la recherche agricole ont rendu possibles les percées technologiques qui ont permis d’améliorer la sécurité alimentaire dans le monde. Sans de tels investissements, les coûts alimentaires auraient monté, provoquant une érosion de la sécurité alimentaire pour ceux dont le pouvoir d’achat est faible. De même, faute d’investir suffisamment dans la recherche à l’avenir, le processus de réalisation de la sécurité alimentaire, de lutte contre la pauvreté et de développement économique sera gravement compromis.

Tableau 3: Taux de rendement de la recherche agricole dans les pays en développement

Les rendements de la recherche agricole

2.10 Les taux de rendement des investissements réalisés dans la recherche agricole ont été impressionnants. Les estimations les situent généralement dans une fourchette de 20 à 190 pour cent pour les pays en développement (tableau 3). Une comparaison par produit indique que les taux de rendement de la recherche sur le maïs ont été très élevés, soit 191 pour cent en Amérique du Sud et 78-91 pour cent au Mexique. Les taux de rendement de la recherche rizicole en Inde et en Indonésie sont de l’ordre de 60 à 65 pour cent. Les taux de rendement de la recherche sur le blé ont dépassé 50 pour cent dans les pays en développement. Même pour les cultures de moindre implantation, telles que le niébé, les investissements dans la recherche ont eu de bons rendements, à un taux de 60-80 pour cent. Ce taux élevé indique que le profit tiré des investissements justifie amplement les coûts de la recherche.

2.11 Plusieurs études ont tenté de montrer l’impact de la recherche agricole sur différents indicateurs de sécurité alimentaire. Rosegrant, Agcaoili et Perez (1995) ont montré que, si les donateurs internationaux devaient supprimer tout le financement de la recherche agricole nationale et internationale, la production de céréales vivrières tomberait de 10 pour cent et le nombre des enfants souffrant de malnutrition augmenterait de 50 millions (32 pour cent) dans les pays en développement. D’autre part, si le financement des donateurs devait s’accroître de 50 pour cent, la production de céréales vivrières augmenterait de 40 pour cent et le nombre des enfants atteints de malnutrition diminuerait de 46 millions (30 pour cent).

2.12 La recherche agricole internationale a évolué dans le temps. Au départ, elle portait surtout sur les aspects liés à la production, se concentrant sur l’amélioration des cultures en intervenant sur les semences grâce à des technologies qui ont permis d’accroître les stocks de riz et de blé, malgré un taux d’adoption irrégulier. Cela a déclenché une autre étape centrée sur la recherche des contraintes s’exerçant sur les systèmes de petite échelle et a élargi le champ de l’analyse de façon à inclure l’environnement humain et physique où devaient s’implanter ces technologies. Ce contexte analytique plus large et l’impact sur la société de la dégradation croissante de l’environnement ont entraîné une réflexion sur les ressources naturelles, et plus particulièrement sur leur conservation. Dernièrement, en reconnaissance du fait que la durabilité des ressources naturelles ne saurait être recherchée indépendamment ou à l’encontre des intérêts des pauvres, surtout des ruraux pauvres, l’accent se déplace vers les liens entre la pauvreté, l’environnement et l’agriculture, tandis que la lutte contre la pauvreté devient le lien primordial entre la production agricole et la dégradation de l’environnement.

2.13 Aux taux actuels de croissance démographique, les pays en développement disposeront de moins en moins de terres cultivables par habitant et d’un accès de plus en plus limité aux forêts, aux parcours et aux ressources de la pêche. En Asie par exemple, les disponibilités de terres arables, qui sont actuellement de 0,15 ha par habitant, devraient, si l’on en croit les prévisions, tomber à 0,09 ha seulement d’ici à 2025 (GCRAI, 1995). Si le rétrécissement du capital en terre et sa dégradation préoccupent un grand nombre de personnes, très peu d’études chiffrent l’impact de la dégradation sur la production, en particulier dans les pays en développement, et celles qui sont disponibles renferment des prédictions extrêmement diverses.

2.14 La disponibilité en eau représente elle aussi un problème croissant. Il a été noté que l’agriculture dans le monde en développement utilise quelque 70 pour cent de l’eau douce disponible et serait apparemment responsable d’une grande partie du gaspillage et de la contamination de l’eau. Comme pour les sols, il existe très peu d’informations exactes sur l’utilisation efficace de l’eau et sur l’optimisation de cette utilisation.

2.15 Ces incertitudes au sujet de l’ampleur et des causes de la mauvaise utilisation de la terre et de l’eau et de son impact sur l’agriculture, la santé et les autres secteurs, peuvent découler d’analyses qui mettent l’accent sur le changement par rapport à l’état naturel. Cependant, on s’accorde de plus en plus à penser que l’utilisation productive de la terre et de l’eau n’est pas inhérente aux écosystèmes, mais dépend de qualités biophysiques latentes qui interagissent avec les décisions humaines (Turner et Benjamin, 1994). Il est nécessaire de savoir qui prend les décisions concernant l’utilisation et de comprendre pourquoi et comment elles sont prises. Les interprétations de ces décisions et de leur impact par les différents utilisateurs de ces ressources peuvent diverger autant que celles qui se fondent sur les connaissances traditionnelles ou scientifiques.

2.16 Dans cette discussion, il ne faut pas perdre de vue un point capital: en période de restrictions financières, il reste important pour les bailleurs de fonds de la recherche agricole d’être conscients du fait qu’il existe plusieurs voies qui, potentiellement, peuvent mener à une production alimentaire accrue. Les rendements des investissements consacrés à la recherche dépendront du contexte productif dans lequel s’opère cette recherche, des chances de succès de l’effort de recherche dans ce contexte et des valeurs économiques, sociales et écologiques attribuées à la mise en œuvre éventuelle des résultats de la recherche.

2.17 Si nous considérons que la productivité agricole est l’objectif de la recherche (défini dans un contexte de durabilité), nous pouvons énoncer quatre options possibles:

2.18 Bien que les statistiques disponibles ne permettent pas d’extraire facilement des chiffres précis, tout porte à croire que sur les 800 millions de personnes qui souffrent d’insécurité alimentaire, près de la moitié vit dans des régions de terres à fort potentiel et l’autre moitié dans des régions de terres à faible potentiel.


3. Répercussions sur le financement et les réformes institutionnelles

Tendances récentes du financement de la recherche agricole

3.1 La principale difficulté rencontrée par le système public de la recherche, ces dernières années, a été la diminution progressive et le manque de stabilité des affectations de crédit. Après une croissance importante pendant les années 60 et 70, la croissance des investissements dans la recherche agricole s’est ralentie dans les années 80 et stagne depuis 1990.

3.2 Les investissements internationaux dans le domaine de la recherche agricole, principalement de sources multilatérales et bilatérales, ont également diminué dans les années 80 et 90 par suite des difficultés budgétaires des pays développés. Le ralentissement des investissements dans la recherche agricole reflète une tendance plus générale de moindre intérêt pour l’agriculture. Les engagements multilatéraux en faveur de l’agriculture ont baissé de 50 pour cent entre 1986 et 1993, tandis que l’aide bilatérale a diminué de 20 pour cent (FAO, 1995b).

3.3 La Banque mondiale est devenue une grande source de financement extérieur pour la recherche agricole. Cette tendance est préoccupante parce que la Banque mondiale reste malgré tout une institution de financement en gros. La Banque mondiale ne dispose pas des ressources humaines dont aurait besoin une institution extérieure pour soutenir les changements institutionnels complexes et profonds qui sont nécessaires. Le processus du développement institutionnel et de recherche scientifique nécessite une démarche prudente prévoyant une interaction extensive sur les questions scientifiques institutionnelles.

3.4 Les systèmes nationaux de recherche agricole (SNRA) dans les pays en développement ont besoin de crédits et sont confrontés à un déficit de plus en plus diffus de leurs budgets opérationnels, qui fait que les chercheurs sont souvent beaucoup moins productifs qu’ils ne pourraient l’être. Les dépenses réelles par chercheur ont décliné considérablement dans les années 80 dans toutes les régions en développement. L’intensité de la recherche reste maintenant autour de 0,5 pour cent ou moins dans la plupart des pays en développement (tableau 4); par contre, les niveaux des pays développés varient de 2 à 4 pour cent.

3.5 Une incertitude croissance au sujet de la stabilité des niveaux de financement accordés par les donateurs pose un problème supplémentaire au système public de la recherche, rendant extrêmement difficile la planification et la formulation de programmes à moyen terme. Le financement assorti de conditions, les promesses d’engagement ou le soutien financier liés à des activités de recherche précises et ponctuelles font que le programme de recherche se conforme aux perspectives de financement plutôt qu’à un ensemble de priorités cohérentes. Dans le cas des programmes internationaux, cela peut occasionner des distorsions et des remaniements des programmes selon les besoins du moment pour satisfaire aux préférences des donateurs. Cette pratique empêche de poursuivre sérieusement des objectifs de recherche prioritaires et de longue haleine, choisis pour leur valeur intrinsèque.

Tableau 4: Dépenses de recherche agricole, taux d’intensité de la recherche agricole, et dépenses par chercheur dans différentes régions, 1961-1991

3.6 Le soutien financier à la recherche publique est devenu l’objet d’orientations ambivalentes pour des raisons variées. Les restrictions budgétaires forcées, la baisse d’intérêt des donateurs envers les projets dans le secteur de l’alimentation et de l’agriculture, le scepticisme des décideurs doutant du rôle que peut jouer la recherche pour résoudre les problèmes agricoles des pays en développement, ainse qu’un jugement optimiste sur la situation alimentaire mondiale, sont autant de facteurs qui ont contribué à la baisse des engagements financiers en faveur des systèmes de recherche. La baisse des prix internationaux des produits agricoles (du moins jusqu’à tout récemment) et les conflits entre les questions agricoles et les problèmes d’environnement ont également provoqué le recul de l’agriculture dans les préoccupations politiques. Le fait que la surproduction et les litiges concernant les subventions aient été au centre du débat sur la politique nationale agricole dans de nombreux pays donateurs industrialisés a souvent détourné l’opinion des problèmes pressants de sécurité alimentaire dans les pays en développement.

3.7 Bien que les donateurs aient fourni un effort louable de soutien à la recherche agricole par le passé, le long délai qui sépare le renforcement des capacités institutionnelles et le moment où l’impact de la recherche se fait sentir signifie que les donateurs ont peut-être l’impression qu’ils n’ont pas un retour d’information suffisant sur leurs investissements et ne sont donc pas encouragés à renouveler leur aide. Cependant, un soutien adéquat aux systèmes nationaux de recherche agricole des pays en développement pour leur permettre d’utiliser la capacité de recherche existante et nouvellement mise en place, et pour établir les structures locales essentielles pour l’adaptation et le transfert de technologie, sera un élément important dans la promotion de la sécurité alimentaire mondiale.

3.8 La mobilisation des ministres de l’agriculture en vue de soutenir la recherche agricole publique internationale grâce au renouvellement du système du GCRAI par la Déclaration de Lucerne de février 1995 constitue un point de départ important pour élargir le dialogue en y associant par la suite ministres des finances et chefs d’Etat. Le Sommet mondial de l’alimentation offre l’occasion de faire ressortir le besoin impératif d’engagements politiques et financiers à l’échelle nationale et régionale. Ce serait important pour axer l’attention sur les investissements dans le domaine de la recherche.

3.9 L’agriculture moderne dans les pays en développement a grandement bénéficié d’investissements privés dans la recherche. Certaines des premières initiatives qui devaient donner naissance à la recherche agricole ont été menées dans l’industrie chimique, par exemple l’industrie des engrais. De même, pour la protection phytosanitaire, le secteur vétérinaire, la mécanisation, la sélection végétale et les améliorations génétiques des porcs et des volailles, l’industrie privée a joué un rôle primordial dans la croissance et l’efficacité de l’agro-industrie. La transformation des aliments a également été l’objet d’intenses efforts de recherche privée, avec des retombées intéressantes pour une meilleure connaissance des problèmes de production agricole. La libéralisation des économies des pays développés a renforcé le rôle que jouera le secteur privé dans la recherche agricole, face au rétrécissement du secteur public. Le secteur privé est également devenu important dans certains pays, en particulier d’Asie et d’ Amérique latine, en mettant l’accent sur les engrais, la protection phytosanitaire, la médecine vétérinaire et la mécanisation ainsi que sur les cultures de rente et les produits d’exportation. Les initiatives de libéralisation dans les pays en développement feront également naître de graves questions touchant à l’équilibre entre la recherche agricole financée par l’Etat ou par le secteur privé, particulièrement pour les aliments de base dont dépendent les personnes vulnérables du point de vue de la sécurité alimentaire. Il semble y avoir dans les milieux internationaux un consensus selon lequel l’essentiel de la recherche en ce qui concerne les cultures vivrières importantes doit rester du ressort du domaine public.


4. L'environnement scientifique

4.1 Les évaluations économiques continuent d’indiquer des rendements financiers et sociaux élevés pour les investissements réalisés dans la recherche agricole. Bien qu’un débat soit en cours à propos des méthodes utilisées pour effectuer ces évaluations et qu’une certaine surestimation ne soit pas exclue, les rendements calculés se maintiennent toujours à un niveau assez haut pour qu’on puisse se convaincre que la recherche agricole est un excellent placement. Malgré ces rendements élevés dont la littérature fait état, les investissements dans la recherche agricole n’augmentent plus depuis un certain temps. Mais renoncer à des investissements aussi profitables que ceux de la rechercher agricole ne paraît pas très judicieux pour des pays qui s’efforcent de lutter contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire.

4.2 Pour ce qui est des mesures prises individuellement par les pays au cours de la dernière décennie, le soutien du secteur public pour l’agriculture et la recherche agricole a baissé en termes réels pratiquement partout (Pinstrup-Andersen, 1995b). Les pays développés ont réduit la part de fonds publics destinés à ces activités, et les accroissements nominaux dans certains budgets ont été plus que neutralisés par l’inflation. En même temps, les institutions d’aide au développement ont également réduit leur soutien à l’agriculture des pays en développement. Les mêmes tendances sont évidentes dans tous les pays en développement à de rares exceptions près.

4.3 Ces effets sont partiellement compensés par des augmentations qui touchent certains domaines de recherche du secteur privé. Malgré cela, les investissements dans la recherche sur les biens publics ont diminué sensiblement à l’échelle mondiale. D’autre part, la plus grande source d’optimisme est sans doute l’apparition de capacités de recherche propres à des groupements régionaux ou à des structures nationales qui laissent espérer un renforcement des institutions de recherche dans les pays en développement. Ces groupements faciliteront aussi la canalisation des ressources à partir des centres internationaux. Dans le cadre des groupes régionaux, on reconnaît de plus en plus l’utilité des organisations non gouvernementales (ONG) pour diffuser l’information, adapter la recherche appliquée aux besoins des usagers et renforcer l’action au niveau des communautés qui est importante pour l’aménagement des ressources naturelles.

Les perspectives offertes par la science

4.4 Pour que la recherche serve de point d’appui dans la résolution du problème de la sécurité alimentaire, il convient d’en examiner le fondement scientifique. La recherche agricole a souvent été à la pointe des sciences biologiques, statistiques et sociales, montrant la voie pour des applications dans d’autres domaines de recherche. Certains des plus grands noms de la science ont été étroitement associés à l’agriculture: Gregor Mendel, R.A. Fischer, Paul Samuelson et bien d’autres. La recherche agricole d’aujourd’hui s’inspire en grande partie des sciences naturelles et biologiques de pointe dans les sciences sociales appliquées, et d’utiles partenariats ont vu le jour, dont l’agriculture peut tirer avantage. Où la recherche agricole nous mènera-t-elle dans les trois prochaines décennies et quels seront les ingrédients qui formeront la base de nos efforts pour donner à tous la sécurité alimentaire? Devant nous, s’ouvrent quelques perspectives passionnantes, dont certaines méritent notre attention.

4.5 Les cartes de génomes (utilisant des instruments de la biologie moléculaire et des méthodes biométriques pour résumer des concepts de la génétique classique) sont reconnues comme un moyen d’étude précieux pour améliorer le matériel génétique. Les études sur la génétique des céréales et l’élaboration de cartes physiques sont maintenant en cours aux Etats-Unis, en Europe et au Japon. L’une des découvertes stupéfiantes de ces activités est que l’ordre des séquences d’ADN dans les génomes du riz, du maïs, du blé, de l’orge, du seigle, du sorgho et du millet d’Italie sont très semblables. Bien que ces espèces aient évolué séparément pendant des millions d’années, leurs génomes ont conservé des gènes colinéaires. La conséquence pratique de cette découverte est que les connaissances sur le riz sont utilisables, par exemple, dans la sélection du blé. Le riz possède un très petit génome (celui de l’un quelconque des génomes du blé est 15 fois plus gros), ce qui fait qu’il est plus facile de trouver les gènes sur la carte du riz que sur celle du blé. Dans la pratique, on peut consulter la carte du riz pour trouver les gènes d’importance commerciale; si ces derniers sont présents dans le riz, le gène équivalent peut être repéré dans la section correspondante de la carte du blé. La même méthode peut être utilisée pour sélectionner d’autres espèces du groupe des céréales, la génétique rizicole pouvant servir, par exemple, pour le maïs et le sorgho.

4.6 On possède déjà des résultats montrant une colinéarité entre les gènes des légumineuses. Par conséquent, les principes qui sont valables pour les céréales devraient bientôt être appliqués, par exemple, à Phaseolus (haricots), Vigna (niébés) ou Lens (lentilles). En outre, même sans colinéarité, la carte du génome humain peut servir pour repérer les gènes sur les cartes d’animaux domestiques.

4.7 D’autres possibilités naissent également de la cartographie détaillée, surtout pour les gènes qui influent sur les propriétés quantitatives et la résistance aux maladies. Les locus des caractères quantitatifs sont des gènes qui contribuent à l’expression de caractères variables, tels que le rendement ou la hauteur. Ces gènes sont repérés sur la carte, et les allèles positifs (de croissance) ou négatifs (de diminution) du gène sont identifiés. L’accumulation dans une même lignée végétale ou animale sélectionnée des locus de caractères quantitatifs influant positivement sur le rendement augmentera le potentiel de rendement de la lignée. Les résultats de ce processus apparaissent déjà pour certaines cultures de base.

4.8 Lorsque deux ou plusieurs gènes confèrent une résistance à la même souche d’une maladie, il est normalement impossible de savoir si un seul ou plusieurs gènes porteurs de résistance sont présents. Mais en étiquetant les gènes au moyen de marqueurs, il est possible de sélectionner des génotypes renfermant plusieurs gènes disposés en pyramides. La présence de plus d’un gène de résistance empêchera une rupture de résistance en cas de modification génétique intéressant la virulence de l’agent pathogène. Ainsi, la résistance sera mieux assurée dans le temps.

4.9 La technologie de l’acide nucléique améliorera également la recherche sur la microbiologie des sols. La composition de la population des micro-organismes peut être précisée pour tout type de sol. Cela permettra de faire des prédictions plus exactes sur la façon d’aménager les sols pour améliorer la productivité actuelle sans compromettre la durabilité des ressources naturelles.

4.10 Depuis une dizaine d’années, on fonde de grands espoirs sur les cultures transgéniques obtenues par l’introduction de gènes étrangers, car des avantages considérables s’ensuivraient pour les agriculteurs des pays en développement. Ces produits de la génétique sont intéressants à deux titres: ils devraient augmenter la productivité en fournissant une résistance accrue aux maladies et aux insectes; cela entraînerait un autre avantage pour l’environnement, celui de réduire l’utilisation de substances chimiques phytosanitaires. Les tentatives d’exploitation d’organismes manipulés génétiquement (OMG) ont cependant été entravées par une prudence justifiée de la part des gouvernements dans l’élaboration de normes régissant les conditions dans lesquelles ces organismes peuvent être libérés. En effet, il est essentiel de respecter la gravité de ces questions au plan de l’éthique et de la prévention des risques biologiques. On peut toutefois raisonnablement s’attendre à ce que, dans un avenir proche, davantage de pays autorisent une utilisation à des fins agricoles.

4.11 Les résultats de la technologie des OMG en agriculture sont difficiles à prévoir avec exactitude; la sagesse commande la prudence tant que l’on ne connaîtra pas mieux ce phénomène appelé «inactivation des gènes». Lorsqu’un gène importé est inactivé, bien qu’il soit toujours présent dans le génome de l’organisme receveur, il n’est pas exprimé. L’inactivation se produit souvent lorsque le gène introduit a un produit similaire à celui du gène du receveur. Les informations qui commencent à sortir sur la production et l’utilisation des organismes transgéniques devront rendre compte des problèmes d’inactivation des gènes.

4.12 Dans le domaine de l’aménagement des ressources naturelles, les choix sur l’utilisation des terres2 résultent de processus complexes de prise de décision faisant intervenir des informations sur les sols, le climat, la végétation, l’emplacement, l’infrastructure, les utilisations potentielles, les marchés et les ressources économiques disponibles. Les progrès accomplis dans la mise au point et l’application des techniques de systèmes d’information géographique (SIG) influenceront l’évolution future de la compréhension et de la gestion des processus liés à l’utilisation des ressources en terre pour l’agriculture, les forêts et les pêches. Les SIG sont des logiciels conçus pour traiter et afficher des données spatiales. En plus des cartes informatisées, le SIG accepte, organise, analyse du point de vue statistique et affiche divers types de données spatiales qui sont classées numériquement dans un système de référence unique. Au fur et à mesure, chaque série de données est regroupée dans un segment de recouvrement et de nouvelles séries de données peuvent être créées en combinant les divers segments. Cela permet au chercheur de «voir» les interactions et d’adopter, pour étudier les problèmes de durabilité, une démarche interdisciplinaire où la production est toujours rapportée à l’environnement.

4.13 Le regain d’importance de l’aménagement des ressources naturelles appelle l’élargissement du cadre conceptuel qui incorpore les données brutes, les informations et les connaissances concernant la recherche sur l’utilisation des terres pour l’agriculture, les forêts et les pêches. Par convention, les scientifiques ont utilisé les systèmes de production comme élément central de cette intégration, en partageant ces informations avec leurs collègues. Mais la coopération entre les institutions occupées à élaborer un programme de recherche commun gagnerait beaucoup à ce que les divers systèmes de gestion de l’information soient reliés entre eux. Cela devrait donc faire explicitement partie du processus de recherche.

4.14 La recherche dans le domaine des sciences sociales offre également de nouvelles possibilités. De nouvelles perceptions concernant le développement et le rôle des institutions susceptibles de travailler sur des thèmes tels que le domaine public sont prometteuses. La réflexion sur l’évaluation des ressources renforcera le travail sur la gestion des ressources naturelles de même que les nouvelles activités en faveur de la recherche participative.

4.15 Dans le cadre du concept de progrès de la recherche, deux questions particulières offrent des possibilités mais imposent en même temps des contraintes à l’agronomie: les droits de propriété intellectuelle et l’impact de la technologie de l’information.

Droits de propriété intellectuelle

4.16 Les droits de propriété intellectuelle (DPI) confèrent à l’inventeur des droits exclusifs sur l’utilisation d’inventions pendant une période déterminée. L’élargissement des DPI aux plantes et aux animaux a contribué au développement de la recherche du secteur privé dans le domaine de la sélection végétale et de la biotechnologie, ces dernières années. Aux Etats-Unis, par exemple, les investissements privés pour la recherche sur la sélection végétale sont passés de moins de 25 millions de dollars en 1960 à plus de 470 millions de dollars en 1994 (Fuglie, Klotz et Gill, 1996). Le secteur privé possède 80 pour cent des nouvelles variétés végétales (Ibid). Les progrès récents de la biotechnologie renforceront probablement la participation du secteur privé au développement de techniques agricoles pouvant être cédées au public commercialement.

4.17 Les scientifiques et les responsables de la recherche dans les pays en développement sont de plus en plus préoccupés par la question des droits de propriété sur les ressources génétiques. Les droits de propriété intellectuelle pourraient ralentir le transfert des variétés de cultures améliorées et des races animales vers les pays pauvres en développement qui n’ont pas les moyens d’acheter la technologie et vers les pays où les DPI ne sont pas strictement applicables pour des raisons politiques. Ces avancées technologiques, couplées avec des réformes des marchés, risquent de creuser le fossé économique entre les pays qui peuvent se permettre d’acheter de nouvelles variétés végétales et des techniques commercialisées par le secteur privé et ceux qui ne peuvent pas.

4.18 La réussite de la quatrième Conférence technique internationale sur les ressources phytogénétiques, organisée par la FAO à Leipzig (Allemagne) en juin 1996, permet d’espérer que les membres de la communauté internationale se rapprochent d’un consensus sur ces questions.

Technologie de l’information

4.19 Alors que les systèmes de production deviennent plus complexes avec l’introduction de nouvelles technologies, les connaissances et les informations sont devenues des ressources importantes. Ceux qui ont accès à l’information et ont la capacité de la comprendre auront un avantage comparatif et pourront choisir des technologies appropriées et diminuer leurs coûts. L’information est extrêmement importante dans la gestion de ressources rares, telles que l’eau, dans un contexte de restriction et de rivalité croissantes. Les systèmes de communication modernes (par exemple, la télévision, la radio, le téléphone, la télécopie et Internet) permettent de survoler les obstacles physiques et bureaucratiques à la dissémination des résultats de la recherche. Ils accélèrent les échanges d’information entre les chercheurs et les administrateurs.

4.20 Les informations qui provenaient plutôt du secteur public proviennent maintenant de plus en plus du secteur privé, et ce phénomène a également des incidences sur la sécurité alimentaire puisque certains pays peuvent se procurer les informations et d’autres pas. Dans certains pays en développement, (par exemple, Argentine, Brésil, Inde et Philippines), les fournisseurs privés d’intrants, qui peuvent tirer parti des systèmes modernes de communication, deviennent une source importante d’informations pour les agriculteurs. A l’avenir, les systèmes technologiques universels devront utiliser ces systèmes d’information privés pour optimiser les transferts de technologie.

4.21 Bien que la technologie de l’information soit devenue moins chère, les pays en développement n’ont pas encore l’infrastructure requise pour l’utiliser efficacement. Ils doivent envisager des investissements infrastructurels, notamment pour le réseau téléphonique, l’électricité, les routes praticables en toute saison et l’enseignement, avant de pouvoir bénéficier des innovations dans ce domaine.

4.22 Dans ce contexte, la création d’institutions électroniques ad hoc (Hart, 1994) autour de programmes de recherche spécifiques pourrait faciliter le développement d’un partenariat régional et mondial, tel qu’envisagé dans le processus de renouvellement du GCRAI. Ces institutions virtuelles serviraient de courtiers de l’information, utilisant activement les ressources d’information électronique disponibles (par exemple, bases de données reliées selon des rapports client/serveur) et les services connexes (courrier électronique, serveurs de listes, conférences électroniques, etc.) pour rapprocher des institutions réelles. Leur rôle est de créer de nouvelles possibilités de partenariat en aidant les institutions à nouer des contacts et à choisir ensuite le système électronique et les serveurs les plus appropriés, reliés aux réseaux qui les intéressent.


5. Le programme de la recherche agricole pour la prochaine décennie

5.1 Ce chapitre (largement fondé sur GCRAI/CCT, 1996 a, b, c) schématise les pôles probables de la recherche portant, d’une part, sur les produits importants directement concernés par le grand défi lancé à la production en faveur de la sécurité alimentaire et, d’autre part, sur d’autres éléments qui intègrent les sciences naturelles et sociales dans un programme de recherche élargi sur la sécurité alimentaire.

Les cultures

5.2 Les cultures et leurs produits fournissent environ 52 pour cent de la valeur totale de la production de l’agriculture, des forêts et des pêches dans les pays en développement. En Asie, cette part représente 59 pour cent, en Afrique subsaharienne 41 pour cent, en Amérique latine et dans les Caraïbes 42 pour cent, au Proche-Orient et en Afrique du Nord environ 51 pour cent.

Céréales

Riz

5.3 Mondialement, le riz est la culture la plus importante de par sa place dans l’alimentation et la valeur de sa production. Sur les 146 millions d’hectares moissonnés dans le monde en 1994, quelque 142 millions d’hectares se trouvaient dans les pays en développement, avec une production de 506 millions de tonnes de paddy. L’Asie, qui est le principal producteur, représente 93 pour cent de la production des pays en développement. Seuls 4 pour cent environ de la production rizicole mondiale pénètrent sur le marché international.

5.4 Si la demande maintient son évolution, la production mondiale de riz devra s’accroître de 21 pour cent d’ici à 2005 et de 65 pour cent d’ici à 2025 (1,7 pour cent par an). Cette élévation considérable et constante de la demande nécessitera un effort concerté de recherche pour poursuivre la mise au point de techniques de production améliorées. La révolution verte du riz suggère que le taux de rendement des investissements réalisés dans la recherche rizicole au cours des 30 dernières années est d’au moins 80 pour cent. Pendant cette période, les nouvelles variétés de riz ont donné un élan à la production qui a permis de nourrir 600 millions de personnes de plus (IRRI, 1990). Pour enrayer la stagnation, voire la chute, de productivité enregistrée aujourd’hui dans certaines régions d’Asie du Sud-Est, il faudra fournir de nouveaux efforts de recherche pour consolider les résultats obtenus et essayer d’élever encore le rendement maximal. Cependant, pour arriver à satisfaire la demande croissante, il faudra aussi s’intéresser à d’autres systèmes de production rizicole (riz pluvial de submersion peu profonde, riz flottant, riz d’eau profonde et riz de montagne).

5.5 L’avenir de la recherche sur le riz est enthousiasmant par ses défis et ses possibilités. Une nouvelle architecture végétale et la création de nouveaux hybrides et d’apomixie représentent un progrès important dont l’impact sera probablement ressenti dans les deux prochaines décennies. La recherche rizicole veut contribuer de manière significative à la poursuite d’objectifs d’intérêt écologique, tels que la protection des forêts tropicales et l’usage restreint de produits agrochimiques, ainsi qu’à l’objectif de nourrir les populations grâce au développement de pools génétiques améliorés et à l’aménagement intégré des cultures.

Blé

5.6 Après le riz, le blé est la source d’aliments la plus importante dans le monde en développement. Sa contribution énergétique à l’alimentation humaine est supérieure à celle de toutes les autres céréales réunies. Sa teneur en protéines est l’une des plus élevées parmi les céréales.

5.7 Entre 1992 et 1994, les pays en développement ont représenté 45 pour cent de la production mondiale de blé (551 millions de tonnes) et 46 pour cent des emblavures mondiales (219 millions d’hectares). Entre 50 pour cent et 70 pour cent des variétés de blé améliorées sorties ces 30 dernières années ont été obtenus à partir de croisements réalisés par le Centre international pour l’amélioration du maïs et du blé (CIMMYT), au Mexique. Le rendement des investissements de la recherche sur le blé a été très élevé, mais des efforts sont encore nécessaires pour maintenir durablement le rythme de progression des rendements. De nouvelles possibilités permettront sans doute d’opérer des percées importantes dans la résistance aux maladies à travers les nouveaux essais sur les croisements à large base génétique.

Maïs

5.8 Parmi les cultures vivrières, le maïs vient au troisième rang après le riz et le blé, aussi bien pour l’apport énergétique que pour la valeur de la production. La moyenne triennale pour 1992-1994 indique que les pays en développement ont produit une part estimée à 43 pour cent de la production mondiale (552 millions de tonnes) sur environ 84 millions d’hectares (66 pour cent de la superficie totale plantée en maïs). Cette culture est présente dans toutes les régions en développement.

5.9 Lorsqu’il est cultivé pour la consommation humaine, le maïs représente une importante source d’énergie pour les pauvres. Une large place est réservée à cette culture dans les systèmes de cultures mixtes des agriculteurs de subsistance. Le potentiel d’accroissement des rendements est relativement élevé. Les principales contraintes sont dues à l’environnement (en particulier la sécheresse), aux maladies et aux insectes nuisibles, à la carence en éléments nutritifs (azote et phosphore surtout) et au manque de facteurs de production d’origine extérieure. On a besoin à la fois de variétés améliorées à pollinisation libre et de variétés hybrides, selon les besoins locaux et l’efficacité des producteurs nationaux de semences. Dans les basses terres tropicales, la mise au point de variétés améliorées et le développement de pratiques d’aménagement répondant aux besoins des agriculteurs amélioreraient considérablement la production. En Afrique subsaharienne, la faible utilisation d’engrais et le mauvais aménagement posent des problèmes plus graves que ceux qu’entraîne l’absence de variétés à haut rendement. En Afrique orientale et australe, où d’immenses étendues, aussi bien dans les basses terres que sur les coteaux, se prêtent magnifiquement à la culture du maïs, le retour d’investissement pour l’élaboration de techniques répondant aux besoins des petits agriculteurs est exceptionnellement élevé.

Orge

5.10 L’orge est la quatrième céréale par ordre d’importance. Elle occupe environ 70 millions d’hectares et la production mondiale est de 160 millions de tonnes. Les pays en développement représentent environ 18 pour cent (26 millions de tonnes) de la production totale et 25 pour cent (18,5 millions d’hectares) de la superficie plantée. Dans la plupart des pays en développement, l’orge est la culture des pauvres et des environnements hostiles. Au Tibet (Chine), en Ethiopie et dans les Andes, elle est cultivée à flanc de montagne à une altitude supérieure à celle des autres céréales. Dans de nombreuses régions d’Afrique du Nord, du Proche-Orient, de l’Afghanistan, du Pakistan, de l’Erythrée et du Yémen, c’est souvent la seule culture pluviale viable, et on peut dire que ni la surface occupée ni le volume de la production ne reflètent la véritable importance de cette culture.

5.11 La difficulté pour l’avenir consistera à consolider les acquis et à élaborer de nouvelles méthodes pour faire participer les agriculteurs à la sélection dans le but de tirer parti des capacités d’adaptation des espèces et de surmonter les problèmes de transfert de technologie.

Sorgho

5.12 Quelque 70 pour cent de la production mondiale de sorgho (60,9 millions de tonnes) et 90 pour cent de la surface consacrée à cette culture (43,5 millions d’hectares) sont situés dans les régions en développement. Le sorgho est une culture principale dans les basses terres tropicales semi-arides à pluviosité estivale où, à l’instar du mil, il constitue un aliment de base pour les millions d’habitants très pauvres de régions toujours menacées par la sécheresse et fortement sujettes à risques. En Afrique occidentale, le sorgho est largement présent dans les régions subhumides, en culture dérobée associée au mil, au maïs et au niébé. Il est également important dans les régions de moyenne altitude en Ethiopie et en Afrique australe. Le sorgho a plutôt une élasticité négative de la demande et il est généralement remplacé par d’autres aliments lorsque les revenus le permettent. Dans de nombreuses régions, les tiges et le feuillage, qui servent de fourrage, de combustible et de matériau de construction, sont aussi importants – et parfois même plus – que la partie comestible.

5.13 Les principales contraintes dont s’occupe la recherche sur le sorgho sont la sécheresse et le stress biotique. L’un des grands objectifs des activités d’amélioration variétale est d’élargir la base génétique du matériel de sélection. Les produits recherchés sont des variétés et des hybrides bivalents qui allient des rendements élevés de la graine et de la tige. Sont également considérées les variétés hybrides fourragères, puisque l’utilisation du sorgho pour l’alimentation animale s’accroît rapidement dans les régions d’Asie et d’Amérique latine. Par ailleurs, la recherche met aussi l’accent sur la formulation d’options d’aménagement permettant d’atténuer les stress biotiques et abiotiques et sur la proposition de solutions intégrées d’aménagement répondant aux besoins des petits agriculteurs des régions tropicales semi-arides.

Mils

5.14 En Asie et en Afrique subsaharienne, le mil perlé est la culture la plus importante utilisée en aridoculture dans les basses terres tropicales et subtropicales semi-arides avec pluies d’été. Il y constitue un aliment de base, avec le sorgho (en Afrique subsaharienne) ou le blé (en Asie). Le mil perlé fournit des aliments à certains des pays les plus pauvres de la planète. Il fournit des graines alimentaires et du fourrage dans des milieux trop chauds, trop secs et sur des sols trop pauvres pour le sorgho et le maïs. Sa paille est un aliment précieux pour le bétail dans les systèmes d’exploitation agricole de ces régions.

5.15 Du fait que certains pays cumulent leurs statistiques pour le sorgho et le mil, les données relatives aux mils ne sont pas toujours fiables, surtout pour l’Afrique subsaharienne. Il semblerait que les mils occupent environ 34 million d’hectares chaque année dans les pays en développement. Dans les régions semi-arides d’Afrique de l’Ouest, ils représentent près de la moitié de l’apport énergétique journalier et un tiers de la ration protéique des populations locales.

5.16 Le mildiou, qui est la maladie du mil ayant la plus forte incidence au niveau mondial, fait l’objet d’une recherche active. Les insectes qui s’attaquent aux tiges causent des pertes importantes chaque année en Afrique subsaharienne. Il s’avère difficile de renforcer génétiquement la résistance. Des pièges au phéromone ont été essayés et jugés efficaces dans huit pays d’Afrique de l’Ouest. L’utilisation de ces pièges devrait se généraliser d’ici à 1997.

Racines, tubercules, bananes et plantains

Manioc

5.17 Le manioc est une culture vivrière importante en Afrique, particulièrement dans les régions tropicales humides et subhumides. Il est également important dans certaines régions d’Asie, et d’Amérique latine et des Caraïbes. En dehors des racines, les feuilles sont aussi consommées comme légume vert dans certaines régions d’Afrique subsaharienne et elles représentent une source abondante et peu coûteuse de vitamines A et B. Le manioc est essentiellement cultivé par les petits agriculteurs pour qui il est une source importante de revenus en espèces et d’énergie alimentaire. Il tolère les sols peu fertiles et, la sécheresse, et il peut être laissé longtemps enfoui dans le sol en guise de réserve de nourriture. Le manioc compte parmi les 15 produits agricoles les plus importants dans les pays en développement en ce qui concerne la valeur de la production; il est certainement le plus important en Afrique subsaharienne.

5.18 La recherche future devrait mettre l’accent sur la technologie après récolte, la qualité des racines pour différentes utilisations finales, notamment l’alimentation animale et l’industrie, la lutte contre les ravageurs et les maladies et, dans une moindre mesure, la production de feuilles à consommer comme légume. Ces problèmes restent hautement prioritaires. En outre, les évaluations relatives aux marchés du manioc devront fournir des indications sur les possibilités de commercialiser des produits nouveaux ou améliorés, dérivés du manioc. Les informations recueillies permettront d’orienter les choix technologiques pour que le manioc, qui est actuellement un produit de l’économie de subsistance, acquière progressivement une importance commerciale.

Pomme de terre

5.19 Près de 30 pour cent (environ 89 millions de tonnes) de la récolte mondiale de pommes de terre sont actuellement produits dans les pays en développement, principalement dans les petites exploitations agricoles, contre 15 pour cent il y a deux décennies. La pomme de terre est une culture à forte intensité de main-d’œuvre. Sa valeur nutritive (notamment en vitamine C) est élevée, et cette culture est particulièrement utile comme source d’énergie et de protéines ainsi que comme aliment de sevrage des nourrissons. Des rendements élevés sont possibles, et la demande est en augmentation rapide car pour ce produit l’élasticité de la demande est positive pour les bas revenus et la pomme de terre a une valeur élevée en tant que culture de rente.

5.20 Parmi les principales contraintes à éliminer pour accroître la production se trouvent les coûts élevés de production, divers ravageurs et maladies, la détérioration du produit pendant l’entreposage et la difficulté de sélectionner des variétés adaptées à des climats plus chauds. Comme pour d’autres racines et tubercules, les capacités de recherche nationales étaient généralement faibles lorsque le GCRAI a débuté ses activités dans ce domaine.

5.21 La pomme de terre a bien réagi à la recherche, et la sélection végétale a déjà donné lieu à des améliorations importantes de cette culture dans les pays en développement. La recherche sur les virus de la pomme de terre a accompli de gros progrès, et le transfert de matériel génétique se fait désormais en toute sécurité. L’adoption de variétés améliorées est souvent retardée par l’absence de systèmes nationaux de multiplication des semences. Afin de consolider les augmentations de production, un effort concerté est nécessaire pour développer une résistance plus durable de la plante hôte au mildiou.

Patate douce

5.22 La patate douce est maintenant couramment cultivée en tant qu’aliment de base dans les pays en développement en dehors de l’Amérique tropicale, dont elle est originaire. Bien que les statistiques sur la patate douce soient dominées par la production chinoise (le plus gros producteur mondial de patate douce, avec 80 pour cent de la production), cette culture est également présente dans de nombreux pays où les revenus sont typiquement très bas. Elle est bien adaptée aux basses terres tropicales chaudes et a un bon rendement en se passant pratiquement d’intrants, à condition que le sol soit bon.

5.23 La recherche sur la patate douce n’a pas une longue histoire. Bien que les rendements actuels en Afrique subsaharienne n’atteignent en moyenne que 6 tonnes/ha, le haut rendement potentiel de cette culture a été démontré grâce aux recherches effectuées dans le cadre des institutions régionales du GCRAI, qui ont donné naissance à des variétés pouvant produire plus de 40 tonnes/ha en quatre mois si elles sout plantées pendant la saison humide.

5.24 Les ravageurs et les maladies tels que le charançon de la patate douce, les insectes attaquant la tige, les virus et les organismes du type des mycoplasmes sont des obstacles majeurs à l’augmentation de la production. La protection intégrée, notamment les dispositifs agissant sur la transparence et la résistance, semble être prometteuse.

Igname

5.25 Les ignames sont cultivées dans toutes les régions tropicales et dans certaines régions subtropicales. Elles sont particulièrement importantes en Afrique subsaharienne et dans les îles du Pacifique et des Caraïbes. La production mondiale est estimée à 28,1 millions de tonnes, concentrée à 95 pour cent en Afrique subsaharienne.

5.26 L’igname est un aliment de prédilection et une culture de base pour la sécurité alimentaire dans quelques pays d’Afrique subsaharienne. La production d’ignames est limitée par divers parasites et maladies. Les nématodes causent de sérieux dégâts aux récoltes sur pied et en entrepôt. Les pertes après- récolte sont également causées par des pourritures mycosiques ou bactériennes et par des insectes, mais aussi par l’augmentation de la respiration et de la repousse lorsque la dormance prend fin. La recherche internationale sur l’igname est limitée et relativement récente.

Bananes et plantains

5.27 Les bananes et les plantains sont des aliments de base pour des millions de personnes dans les pays en développement. Environ 90 pour cent de la production proviennent de petites exploitations et sont consommés localement. Dix pour cent seulement de la production, provenant principalement des plantations commerciales d’Amérique latine et des Caraïbes, sont échangés sur les marchés internationaux. Pour ce qui est de la valeur brute de la production, les bananes et plantains arrivent au huitième rang après le riz, le lait, le bœuf, le blé, le maïs, le soja et les arachides.

5.28 La production de bananes et de plantains est menacée par les ravageurs et les maladies, dont la pression a augmenté dans les 15 dernières années. Citons notamment la cercosporiose du bananier (maladie de Sigatoka), la fusariose (maladie de Panama), le charançon de la banane, un ensemble de nématodes parasites des plantes et plusieurs maladies virales (sommet touffu du bananier, mosaïque du bananier, maladie des striures du bananier, et autres). La cercosporiose cause une grave nécrose des feuilles, et le rendement en fruits diminue sensiblement.

5.29 Les bananes et les plantains sont généralement considérés comme réfractaires à l’amélioration génétique à cause de leur nature triploïde qui les rend presque complètement stériles. Malgré cela, ces dernières années, le système du GCRAI et d’autres programmes régionaux d’amélioration génétique des bananes et des plantains ont accompli des progrès remarquables dans la sélection d’hybrides résistant à la cercosporiose, ayant de meilleurs rendements et un fruit de qualité acceptable. De plus, la recherche dans le domaine de la biotechnologie cellulaire et du diagnostic des virus a permis de réussir la livraison de matériel génétique amélioré dans la mesure voulue pour avoir un impact sur les petits planteurs.

Légumineuses

Pois chiche

5.30 Les plus anciens témoignages mentionnant le pois chiche cultivé nous viennent de Turquie, et on suppose que cette culture s’est diffusée dans le monde entier à partir de cette région. Le pois chiche est semé dans les petites exploitations agricoles pour la consommation directe comme culture de rapport. Les graines sont utilisées entières, décortiquées ou sous forme de farine. Les pousses et les graines non encore mûres peuvent être préparées comme légumes. En 1994, la production mondiale était de 7,9 millions de tonnes provenant de 10,2 millions d’hectares, dont 97 pour cent dans des pays en développement. La moyenne triennale 1992-1994 attribue 76 pour cent de la production à l’Asie. Les obstacles à la production comprennent la prédisposition des variétés locales aux maladies, les contraintes liées à l’environnement, à la sécheresse, aux organismes nuisibles et à la mauvaise gestion des cultures. Les efforts du GCRAI ont donné des résultats importants, en combinant la résistance à l’anthracnose et la résistance au gel.

Niébé

5.31 Le niébé est largement cultivé dans les régions chaudes semi-arides et subhumides d’Afrique subsaharienne; il est important dans les Caraïbes, au Brésil, au Yémen, dans le sous-continent indien et en Asie du Sud-Est.

5.32 La culture du niébé est généralement pratiqueé par les agriculteurs de subsistance et en régime mixte avec le maïs, le sorgho, le mil et le manioc. Les rendements moyens dans les pays en développement sont d’environ 240 kg/ha. Cependant, les meilleures variétés de courte et moyenne durée peuvent produire 2 500 à 3 000 kg/ha en station de recherche dans les mêmes conditions qu’à l’exploitation, et les variétés de courte durée peuvent avoir un rendement de plus de 2 000 kg/ha sur 60 à 90 jours. Les principauxs obstacles à l’optimisation des rendements sont trois insectes nuisibles: le thrips de la fleur, un insecte térébrant (Maruca) et une punaise suceuse, qui s’attaquent à la cosse. De faibles niveaux de résistance ont été détectés dans le matériel génétique du niébé pour chacun de ces trois insectes.

5.33 En 1994-1995, une méthode très efficace a été mise au point pour régénérer et produire des plantes de niébé transformées. Cette grande percée laisse entrevoir des progrès importants dans la mise au point de variétés de niébé présentant de bons niveaux de résistance à ces trois insectes. En outre, les progrès accomplis par la recherche sur la lutte biologique contre le thrips de la fleur, en utilisant ses ennemis naturels, indiquent que cette technique peut aussi représenter une mesure de lutte possible. La recherche future essaiera de poursuivre le développement de variétés adaptées à ces systèmes écologiques, associant la résistance à la sécheresse et à la chaleur et une meilleure absorption du phosphate.

Fève

5.34 La fève est une culture de printemps dans les régions tempérées et une culture hivernale dans les régions subtropicales où l’hiver est doux. Dans les régions tropicales et subtropicales, elle est plantée en altitude. Il en existe deux grands groupes: les fèves à petite semence, que l’on trouve en Afghanistan, en Egypte, au Soudan, en Ethiopie et en Erythrée et les fèves à grande semence, présentes dans les autres régions du Proche-Orient et d’Afrique du Nord.

5.35 Cette culture est importante en rotation dans les systèmes d’exploitation qui investissent peu en intrants, à cause de son taux élevé de fixation biologique de l’azote (120 by N/ha) et de l’effet résiduel bénéfique pour les plantations céréalières suivantes. Les obstacles à la production sont entre autres: les maladies, la plante adventice Orobanche, les organismes nuisibles avant et après la récolte, les mauvaises pratiques d’aménagement, et la salinité du sol dans certaines régions. Les activités de recherche ont été limitées ces dernières années et il est nécessaire de réorganiser la recherche sur cette culture.

Lentille

5.36 La production mondiale de lentilles augmente rapidement. Elle s’est accrue de 110 pour cent passant de 1,3 million de tonnes pendant la période 1979-1981 à 2,8 millions de tonnes pour la période 1992-1994, grâce à une augmentation de 50 pour cent des surfaces cultivées qui ont atteint 3,38 millions d’hectares, et à un accroissement de productivité, de 600 à 820 kg/ha, soit un gain de 38 pour cent. Les pays en développement représentent 87 pour cent de la superficie mondiale consacrée à cette culture. La principale région productrice est l’Asie.

5.37 Cette culture est importante pour son utilisation comme légumineuse alimentaire et en tant que fourrage pour les ruminants. Dans les régions plus arides du Proche-Orient et d’Afrique du Nord, les lentilles sont un élément clé des systèmes agricoles traditionnels où sont intégrés l’orge, les petits ruminants et les lentilles. La recherche devra réussir à développer des variétés de courte durée ainsi que des cultivars d’hiver plus résistants. Le flétrissement vasculaire est la maladie la plus répandue de la lentille. Comme méthode de lutte, les chercheurs tentent d’exploiter la résistance de la plante. Pour empêcher les dégâts causés aux nodules par le sitone, on envisage des manipulations génétiques pour transférer un gène de production de toxine dans la racine de la plante.

Haricot commun

5.38 Le haricot commun de champ ou de jardin est la légumineuse alimentaire la plus importante dans le monde. Les haricots ordinaires sont produits sous deux formes: haricots secs et haricots mange-tout (les cosses vertes sont consommées comme légume). La production annuelle mondiale de haricots secs est estimée à 18 millions de tonnes, avec une valeur marchande de 10,7 milliards de dollars des Etats-Unis.

5.39 Les grandes options de la recherche pour améliorer la productivité du haricot en Amérique latine et en Afrique ont privilégié la sélection, menée par des institutions du secteur public. Le secteur privé s’intéresse très peu à la production de semence de haricots, excepté en Argentine, au Brésil et aux Etats-Unis. La recherche internationale sur le haricot au Centre international d’agriculture tropicale (CIAT) s’est occupée surtout de résistance aux maladies et aux ravageurs, et plus récemment de résistance à la sécheresse et à la pauvreté du sol et d’amélioration du potentiel productif. Des percées sont imminentes dans les domaines de la résistance aux maladies et du dépassement de l’actuel rendement maximal. A l’heure actuelle, on a une meilleure connaissance des pools de gènes et des variétés nouvelles se prêtant le mieux à la récolte mécanisée.

Pois cajan

5.40 Le pois cajan est bien connu des agriculteurs de subsistance dans les régions tropicales chaudes semi-arides et subhumides. Il pousse souvent sur des sols pauvres, avec peu d’intrants. C’est un aliment important en Inde et il est apprécié dans certaines régions d’Afrique de l’Est et d’Amérique centrale. Le graines sont utilisées entières, décortiquées ou sous forme de farine. Aux Caraïbes et en Amérique latine, les pousses et les graines encore vertes sont consommées comme légumes. La tige ligneuse est précieuse car elle fournit du bois de chauffe, du chaume et du matériel de clôture; les feuilles sont une source importante d’azote pour le sol.

5.41 Traditionnellement, le pois cajan est une culture à long cycle, mais des variétés de courte durée, mises au point par l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT) en collaboration avec le SNRA indien ont déclenché, sur les cinq dernières années, une augmentation de 15 pour cent de la superficie plantée. Ce matériel génétique commence également à trouver une application en Asie en dehors de l’Inde, et en Afrique australe et orientale ainsi qu’en Amérique latine.

Soja

5.42 Le soja a été cultivé par l’homme pour la première fois en Chine et il est maintenant répandu en Asie de l’Est et du Sud-Est, en Amérique (en particulier au Brésil et aux Etats-Unis) et, de façon très limitée, en Afrique subsaharienne et au Proche-Orient. Dans l’hémisphère Nord, sa culture s’étend maintenant des tropiques à 52º de latitude nord. Les principaux objectifs de la recherche future, quant à la production, sont de mettre au point des variétés qui optimisent la productivité et la durabilité des systèmes de culture axés sur les céréales des savanes humides d’Afrique. Les principaux caractères qui sont en cours d’amélioration sont l’aptitude de Striga hermonthica à provoquer une germination suicidaire des semences, la fixation de l’azote et une meilleure absorption du phosphore. La recherche sur les systèmes de culture s’efforcera d’élaborer des techniques appropriées pour accroître la productivité et la durabilité, y compris la résistance aux ravageurs, aux maladies et à l’éclatement de la cosse.

Cultures oléagineuses

Noix de coco

5.43 Le cocotier est une culture pantropicale, qui couvre environ 9,3 millions d’hectares dans un total de 82 pays. Nombre des pays producteurs sont des petits états insulaires des océans Pacifique et Indien et des Caraïbes. La noix de coco est à la fois la principale culture de subsistance essentielle et la seule source importante de recettes à l’exportation. Ces pays ne disposent pratiquement d’aucune autre culture pouvant remplacer la noix de coco. La noix de coco est le principal élément arboré de plusieurs systèmes agroforestiers dans le monde, bien que son utilisation diffuse dans les vergers familiaux ne soit pas reflétée par les statistiques officielles de production.

5.44 Les priorités actuelles de la recherche du Réseau international de recherche sur la noix de coco (COGENT) comprennent la création d’une base de données internationales sur les ressources génétiques de la noix de coco pour renforcer la dissémination des données génétiques; la collecte de matériel génétique dans les régions qui sont menacées d’érosion génétique et pour combler les lacunes des collections nationales; la conservation dans des banques de gènes nationales et internationales sur le terrain; l’évaluation du matériel génétique pour identifier les variétés adaptées aux besoins des agriculteurs; l’élaboration d’autres méthodes complémentaires de conservation et de méthodes moléculaires pour l’évaluation de la diversité génétique; et la promotion du transfert de matériel génétique dans de bonnes conditions de sécurité. Les priorités futures de la recherche comprennent l’application des résultats de la recherche pour promouvoir une évaluation efficace de la diversité génétique; les transferts sans risques de matériel génétique; et l’efficacité de la conservation et des échanges.

Arachide

5.45 Près de 21,7 millions d’hectares sont plantés en arachides dans le monde, dont 13,8 millions en Asie (Inde, 8,5 millions; Chine, 3,6 millions), 6,8 millions en Afrique subsaharienne et 0,5 million en Amérique centrale et du Sud. Les arachides poussent dans des environnements divers, dans des régions comprises entre 40ºde latitude sud et 40ºde latitude nord par rapport à l’équateur. Les principales entraves à la productivité en Asie et en Afrique sont les maladies et les insectes nuisibles, la pluviosité imprévisible et irrégulière, la pauvreté du sol, l’absence de pratiques culturales améliorées et de techniques avancées de production, le manque de cultivars qui, tout en réagissant bien à la technologie, soient adaptés aux conditions locales, l’absence d’intrants sophistiqués et d’outils agricoles adaptés aux petites exploitations et le manque d’infrastructures pour produire des semences de qualité des cultivars améliorées actuellement disponibles. La contamination par les aflatoxines dans les champs et dans les entrepôts gêne la commercialisation du produit. Les maladies foliaires, les maladies virales, la contamination par les aflatoxines, les nématodes des feuilles et des racines, la sécheresse et la faible fertilité du sol constituent les principaux thèmes de recherche intéressant les systèmes de production des régions tropicales semi-arides.

Légumes

5.46 De nombreuses variétés de légumes sont cultivées dans les pays en développement. Elles diffèrent considérablement d’un lieu à l’autre, les préférences sociales étant déterminantes dans le choix des variétés employées. Les légumes fournissent une source précieuse de revenu aux producteurs qui sont à proximité des centres urbains. Tous ensemble, ils forment un groupe à forte productivité, bien adapté aux opérations de petite échelle si les marchés sont proches et aux opérations de grande échelle au fur et à mesure que l’infrastructure s’améliore et que le transport et la réfrigération deviennent possibles. Tous les groupes de revenus ont besoin de légumes et ils les apprécient comme aliments d’appoint. La demande dans les pays en développement devrait s’accroître de 3,4 pour cent par an d’ici à la fin des années 90.

5.47 Les possibilités d’améliorer les variétés sont importantes. De mauvaises installations de commercialisation représentent aussi un obstacle, étant donné la nature périssable de nombreux légumes. Des accroissements modestes de la production peuvent entraîner un engorgement temporaire du marché, et l’une des priorités de la recherche, dans de nombreuses régions, est d’allonger la durée de la campagne.

Cultures fourragères tropicales

5.48 Les graminées et les légumineuses sont des produits intermédiaires qui contribuent directement à la production animale et indirectement à une utilisation plus durable des terres. Elles peuvent être utilisées autrement que comme fourrages. On emploie souvent les légumineuses pour tapisser le sol des plantations fruitières et arborées, pour la production d’engrais vert, et dans les jachères naturelles pour l’amélioration des sols et la lutte contre les mauvaises herbes. Les herbes et les légumineuses arbustives sont utilisées comme barrières contre l’érosion. Les pâturages sont utilisés en rotation avec les cultures dans le but d’améliorer les propriétés biologiques, chimiques et physiques du sol en plus de fournir des fourrages au bétail.

5.49 La recherche se concentre à l’heure actuelle sur le développement d’éléments fourragers pour certaines niches agroécologiques d’Amérique latine et d’Asie du Sud-Est où une demande a été identifiée, par exemple couverture du sol pour l’arboriculture, légumineuses pour l’amélioration des jachères à flanc de colline, pâturages de courte durée pour des systèmes intégrés de culture et d’élevage, fourrages de saison sèche pour les petits ruminants bivalents, herbes et légumineuses à usages multiples pour les systèmes de culture intensive.

Elevage

5.50 L’élevage et ses produits dérivés représentent environ 29 pour cent de la valeur totale de la production de l’agriculture, des forêts et des pêches dans les pays en développement. En Afrique subsaharienne, leur part est de 19 pour cent, en Asie de 28 pour cent, au Proche-Orient et en Afrique du Nord de 35 pour cent et dans la région Amérique latine et Caraïbes de 38 pour cent. Cependant, ces chiffres ne rendent pas dûment compte de la contribution souvent importante de l’élevage à la production agricole à travers la traction animale et la production de fumier.

5.51 Les produits animaux sont des sources fiables de vitamines B et D, de zinc et de fer. La viande et le lait sont des produits à forte élasticité de la demande en fonction des revenus. Leur consommation augmente avec la hausse des revenus et l’urbanisation. Etant donné l’expansion économique et les progrès technologiques dans les pays en développement, la contribution du bétail à la production agricole devrait donc s’accroître.

5.52 Les bovins sont particulièrement importants en Amérique latine et dans les Caraïbes, ainsi que dans les régions tropicales chaudes semi-arides et tropicales fraîches d’Afrique subsaharienne et de l’Inde (pour le lait). Les ovins et les caprins sont importants au Proche-Orient et en Afrique du Nord, en Afrique orientale et australe, en Afrique de l’Ouest et dans les régions tempérées d’Amérique latine. Bien que les petits ruminants ne fournissent qu’une faible partie de la production totale de viande et de lait, le cumul des données occulte leur importance dans certaines régions. On estime qu’ils fournissent 30 pour cent de la viande consommée au Proche-Orient et en Afrique du Nord et 20 pour cent de celle qui est consommée en Afrique subsaharienne. Les petits ruminants sont également pourvoyeurs de revenus en espèces.

5.53 Le lait représente 26 pour cent de la valeur de la production animale en Afrique subsaharienne, la viande de boeuf 37 pour cent, la viande d’ovins et de caprins 14 pour cent, la viande de porc 5 pour cent et la volaille 8 pour cent. Au cours des deux dernières décennies, les accroissements de production ont été dus essentiellement à l’expansion des troupeaux, plutôt qu’ à une amélioration de la productivité animale. Les animaux domestiques renforcent la viabilité économique et la durabilité des systèmes d’exploitation agricole. Ils diversifient les options de production et d’aménagement, augmentent la production et les revenus agricoles, fournissent de l’emploi en toute saison et sont une assurance pour les périodes de crise. Les ventes de produits dérivés de l’élevage fournissent des fonds pour l’achat d’intrants indispensables aux cultures et pour la réalisation d’investissements propres à l’exploitation. Le cheptel est souvent la principale réserve de capital des ménages d’agriculteurs.

5.54 Parmi les espèces d’animaux domestiques, les ruminants se distinguent en importance parce qu’ils convertissent en produits comestibles des résidus de cultures, des sous-produits, des plantes adventices et d’autres éléments de la biomasse qui ne peuvent être consommés directement par l’homme. Les ruminants constituent la seule utilisation pratique de vastes pâturages naturels dans les régions où le régime des précipitations, trop faible, irrégulier ou limité pendant certaines saisons, combiné à des sols acides peu fertiles et à la prédominance de terrains accidentés, et en forte pente, rend impraticables ces cultures. Dans les régions cultivées, la traction animale élève la productivité des cultures, tandis que le fumier enrichit le sol. En outre, les ruminants fournissent aux agriculteurs les incitations économiques nécessaires pour pratiquer des cultures fourragères qui fixent l’azote et pour intégrer les herbages dans la rotation des cultures, ce qui permet d’enrayer l’érosion, de conserver l’humidité du sol et d’en renforcer la fertilité. La clé du succès pour valoriser les avantages de la production animale réside dans de bonnes pratiques d’aménagement. Des politiques d’expansion des terres de pacage ont été principalement associées à la déforestation en Amérique latine et dans les Caraïbes.

5.55 Les volailles et les porcs représentent près de la moitié de la valeur monétaire et nutritive de la production animale dans les pays en développement. Il est prouvé qu’en Asie, ainsi qu’ en Amérique latine et dans les Caraïbes, au fur et à mesure que la demande en poulet et viande de porc augmente, des systèmes de production plus intensive sont mis en place; la technologie importée de pays développés et d’autres pays en développement est appliquée rapidement et efficacement à ces systèmes de production. Les deux secteurs, volailles et porcs, bénéficient aussi largement de la recherche effectuée dans le secteur privé. Le yak, le buffle domestique, le chameau et le dromadaire, l’alpaga et le lama, ainsi que le renne, ont tous fait l’objet d’activités de recherche, mais limitées.

5.56 Les pénuries saisonnières et la faible valeur nutritionnelle des ressources fourragères sont les contraintes techniques les plus diffuses s’exerçant sur la production animale dans les pays en développement. Des études réalisées en Afrique montrent que pour les systèmes d’élevage aussi bien pastoraux que villageois l’intensité de la production est étroitement liée à l’intensité des activités humaines et, dans une moindre mesure, à la répartition des ressources en pâture naturelle (Wint et Bourn, 1994). Ces conclusions suggèrent que les systèmes d’élevage ne dépendent plus autant qu’auparavant de la disponibilité de parcours extensifs et que la production animale privilégie de plus en plus la garantie en ressources fourragères offerte par la proximité des établissements humains et des ressources en eau.

5.57 Bien que les pâturages et les fourrages restent la principale source d’alimentation animale dans le monde en développement, leur offre s’accroît trop lentement pour répondre aux demandes toujours plus grandes en produits de l’élevage. L’intégration plus étroite de la production animale dans les systèmes de culture, l’adoption de cultures fourragères améliorées, notamment arborées et arbustives, et la mise en place d’installations locales de transformation pour une meilleure utilisation des sous-produits des cultures sont ensuite nécessaires pour compenser l’utilisation croissante de céréales fourragères importées, causée par la production intensive de ruminants et l’expansion de la production avicole et porcine.

5.58 Seules quelques espèces animales d’élevage et un grand nombre de races sélectionnées sont utilisées pour la production de viande, de lait, et de cuirs et peaux, ainsi que pour la traction animale dans différents environnements. C’est la diversité génétique contenue dans ces races qui est la clé d’améliorations futures des rendements de la production animale. Le GCRAI, avec la FAO, joue un rôle de chef de file dans la conservation, l’amélioration et l’utilisation des ressources phytogénétiques et de la biologie moléculaire pour permettre des avancées sur la base des succès remportés dans le domaine de la sélection. Des possibilités analogues peuvent s’appliquer au règne animal, en utilisant les progrès réalisés dans la cartographie génétique pour identifier les gènes responsables des caractères des races animales qui sont importants du point de vue de la productivité. En outre, étant donné le coût très élevé de la conservation du matériel génétique animal, le GCRAI a un rôle déterminant à jouer pour élaborer les méthodes qui permettront d’évaluer si les ressources justifient des activités de conservation.

5.59 Dans les pays en développement, les principales maladies peuvent être regroupées en trois catégories: les maladies essentiellement virales, comme la fièvre aphteuse; les maladies parasitaires transmises par un vecteur, par exemple la trypanosomiase, contre lesquelles des mesures de lutte existent peut-être mais ne sont pas applicables; et les maladies dues à l’intensification, par exemple la mammite. La principale maladie en Afrique reste la trypanosomiase, la seule maladie qui exclut l’introduction de bétail non résistant sans un certain nombre de mesures préventives. Contrairement à l’Afrique, l’Amérique latine est exempte de grandes maladies bovines, à l’exception de la fièvre aphteuse. Le cheptel bovin et les buffles d’Asie sont également exempts des principales maladies infectieuses.

5.60 Les maladies transmises par des vecteurs et des parasites internes demeurent deux des plus graves obstacles dans le domaine de la santé animale dans les pays en développement. Parmi les premières, les plus graves sont la trypanosomiase transmise par la mouche tsé-tsé, qui sévit dans de vastes régions d’Afrique subsaharienne, et une forme de théilériose, la fièvre rhodésienne, qui constitue un gros problème en Afrique orientale et australe. Bien que la plupart des races autochtones possèdent un certain degré de résistance naturelle aux tiques et aux maladies transmises par les tiques, les races exotiques de Bos tauris y sont gravement prédisposées. Les progrès accomplis dans l’étude de la biologie de ces maladies, de la nature des mécanismes de défense des hôtes et des nouveaux vaccins sont un point de départ pour la formulation de méthodes améliorées de lutte contre d’autres maladies du bétail à forte incidence économique dans le reste du monde.

5.61 Le GCRAI a identifié un certain nombre de pôles de recherche pour la prochaine décennie. Les domaines pour la recherche mondiale incluent:

Les domaines pour la recherche écorégionale incluent:

Un domaine pour la recherche mondiale et écorégionale est:

Les forêts et l'agroforesterie

5.62 Les forêts tropicales ne couvrent qu’un septième des terres émergées de la planète, mais cette fraction ne reflète pas toute leur importance. Hormis le bois, les forêts fournissent de nombreux produits non ligneux , notamment des aliments, des boissons, des fibres, des résines, des matériaux de construction, des articles ornementaux, des remèdes et du combustible. Plus encore, elles apportent des bienfaits du point de vue de l’environnement, tels que la protection des bassins versants, la régulation du climat, la protection et l’amélioration des sols, et elles assurent un habitat pour la faune et la flore sauvages. Les forêts tropicales sont également source de multiples avantages au plan culturel, spirituel et récréatif. Elles sont un élément important du capital en carbone de la planète et le réservoir d’environ la moitié de toutes les espèces biologiques.

5.63 Dans les pays en développement, les crédits et les ressources humaines affectés à la recherche forestière sont faibles en comparaison du secteur agricole et de la valeur des biens et services tirés de la forêt. Le système du GCRAI, à travers le Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR), a suggéré d’axer la recherche forestière publique sur les thèmes suivants:

5.64 L’un des modes d’organisation de la recherche forestière est de développer des pratiques agroforestières qui stabilisent l’activité agricole dans les zones limitrophes de la forêt en insérant des arbres dans le paysage agricole, pour produire du bois et des produits forestiers. Les systèmes agroforestiers stratifiés, tels qu’ils existent en Asie du Sud-Est, sont l’exemple par excellence de cette pratique, mais peu de recherches ont été faites pour développer ces systèmes ailleurs dans les tropiques. On ne comprend pas encore bien comment ces systèmes agroforestiers stratifiés, qui sont une solution attrayante pour remplacer la pratique du brûlis, diversifient les agrosytèmes et renforcent la diversité biologique, capturent le carbone, influent sur les émissions de gaz de serre et les réservoirs. De même, on connaît mal leurs avantages économiques et sociologiques en matière de création de revenus, de sécurité alimentaire, de diminution de la pauvreté et de diversification des rendements économiques. La recherche devra également étudier des méthodes pour améliorer les systèmes agroforestiers en intégrant les plantations d’arbres aux systèmes d’exploitation agricole, afin d’obtenir une mosaïque associant l’utilisation des terres agricoles et des paysages. Ainsi, la productivité des systèmes peut être assurée tout en renforçant leur stabilité écologique et économique. L’amélioration génétique des essences agroforestières en vue de diversifier la gamme des produits ligneux et non ligneux devrait, à terme, faire monter le rendement économique global de l’unité de terre, suscitant l’amélioration des infrastructures de commercialisation en même temps qu’un plus grand intérêt pour l’arboriculture. Les gains potentiels dans ce domaine sont élevés, puisque le travail réalisé jusqu’à présent sur les essences forestières a été limité. De même, des efforts continus de recherche sont nécessaires pour trouver des techniques autres que le brûlis.

Les pêches

5.65 Les pêches jouent un rôle important dans la production alimentaire, la création de revenus et l’offre d’emplois dans les pays en développement. D’après le Centre international d’aménagement des ressources bioaquatiques (ICLARM), le nombre des pêcheurs à plein temps dans les pays en développement a été estimé à 12,9 millions, dont 80 pour cent vivent en Asie, 12 pour cent en Afrique subsaharienne, 6 pour cent en Amérique latine et dans les Caraïbes et 2 pour cent au Proche-Orient et en Afrique du Nord.

5.66 En outre, il existe des millions de pêcheurs à temps partiel. L’eau recouvre 70 pour cent de la surface terrestre, et la production totale des produits aquatiques se chiffre à 95 millions de tonnes par an, dont 79 pour cent sous forme de poissons osseux, 5 pour cent de crustacés, 9 pour cent de mollusques et 7 pour cent d’algues. Les poissons et leurs produits dérivés fournissent 20 pour cent des protéines animales et 4 pour cent des protéines alimentaires dans les pays en développement, mais ces moyennes masquent le fait que dans plusieurs pays cette part est au moins deux fois plus élevée. La valeur totale brute de la production halieutique mondiale approche les 25 milliards de dollars par an, dont 52 pour cent proviennent des captures marines, 18 pour cent des pêcheries continentales, 16 pour cent d’installations piscicoles dans les eaux intérieures et 14 pour cent des élevages d’espèces marines. Le poisson représente 5,6 pour cent de la valeur totale de la production de l’agriculture, des forêts et des pêches.

5.67 De la production aquatique mondiale, qui a augmenté à une cadence impressionnante au cours des 12 dernières années, 16 pour cent proviennent de l’aquaculture, pour une valeur de 29 pour cent du total. L’aquaculture est à la pêche de capture ce que l’agriculture est à la chasse et à la cueillette. Les priorités de la recherche en aquaculture doivent reposer sur les principes énoncés ci-après:

5.68 Malgré son évidente fragilité, la base de ressources de l’aquaculture dans le monde en développement est encore mal connue. La recherche concernant la plupart des poissons tropicaux est encore rudimentaire, bien que les capacités de recherche nationales soient en cours de développement pour faire face à ce problème. Plusieurs objectifs de recherche constituent des priorités, notamment l’efficacité des opérations de collecte des données, en particulier sur les ressources halieutiques; le développement de l’aquaculture et de la diversité biologique; la mise au point d’une approche d’ensemble; l’intégration de la recherche biologique et sociologique; l’étude de l’impact des zones protégées; l’évaluation du potentiel de l’aquaculture et de ses relations avec l’environnement; la poursuite de l’amélioration génétique des espèces aquacoles; la résolution des problèmes de dégradation de l’environnement; et l’évaluation de l’impact de la recherche. Plusieurs autres questions sont importantes, par exemple l’amélioration des opérations après récolte ainsi que le diagnostic et le traitement des maladies dans les installations d’aquaculture.

5.70 Le système du GCRAI a identifié des thèmes précis de recherche sur les sols et les eaux qui sous-tendent bon nombre d’activités de la recherche sur les produits et qui demandent une étude plus approfondie (GCRAI/CCT, 1996b):

5.71 Dans son examen de la recherche en matière de politiques et d’aménagement (GCRAI/CCT, 1996c), le GCRAI insiste sur la nécessité d’un déploiement de la recherche agricole en fonction des nouvelles réalités économiques, en s’appuyant sur les deux forces que sont la libéralisation et la démocratisation de l’économie. L’interaction entre les secteurs privé et public, et une participation populaire accrue à la fixation des programmes de recherche, en sont des éléments déterminants.

5.72 Ensemble, ces éléments donnent de quoi remanier les programmes de la recherche à l’échelle nationale et internationale. Il faut prendre conscience de la nécessité d’obtenir des résultats en faveur d’un vaste segment de la population rurale la plus démunie, privée de tout accès aux intrants qui, par exemple, avaient permis la révolution verte. Un souci croissant au sujet de l’environnement et de l’utilisation durable des ressources naturelles montre que des efforts supplémentaires de recherche sont nécessaires pour optimiser l’utilisation des terres et de l’eau sans trop dépendre des intrants extérieurs tels que les engrais, les pesticides, les herbicides, l’eau d’irrigation et les tracteurs. Les consommateurs sont de plus en plus demandeurs de produits non traités aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. L’importance de travaux de recherche sur l’augmentation de la production lorsque les intrants extérieurs ne sont pas disponibles, ou désirés, constitue un complément au programme de recherche plus traditionnel à poursuivre pour accroître la production alimentaire.


6. La recherche agricole en tant que priorité

L'importance future de la recherche agricole

6.1 Une agriculture plus performante est cruciale pour renforcer la sécurité alimentaire et faire reculer la pauvreté. Avec une croissance démographique estimée à 88 millions par an pendant la prochaine décennie, le surplus d’aliments nécessaire devra être obtenu en augmentant la productivité des ressources existantes. Tandis que l’agriculture est actuellement le principal utilisateur de terre, d’eau et de ressources biologiques3 du monde, la pression démographique accrue intensifiera la rivalité entre les utilisations diverses de ces ressources. Les possibilités d’expansion des terres arables sont extrêmement limitées, et la demande en eau douce devrait augmenter en raison de la croissance rapide de la population urbaine et de l’industrialisation. Les projections de l’IRRI suggèrent que la plupart des pays asiatiques souffriront de graves problèmes d’approvisionnement en eau d’ici à 2025 (IRRI, 1995).

6.2 A l’avenir, la recherche agricole devra se concentrer sur des techniques de production qui tirent parti au maximum des avantages des ressources naturelles disponibles en agriculture, tout en protégeant et en restaurant ces ressources pour leur utilisation future. La recherche doit aussi répondre aux besoins des pauvres qui dépendent de l’agriculture pour vivre, en particulier dans les régions à faible potentiel où les gains de productivité sont plus aléatoires et où l’aménagement des ressources est d’autant plus important qu’elles sont peu abondantes. Une intensification de la recherche pour améliorer la durabilité des ressources forestières est importante non seulement à cause de leur rôle dans la conservation de l’environnement et de la diversité biologique, mais aussi parce que 350 millions de personnes, dont la plupart sont dans la misère, dépendent de la forêt pour survivre. Gérer et utiliser les ressources naturelles en vue d’accroître la productivité et de conserver la base de ressources exige une technologie et des stratégies nouvelles fondées sur la science.

6.3 Les contributions impressionnantes de la science et de la technologie pour faire face aux besoins alimentaires par le passé ont été rendues possibles par les investissements effectués dans la recherche agricole. Tout progrès futur n’est possible qu’en maintenant et en augmentant les investissements dans ce domaine, qui se trouve confronté, à l’heure actuelle, à des défis nouveaux et plus vastes. La recherche doit fournir les techniques qui permettront de maintenir l’élan des progrès réalisés jusqu’à présent et de faire grimper la production encore plus haut, mais toujours dans le contexte de la conservation des ressources dont dépend l’agriculture et de la protection de l’environnement contre tout effet néfaste associé à l’intensification de l’agriculture. La mise au point de technologies peu coûteuses est également essentielle pour augmenter les revenus et l’emploi des ruraux pauvres.

6.4 Dans ce cadre, les augmentations de la production vivrière doivent se faire en maintenant au plus bas les prix des denrées alimentaires, compte tenu de l’incidence du paupérisme dans les villes et du fort pourcentage de ruraux pauvres qui tirent leurs revenus de sources non agricoles et qui dépensent une grande part de leurs revenus pour se nourrir. Cela ne peut se faire qu’à travers des améliorations technologiques entraînant une baisse des coûts et respectant l’environnement. Sans un effort supplémentaire de recherche pour améliorer l’efficacité des ressources en terre et en eau, la productivité des principales cultures vivrières est vouée à une baisse probable, tandis que les prix sont destinés à monter, au détriment des segments les plus pauvres de la population.

6.5 Plusieurs faits nouveaux offrent d’importantes perspectives de transformation au plan de la technologie et des orientations politiques qui permettraient d’agir sensiblement sur la pauvreté rurale et urbaine et sur la sécurité alimentaire. En particulier:

6.7 Les enjeux de la recherche agricole qui déterminent l’ensemble du programme mondial de la recherche peuvent se résumer à trois questions:

6.8 L’aptitude de la recherche agricole pour répondre à ces questions dépendra des choix d’investissement et des stratégies de la recherche opérés par les gouvernements et les institutions dans les pays développés et en développement, qui dictent le programme d’action de la recherche agricole. Ce programme doit inclure en particulier des perspectives sociales et culturelles associées avec l’agriculture et la sécurité alimentaire dans les pays en développement. En particulier, la recherche socioéconomique est importante pour comprendre le comportement des ménages et les facteurs qui l’influencent.

6.9 Par le passé, l’impact de la recherche s’est principalement fait sentir à travers les améliorations variétales. A l’avenir, ces dernières devront continuer d’insister sur le potentiel de productivité et la résistance au stress abiotique. Les nouvelles biotechnologies laissent espérer l’accélération et l’amélioration des techniques traditionnelles de sélection. D’autres domaines, qui apparaissent comme particulièrement importants dans le cadre de ce programme, comprennent l’aménagement des cultures et des ressources naturelles pour améliorer l’efficacité d’utilisation des intrants, protéger les ressources naturelles et développer des systèmes de protection plus durables. La recherche en matière de politiques doit être poursuivie aussi bien à l’échelon national qu’international, afin d’identifier les programmes de recherche, d’établir les priorités et d’éduquer les décideurs à l’importance de la recherche agricole dans la résolution des problèmes de la sécurité alimentaire et de la pauvreté à l’échelle nationale.

Biotechnologie

6.10 Les progrès récents de la biologie ont des retombées importantes pour le programme de la recherche agricole. La biotechnologie, en particulier le génie génétique appliqué aux plantes et aux animaux pour obtenir des effets précis, détient un vaste potentiel pour répondre aux défis liés à l’accroissement de productivité et à la conservation des ressources naturelles. Les végétaux et les animaux qui utilisent l’eau avec le plus d’efficacité, qui poussent dans des conditions particulièrement hostiles, qui résistent aux ravageurs et aux maladies et qui utilisent moins d’intrants pourraient grandement contribuer à la durabilité des systèmes de production agricoles et sont représentatifs de ce que la biotechnologie peut permettre de créer. L’obtention d’agents de lutte biologique est un autre exemple d’une méthode largement applicable pour résoudre les problèmes de l’agriculture. Cependant, le programme de la recherche doit aussi prévoir l’étude de certaines préoccupations suscitées par la biotechnologie. Les risques biologiques associés aux organismes manipulés est une question qui doit susciter la prudence et qui exige une analyse scientifique adéquate de tous les risques posés par ces organismes. Les droits de propriété intellectuelle ainsi que les droits d’accès aux ressources génétiques et les droits de propriété de celles-ci sont encore des problèmes qui appellent la réflexion. Ils soulèvent de délicates questions politiques, rendues plus complexes par l’émergence de nombreux acteurs privés et qui doivent être résolues pour optimiser les bénéfices potentiels de la biotechnologie dans la recherche agricole.

Aménagement des ressources naturelles

6.11 L’impact économique de l’accroissement de productivité agricole sur l’environnement doit maintenant être étudié en intensifiant la recherche sur l’aménagement des ressources naturelles – le sol, l’eau, les plantes et les animaux – utilisées en agriculture. De bonnes pratiques d’aménagement du sol et de l’eau sont déterminantes pour une production alimentaire durable. Pour que la productivité de l’agriculture irriguée augmente, des stratégies d’aménagement plus rationnelles de l’eau et du sol seront nécessaires. L’augmentation des ressources en eau par la constitution de réservoirs ou de l’adduction n’a pas beaucoup d’avenir. Avec l’augmentation de la demande hydrique urbaine et industrielle4, l’importance de l’utilisation optimale de l’eau en agriculture sera primordiale de même que la nécessité de réduire tout risque de contamination des sources d’approvisionnement par des activités agricoles proches ou éloignées. Par le biais de la recherche, il faudra améliorer l’irrigation et mettre au point des techniques pour protéger et conserver le sol et l’eau. En bref, des techniques et des stratégies efficaces d’aménagement doivent être élaborées pour mieux rentabiliser les ressources utilisées.

6.12 Les ressources biologiques constituent, elles aussi, un vaste champ de recherche. Les variétés végétales à haut rendement et les races animales obtenues par sélection ont joué un rôle majeur dans les gains de productivité passés et continueront de même. Cependant, la diversité biologique, qui est à l’origine des caractères variables utilisés pour la mise au point de nouvelles variétés et races, décline à un rythme alarmant. Cette diminution menace la disponibilité de matériel génétique, nécessaire pour résoudre les problèmes futurs de productivité, d’environnement, de résistance aux ravageurs et aux maladies. La plus grande partie de cette diversité se trouve dans les champs et les pâturages appartenant aux agriculteurs, sous forme de races de pays et d’obtentions autochtones. La recherche doit prévoir d’étudier les problèmes de technologie appropriée pour la conservation, l’entretien et l’utilisation de ces ressources ainsi que celles des espèces sauvages apparentées à des espèces domestiques. Cependant, le programme doit aller bien plus loin et examiner une gamme plus étendue d’interactions, à la fois positives et négatives, entre la diversité biologique et les pratiques agricoles. Cela inclut la technologie permettant de répondre aux besoins accrus en aliments sans faire déborder l’agriculture dans les zones riches en diversité biologique; l’aménagement durable des terres domaniales telles que les parcours et les forêts; le développement de systèmes agricoles qui conservent la diversité au sein du système lui-même; et l’élaboration de stratégies de conservation et de systèmes de connaissances fondés sur une bonne compréhension des besoins des ménages puisque leur sort est lié à l’écosystème, et sur les connaissances de la population autochtone en ce qui concerne les ressources locales.

Analyse en matière de politiques

6.13 Une recherche en matière de politiques est nécessaire dans la plupart des pays en développement. Les décisions politiques sont trop souvent inspirées de documents qui n’éclairent suffisamment ni sur les particularités de la situation locale ni sur les retombées des décisions envisagées. En outre, pour être durables, les décisions relatives aux politiques doivent être comprises, acceptées et soutenues par la société. Cela ne peut se produire sans un débat approfondi. La recherche en matière de politiques est appelée à jouer un rôle crucial pour stimuler un débat s’appuyant sur des informations exactes.

6.14 Les résultats de la recherche en matière de politiques devraient faire comprendre au public et aux décideurs les conséquences de politiques de prix inadaptées qui encouragent une utilisation irrationnelle des intrants (par exemple, lors de l’utilisation de l’eau d’irrigation et des engrais à cause de subventions) et qui installent des systèmes d’exploitation non durables (par exemple la monoculture à cause des prix de soutien élevés). La recherche en matière de politiques agricoles devrait s’occuper des conflits, réels ou perçus comme tels, entre les intérêts de l’agriculture et la défense de l’environnement. En parallèle, une analyse de la demande pour expliquer les conséquences de la hausse des prix sur les consommateurs pauvres des villes et des zones rurales aiderait à rallier le public à la cause de la recherche agricole.

6.15 Etant donné que les pratiques observées sont le résultat cumulé de nombreuses décisions prises par un grand nombre de ménages ruraux, la recherche sur les politiques doit incorporer une bonne compréhension des décisions prises à l’échelle des ménages, ce qui nécessite la collecte de longues séries de données. En outre, la recherche sur l’analyse des politiques, menée dans un cadre international, permettra aux décideurs des pays en développement de comparer les effets de différentes politiques. Les centres internationaux de recherche sont bien placés pour faciliter une collaboration entre les pays dans ce domaine de recherche.

Recherche socioéconomique

6.16 Une recherche socioéconomique extensive est nécessaire pour comprendre l’interaction et l’interdépendance des ménages et des ressources naturelles. La pression démographique et l’absence d’une technologie agricole appropriée sont les principaux facteurs qui font que les pauvres sont moins en mesure de subvenir à leurs propres besoins à partir des ressources disponibles dans l’environnement.

Cont.

Notes

1 Voir le document du SMA no 6, Les leçons de la révolution verte – vers une nouvelle révolution verte.

2 Le terme «terre» recouvre toutes les ressources naturelles se trouvant sur la surface terrestre: sol, couche de terre superficielle, eau, climat et météorologie.

3 Voir le document du SMA no 4, Besoins alimentaires et croissance démographique.

4 Voir le document du SMA no 7, Production vivrière: le rôle déterminant de l’eau.