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ETAPE 1 - MOBILISATION DE L'APPUI


CHAPITRE 2 - PREPARATION ET ADOPTION D'UNE POLITIQUE DE TRANSFERT

CHAPITRE 2 - PREPARATION ET ADOPTION D'UNE POLITIQUE DE TRANSFERT


Quels sont les défauts qui caractérisent la gestion de l'irrigation ?
Choisir entre le renforcement et la reforme de la gestion
Le transfert de la gestion de l'irrigation est-il réalisable ?
Résultats de l'étape 1: la définition de la politique de transfert

RÉSUMÉ

Avant d'adopter une politique de transfert, les planificateurs devront déterminer si elle est suffisamment justifiée et étayée. Ils pourraient devoir répondre aux questions suivantes: 1) quels sont les principaux défauts de performance de l'agriculture irriguée ? 2) Quelle est l'importance de ces défauts) 3) Est-il nécessaire de recourir au TGI pour corriger les faiblesses actuelles de la gestion ? 4) La mise en oeuvre du TGI est-elle réalisable ? 5) L'engagement des pouvoirs politiques vis-à-vis du TGI est-il suffisamment fort ?

Si les planificateurs estiment qu'il est important de corriger les défauts de performance observés, la question qui se pose devient la suivante: "Quelles sont les mesures à prendre pour les corriger ?" Deux options fondamentales se présentent: le renforcement de la gestion ou la réforme de base. La plupart des gouvernements qui adoptent une politique de transfert de la gestion de l'irrigation ont déjà mis à l'essai divers mécanismes d'amélioration mais ont dû se rendre à l'évidence que le fossé de ne fait que se creuser.

Le résultat de la présente analyse et les principaux résultats de l'étape 1 sont une définition de la politique qui contient les objectifs du gouvernement concernant le TGI et certains de ses aspects saillants. Les principales étapes de sa préparation et les éléments à prendre en compte sont décrits dans le texte.


Avant d'adopter une politique de transfert, les planificateurs devront déterminer si elle bénéficie d'une justification et d'un appui suffisants. L'appui pourrait être déterminé par la faible performance du sous-secteur de l'irrigation, qu'il s'agisse de son opération et de son entretien, du financement de l'irrigation aux niveaux du périmètre ou du secteur, de la productivité agricole ou de la durabilité au plan de l'environnement. Par ailleurs, l'appui au transfert pourrait s'inscrire dans le cadre des changements plus généraux visant la libéralisation de la politique économique, comme dans le cas du Mexique, de l'Europe de l'est et de l'Asie centrale.

Normalement, la politique sectorielle identifie les niveaux escomptés de performance de l'agriculture irriguée. S'ils disposent de données suffisantes, les planificateurs et les consultants peuvent analyser les écarts existant entre les niveaux effectifs et les niveaux attendus. On peut entreprendre un examen du secteur, et organiser des séminaires, des ateliers, un suivi et de rapides tournées de terrain pour évaluer l'ampleur des défauts qui caractérisent la performance de l'agriculture irriguée. Un de ces défauts est l'écart qui existe entre le niveau effectif et le niveau escompté de la performance ou entre la performance réelle et celle potentielle.

Quels sont les défauts qui caractérisent la gestion de l'irrigation ?

Un périmètre d'irrigation est l'aboutissement de l'application d'une technique d'exhaure de l'eau hors de son milieu naturel, et de sa livraison et de son application au sol et aux cultures en vue d'une production agricole et de l'élimination de l'excès d'eau et de sels du sol.

Quatre types de défauts de performance peuvent se manifester dans les périmètres d'irrigation. Le premier est d'ordre technique. Il se produit lorsque l'infrastructure du périmètre est incompatible avec des normes données. La solution normale dans ce cas est de changer le modèle, la conception ou l'état de l'infrastructure.

Le deuxième type de défaut de performance consiste dans l'écart entre la façon dont les procédures de gestion devraient être appliquées et leur application effective. Ce défaut dépend de certains facteurs tels que la manière dont les exploitants ajustent les vannes, entretiennent les canaux et communiquent ces informations. On peut appeler cela un défaut de performance de la mise en oeuvre. Normalement ce type de problème appelle des changements au plan des procédures, de la supervision et de la formation.

Le troisième type de défaut est la différence entre les objectifs de la gestion et les résultats obtenus. Ces objectifs peuvent consister dans l'étendue de la zone irriguée au cours d'une campagne donnée, l'intensité de culture, l'efficacité de l'irrigation, le calendrier de la distribution de l'eau et le taux de recouvrement des redevances pour l'eau. On peut appeler cela un défaut au plan des résultats. Ces problèmes se résolvent généralement soit en modifiant les objectifs (notamment en les simplifiant) soit en renforçant la capacité de la gestion de les réaliser en accroissant, par exemple, les ressources disponibles ou en réformant les organisations. Pour paraphraser Peter Drucker, un spécialiste bien connu de la gestion, la question que susciterait une analyse des défauts au plan des résultats serait la suivante: "Sommes-nous certains d'agir correctement ?"

Le quatrième type de défaut de performance concerne l'impact de la gestion. Il s'agit de la différence entre les effets estimés de l'irrigation et le résultat effectif. Ce type de défaut de performance appelle des mesures visant à améliorer la rentabilité agricole et économique de l'agriculture irriguée et la productivité par unité d'eau, à réduire la pauvreté et à résoudre des problèmes environnementaux tels que l'engorgement et la salinité des sols. Si les procédures de gestion sont bien suivies et les objectifs sont réalisés mais que l'impact final n'est pas celui envisagé, on devra reconnaître que le problème ne réside pas dans l'organisation de la gestion, puisque cet impact transcende normalement son contrôle direct. Il réside plutôt dans le fait que les objectifs de l'organisation ne produisent pas l'impact désiré. C'est donc un problème qui relève davantage de la politique que de la gestion, La question que soulèverait une analyse des défauts de performance (pour paraphraser à nouveau Drucker) serait "Faisons-nous ce qu'il convient de faire ?"

Au début d'un processus de réforme, les planificateurs pourraient devoir répondre aux trois questions suivantes:

· Quelles sont les principaux défauts de performance ?
· Quelle est l'ampleur de ces défauts ?
· Dans quelle mesure est-il important de les corriger ?
Normalement, une analyse de la performance évaluera combien les mesures nécessaires pour corriger ces défauts devront être modestes ou draconiennes. De nombreux pays ne disposent pas des données permettant l'analyse quantitative des défauts de performance. Dans de tels cas, pour évaluer qualitativement ces défauts, les analystes des politiques pourraient devoir se contenter des informations fournies par les diagnostics ruraux et les rencontres avec les agriculteurs et le personnel du service de l'irrigation. Néanmoins, ces évaluations devraient permettre de prendre conscience de l'ampleur des changements qui s'imposent.

La concurrence pour l'eau et les problèmes environnementaux au niveau du bassin fluvial ou de la nappe phréatique s'accroissent rapidement et tendront à l'avenir à restreindre considérablement la performance. C'est pourquoi l'analyse de la performance de l'irrigation devrait se réaliser dans le cadre d'une gestion intégrée des ressources en eau au niveau du bassin fluvial.

Choisir entre le renforcement et la reforme de la gestion

Si les planificateurs décident qu'il est important de corriger les défauts de performance observés, la deuxième question qu'il faut se poser est: "Quelles sont les mesures aptes à les corriger ?" Deux solutions de base se présentent: le renforcement ou la réforme.

Si les défauts de performance sont de faible envergure mais que ceux relatifs aux procédures ou aux résultats sont marqués, une stratégie de renforcement pourrait être suffisante. Une telle stratégie vise à améliorer les procédures ou la capacité de mise en oeuvre sans changer le cadre organisationnel ou technique existant. Parmi les exemples de stratégies de renforcement on peut citer la formation, l'amélioration des procédures d'opération et d'entretien et la réparation de l'infrastructure.

Si les défauts au niveau de l'impact, des résultats et des procédures sont particulièrement graves, une réforme radicale sera sans doute nécessaire. Un stratégie de réforme modifie les rôles et la structure organisationnels fondamentaux. Le signe le plus évident du besoin d'une réforme radicale apparaît quand, malgré les efforts d'amélioration, l'écart entre les résultats et les effets voulus continue à se creuser profondément. Tel a normalement été le cas pour les gouvernements qui adoptent la politique de transfert de la gestion de l'irrigation. Dans la plupart des cas, ils ont expérimenté une série de mécanismes d'amélioration, comme la formation, la remise en état ou l'entretien spécial des infrastructures, ou encore la mise en oeuvre de systèmes modernes de maîtrise de l'eau, mais la performance continue à donner des preuves de défaillance.

S'il est déterminé que les défauts peuvent être surmontés par des réformes entreprises au sein des organisations existantes, il pourrait suffire d'introduire des changements à l'intérieur de l'organisation, tels que la décentralisation ou des budgets calculés en fonction des besoins. S'il est démontré que la réforme de l'organisation est insuffisante, il faudra sans doute restructurer les rôles et les relations entre les organisations du secteur de l'eau. Les organismes d'irrigation publics souffrent de graves déficits financiers, sont réputés pour la médiocrité de leur gestion et n'assument guère de responsabilité à l'égard des agriculteurs. Par ailleurs, l'agriculture dans les pays en développement s'est commercialisée de façon croissante et est de plus en plus orientée vers le marché. Ces facteurs ont incité les planificateurs à considérer le transfert de la gestion comme un moyen de corriger les défauts de performance au niveau du financement et de l'opération et de l'entretien.

Dans les zones où s'exerce une forte concurrence pour l'eau et où une gestion plus intégrée des ressources en eau est requise au niveau du bassin, il pourrait convenir pour les planificateurs d'incorporer le TGI dans un processus de réforme élargi pour améliorer la capacité de gestion à ce niveau. Dans cette situation, le TGI devra probablement prévoir des réformes liées à l'interaction du système d'irrigation avec l'environnement extérieur, et notamment avec la gestion de l'eau au niveau du bassin.

La première question est de savoir quel type de changement est nécessaire. La deuxième, quel type est réalisable. La figure 1 résume (de manière un peu schématique) les éléments fondamentaux du processus de prise de décisions qui passe logiquement: 1) d'une évaluation des défauts de performance à 2) la décision d'apporter de modestes améliorations ou d'adopter une réforme fondamentale, à 3) la possibilité de réalisation d'une telle réforme (comme un transfert de la gestion). Les décisions à prendre au niveau de la politique relativement à ces questions dépendront d'une combinaison de facteurs financiers, politiques et techniques.

Figure 1 - Diagramme du processus de prise de décisions préalable à la planification

Le transfert de la gestion de l'irrigation est-il réalisable ?

Le TGI est un domaine potentiellement névralgique qui pourrait déterminer un certain niveau d'opposition chez des groupes influents tels que les agences d'exécution et les politiciens (qui souvent lancent des campagnes annonçant la réduction des redevances pour l'eau). Il pourrait donc être nécessaire que la décision soit prise aux plus hauts niveaux du gouvernement. Il faudra dès lors exercer des pressions continues à ces niveaux pendant tout le processus de formulation et de mise en oeuvre des politiques. Si l'appui vient à manquer, on devra peut-être reconnaître que le pays n'est pas prêt à adopter une politique de TGI - même si elle est nécessaire et techniquement réalisable. Dans ce cas, des exercices pilotes de transfert pourraient être entrepris afin d'évaluer ses possibilités de mise en oeuvre et susciter ainsi un soutien plus généralisé.

Parfois, ce qui est réalisable politiquement (le renforcement, par exemple) l'emporte sur ce qui est réellement nécessaire (la réforme, par exemple) en raison de la résistance politique d'intérêts constitués. Quelquefois, sous l'effet des pressions exercées par les bailleurs de fonds, les organisations d'assistance technique et des groupes d'intérêts internes, les programmes de transfert de la gestion sont mis en oeuvre dans des milieux qui ne sont pas encore mûrs pour les adopter, comme ceux où sévissent une grave pauvreté ou des conflits sociaux.

Après que les planificateurs auront déterminé que le transfert de la gestion est nécessaire et politiquement réalisable, ils devront évaluer si elle représente une solution pratique. La présence des facteurs mentionnés ci-dessous sont probablement nécessaires pour assurer sa réalisation:

· capacité d'établir ou de modifier des organisations locales pour qu'elles prennent en charge la gestion;

· libéralisation et ouverture sur l'extérieur de l'économique politique;

· législation et services de soutien en faveur des fournisseurs locaux du service de l'eau;

· droits d'usage de l'eau clairement énoncés (notamment pour des environnements soumis à une forte concurrence et où l'eau est rare);

· absence d'une forte opposition au TGI manifestée par les administrations et les élites locales;

· une agriculture irriguée ayant des coûts modestes et une haute rentabilité;

· une infrastructure d'irrigation adaptée à une gestion appliquée par des organisations d'agriculteurs ou d'autres fournisseurs de services non gouvernementaux.

Les planificateurs doivent déterminer si la situation sociale et institutionnelle existante se prête à l'établissement d'organisations locales viables en mesure de fournir les services de l'eau. Ensuite, ils devront déterminer la portée et la force de la résistance locale éventuelle au TGI. Cet aspect devrait être évalué par rapport au niveau d'engagement politique des décideurs vis-à-vis du TGI. Ces derniers pourraient lancer une campagne visant à mobiliser l'appui nécessaire ou entreprendre des exercices pilotes pour déterminer la possibilité de réaliser le transfert au niveau du terrain. Les diagnostics ruraux rapides, les séances de brainstorming et les débats avec les représentants des parties intéressées feront partie intégrante de l'évaluation du bien-fondé de la politique de TGI.

En bref, pour décider si un pays devrait ou non adopter une politique de transfert de la gestion de l'irrigation il faudra répondre affirmativement aux questions suivantes:

· Le TGI est-il nécessaire pour corriger les défauts de performance actuels de la gestion ?
· La mise en oeuvre du TGI est-elle réalisable ?
· Existe-t-il un engagement politique suffisamment fort en faveur du TGI ?

Résultats de l'étape 1: la définition de la politique de transfert

Le résultat principal de l'étape 1 est la définition de la politique de TGI. Les mesures suivantes pourront être nécessaires pour la préparer:

· analyse des défauts de performance, des changements nécessaires et de la possibilité de mettre en oeuvre le TGI;

· identification de nouveaux objectifs et leur justification;

· analyse des modes et de la capacité de participation des parties intéressées;

· identification des services et des fonctions à transférer;

· identification des changements à apporter aux organismes publics, aux politiques et à la législation;

· réunion de ces composantes en une définition de la politique du TGI.

Une telle définition devrait normalement comprendre les éléments suivants:
· objectifs et justification de la politique de TGI;

· existence d'une politique et d'une base juridique pour le TGI proposé;

· brève description des types de périmètres ou de secteurs d'irrigation qui seront transférés;

· brève description des fonctions de la gestion qui devront être transférées;

· brève description des nouvelles entités qui prendront en charge la gestion;

· brève description des modifications à apporter aux organismes publics pour réaliser le TGI;

· identification de l'organisation qui dirigera la mise en oeuvre;

· aperçu du calendrier et du mode de financement proposés.

Chacun des points susmentionnés ne devra fournir qu'un bref résumé de ce que le gouvernement entend réaliser à l'avenir. Les détails feront partie des étapes de la planification et de la mise en oeuvre du programme qui suivront.


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