Page précédente Table des matières Page suivante


3. DEFINITIONS ET CONCEPTS


3.1. Définitions de base
3.2. Unité d’observation
3.3. Informations à recueillir pour tout type d’exploitation
3.4. Informations à recueillir en fonction du type d’exploitation


Ce chapitre présente les concepts (ou rubriques) dont la considération est nécessaire pour élaborer des statistiques permettant d’appréhender le fonctionnement des exploitations agricoles et les facteurs corrélatifs à la pauvreté, la sécurité alimentaire et la durabilité du développement. Un accent particulier est mis sur les aspects qui requièrent une certaine vigilance pour éviter de sous-estimer la participation des femmes à la production agricole.

La Division de la statistique de la FAO a produit un grand nombre de documents sur les recensements et les enquêtes agricoles. Parmi ceux-ci, deux publications de la “Collection FAO: Développement statistique” sont à signaler: le numéro 5, “Programme du recensement mondial de l’agriculture 2000” (FAO, 1995), et le numéro 6, “La réalisation des recensements et des enquêtes agricoles” (FAO, 1996). Toute personne engagée dans le développement de statistiques agricoles devra obligatoirement les consulter de façon permanente. Quant au présent chapitre, il est basé sur ces deux documents et ne peut en aucun cas les remplacer.

Les propositions présentées se fondent aussi sur d’autres publications de la FAO ainsi que sur des recherches sur le secteur agricole, et plus particulièrement celles orientées sur les femmes rurales. Elles traitent, d’une part, les champs à explorer pour éviter les distorsions relatives à la participation des femmes, couramment commises lors de la collecte des données et, d’autre part, la façon de mettre en évidence les différences entre les rôles des hommes et des femmes. En méconnaissant ces aspects, le risque de concevoir des politiques agricoles et des actions de développement peu respectueuses des disparités de genre est indubitable.

Pour aborder la question de la saisie statistique, particulièrement dans une optique ouverte sur la problématique de genre, il est impératif de garder présent à l’esprit que le secteur agricole est hétérogène. Les actifs agricoles (hommes et femmes) se retrouvent tout autant dans l’agriculture de subsistance26 que dans l’agriculture à grande échelle. Deux unités d’observation sont donc requises: les ménages et les établissements.

26 La Classification internationale de la situation dans l’emploi (CISE-93) définit les travailleurs de subistance comme étant des travailleurs s’auto-employant et qui, dans ces conditions, produisent les biens et services qu’ils auto-consomment au sein du ménage et qui représentent une base économique fondamentale pour vivre.

3.1. Définitions de base


3.1.1. L’exploitation
3.1.2. L’exploitant
3.1.3. La notion d’exploitant vue dans une perspective de genre


Les concepts (ou rubriques) “exploitation” et “exploitant” doivent être traités en premier, étant donné qu’ils sont à la base des recensements agricoles.

3.1.1. L’exploitation

Dans les statistiques agricoles, l’unité d’analyse (ou unité statistique de recensement) est l’exploitation destinée à la production agricole, animale ou forestière.

Une exploitation agricole27 est une unité économique de production agricole soumise à une direction unique et comprenant tous les animaux qui s’y trouvent et toute la terre utilisée, entièrement ou en partie, pour la production agricole, indépendamment du titre de possession, du mode juridique ou de la taille. La direction unique peut être exercée par un particulier, par un ménage, conjointement par deux ou plusieurs particuliers ou ménages, par un clan ou une tribu ou par une personne morale telle que société, entreprise collective, coopérative ou organisme d’état. L’exploitation peut contenir un ou plusieurs blocs, situés dans une ou plusieurs régions distinctes ou dans une ou plusieurs régions territoriales ou administratives, à condition qu’ils partagent les mêmes moyens de production tels que main-d’œuvre, bâtiments agricoles, machines ou animaux de trait utilisés sur l’exploitation.”

27 cf. Programme du recensement mondial de l’agriculture 2000, Collection FAO: Développement statistique numéro 5, FAO, Rome, 1995, page 28.

Pour identifier les exploitations, des caractéristiques additionnelles sont à examiner. Elles sont d’importance pour mesurer le travail des femmes28:

28 Op. Cit., pages 28 et 29.

1. Il arrive que des exploitants ne possèdent pratiquement aucune terre, par exemple les établissements d’accouvage ou les exploitations d’élevage pour lesquels la terre n’est pas un facteur de production indispensable.

2. Il peut arriver que les exploitations soient exploitées par des personnes n’ayant aucun droit à l’utilisation agricole de la terre à l’exception des produits des arbres qui y poussent (arboriculture).

3. Diverses unités économiques de production agricole, qui relèvent du même propriétaire ou d’une même direction générale, peuvent être considérées comme des exploitations distinctes si elles sont exploitées par des personnes différentes.

4. Un ménage donné peut avoir plus d’une exploitation.

5. Certaines exploitations sont parfois dirigées conjointement par deux personnes ou plus.

Deux éléments fondamentaux émergent: les exploitations sans terre et les différentes unités productives. Le premier est capital pour les statistiques sensibles au genre. La FAO a souligné, à diverses reprises, l’exigence de disposer de davantage d’informations, de statistiques et d’indicateurs pertinents sur les populations rurales sans terre. La Consultation inter-institutions sur les statistiques et bases de données relatives aux spécificités de chaque sexe dans le développement agricole et rural, qui s’est tenue à la FAO en 199129, en a fait l’objet de ses recommandations.

29 FAO, Rapport sur la consultation entre organismes sur les statistiques et les bases de données ventilées par sexe en agriculture et dans le développement rural, Rome, 24-26 septembre 1991, FAO, Rome, 1992.

Auparavant, dans les recensements agricoles, les exploitations sans terre se référaient seulement aux établissements à haute rentabilité. Le facteur terre n’était pas indispensable étant donné la nature de la spéculation. Cependant, le manque de terre ou sa rareté peuvent caractériser d’autres situations qui demandent un examen attentif. Le cas le plus courant est celui des paysans les plus pauvres pour qui, justement, l’absence de terre est à l’origine de leur pauvreté. Une autre situation, qui s’amplifiera éventuellement dans les années à venir, est celle des fermes orientées sur de nouvelles technologies à haut rendement et peu consommatrices de terres: hydroponie, pépinières pour certaines espèces comme les champignons, etc. Pour le recueil des données sur l’étendue des terres, l’option d’inclure toutes les unités, même celles sans terre, doit être considérée afin de construire des typologies basées sur une variable unique: la superficie des terres, ou sur multiples variables: superficie des terres croisée avec les revenus obtenus ou le travail investi.

Dans toutes les régions en développement, le nombre de femmes travaillant sur des exploitations sans terre ou avec peu de terre est considérable. Le fonctionnement de ces unités se base sur l’élevage, les activités agricoles, l’horticulture, le potager associé à la basse-cour. Leur localisation en milieu urbain est possible30.

30 Il faut se rappeler que le concept de l’urbanité d’une zone n’a pas fait l’objet de consensus au niveau des recommandations internationales. Ce qui est urbain dans certains contextes peut être considéré rural dans d’autres.

Le deuxième élément: “les différentes unités productives” est fondamental pour le dénombrement des femmes exploitantes. Un ménage peut compter plus d’une exploitation. Le principe de base des recensements, qui fixe l’exploitation comme unité de recensement, doit être respecté. Aussi, toutes les exploitations et les informations y afférentes doivent être enregistrées, indépendamment du fait que les titulaires (exploitants) appartiennent au même ménage.

Il est crucial de ne pas omettre lors du recensement, celui, celle ou ceux qui prennent les décisions et de veiller particulièrement à ne pas gommer les femmes de leur rôle productif actif. Un exemple type de cette situation est celui des femmes qui travaillent à temps partiel, ou de façon saisonnière, sur l’exploitation de leur époux tout en gérant leur propre exploitation. Ces femmes doivent être considérées comme “travailleuses familiales non rémunérées” en ce qui concerne leur activité secondaire et comme “titulaires (exploitantes)” pour ce qui est de leur activité principale; leur exploitation ne doit pas être confondue avec celle de leur époux comme c’est fréquemment le cas.

Une unité de production agricole gérée par une femme, même si elle est placée sous la direction générale d’un homme, sera enregistrée comme une exploitation séparée; c’est la femme qui sera recensée comme exploitante et son exploitation sera dénombrée. Cependant, la superposition activités productives et activités domestiques rend la distinction complexe. En effet, même si les activités sont conduites par différentes personnes, une fois remises dans leur ensemble elles constituent une unité économique. Dans ce cas, l’option est de considérer “une unité avec plusieurs titulaires (exploitants)”.

S’il réside une difficulté pour différencier les exploitations, l’enregistrement des activités spécifiques facilitera, a posteriori, l’identification de tous les responsables de “l’exploitation individuelle ou partagée”.

Le nombre d’exploitations est inférieur ou égal au nombre d’exploitants puisque la gestion peut être individuelle ou partagée. Le recensement de tous les exploitants (hommes et femmes) d’une unité est capital sachant que, généralement, s’il y a omission d’une personne, ce sera en défaveur des femmes.

L’agriculture à grande échelle (type entreprise) peut compter des exploitants possédant plus d’une exploitation. L’agriculture à petite échelle orientée sur une diversité d’activités et articulée sur le partage des ressources conduit à ne considérer qu’une seule exploitation. La règle de base’ est de constamment se rappeler que pour les recensements agricoles l’unité d’analyse est l’exploitation. Aussi, si l’individu est propriétaire de plus d’une exploitation, ceci n’est pas enregistré, alors que si l’exploitation est tenue par plus d’un exploitant, cela est noté. Toutes les combinaisons possibles pour conduire l’identification des exploitations (un ménage, deux ou plus de ménages, etc.) sont présentées plus avant dans le document.

3.1.2. L’exploitant

Le document numéro 5 de la FAO, cité précédemment, donne la définition suivante: “L’exploitant est la personne physique ou morale responsable de la marche de l’exploitation agricole et des grandes décisions concernant l’utilisation des ressources. Il a également la responsabilité technique et financière de l’exploitation. Il peut assurer la marche de l’exploitation directement ou confier la responsabilité du travail courant de la gestion à un régisseur salarié” (page 29).

Dans ce même document, il est présenté plusieurs options possibles pour caractériser l’exploitant. La première classification est: 1) le privé et 2) le gouvernement. Dans la catégorie “privé”, les choix suivants sont avancés: a) individu; b) ménage; c) deux individus ou plus appartenant à des ménages différents ou deux ménages ou plus; d) société; e) coopérative; f) autres (choix ouvert pour toute forme d’organisation particulière qui pourrait exister dans la région étudiée). Pour le secteur public, aucune spécification particulière n’est proposée.

Plus loin, toujours dans ce même document, il est indiqué que “lorsque deux membres ou plus d’un même ménage administrent conjointement la même exploitation, on considère que l’exploitant est le ménage31 (page 31, paragraphe 5.17)”.

31 NDLT: dans la version espagnole du document 5 de la FAO “Programma del Censo agropecuario mundial 2000”, il est indiqué au point 5.17 qu’il sera considéré comme exploitant le chef de ménage, et non le ménage comme indiqué dans la version française “En los casos en que dos o más miembros del mismo hogar exploten conjuntamente la misma finca, se considera que el productor es el jefe del hogar”. Toutefois, pour ce document, la référence à la définition en espagnole sera gardée. En effet, sans préjuger des pratiques actuelles et futures, il apparaît, lors de discussions et de travaux avec des spécialistes statistiques, que les habitudes portent le plus souvent à considérer le chef de ménage plutôt que le ménage.

3.1.3. La notion d’exploitant vue dans une perspective de genre

Tout d’abord, dans une perspective de genre, l’appellation “exploitant”, couramment usitée, n’est pas très heureuse: inévitablement le terme s’applique à un seul individu et de sexe masculin. L’ambiguïté n’est pas pour autant balayée si la dénomination “exploitant ou exploitante” est employée. L’enregistrement d’une seule personne demeure même si la définition prévoit qu’une exploitation peut avoir plusieurs responsables. Dans l’hypothèse où une seule personne est considérée, il est plus que probable que l’omission sera en défaveur des femmes. La situation est tout aussi critique dans le cas ou deux membres ou plus du même ménage administrent conjointement la même exploitation. Même si la rubrique consent à l’enregistrement du ménage comme exploitant, le chef de ménage (homme de préférence) sera très certainement enregistré comme l’exploitant.

Ces impasses conduisent à des situations biaisées. Tout d’abord, l’hypothèse que plus d’une personne puisse prendre les décisions dans une même unité de production n’est pas envisagée. Plus grave encore, une personne non impliquée dans la production peut être enregistrée comme exploitant. En outre, le contexte culturel rural ne favorise pas l’élargissement de la définition d’exploitant. La tendance est de recenser comme chef de ménage un homme, généralement le plus âgé et qui est, dans bien cas, peu présent dans les décisions relatives à l’exploitation.

Par conséquent, l’urgence du choix d’une appellation reflétant le concept de responsabilité individuelle ou partagée de l’exploitation s’impose, au-delà du problème technique de recensement de toutes les personnes assumant cette responsabilité. La réponse sera d’évidence plus complexe que celle en cours, mais la difficulté n’est pas insurmontable. Elle devra viser l’élimination des biais actuels pour le dénombrement de toutes les personnes véritablement responsables et les mieux informées sur l’exploitation. Les actions pour une amélioration de la productivité pourront s’orienter vers ces personnes de façon spécifique32.

32 Au chapitre 2 du document, référence a été faite aux politiques agricoles qui ont échoué parce qu’elles avaient ignoré le rôle crucial des femmes pour les activités dans ce secteur.

En résumé, la question centrale à se poser est: quelle(s) est (sont) la personne (les personnes) qui prend (prennent) les décisions techniques et économiques pour l’exploitation? L’appellation pour désigner cette personne (ces personnes) devrait permettre de comprendre immédiatement que les décisions fondamentales de l’exploitation (que semer et quand? quels animaux élever? quand les vendre? pour quel investissement? etc.) sont de son (leur) ressort. On peut penser à la dénomination “TITULAIRE”. Ce vocable, plus neutre en matière de genre, présente cependant une limite. En effet, il véhicule une connotation juridique de titulaire du droit sur la terre, droit qui n’est pas forcément accordé à la personne responsable de l’exploitation. Des propositions sont émises au chapitre suivant pour recueillir les informations relatives à ces questions. D’ores et déjà, on peut dire que le procédé avancé vise à éviter une catégorisation automatique de la part de l’enquêteur et du répondant, et à recueillir les éléments permettant d’identifier les personnes chargées des décisions fondamentales de l’exploitation.

Il existe également d’autres cas où l’exploitant cède une partie des responsabilités et du travail courant à un (une) gérant(e) appointé(e); cependant, cette délégation ne couvre pas la responsabilité générale; c’est-à-dire, que gérant ou pas, il existera toujours une ou plusieurs personnes, physiques ou morales, assumant la responsabilité technique et économique.

La nature de certaines exploitations (entre autres les exploitations étatiques, les coopératives, les entreprises privées, etc.) suppose un gérant appointé. Pour les coopératives, les décisions économiques importantes sont prises en assemblée de coopérateurs et les décisions quotidiennes sont aux mains du gérant qui peut être soit un coopérateur soit une personne étrangère salariée sous contrat. Pour les entreprises privées, il peut ou non y avoir un gérant mais il y a toujours une ou plusieurs personnes qui prennent les décisions économiques et techniques de base et qui sont appelées “exploitant” ou “titulaire”.

Dans une exploitation il peut y avoir plus d’une personne “titulaire”; aussi le nombre d’exploitants est soit supérieur soit égal au nombre d’exploitations. Des informations de base (au minimum âge et sexe) doivent être recueillies sur ces “titulaires”. Pour les coopératives33, tous les membres devront être enregistrés; il en est de même pour toutes les personnes participant aux décisions dans les ménages. Les informations complémentaires (caractéristiques de l’emploi et socio-démographiques) à relever pour les membres des ménages des petites unités productives sont signalées plus loin. Pour les établissements en gérance, les caractéristiques du gérant doivent être notées, au moins l’âge, le sexe et le niveau d’instruction.

33 Dans les grandes coopératives, en général bien organisées, il existe souvent un registre où figurent tous les membres et leurs caractéristiques, tout au moins l’âge et le sexe. Pour les petites coopératives, l’enregistrement des membres n’est pas effectué automatiquement; toutefois, il est nécessaire de saisir les informations sur le sexe, l’âge, le niveau d’instruction.

La question centrale à résoudre est celle de l’enregistrement adéquat et juste du “titulaire ou exploitant” compris dans le sens de “qui prend les décisions importantes de l’exploitation”. Si une solution est trouvée, principalement en ce qui concerne les petites exploitations (les plus nombreuses), la plupart des problèmes relatifs au recueil d’une information ouverte aux questions de genre seront surmontés et les femmes ne seront pas omises. Il restera cependant à être attentif à la ventilation des informations par sexe lors des tabulations et de la définition des indicateurs. Les autres difficultés peuvent se résoudre par la spécification différenciée des activités des hommes et des femmes (ces aspects seront présentés ultérieurement).

3.2. Unité d’observation

Pour le recueil des données sur le terrain, il est nécessaire de définir des unités d’observation susceptibles de capter l’information sur les unités d’analyse, à savoir les exploitations. Ces unités d’observation seront arrêtées à partir des modes d’organisation des activités de production. Deux situations extrêmes existent: d’une part, les entreprises agricoles et, d’autre part, les unités de production agricole à petite échelle, étroitement liées à la vie quotidienne de l’unité domestique: le ménage. Les entreprises peuvent être localisées à partir des registres administratifs tels que la liste des producteurs ou le registre des bureaux de perception des impôts. Les petites unités peuvent être repérées seulement à travers les ménages.

L’intérêt accordé aux petites unités s’est récemment accru et s’est combiné au besoin de quantifier la contribution des femmes à la production agricole. Les recensements agricoles des décennies passées mettaient l’accent sur la production agricole commerciale. Comme les plus grands volumes de production sont concentrés dans les grands établissements, les petites unités, bien que n’étant pas écartées, n’ont pas fait l’objet d’une grande attention. Parfois, l’absence d’enregistrement a été délibérée puisque, dans les procédures de recensement, l’omission des unités dont la production était inférieure à un seuil fixé était recommandée. Ceci peut être justifiable dans les pays développés où ces unités sont en nombre réduit et dont la survie n’est pas liée à la seule production agricole. Par contre, dans les pays en développement, la subsistance d’un grand nombre de familles, vivant dans des conditions limites, dépend de ces petites unités. Les seuils minimaux d’enregistrement sont donc à exclure. A posteriori, à des fins spécifiques et pour des analyses particulières, des catégories peuvent être créées soit par volume de production ou niveau de productivité, soit en fonction de la superficie ou du nombre de travailleurs, etc. Toutefois, les procédures de recueil ne doivent pas éliminer préalablement les petites unités dont l’apport est indéniable pour la lutte contre la pauvreté.

Les petites unités ont toujours été capitales et à l’ère de la mondialisation, elles revêtent paradoxalement une nouvelle valeur particulière pour la sécurité alimentaire. Dans un contexte de domination politique économique néo-libérale, les alternatives non-agricoles pour subsister sont extrêmement limitées étant donné le rétrécissement des marchés de l’emploi en milieu urbain. L’augmentation de la productivité des petites unités agricoles peut aider à enrayer l’exode rural et éviter d’aggraver les problèmes urbains tout en améliorant les conditions de vie des populations rurales dont la précarité de vie incite à l’émigration.

Les marges de manœuvre des pays en développement sont limitées. Un des espaces à protéger pour améliorer le niveau nutritionnel des populations est celui du développement des potentialités de la production alimentaire et d’une plus haute productivité. Pour cela, il est requis de savoir comment agissent les producteurs (quoi, combien et comment produisent-ils) afin de promouvoir des changements positifs favorables aux personnes subsistant par les petites exploitations. Etroitement imbriquées au ménage, le travail y est essentiellement effectué par des femmes, des anciens et des enfants. Pourtant, lors des recensements, non seulement les petites unités de production sont insuffisamment explorées, et si dénombrement il y a, l’activité de production y est souvent confondue avec l’activité domestique.

3.3. Informations à recueillir pour tout type d’exploitation


3.3.1. L’identification
3.3.2. Les ressources productives
3.3.3. La production
3.3.4. La destination de la production


Pour toute exploitation, grande ou petite, les informations suivantes doivent être recueillies, sachant que le mode de recueil de l’information est identique pour chaque exploitation:

· les données d’identification;

· les ressources productives: terre, eau, technologie, machines, outils et équipement, bâtiments et autres structures, ressources financières, formation et participation aux organisations de producteurs;

· les productions (spéculations) agricoles et d’élevage;

· la destination de la production.


3.3.1. L’identification

Cette rubrique doit permettre la localisation de chaque exploitation. En cas d’association à un ménage, deux ou plus, ceux-ci doivent être identifiés sans équivoque afin d’établir ensuite des corrélations entre l’information des ménages et celle des exploitations.

Pour la rubrique “Identification”, il convient d’indiquer avec précision l’emplacement de l’exploitation. Un code unique sera attribué à chaque exploitation avec des chiffres additionnels pour ses composantes. Il sera arrêté en fonction des divisions politico-administratives. Un espace sera réservé pour un chiffre signalant si l’exploitation est ou non associée à un ménage. Par exemple:

· Le chiffre 1 sera réservé aux exploitations associées à au moins un ménage.

· Le chiffre 2 sera attribué aux entreprises agricoles.

· Le chiffre 3 sera utilisé pour les situations mixtes, c’est-à-dire pour les exploitations qui opèrent comme des entreprises mais dont l’organisation reste liée à la structure familiale des propriétaires.

Pour toutes ces unités, les spécificités seront notées ainsi que les caractéristiques du ménage. Après avoir enregistré les données sur l’exploitation, le folio correspondant au ménage sera rempli. Il faut signaler que les folios relatifs aux exploitations et aux ménages doivent être différents parce qu’il n’est pas évident qu’une relation univoque sera de mise. Les situations qui peuvent se présenter sont les suivantes:

1. un ménage avec la gestion de plus d’une exploitation agricole;

2. une seule exploitation gérée par deux personnes ou plus venant de ménages différents;

3. un ménage avec une seule exploitation gérée par des personnes d’un seul ménage;

4. une exploitation organisée comme une entreprise gérée par un régisseur salarié sans rapport avec aucun ménage.

Des exemples illustrant la façon d’identifier les folios sont donnés au chapitre 4. On y trouvera également une procédure pour éviter les biais sexistes liés à la reconnaissance des femmes comme responsables de la production. Faute d’une stratégie spécifique, la tendance est toujours d’attribuer le rôle de responsable de la production à l’homme.

3.3.2. Les ressources productives

Les ressources productives capitales sont: la terre, l’eau, la technologie, les machines, les installations et l’équipement, les finances, la formation, la participation aux organisations de producteurs. Certaines erreurs commises par les politiques faute d’avoir pris en compte la contribution des femmes à la production agricole ont déjà été évoquées au chapitre 2. Pour éviter de répéter ces impairs, les aspects à examiner pour obtenir un ensemble de données peignant la situation réelle seront traités.

FONCIER

Parmi les facteurs de production, la terre présente un caractère primordial. Une mesure précise et complète sur comment les hommes et les femmes partagent cette ressource est décisive pour la formulation des politiques. A ce sujet, dans la catégorie 5, intitulée “Terres et eaux”, le programme de recensement mondial de l’agriculture 200034 propose deux subdivisions: l’une relative à l’exploitation, l’autre aux blocs. Les rubriques recommandées pour les modes de faire-valoir de chaque bloc sont les suivantes (sachant qu’elles sont toutes importantes pour conduire une analyse de genre):

34 A plusieurs reprises il a été fait référence au document Programme du recensement mondial de l’agriculture 2000, collection FAO, développement statistique, Rome, 1995. Afin d’abréger, dorénavant on parlera dans le texte du programme du recensement ou simplement du programme.

· Enregistrement des unités sans terre: sans distinction du type de production agricole à laquelle elles sont destinées y compris celles qui se consacrent à la collecte des produits forestiers ou aux pâturages.

· Superficie exploitée en faire valoir direct ou sous un mode de faire-valoir analogue au faire-valoir direct, pour laquelle le titulaire possède un titre de propriété ou a le droit de décider comment et dans quelle mesure elle peut être utilisée ou a la possibilité d’agir comme s’il était le propriétaire (ceci ne comprend pas la superficie possédée mais cédée en bail à autrui).

· Superficie exploitée en vertu d’un bail: superficie sous bail ou louée pour développer une production agricole, normalement pour une période de temps limité. Le paiement peut être fait en espèces ou par la remise d’un pourcentage de la production (en moyenne 50%, dans ce cas l’exploitant partage les risques avec le propriétaire de la terre).

· Superficie exploitée par un occupant sans titre: superficie exploitée sans titre de propriété et pour l’usage de laquelle il n’acquitte pas de loyer bien qu’il en ait la jouissance intégrale.

· Superficie exploitée sous un régime traditionnel ou sous le régime tribal: terre exploitée en utilisation conjointe ou communautaire sous condition traditionnelle ou tribale ou dérivée d’une législation spécifique telle que la réforme agraire.

· Superficie exploitée sous d’autres modes de faire-valoir: par exemple, des terres exploitées sous un régime transitoire, terres faisant l’objet d’une dévolution successorale.

Outre, la superficie de terres possédées, il faut détailler la superficie utilisée (cultivée, semée et récoltée), la qualité de la terre (pluviale, irriguée, drainée), la superficie avec pâturage naturel et l’accès à des terres forestières.

EAUX, IRRIGATION ET DRAINAGE

L’eau, l’irrigation, le drainage sont des services essentiels à l’agriculture. Les hommes et les femmes ne les partagent pas de façon égalitaire et prendre acte de ces disparités est impérieux.

Le programme du recensement recommande le recueil de données concernant l’irrigation et le drainage au niveau du bloc. Il serait aussi nécessaire de considérer l’accès à l’eau pour les exploitations de jardinage sans terre. Il faut détailler les sources d’eau et les services d’irrigation et de drainage avec leurs coûts, ainsi que les différentes alternatives telles que les mares d’eau, les forages pour l’irrigation, les canaux d’irrigation et de drainage ainsi que d’autres installations pour l’irrigation et l’abreuvement des animaux.

Par ailleurs, il faut recueillir des données relatives à la distance et au temps nécessaire pour se rendre de l’exploitation à la source d’eau, en précisant qui est chargé de cette tâche. Outre la distance, entrent également en jeu l’orographie, le mode d’exhaure (pompe mécanique ou autre), l’organisation des tours d’eau, etc.

MATERIEL VEGETAL ET ANIMAL

Les recherches ont montré que les femmes n’accèdent pas de façon égalitaire aux différents facteurs de production. Aussi, savoir quelles sont les ressources accessibles par les hommes et par les femmes pour lutter contre les maladies animales et végétales est important. Elles ont un effet direct sur la productivité.

Comme pour l’irrigation et le drainage, il est intéressant, là où c’est possible, d’obtenir les informations par bloc en mettant en évidence qui contrôle et qui travaille. Non seulement ces données sont de valeur pour le secteur agricole, mais le secteur santé peut également les valoriser dans les recherches sur les effets des pesticides et des engrais sur la santé humaine.

Le programme du recensement recommande que les intrants utilisés pour les cultures, l’élevage et la production forestière soient tous relevés. Aussi:

· Dans le domaine agricole seront relevées pour chaque bloc les données relatives:

1. aux engrais: fumure organique et engrais chimiques;
2. aux pesticides: herbicides et insecticides;
3. aux semences: type de semences utilisées, semences à haut rendement ou autres;
4. aux arbres greffés;
5. aux cultures sous couvert de protection ou autres formes modernes de production;
6. aux productions en pépinières ou en serres.

· Dans le domaine de l’élevage, les informations recherchées auront trait aux vaccinations, compléments alimentaires, sels minéraux, déparasitage, traite mécanique, insémination artificielle.

· Dans le domaine forestier seront scrutées les questions de reboisement, contrôle des maladies, éclaircissement et sélection des arbres pour la coupe.


MACHINES, EQUIPEMENT, BATIMENTS, TRANSPORT

Le programme du recensement développe une section sur les machines et l’équipement qui donne les éléments à recueillir: type de machines, d’équipement, de bâtiments et matériel de transport. Les données sur les sources d’énergie utilisée par l’exploitation seront relevées: électricité, moteur, traction animale, etc. et, éventuellement, les sources d’énergie alternative comme le solaire. En fonction des situations, une liste pré-codifiée avec les items désirés peut être préparée pour relever ces informations. Les questions de genre seront présentes à l’esprit pour sa conception étant donné le rôle prépondérant joué par les femmes dans les activités de transformation post-récolte: égrenage, pilage, décorticage, séchage, etc. En effet, très souvent les données recueillies sur ces thèmes concernent essentiellement les activités masculines. Le matériel dont disposent les femmes pour les travaux post-récolte est souvent négligé.

La liste du document du programme de recensement est très explicite pour cerner le type d’outillage accessible aux hommes. Aussi, sont proposés ci-après quelques exemples d’items complémentaires à contrôler pour connaître le niveau d’équipement et autres de l’exploitation dans une perspective de genre:

· machines/équipement: décortiqueuse, moulin, foyer amélioré, égreneuse, séchoir, grenier, couveuse, sarcleuse, cultivateur, etc.

· bâtiments: poulailler, clapier, enclos pour l’embouche, grenier, étable, abri pour petits ruminants, etc.

· transport: brouette, charrette, camionnette, camion, pirogue, etc.

Le recueil de ces informations dans une perspective de genre demande que, non seulement la propriété du matériel soit spécifiée, mais également la capacité d’accès à ces équipements.

La faiblesse des revenus des petits producteurs s’explique aussi par le manque d’accès aux circuits de commercialisation et aux marchés. Les commerçants se rendent dans les villages et y achètent les produits à un coût moindre étant donné que les paysans ont des difficultés de déplacement: moyen de transport limité, enclavement des zones de cultures, absence de voies de communication terrienne ou fluviale, etc. Ces aspects seront également examinés.

RESSOURCES FINANCIERES

L’obtention de crédits conditionne l’acquisition des intrants qui influencent à leur tour le niveau de productivité. Les contraintes financières auxquelles se heurtent les femmes ainsi que les alternatives développées par des institutions de crédit pour y faire face ont été débattues précédemment. Aussi, pour le crédit, les éléments suivants seront fouillés:

1. conditions d’octroi du crédit: préalables exigés (titre de propriété ou autres), garanties demandées (assurance contre les risques de perte de récolte, achat anticipé de la récolte), modalités et échéances de remboursement;

2. sources du crédit: banques commerciales, banques agricoles ou de développement, institutions de prêts aux pauvres (spécialisées pour les femmes à faible revenu), prêteurs, coopératives, organisations non gouvernementales, compagnies d’assurance, sources informelles de prêts (parents, amis, tontines, groupes de solidarité, etc.).

Il existe aussi les subventions gouvernementales aux producteurs. Dans chaque pays, il est possible de poser des questions spécifiques à ce sujet. Le soutien financier est important mais l’assistance technique comptable, administrative et financière est également de grande valeur.

FORMATION

Les limites à la participation aux programmes de formation et de vulgarisation ont été évoquées précédemment, notamment celle sujette à la possession de terres. La nécessité d’inclure les femmes dans ces programmes a été soulignée. Il est donc indispensable de savoir: quelles sont les personnes bénéficiaires de la formation? de quelle formation? et qui en est écarté? Les réponses à ces questions peuvent permettre l’analyse de la faiblesse ou de l’absence de fréquentation, en particulier celle des femmes: inadéquation aux besoins de formation, inadaptation des contenus et des modalités de formation (durée, période, etc.). La réorientation des stratégies de formation dans une perspective de genre en serait facilitée et apporterait des hypothèses de solution aux obstacles de la participation effective des femmes à la vulgarisation et à la formation. Par exemple, avant de promouvoir des activités de formation, peut-être serait-il judicieux de trouver des alternatives à la charge de travail, à la durée de la session, etc.

PRISE DE DECISION

La capacité de prise de décision au sein du ménage et de la communauté influe grandement sur le niveau d’accès aux ressources et sur les opportunités d’intégration au processus de développement. Bien que le degré de participation soit un paramètre difficile à mesurer, certains critères peuvent permettre de le cerner. Par exemple, l’adhésion à une coopérative de producteurs est significative d’une certaine capacité à prendre part à certains débats et à faire entendre sa voix; l’appartenance à une association féminine est signe d’une potentialité à sortir de l’isolement familial (c’est parfois impensable dans certaines sociétés), à échanger des idées, à figurer comme acteur du développement, etc.

L’intégration aux organisations paysannes et agricoles renforce les capacités de gestion de l’exploitation: obtention de conseils, formation, etc. Toutefois, l’adhésion des femmes y est très limitée. Quelques études ont démontré que si le nombre de femmes membres dans les coopératives industrielles, artisanales, de gestion du logement (achat, amélioration, accès aux services) est important, il est par contre très faible dans les coopératives agricoles35.

35 Nations Unies, The World’s Women 1995: Trends and Statistics, Sales No. E.95.XII.2, New York, 1995.

Le recueil d’informations au niveau communautaire sur la participation de la population rurale aux différents types d’organisation est recommandé. La question peut s’adresser à tous les membres du ménage engagés dans l’activité agricole. Elle serait orientée sur l’adhésion ou non à une(des) organisation(s) et la fonction occupée (membre, conseil d’administration, de direction, de gestion, etc.). Les restrictions coutumières ou sociales à la base de l’exclusion seront notées. Une typologie des organisations, par exemple par objectif, sera établie:

· apport de services: crédit, expertise technique, matériel agricole, transport collectif, etc.;
· appui à la commercialisation: achats, ventes;
· association de propriétaires et d’exploitants terriens;
· coopératives de producteurs agricoles et/ou d’élevage;
· organisations communautaires, etc.

3.3.3. La production

Le type de production peut être classifié suivant différents critères, par exemple:

· la portée de l’activité agricole: à des fins de consommation ou industrielles, ces dernières peuvent avoir à leur tour une finalité alimentaire (arachide) ou de transformation industrielle (matière première: coton);

· le type de culture: pérenne (arbres fruitiers) ou annuelle (maïs);

· l’objectif de la production animale: consommation alimentaire ou valorisation des sous-produits, etc.

Dans tous les cas, le plus pertinent est de s’intéresser à chaque production et d’y explorer les apports différenciés des hommes et des femmes (par exemple, le maraîchage et le petit élevage sont plus du ressort des femmes que des hommes). La spécialisation par sexe pour la conduite des spéculations existe tout autant dans les petites exploitations que dans les entreprises. Le développement ou l’abandon de telle ou telle production aura donc automatiquement des répercussions différentes sur les hommes et sur les femmes. Dans le domaine de la production, les informations suivantes doivent être saisies:

· nombre et type de cultures produites en spécifiant les cultures pérennes et saisonnières: maraîchage, cultures florales pour la vente ou pour les graines, arboriculture fruitière, plantations;

· superficie arboricole et nombre d’arbres au stade productif;

· cycles d’exploitation et de production;

· espèces animales élevées (petit élevage et gros élevage): apiculture, volailles, porcs, agneaux, chèvres, lapins, ânes, chevaux, bovins et différenciation de l’utilisation: pour la consommation, le transport, la valorisation des produits dérivés (cuir, laine, etc.).

3.3.4. La destination de la production

Connaître la destination de la production est très utile pour le développement de politiques de sécurité alimentaire et de réduction de la pauvreté. Il est important de faire une distinction entre la production destinée:

· à la consommation de l’exploitation pour:

- l’alimentation humaine;
- l’alimentation animale;

· à la vente pour:

- le marché interne (local, régional, national);
- l’exportation.

La capacité de stockage et de conservation des productions par l’exploitation sera également examinée. La fluctuation des prix des marchés internationaux et la détérioration des termes de l’échange et les prix défavorables dans le secteur de l’agriculture traditionnelle sont parmi les causes principales de la pauvreté des paysans Les mécanismes de commercialisation seront également fouillés attentivement sachant qu’ils font partie des causes de la faiblesse des revenus des paysans.

On distingue les systèmes de commercialisation suivants:

- vente directe aux consommateurs;

- vente à un intermédiaire: 1) dans un centre de collecte qui peut être soit: a) unique et toujours le même; b) multiples avec possibilité de choix; 2) à l’exploitation même;

- vente de la production: a) récoltée; b) sur pied, c’est-à-dire à récolter (l’acheteur engage lui-même les journaliers pour récolter);

- autres modalités: par exemple, le cas de petites exploitations avicoles: la personne reçoit un nombre de poussins et l’aliment nécessaire pour les élever; quand les animaux ont atteint une certaine maturité, le commanditaire les reprend et paie uniquement le service, etc.

3.4. Informations à recueillir en fonction du type d’exploitation


3.4.1. La main-d’œuvre dans les entreprises
3.4.2. La main-d’œuvre dans les petites unités
3.4.3. Les entreprises liées à une structure familiale
3.4.4. Les journaliers et travailleurs à la tâche dans les entreprises


Le facteur travail est crucial pour toutes les exploitations. Sa mesure est primordiale pour évaluer la contribution des hommes et des femmes, d’autant que sa répartition est extrêmement sexuée. De plus, la spécificité des exploitations donne lieu à des données différentes sur l’emploi et la main-d’oeuvre. Les entreprises fonctionnent sur une logique de profit et la réalisation de leurs activités dépend de la main-d’œuvre embauchée. Par contre, pour les petites exploitations, la logique d’utilisation des ressources, principalement humaines, est liée à l’autosuffisance et/ou parfois à des transferts agricoles ou non-agricoles.

Par ailleurs, l’activité saisonnière du secteur agricole, hétérogène et complexe, conduit à une occupation temporaire variable dans le temps et dans l’espace. C’est ainsi qu’autant les informations sur la main-d’œuvre agricole que le processus de leur obtention seront particuliers à chaque type d’exploitation36 et portent en eux des difficultés spécifiques:

36 Les données collectées pour l’identification, les ressources productives, la production, la destination de celle-ci (voir section précédente: “3.3.: Informations à recueillir pour tout type d’exploitation”) permettent de déterminer le type des exploitations (entreprise, unité de production familiale, unité mixte) et de les classer en conséquence. L’étude de la main-d’oeuvre permettra de confirmer la classification.

· Les exploitations type entreprise: dans le meilleur des cas, une liste actualisée de ces exploitations sera disponible mais on y trouvera seulement des informations fiables sur la main-d’œuvre permanente. L’information sur la main-d’œuvre temporaire sera beaucoup plus restreinte et plus globale: nombre de personnes engagées, durée et, à la limite, sexe (opérations spécifiques du processus de production dévolues aux hommes ou aux femmes). Lors des périodes de grande intensité de travail, par exemple la récolte, les ouvriers sont engagés par ordre d’arrivée et le niveau d’embauche est fonction des besoins. Aussi, pour avoir des informations sur les ouvriers agricoles, le lieu d’enquête le plus pertinent est celui de leur lieu d’habitation (au sein du ménage).

· Les exploitations liées au ménage: la première difficulté est de détecter ces exploitations et ensuite d’y dénombrer les femmes en tant que personnes actives. La confusion entre travail productif et travail domestique ainsi que les préjugés niant le caractère économique des activités des femmes (et donc leur statut de productrices) sont les principales causes de l’omission des femmes dans la population active lors des recensements.

· Autres catégories d’exploitation: entre ces deux situations, existe toute une gamme de possibilités qui ne facilite pas toujours la définition de la catégorie d’appartenance de chaque exploitation: par exemple, une unité économique familiale ayant une structure d’entreprise. Cette complexité exige le recours à différentes stratégies et instruments pour explorer et évaluer la situation de l’emploi. Les limites et les potentialités de chaque outil doivent être étudiés pour apprécier la qualité de l’information potentiellement accessible avec chacun d’entre eux.

De façon générale, dans les exploitations, la main-d’œuvre peut être:

1. seulement du personnel salarié;
2. seulement des membres de la famille;
3. une combinaison des deux types de main-d’oeuvre.

La relation exploitation/main-d’œuvre conduit à deux remarques:

1. Chaque pays devrait fixer un seuil relatif au nombre de travailleurs permanents pour classer les exploitations entre “petites unités” et “entreprises”: dans les pays très pauvres, la main-d’œuvre est peu chère, parfois même gratuite (certaines personnes travaillent en échange de la nourriture). C’est ainsi que des unités relativement petites ont plusieurs travailleurs étrangers à la famille sans que leur mode d’exploitation cesse de les classer comme des unités familiales ou des semi-entreprises (“petites exploitations”).

2. Pour les unités mixtes, même si la destination de la production de l’unité et son organisation la caractérisent comme entreprise, les travailleurs membres de la famille la vivent comme exploitation familiale (les rapports de travail et de famille sont mêlés) alors que les salariés sont dans une logique d’entreprise. Dans ces cas, l’information doit être recueillie tout autant au niveau de l’entreprise que de l’unité familiale.

3.4.1. La main-d’œuvre dans les entreprises

On doit saisir les informations suivantes:

1. les caractéristiques des exploitants (titulaires), c’est-à-dire le profil socio-démographique des entrepreneurs hommes et femmes (sexe, âge, niveau d’instruction, langue maternelle, ancienneté dans l’exploitation);

2. le profil socio-démographique et professionnel des travailleurs permanents y compris le personnel de direction (sexe, âge, niveau d’instruction, langue maternelle, ancienneté dans l’emploi, responsabilités dans l’entreprise);

3. et, idéalement, le profil du personnel temporaire qui, dans la plupart des cas, est très difficile à obtenir. L’employeur lui-même l’ignore le plus souvent, d’autant que l’embauche se fait chaque jour jusqu’à hauteur du volume de travail à effectuer. Le type de spéculations et de tâches peut permettre d’approcher un tant soit peu l’information en termes de sexe. En effet, des cultures telles que les tomates ou les fraises (au Mexique, par exemple) s’orientent vers du personnel féminin alors que le travail de la canne à sucre donne la priorité aux hommes. Parallèlement, un ouvrier peut aussi travailler au cours d’une même saison pour plusieurs exploitations. Egalement, dans certains cas, l’embauche se fait au nom d’une seule personne, en général le chef de famille, alors que plusieurs membres de la famille travaillent. Le salaire, calculé en fonction du volume produit, est versé à la personne officiellement engagée.

En conséquence, comme il est plus qu’improbable de pouvoir saisir les caractéristiques professionnelles et socio-démographiques des travailleurs temporaires sur les exploitations, le lieu le plus approprié semble être le ménage. Là aussi, il faut savoir qu’un grand nombre de femmes, ouvrières agricoles, ne seront pas recensées étant donné qu’elles se déplacent très souvent d’un lieu de travail à un autre en fonction de la demande. Il est alors difficile d’établir leur lieu de résidence car elles s’inscrivent dans les courants migratoires qui se déplacent au fil des saisons culturales des spéculations à haute intensité de main-d’œuvre (au Mexique, la culture de la tomate). Ce cas spécifique sera repris plus tard. Malgré ces limitations, les informations qui peuvent être recueillies auprès des entreprises agricoles sur les ouvriers temporaires doivent être gardées à l’esprit:

· sexe, âge, langue maternelle;

· lieu de résidence: communauté ou extérieur à la communauté;

· localisation géographique du lieu de résidence: éloigné ou non;

· période de l’embauche, durée, saison;

· lieu d’origine de la main d’œuvre temporaire: local, régional, national, international;

· type de contrat d’embauche: individuel ou collectif;

· lieu d’embauche: sur place, au lieu de résidence, dans les villages;

· mécanismes d’embauche: a) indirects: annonces, syndicats, intermédiaires (organismes de placement) ou b) directs: patrons, directeurs, contremaîtres;

· coûts de l’embauche: transport, paiement des intermédiaires, etc.


Même si les entreprises n’enregistrent pas nominativement37 le personnel temporaire, une mesure approximative du volume de travail effectué par cette main-d’œuvre est faisable. Il s’agit de convertir le nombre de journées payées en nombre de travailleurs permanents: par exemple, si vingt-quatre journées ont été payées, cela équivaut à un travailleur permanent sur un mois (trente jours moins un jour et demi de repos par semaine).

37 Se référer au nom des travailleurs temporaires (quand les entreprises disposent de cette information) présente le risque de compter deux fois la même personne: un travailleur peut être inscrit dans plusieurs entreprises sur la même période.

On sait que les conditions de travail dans le secteur agricole sont différentes de celles des autres secteurs38, que l’intensité du travail et la force de travail embauchée varient au cours de l’année. Généralement, le travail journalier à la campagne dépasse largement les huit heures. Dans les pays en développement, l’horaire réglementaire le plus courant pour les activités non agricoles est d’environ quarante-cinq heures hebdomadaires (5 jours de 9 heures ou 4 à 6 heures un sixième jour dans le cas de 5 jours de 8 heures). Lors des études réalisées dans les pays tropicaux où la durée journalière de clarté ne diffère guère d’une saison à une autre, les travailleurs agricoles à la demande sur les heures travaillées répondent “du lever au coucher du soleil”, c’est-à-dire environ douze heures, y compris en général, le temps de transport. Tout en reconnaissant l’aspect arbitraire d’établir une norme, on pourrait penser à une journée moyenne de 10 heures. On ne cherchera pas à saisir le nombre d’ouvrières et d’ouvriers mais le nombre de journées d’embauche des entreprises. Le nombre de journaliers sur une période déterminée peut être saisi seulement par un recensement (ou une enquête) des ménages.

38 C’est une des raisons pour lesquelles le BIT ne donne des statistiques sur les heures travaillées que pour les secteurs non agricoles.

3.4.2. La main-d’œuvre dans les petites unités

La caractéristique essentielle définissant les petites unités d’exploitation est leur lien étroit avec le ménage. Les données sur la main-d’œuvre familiale ainsi que sur celle qui est salariée sont nécessaires; si le nombre de personnes engagées est restreint, seules les caractéristiques de base seront saisies sans entrer dans les détails des différents marchés du travail.

Le concept de “ménage”39 est défini en fonction de la manière dont les personnes pourvoient, individuellement ou en groupe, à leurs besoins alimentaires et autres besoins vitaux. Le ménage peut être composé d’une seule personne ou de multiples personnes (deux ou plusieurs). Les membres d’un ménage peuvent, dans une mesure variable, mettre leurs revenus en commun et avoir un budget unique. Un ménage peut être composé soit de personnes apparentées, soit de personnes non apparentées, soit de personnes appartenant à l’une ou l’autre catégorie.

39 Dans le document de la FAO “Programme de recensement mondial de l’agriculture 2000”, page 32, un concept du ménage très large est présenté; ici, la définition est plus restreinte, ne contenant que les éléments essentiels.

Le chef de ménage est la personne (homme ou femme) reconnue comme telle par les autres membres du ménage. Il détient les principaux pouvoirs et responsabilités pour les affaires familiales40. L’identification du chef de ménage est importante afin d’établir les relations de parenté entre membres du ménage pour une classification conséquente. En général, les préjugés portent à désigner un homme adulte de la famille. La tendance marque un net sous-enregistrement des femmes même quand elles en sont les véritables autorités et les principales pourvoyeuses des ressources économiques. Généralement, les femmes sont recensées comme chefs de ménage seulement quand il n’y a pas d’hommes adultes présents au foyer, c’est-à-dire, dans la majorité des cas, les ménages dont la femme est veuve, séparée, divorcée, célibataire ou dont l’homme a émigré. Dans la section 3.1.3. “La notion d’exploitant vue dans une perspective de genre”, on a insisté sur le fait que le chef du ménage n’est pas nécessairement le responsable de l’exploitation. Cette différenciation doit être clairement établie au moment de la saisie des données (cf. chapitre suivant).

40 Dans certains cas, le pouvoir est partagé mais l’expérience statistique est insuffisante pour bien cerner de telles situations.

L’activité (occupation) de chacun des membres du ménage au sein de l’exploitation sera saisie ainsi que le travail agricole effectué (époque, durée, occupation, lieu) dans d’autres exploitations (rétribué en espèces, en nature, non rétribué, échange). Les activités non-agricoles réalisées seront également relevées pour chacun des membres.

Certaines activités demandent une attention toute particulière car leur caractère les assimilent au travail domestique (elles sont donc omises dans les statistiques) bien qu’elles font partie des revenus générés au sein du ménage. A titre d’exemple, on peut citer les activités d’exploitation des produits forestiers non ligneux:

· cueillette de plantes, de racines, de champignons pour la consommation et/ou la vente;

· cueillette de plantes et d’écorces médicinales pour la consommation et/ou la vente;

· récolte du bois de feu pour la consommation et/ou la vente;

· ramassage pour la commercialisation de résine, de tourbe, de fibres et autres dérivés des plantes, etc.

Le travail domestique n’est pas assimilé dans les statistiques à une activité économique alors que les activités de transformation primaire (égrenage, pilage, décorticage, séchage, etc.) par contre le sont, même si leur destination est l’autoconsommation. On doit y être très vigilant et les enregistrer clairement car il est très facile de les associer à des activités domestiques. Le questionnaire devra donc inclure des questions directes sur les activités économiques spécifiques qui sont souvent omises.

Egalement, les activités productives non agricoles seront traitées: celles pour la consommation du ménage (biens produits) et celles inscrites dans le marché du travail (occupation principale, situation, branche d’activité et revenus obtenus). Ceci permettra d’évaluer, en partie, le degré de dépendance de l’unité d’exploitation à l’égard des transferts provenant d’autres secteurs.

Outre la part de l’activité agricole des membres du ménage, pour chaque exploitation doit être explorée la main-d’œuvre engagée: sexe, nombre de journées de travail, type de travail, rémunération, unité de rémunération (au forfait, à la journée, à la tâche, au résultat, etc.). Les unités familiales se distinguent par le fait que la fonction de gérant est assumée par un membre du ménage; dans le cas des femmes seules, cette fonction peut être occupée par un parent proche rétribué avec une partie de la production. Par conséquent, pour cerner la question de la main-d’oeuvre dans les petites unités de production, les informations suivantes seront saisies:

· les caractéristiques du ménage;
· les conditions générales du logement du ménage;
· les caractéristiques socio-démographiques de chaque membre du ménage;
· les caractéristiques de l’emploi de chacun des membres du ménage.


CARACTERISTIQUES DU MENAGE

· nombre de personnes;
· composition du ménage par sexe et par âge;
· type de ménage;
· identification et caractéristiques du chef de ménage.

Dans le document de la FAO du programme du recensement mondial, une typologie des ménages est proposée (pages 32 et 33). Une autre classification, développée par l’ONU/1984, met en rapport parenté, âge et sexe (ci-après quelques éléments à titre d’exemple):

· femme seule (ménage d’une seule personne);
· homme seul (ménage d’une seule personne);
· mère seule avec des enfants (dépendants);
· père seul avec des enfants (dépendants);
· ménage de deux générations sans enfant;
· ménage de trois générations; etc.

Il existe d’autres typologies basées uniquement sur les rapports de parenté. Aujourd’hui, le traitement informatique facilite l’introduction de différentes variables. Différentes combinaisons pour visualiser les structures familiales sont donc possibles. Quelle que soit la typologie adoptée, elle doit pouvoir établir un rapport entre producteurs et consommateurs, en particulier, en ce qui concerne la charge des consommateurs reposant sur l’exploitant ou l’exploitante, de façon à pouvoir effectuer des analyses différenciées par sexe.

CONDITIONS GENERALES DU LOGEMENT

Pour le logement, les informations intéressantes à recueillir dans une approche de genre et du respect de l’environnement sont celles relatives aux sources d’eau et d’énergie utilisées pour la cuisine. Ces données sont d’autant plus pertinentes à relever que les besoins en bois de feu de bon nombre de zones rurales exigeraient des technologies consommatrices de moins d’énergie et des sources alternatives pour alléger le travail et protéger l’environnement.

3.4.2.3. CARACTERISTIQUES DES MEMBRES DU MENAGE

Caractéristiques socio-démographiques des membres du ménage


Principales données à recueillir

· sexe et âge;
· lieu de naissance;
· lieu de résidence;
· état civil41 et nombre d’enfants pour les femmes en âge de procréer;

41 NDLT: Par rapport à l’état civil, il peut être pertinent de se référer à la situation matrimoniale de la famille, surtout au regard des “...unions monogames et des unions polygames, particulièrement importantes dans l’analyse du secteur agricole. Les unions polygames influent sur la manière dont les activités agricoles sont réparties entre maris et femmes, sur les responsabilités des membres du (des) ménage(s) et sur les conditions économiques générales.” (extrait de: FAO. 1996). Directives visant à améliorer les statistiques concernant les femmes. Statistiques tirées d’enquêtes agricoles nationales menées par certains pays du Proche-Orient. Rome, page 10.

· liens de parenté;
· niveau d’instruction: alphabétisation, scolarisation;
· langue maternelle;
· lieu de provenance des immigrés;
· migrations temporaires des membres présents, motifs et durée des absences; membres temporairement absents, causes de la migration et durée du séjour, lieu de destination; nombre d’enfants pour les femmes en âge de procréer.

Sexe et âge

Le sexe et l’âge de tous les membres du ménage doivent être enregistrés. La variable sexe est une information indispensable pour l’analyse des données selon le genre tandis que l’âge est essentiel à l’étude de la contribution des hommes et des femmes et de leur accès aux ressources en fonction des étapes de leur vie. Les enfants et les anciens sont souvent des actifs dans la production agricole de l’exploitation familiale. Le travail des enfants a des répercussions non négligeables sur leur santé et leur instruction.

Dans bien des pays, il est courant de voir des enfants aider aux travaux de la ferme ou être embauchés à la tâche; dans ce cas, la production de l’enfant s’ajoute à la production des adultes. Les enfants sont souvent peu ou pas scolarisés parce que, d’une part, une valeur est accordée à leur force de travail et, d’autre part, la carence des services éducatifs limite la fréquentation scolaire des garçons et des filles. Ecartés de l’enseignement général et agricole, les possibilités d’emploi dans le futur leur sont peu ouvertes. La situation est encore plus critique pour les filles.

Dans chaque pays, un âge minimal pour le travail est fixé, c’est pourquoi les questions sur l’activité économique ne sont posées qu’aux personnes au-dessus de ce seuil. Pourtant, des enfants d’un âge inférieur à la limite retenue travaillent. Bien que difficilement saisissable, le travail des enfants peut toutefois être évalué en recourant à différentes techniques, dont celles du domaine anthropologique. De plus, en zone rurale, hommes et femmes travaillent par besoin jusqu’à un âge très tardif, surtout là où n’existe ni sécurité sociale ni assistance aux personnes âgées.

Etat civil et nombre d’enfants

Le statut social des hommes et des femmes est étroitement lié à leur état civil. Dans le secteur agricole cela a une forte incidence sur l’accès à la terre et la répartition des responsabilités au sein du ménage et de l’exploitation.

En milieu rural, ne pas avoir d’enfants peut être à l’origine d’une déconsidération sociale des femmes. C’est pourquoi le nombre d’enfants est empreint d’une connotation toute particulière: un grand nombre d’enfants en bas âge signifie une charge de travail importante et la recherche de moyens de subsistance; un grand nombre d’enfants d’âge plus avancé représente parfois la seule source de survie.

Education

Pour l’agriculture, un minimum d’instruction est souvent un pré-requis indispensable pour accéder à l’information, à la technologie et aux programmes de formation technique et de vulgarisation. Quelques études ont analysé la relation entre le niveau d’éducation des agriculteurs et leur efficacité43. Parallèlement, l’éducation marque une influence sur le niveau de santé des familles, surtout en milieu rural où les services de soin sont limités, ainsi que sur le degré de participation des individus à la vie communautaire.

43 Jamison et Lau, 1982, cité in Saito, K.A. et Weidemann, C.J. “Agricultural Extension for Women Farmers in Africa”, World Bank Discussion Papers, No 103, Banque mondiale, Washington, D.C., 1990.

Appartenance ethnique ou langue maternelle

Les processus historiques ont instauré des disparités entre les groupes de population en ce qui concerne l’accès aux facteurs de production ainsi que pour les connaissances de gestion des ressources naturelles. Dans quelques pays, certains aspects du développement agricole et rural restent obscurs parce que les modes et systèmes d’exploitation de tel ou tel groupe de population ne sont pas compris.

Migrations

La mobilité géographique des personnes se calque le plus souvent sur les bassins de l’emploi et les flux de travail. Le déplacement peut être définitif ou saisonnier (migration permanente ou temporaire). Les travailleurs qui franchissent quotidiennement les frontières (migration journalière) sont également considérés comme migrants. Les mouvements migratoires définitifs et, parfois temporaires, sont soit individuels soit familiaux. Dans certaines régions, le taux de migration des femmes seules est plus élevé que celui des hommes seuls.

Caractéristiques de l’emploi


Principaux éléments à recueillir:

· emploi sur l’exploitation familiale;

· emploi sur une autre exploitation en échange d’une rémunération (salarié, à la tâche, au résultat, à la journée, etc.);

· emploi non-agricole (branche d’activité, occupation et situation, rémunération, rythme).

La combinaison de ces informations doit pouvoir conduire à l’établissement de typologies des exploitations distinguant:

· celles qui sont a) viables, b) potentiellement viables, c) non viables;
· celles qui sont a) autosuffisantes, b) dépendantes de transferts extérieurs.

Elles permettent ensuite d’explorer les domaines “du secteur agricole informel” et “de l’agriculture de subsistance”. Des propositions pour établir ces catégories sont faites au chapitre 4.

Activité économique

La manière d’évaluer et de mesurer la “variable travail” est décisive pour obtenir des statistiques sexospécifiques. Les biais les plus courants conduisant à la sous-estimation du travail des femmes ont été évoqués dans les deux premiers chapitres; ils sont beaucoup plus tenaces dans le secteur agricole.

L’inadaptation des rubriques et des définitions pour mesurer le travail des hommes et des femmes a été largement reconnue. Par conséquent, les instances internationales les ont révisées afin de mieux refléter la réalité. La XIIIème conférence internationale des statistiques du travail de 1982 a fouillé le concept d’activité économique. Le système de comptabilité nationale (SCN) des Nations Unies44 a alors inclus dans la population économiquement active toutes les personnes, de l’un ou l’autre sexe, qui, par leur force de travail, produisent des biens et des services économiques pendant une période de référence déterminée.

44 International Conference of Labour Statisticians (ICLE), “Resolutions concerning statistics of the economically active population, employment, unemployment, and underemployment”, in Bulletin of Labour Statistics, BIT, Genève, 1983-3.

En 1993, la dernière révision du SCN, adoptée en 1993 par la Commission des statistiques des Nations Unies, a élargi la notion d’activité économique à une partie de la production domestique. Aujourd’hui, la production domestique de biens pour l’autoconsommation ainsi que la production de biens et de services pour le marché sont comprises comme production économique. Des activités, jusqu’alors considérées comme “non-économiques”, ont été intégrées au domaine économique avec ce que cela suppose comme amélioration de la mesure de la contribution des femmes actives45. Les activités suivantes sont désormais des “activités économiques” et doivent être enregistrées et comptabilisées à ce titre:

45 Union Européenne, Fonds monétaire international, Organisation pour la coopération et le développement économiques, Nations Unies, Banque mondiale, Système de comptabilité nationale 1993, New York, 1993.

· production de produits agricoles et leur entreposage; cueillette de fruits, etc.;

· transformation de produits primaires tels que sels minéraux et approvisionnement en eau;

· transformation des produits primaires, produits à la maison ou achetés au marché;

· autres transformations, vendues ou non, telles que tissage, couture et confection de vêtements, poterie, fabrication de meubles, etc.

Il s’agit en fait de la plupart des activités de l’économie de subsistance, majoritairement aux mains des femmes. Il faut noter que dans le nouveau SCN, les services domestiques et personnels effectués par les membres du ménage pour leur compte ou pour leur consommation sont exclus du champ de la production, par exemple, les tâches ménagères (préparation des repas, lessive, etc.), les soins aux enfants et aux personnes âgées, etc., c’est-à-dire les tâches non rétribuées et le plus souvent à la charge des femmes.

Dès l’instant où cette nouvelle définition est adoptée par un appareil statistique, il est recommandé lors du recueil des données de garder une différenciation entre les rubriques de l’ancienne définition et celles dues à la nouvelle définition, afin de pouvoir évaluer les évolutions de tendance, mettre en évidence ce qui est dû au nouveau concept et mesurer l’impact du changement de concept.

Population économiquement active

Toutes les personnes dont l’âge est égal ou supérieur à la limite fixée pour la population active et qui ont réalisé, pendant la période de référence, des activités de production incluses et reconnues par le SCN doivent être comptées comme des personnes économiquement actives46. Les femmes qui cultivent un jardin pour la famille, qui font du beurre, qui effectuent les corvées d’eau et de bois, qui emmagasinent les récoltes, qui transforment les denrées alimentaires pour une consommation ultérieure, etc. au cours de la période de référence établie pour le recensement, doivent être inclues dans la main-d’œuvre, même si leur production n’est pas destinée au marché.

46 Sont également comprises comme personnes économiquement actives, les personnes au chômage pendant la période de référence. Ce point sera abordé ultérieurement.

La campagne agricole (douze mois consécutifs) est la période de référence recommandée par le programme du recensement de la FAO pour le dénombrement des membres du ménage travaillant sur l’exploitation. L’activité agricole est saisonnière et variable. Une période de référence suffisamment longue est donc essentielle pour mesurer l’ampleur de la participation des femmes à l’agriculture, d’autant que leur plus grande contribution au travail de l’exploitation a lieu pendant les périodes de pointe.

A cet égard, le BIT recommande de mesurer la population économiquement active par rapport à:

· une période de référence longue: saison ou année, appelée habituellement active;
· une période de référence courte: semaine ou journée, appelée actuellement active.

La période “habituellement active” est fixée en fonction des réalités des pays47. La période “actuellement active” est utilisée pour donner un instantané de la population à un moment précis. L’information obtenue est plus précise en terme d’univers embrassé et supérieure en qualité. Toutefois, elle ne permet pas l’enregistrement de toutes les personnes contribuant à la production sur la durée d’une saison agricole.

47 Ralf Hussmanns, Farhad Mehran and Vijay Verma, Surveys of economically active population, employment, unemployment and underemployment: an ILO manual on concepts and methods, Bureau international du travail, Genève, 1990.

Par contre, aucune option ne mesure les changements et les fluctuations qui ont cours sur une période plus longue et qui sont particulièrement importants dans le secteur agricole. Pour connaître l’emploi agricole, il faut d’abord saisir un univers le plus large possible, ensuite, approfondir le type de participation, le temps consacré, etc., par des enquêtes rétrospectives ou périodiques. Parallèlement, l’emploi non-agricole revêt de telles caractéristiques que la meilleure option est de considérer une période brève et d’effectuer des saisies périodiques.

Dans la mesure où l’objectif est de savoir qui participe à l’activité agricole, il est vivement conseillé de poser les questions de façon directe. En effet, il ne faut pas escompter obtenir une réponse précise à partir d’un questionnement articulé en activité principale et activité secondaire. Au moment de l’entretien, le répondant peut avoir des activités beaucoup plus rémunératrices que son travail agricole et le minimiser même si sa contribution est capitale à certaines opérations agricoles (semis, récolte, etc.).

La population inactive est classifiée par catégorie: personne s’occupant du foyer, étudiant, autres. Dans toutes les recommandations sur la saisie de l’activité économique, il est établi que lorsqu’une personne mène des activités économiques et des activités non-économiques, la priorité pour son dénombrement sera donnée à l’activité économique. Même si cette orientation est claire, le problème demeure de la faire respecter en dépit des préjugés et des stéréotypes.

Problèmes pour mesurer la population économiquement active

Malgré tous les efforts pour faire appliquer les recommandations internationales révisées pour saisir la réalité de l’emploi des hommes et des femmes, la contribution de ces dernières à l’activité économique est toujours sous-évaluée. Nombre de pays n’ont pas encore adopté les nouvelles recommandations et continuent d’utiliser les rubriques, définitions et méthodes antiques. Cependant, même en respectant les recommandations, la mesure du travail non rémunéré est encore peu fiable.

Capter au plus juste l’activité économique dans l’agriculture de subsistance - collecte de bois, d’eau, activités de transformation, jardinage, etc.- par des méthodes classiques de collecte de données est une opération particulièrement ardue, même si des concepts et définitions adéquats sont retenus. La frontière entre activités agricoles de subsistance (donc économiques) et tâches ménagères (donc non économiques) est floue. Les femmes conduisent les deux types de travail, souvent avec le même équipement, au même endroit et en même temps.

Par ailleurs, pour l’évaluation du travail dans l’agriculture de subsistance et du travail non rémunéré en général, le contexte même du pays induit d’autres difficultés: langage des questionnaires et formulation des questions, préjugés en matière de genre, perception du travail par les femmes, formation des enquêteurs, sélection des répondants. La formulation des questions ou des séries de questions doit tenir compte des aspects suivants:

· La majorité de la population rurale, hommes et femmes, effectue un travail agricole, de quelque type que ce soit, indépendamment du fait qu’elle travaille à d’autres activités.

· Les femmes ont tendance à sous-estimer leur travail agricole et à considérer qu’il fait partie des tâches ménagères; quelques termes utilisés traditionnellement dans les questionnaires sont interprétés, en général, en référence exclusive au travail rémunéré.

· Les enquêteurs plaquent leur propre perception sur le travail des femmes.

· Les hommes peuvent être réticents à admettre que leurs femmes ou leurs filles travaillent au regard de leur statut social et autres valeurs culturelles et religieuses.

Le mode de formulation des questionnaires doit éviter que les femmes ne s’identifient elles-mêmes que comme des personnes s’occupant du foyer. Les questions doivent faire référence, clairement et explicitement, non seulement au travail rémunéré mais également au travail de subsistance. Le moyen le plus sûr est de donner des exemples d’activités économiques que les femmes réalisent fréquemment dans le pays ou dans la région.

Mesure du chômage

Le chômage est un phénomène complexe dont la définition et la mesure posent de véritables difficultés autant dans les pays développés qu’en développement. Dans les pays les plus pauvres, les assurances sociales couvrent peu de travailleurs, les indemnités chômage n’existent pas et une partie infime de la population peut se permettre le luxe d’être au chômage. Le concept de chômage pose alors de sérieuses limites pour refléter la situation de l’emploi dans les pays en développement. Selon la définition internationale du chômage établie par la XIIIème conférence des statisticiens du travail en 198248, est chômeur toute personne au-dessus d’un âge spécifique et qui pendant la période de référence répondaient aux trois conditions suivantes:

48 ILO, XIII International Conference of Labour Statistician, “Resolution Concerning Statistics of the economically active population, employment, unemployment, and underemployment”, in Bulletin of Labour Statistics, BIT, Genève, 1983-3.

1. Sans emploi: c’est-à-dire qui n’était pourvue ni d’un emploi salarié ni d’un emploi indépendant.

2. Disponible pour travailler: c’est-à-dire qui est disponible pour un emploi salarié ou indépendant.

3. A la recherche d’un travail: c’est-à-dire qui a pris des dispositions précises au cours de la période de référence pour chercher un emploi salarié ou indépendant.

Comme mentionné précédemment, en milieu rural, ne pas travailler est un non-sens pour une population pauvre. Aussi, satisfaire à la première condition est quasi improbable même si l’auto-emploi est extrêmement précaire. Quant à la troisième condition, elle est rarement remplie. Etant donné la presque inexistence d’opportunités d’emploi, les personnes entreprennent peu d’actions pour rechercher un travail. Pourtant, conclure à l’absence de problème d’emploi est faux. Il s’agit seulement d’une inadaptation du concept du chômage aux économies en développement.

Eléments structurels de la main-d’œuvre


Pour la structure de la main-d’œuvre, trois éléments sont à examiner: la branche d’activité, l’occupation principale et la situation à l’égard de l’emploi (catégorie, position ou statut).

Branche d’activité

La branche d’activité est déjà fixée sous un mode agrégé quand il s’agit d’activités agricoles. Toute l’activité de production est englobée dans un seul secteur: le secteur agricole subdivisé en agriculture, élevage, forêt qui peuvent, à leur tour, être décomposés en fonction des spéculations. On se référera à la classification internationale type, par industrie, de toutes les branches d’activité économique des Nations Unies (ou du pays concerné) pour cataloguer les activités agricoles.

Occupation principale

Par occupation, on entend le type de travail effectué (défini par les tâches et/ou les fonctions spécifiques) ou la profession exercée. Dans tous les pays, les occupations des femmes et des hommes diffèrent considérablement. En général, les femmes occupent les professions les moins bien rétribuées conjuguées aux plus mauvaises conditions de travail. L’observation permet de dire que lorsque les femmes occupent des emplois qui étaient auparavant “masculins”, ces professions se sont dégradées au niveau de la catégorie et des salaires49.

49 Nations Unies, The World’s Women 1995: Trends and Statistics, Sales No. E.95.XVII.2, New York, 1995.

Pour analyser la discrimination sexuelle du marché de l’emploi, le niveau de désagrégation des occupations doit être suffisamment fin pour pouvoir comparer des emplois dont la rémunération et le prestige sont équivalents. Au moment du recueil des données, toutes les professions doivent être enregistrées avec le maximum de détails possibles. L’établissement de la CITP-88 (Classification internationale type des professions) du BIT a marqué un net progrès. Cependant, cette classification demanderait à être creusée pour y inclure une approche de genre. Pour le secteur agricole, le degré des rubriques est encore général et ne permet pas de différencier les niveaux de spécialisations, ce qui nuit à l’analyse de la division technique du travail ou à la conduite d’études qualitatives en matière de population comme les effets d’un emploi sur la santé. Chaque pays est libre d’établir les sous-divisions adaptées à sa réalité, mais il est souhaité que celles-ci soient établies en cohérence avec la classification internationale.

Dans la plus récente classification internationale (CITP-88), la majorité des travailleurs agricoles est classée dans le groupe 6: “Agriculteurs et ouvriers qualifiés de l’agriculture et de la pêche” qui agrège, dans le sous-groupe principal 62 “Travail agricole, pêche” autant les personnes produisant à des fins commerciales que les agriculteurs et les pêcheurs de subsistance50.

50 BIT, International Standard Classification of Occupations, BIT, Genève, 1989.

Situation dans l’emploi


Par situation dans l’emploi, on entend la situation d’une personne active par rapport à son emploi pendant la période de référence, c’est-à-dire sa situation (ou celle qu’elle avait s’il s’agit d’un chômeur) d’employeur, de travailleur indépendant, de salarié, de travailleur familial non rémunéré ou de membre d’une coopérative de production, etc. La définition n’a pas encore fait l’objet d’un consensus définitif, même au sein du BIT (discussion lors de la XVème Conférence des statisticiens du travail en 1993).

En général, les hommes et les femmes figurent dans des catégories différentes. Par exemple, certains pays excluent les femmes du travail rémunéré ou salarié, raison pour laquelle elles sont les plus nombreuses dans le groupe des travailleurs familiaux non rémunérés. Dans l’agriculture, une bonne partie des travailleurs n’est pas rétribuée soit parce qu’ils sont membres de la famille participant à l’exploitation familiale, soit parce qu’ils rentrent dans la catégorie de travailleurs de subsistance parmi lesquels les femmes représentent la majorité.

La classification internationale de la situation dans l’emploi (CISE-93) est constituée des groupes suivants (des précisions complémentaires ont été ajoutées)51:

51 BIT, XV International Conference of Labour Statisticians (ICLS), “Resolution concerning the International Classification of Status in Employment (ICSE)”, in Bulletin of Labour Statistics, BIT, Genève, 1993-2.

· Salarié: personne qui travaille pour un emploi public ou privé et qui reçoit une rémunération sous forme de traitement, salaire, commission, salaire aux pièces ou paiement en nature. Si le contrat est par jour il s’agit d’un journalier; si le rapport est plus stable, avec des paiements hebdomadaires, bimensuels, mensuels, etc., on parle de salarié.

· Employeur: personne qui exploite sa propre entreprise économique ou qui exerce pour son propre compte une profession ou tient un commerce et qui emploie un ou plusieurs salariés.

· Travailleur indépendant: personne qui exploite sa propre entreprise économique (seul ou avec un ou plusieurs associés) ou qui exerce pour son propre compte une profession ou tient un commerce, mais qui n’emploie aucun salarié. Il peut se valoir de travailleurs familiaux non rémunérés.

· Membre d’une coopérative de production: personne qui est membre actif d’une coopérative de production quelle que soit la branche d’activité dans laquelle celle-ci opère.

· Travailleur familial contribuant ou non rémunéré52: personne qui contribue à la production d’une exploitation agricole ou d’une affaire familiale sans rémunération aucune ni en espèces ni en produits commercialisables. Il ne peut se revendiquer comme associé étant donné son degré d’implication en matière de temps travaillé ou de participation au processus de production: il n’est pas à un niveau comparable à celui du titulaire de l’entreprise. Dans de nombreux cas, les femmes sont automatiquement classées dans cette catégorie même si elles sont de véritables associées partageant le travail, les décisions et les risques au même niveau que le titulaire (mari, frère, fils, père).

52 Depuis la conférence des statisticiens du travail en 1993, la dénomination de “Travailleur familial non rémunéré” a été changée par “Travailleur familial contribuant”.

· Travailleur à la tâche: dans tous les secteurs et en particulier dans le secteur agricole, il existe une situation qui ne cadre pas avec les catégories susmentionnées. Il s’agit des travailleurs subordonnés à un employeur et payés aux pièces et non du temps travaillé. Dans ces cas, l’employeur n’a aucun engagement avec le travailleur, hormis le paiement convenu pour le volume de travail arrêté. Bien que ces travailleurs soient rémunérés au résultat, des quotas leur sont souvent imposés ce qui les oblige à recourir aux membres de leur famille (conjoint, frères, enfants, père). Ces apparentés doivent être aussi classés dans cette catégorie. Le revenu, même s’il est versé au chef de famille, doit être considéré comme provenant de plusieurs personnes.

· Travailleur impossible à classer selon la situation dans l’emploi: il s’agit des travailleurs dont la situation exacte n’est pas connue ou mal définie ne permettant pas de les intégrer à une des catégories mentionnées ci-dessus.

Les travailleurs de subsistance sont des travailleurs indépendants produisant des biens ou des services consommés au sein du ménage dont la valeur économique est fondamentale à la survie du ménage. Ces travailleurs correspondent à quelques-unes unes des catégories ci-dessus aussi ils ne constituent pas une catégorie en soi pour la situation dans l’emploi.

Les femmes représentent un pourcentage élevé “des travailleurs familiaux non rémunérés”. Leur travail est sous-évalué et amalgamé au travail domestique. Dans le passé, les personnes appartenant à une entreprise familiale n’étaient comptées comme économiquement actives que si elles travaillaient au moins un tiers du temps d’une semaine normale de travail, évaluée généralement et de façon arbitraire à quarante-cinq heures. Un grand nombre de femmes se trouvait alors écartée de la catégorie des actifs puisque, pour elles, tâches professionnelles et tâches domestiques sont superposées. En 1982, cette restriction a été supprimée en recommandant d’appliquer le critère utilisé pour tous les travailleurs, à savoir une heure travaillée au cours de la période de référence. La contribution des femmes dans les entreprises familiales a alors été mise en relief. Une heure peut paraître très peu mais toute autre limite est arbitraire. Le relevé de toutes les personnes travaillant permet ensuite un classement par heures travaillées.

Dans la révision de 1993, la catégorie “travailleur familial non rémunéré” a été remplacée par celle de “travailleur familial contribuant”: tous les membres de la famille participant à l’entreprise familiale sont inclus dans cette catégorie. Les membres de la famille gérant l’entreprise familiale sont enregistrés comme travailleurs à leur compte; si le mari et la femme gèrent l’entreprise en tant qu’associés, tous les deux devront être comptés comme employeurs ou comme travailleurs indépendants selon qu’ils emploient ou non des salariés.

3.4.3. Les entreprises liées à une structure familiale

Certaines unités d’exploitation ne peuvent être définies ni comme entreprise ni comme petite unité d’exploitation: il s’agit des unités qui fonctionnent comme une entreprise mais dont l’organisation est basée sur la structure familiale. Leur identification ne peut se faire qu’a posteriori après avoir relevé un ensemble de données. Ensuite, il faudra saisir des informations relatives à l’aspect entreprise et à l’aspect ménage.

3.4.4. Les journaliers et travailleurs à la tâche dans les entreprises

Les entreprises embauchent souvent des ouvriers et des ouvrières payés à la journée de travail ou au résultat (par exemple, kilos de café récoltés). Cette situation suppose qu’il est souvent fait appel à la famille53 pour remplir le quota fixé ou le dépasser. L’information à rechercher sur ces travailleurs comprend, d’une part, les caractéristiques de l’emploi et, d’autre part, les caractéristiques socio-démographiques. Pour garantir une validité quantitative, les données devront être collectées sur le lieu d’habitation. Certains aspects qualitatifs peuvent être abordés sur l’exploitation par le biais d’études de cas sur, par exemple, les conditions matérielles dans les campements ou les zones de résidence temporaire. Ces études apportent une valeur incontestable à la connaissance du fonctionnement du marché du travail tout en sachant qu’elles sont partielles étant donné leur caractère qualitatif et leur faible couverture.

53 Pour la récolte du café, les enfants sont très productifs pour collecter le café dans la partie basse de la plante.

Caractéristiques de l’emploi

· conditions de l’emploi: durée du contrat, forme de paiement (salarié, journalier, à la tâche), rémunération, prestations, ancienneté dans l’emploi;

· outillage et équipement (comme préalable à l’engagement);

· tâches spécifiques dans le secteur agricole et dans le secteur agro-industriel, description des occupations, analyse du poste, opérations processus de production (semis, récolte...)

· travailleur spécialisé ou qualifié;

· mobilité interne et externe du personnel, etc.


Caractéristiques socio-démographiques

· sexe, âge;
· lieu de naissance;
· langue maternelle;
· lien de parenté;
· état civil;
· niveau d’instruction;
· situation migratoire: a) local, b) migrant;
· nombre d’enfants pour les femmes en âge de procréer; etc.


Caractéristiques spécifiques aux travailleurs migrants

· histoire migratoire: âge de première migration, mobilité territoriale, différents lieux de résidence, temps de permanence, activités réalisées;

· migrations pour l’emploi:

* migration journalière du lieu de résidence au lieu de l’emploi;

* migration définitive: sans lieu de résidence fixe, déplacement entre plusieurs régions, toujours les mêmes, allant de l’une à l’autre en fonction des offres d’emploi;

* migration temporaire: du lieu de résidence au lieu de travail de façon saisonnière ou temporaire pendant des jours, des mois ou des cycles;

* migration individuelle, en famille ou en groupe du même lieu d’origine.


Caractéristiques de vie des travailleurs migrants temporaires

· type de logement: auberge, baraquement, campement, chambre ou appartement en location; construction improvisée non payante;

· co-résidence: personnes partageant un même toit;

· organisation pour les enfants: laissés à la maison familiale, emmenés sur le champ, arrangements entre travailleurs/travailleuses pour embaucher une personne, arrangement individuel, crèche d’entreprise;

· services sanitaires: assistance médicale;

· transport;

· approvisionnement: boutiques, commerces;

· sécurité personnelle.


Dans le chapitre suivant, des orientations sont proposées pour saisir les données en fonction des recommandations faites tout au long du document. Certaines combinaisons sont également suggérées pour développer des typologies et des indicateurs d’analyse. Différentes sources d’information sont également examinées pour couvrir au maximum les données recherchées en mettant en relief la portée et les limites d’un recensement agricole qui ne peut capter tout ce qui est nécessaire, mais qui constitue le pilier du système statistique agricole.


Page précédente Début de page Page suivante