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3 ÉTAT DE L'AMÉNAGEMENT DES FORÊTS TROPICALES: L'AMÉNAGEMENT POUR UNE PRODUCTION DURABLE

3.1 La situation régionale actuelle


D'importants efforts ont été réalisés au cours des dernières années pour la rédaction de plans de gestion. Pourtant, presque nulle part, la mise au point des plans d'aménagement n'est suivie d'une mise en application effective. En 1990, les forêts naturelles "intouchées" et donc potentiellement gérables de manière durable, représentaient environ 155 millions d'ha soit seulement 30% des surfaces forestières utilisées pour production. Les autres 70% sont exploitées et donc justifiables au moins partiellement d'une gestion forestière durable.

3.1.1 Objectif bois d'_uvre

Les forêts déjà exploitées pour le bois d'_uvre représenteraient 330 millions d'hectares: plus de 148 millions en sont extraits pour un potentiel de production durable de 134 millions de m3/an. Seulement 17% de la production totale de bois rond ont une utilisation industrielle, dont environ 18% se retrouvent sur le marché international (Tableau 4). La FAO a évalué le prélèvement excessif de ressources forestières en bois d'_uvre à l'échelle régionale. Le ratio de «production à rendement soutenu» (production potentielle/récolte) nous donne les tendances à l'échelle régionale des degrés d'exploitation forestière (Tableau 5). Il en ressort que:

· en Afrique, la situation est variable selon les zones: l'Afrique centrale forme une zone où le prélèvement est inférieur à la production; en Afrique occidentale le seuil de surexploitation des forêts a été largement dépassé (supérieur à 200% de la production potentielle);

· en Amérique du Sud en général, les niveaux de rendement soutenu et d'exploitation actuels sont équilibrés; par contre, en Amérique centrale la grande majorité des forêts est surexploitée (jusqu'à 10 fois le potentiel); et

· en Asie et Océanie, les forêts sont globalement surexploitées; la récolte dépassant largement (d'au moins 70% et souvent plus) la production potentielle, ceci en faisant abstraction du déboisement et des coupes illicites.

Tableau 4: Consommation mondiale de produits forestiers en 1994

 

Produit

 

Bois de feu

et charbon

Bois rond industriel

Sciages

Panneaux et dérivés

Total

Consommation

(en millions de m3)

1,697

(76%)

406

(18%)

112

(5%)

30

(1%)

2,245

(100%)

FAO (1994)

Tableau 5: Zones forestières disponibles en 1990 pour la production de bois d'_uvre et le rendement soutenu à long terme (production potentielle/récolte)

 

Forêts non perturbées par l'homme disponibles

(en millions d'ha)

Forêts perturbées

par l'homme disponibles

(en millions d'ha)

Production moyenne

1990-95

(millions de m3)

Production à rendement

soutenu

(en pourcentage)

Afrique

59.6

112.9

17.1

174%

Asie et Pacifique

53.0

91.9

97.6

59%

Amérique et Caraïbes

42.1

122.5

33.8

141%

TOTAL

154.7

327.3

148.5

91%

Production potentielle/Récolte: inférieur à 100%, ce ration indique théoriquement une gestion quantitative durable (FAO, 1997).

Tableau 6: Biomasses et ratios de dégradation des forêts naturelles de production

ECOREGION

Biomasse

potentielle

(tonnes/ha)

Biomasse

estimée

(tonnes/ha)

Ratio de dégradation (biomasse estimée/ biomasse potentielle)

ASIE CONTINENTALE

     

Zones humides de plaine

449

225

0.50

Zones sèches de plaine

244

76

0.31

Zones humides de montagnes

306

155

0.51

ASIE INSULAIRE

     

Zones humides de plaine

543

273

0.50

Zones humides de montagnes

504

254

0.50

AFRIQUE TROPICALE

     

Zones humides de plaine

412

299

0.73

Zones sèches de plaine

92

60

0.65

Zones humides de montagne

197

105

0.53

Plus le ratio est élevé, plus les formations végétales concernées sont dégradées. FAO (1997).

3.1.2 Objectif bois-énergie

La consommation de bois-énergie représente 76% de la production ligneuse (Tableau 4). Une grande partie de cette biomasse est récoltée hors forêt (formations arbustives, les cultures pérennes, les haies, jardins etc.). Dans les zones peuplées et déforestées, en particulier en Asie, les forêts fournissent moins de 25% de cet approvisionnement mais beaucoup de forêts sont surexploitées Tableau 6):

· Cette surexploitation s'accroît avec l'importance des besoins des populations: c'est le cas pour les forêts de l'Inde et du Bangladesh, des forêts de montagne au Burundi et au Rwanda, des forêts sèches d'Afrique de l'Ouest (Niger, Nigéria, Togo et Bénin) et d'Afrique Australe (Botswana, Somalie, Zimbabwe, Malawi). La biomasse actuelle représente moins de 50% de leur biomasse potentielle.

· Globalement, en zone humide, la situation est plus favorable en Afrique qu'en Asie. L'Indonésie, l'Asie péninsulaire, les Philippines, le Sri Lanka présentent des degrés d'exploitation de la biomasse préoccupants.

3.2 Les forêts tropicales humides


La localisation des forêts tropicales humides est montrée sur Figure 4.

Figure 4: Les forêts tropicales humides

3.2.1 Les caractéristiques des forêts tropicales humides

Afrique. Les forêts tropicales humides africaines (340 millions d'ha) malgré leurs variétés floristiques et l'abondance de grands arbres, ne contiennent qu'un nombre relativement restreint d'espèces technologiquement valorisables. Le prélèvement y est très souvent inférieur au volume potentiellement exploitable et, du fait des conditions de marché, les concessionnaires se limitent au seul bois d'_uvre de haute qualité ("bois rouge") qui se situe majoritairement dans des massifs enclavés à l'intérieur des terres. Le prélèvement est de 10 à 40 m3/ha.

Asie. Ces peuplements forestiers (220 millions d'ha) sont caractérisés par une relative homogénéité de taille, une moindre fréquence de très grands arbres par rapport aux peuplements africains et des diamètres d'arbre supérieurs à ceux trouvés en Amérique. La famille dominante des Diptérocarpacées recèle la plupart des essences de valeur et leur abondance confère une richesse aux forêts insulaires d'Asie qui se traduit par une activité commerciale considérable, notamment par le fait de leurs qualités techniques intéressantes pour le bois d'_uvre. Le prélèvement est important: 70 m3/ha, et souvent plus.

Amérique. Les arbres des formations forestières d'Amérique tropicale (870 millions d'ha) sont souvent de moindre taille que ceux d'Afrique ou d'Asie, et les peuplements qu'ils forment présentent une plus forte diversité spécifique commerciale. En outre, les espèces américaines (notamment de très forte densité du bois) n'ont pas les caractéristiques techniques qui font le succès commercial des bois d'Asie ou d'Afrique. De ce fait, le prélèvement n'a pas encore la même envergure, il est compris entre 5 et 30 m3/ha.

3.2.2 Bilan de l'aménagement forestier passé

L'Asie possédait le potentiel valorisable le plus important, compte tenu des techniques de transformation et les caractéristiques du marché des bois tropicaux. De ce fait, de nombreuses zones de cette région, où la forêt dense humide occupait de vastes superficies, ont été très appauvries par la surexploitation. Les exportateurs d'autrefois sont devenus importateurs nets (Thaïlande, Philippines...). Devant le constat de l'appauvrissement de la ressource, nombre de pays ont pris conscience de la nécessité de gérer durablement les forêts de production (études de cas 6 et 7). Le concept d'aménagement forestier en Afrique (études de cas 1 et 2) et en Amérique tropicales est, certes, plus récent qu'en Asie mais aucun plan d'aménagement n'a encore atteint le stade de mise en _uvre intégrale. En fait, la nécessité de gérer correctement une ressource menacée aussi par l'élevage extensif et l'agriculture ne s'est imposée que récemment.

Pendant longtemps, les projets d'aménagement durable étaient souvent confondus avec la sylviculture, ceci en vue d'un rendement soutenu en produits ligneux, par exemple: le MUS ("Malaysian Uniform System") en Asie du Sud-est, l'APN en Afrique ("L'Amélioration des Peuplements Naturels") ou bien le "Celos Management System" testé sans suite au Surinam. Une gamme de sylvicultures a ainsi été développée, éprouvée et mise en _uvre par le passé (voir synthèse des essais sylvicoles, Annexe 4). Elles insistaient particulièrement sur les modalités de renouvellement de la ressource-bois. Ces méthodes ont échoué dans leur application à longue échéance.

Le dénominateur commun de la plupart des programmes d'aménagement interrompus dans ces régions est rarement le fait d'infaisabilité technique! A titre d'exemple, l'expérience issue d'Asie montre que l'aménagement des forêts tropicales pour une production ligneuse durable est techniquement possible bien que les systèmes malais et indonésiens aient plus ou moins été respectés du fait des difficultés d'application et de contrôle (voir étude de cas 6). L'interruption des programmes initiés en Amérique latine est due à des problèmes socio-économiques ou politiques (maîtrise du foncier, commercialisation des produits ligneux...). En Afrique, ce serait plutôt les déficiences dont souffrent les administrations forestières et les organismes en jeu qui rendent la mise en application des aménagements difficile.

De plus, l'évolution politique a souvent eu pour effet de modifier les orientations des institutions responsables des aménagements des forêts, et la préférence a été donnée à des techniques promettant des résultats plus rapides (plantations par exemple) que ceux fournis par les forêts naturelles de croissance plus lente. Ce ne sont généralement pas des problèmes liés à une méconnaissance des traitements sylvicoles, de la dynamique des écosystèmes ou d'incapacité de maintenir une régénération suffisante qui entravent la démarche de nombreux projets d'aménagement forestier tropicaux. Il serait certes utile de disposer de davantage d'informations dans ces domaines mais on possède actuellement assez d'éléments pour mettre en _uvre des aménagements simples fondés sur la production soutenue et durable. En effet, le bilan en matière de sylviculture est plutôt positif et de nombreuses études et projets ont permis de fournir une base solide pour une sylviculture efficace dans les forêts naturelles tropicales. Les difficultés rencontrées sont le plus souvent bien en amont des problèmes purement techniques: politique de mise en valeur des terres, conditions socio-économiques, réalités politiques.

3.2.3 Contraintes et difficultés rencontrées

Domaines technique et scientifique. Les données d'inventaires, préalable à tout projet d'aménagement, sont trop souvent peu fiables ou inaccessibles par manque de moyens et/ou d'informations concernant la production, la croissance des espèces intéressantes et le rendement à long terme. En effet, la constitution de bases de données (numériques, cartographiques, bibliographiques) rassemblant l'acquis disponible (climat, sol, topographie, flore, faune...) fait souvent cruellement défaut tant au niveau régional que national ou local. L'archivage et la mobilisation des acquis est une source d'économie et d'efficacité. Ces bases de données doivent être actualisées grâce à un flux permanent de données de terrain.

Le choix d'une technique dépendra d'une part des objectifs de l'aménagement et d'autre part des contraintes inhérentes aux peuplements (potentiel sur pied, sensibilité aux incendies...). Cette approche sylvicole se traduit par trois impératifs techniques élémentaires:

· Avoir un taux de prélèvement compatible avec le potentiel de production ligneux.

· Faire en sorte que les modalités de prélèvement soient planifiées correctement et à temps.

· Stimuler la croissance des essences de valeur tout en s'assurant du maintien de la biodiversité.

Il est difficile de coordonner pratiquement les facteurs en jeu: évaluation de l'accroissement, détermination de la coupe équivalente à cet accroissement, reconstitution du matériel sur pied abattu et choix de techniques d'exploitation qui ne compromettent pas la capacité de production des autres biens et services que fournit la forêt. En pratique, dans la plupart des pays, les services forestiers ne disposent pas d'un personnel suffisant pour suivre l'exécution et le contrôle d'un plan d'aménagement. Les techniques expérimentalement éprouvées ont du mal à franchir le pas d'application à d'autres échelles: la connaissance existe mais les hommes aptes à les mettre à profit manquent!

Domaines socio-économique et politique. L'environnement aussi bien politique que social ou économique évolue rapidement durant la période pour laquelle le plan a été conçu. Le manque de souplesse peut aboutir à la remise en question et finalement à l'abandon du plan de gestion. Celui-ci devrait pouvoir tenir compte des changements de contexte et de situation. Ni la stabilité, ni la prévision à long terme ne peuvent être assurées dans la plupart des pays en développement. Trop de facteurs peuvent créer des conditions d'imprévisibilité incompatibles avec un aménagement durable (expansion de l'agriculture, construction d'infrastructures, crise économique comme en Asie...). Dans un contexte externe en évolution rapide et permanente, la négociation et l'adaptation périodique des moyens d'application des plans d'aménagement doivent exister dans le respect des objectifs à long terme. De plus, les consultations à caractère politique au sujet des objectifs d'un plan sont souvent négligées, aboutissant à des remises en cause de dernière minute par les administrateurs de haut niveau non consultés. Une attention accrue devrait être portée au cadre institutionnel et social permettant la mise en _uvre des préconisations techniques.

En général, ce sont les communautés locales qui vivent le plus de leurs forêts, il est important de les faire participer et d'entretenir un dialogue avec elles pendant toute la période de formulation et d'exécution. En effet, la divergence des objectifs des différents partenaires aboutit souvent à des conflits d'intérêt. Il faut aussi mettre en avant la difficulté de faire comprendre les bénéfices à long terme aux utilisateurs directement concernés par le plan d'aménagement. Le problème est d'élargir "l'horizon temporel et spatial" des personnes intéressées. En effet, les pays tropicaux sont dominés par des contraintes de développement agricole et industriel souvent peu compatibles avec les standards de la durabilité. D'une manière générale les ressources forestières naturelles sont surexploitées pour répondre à des impératifs à court terme.

3.3 Les mangroves


3.3.1 Les caractéristiques des mangroves

Elles couvent plus de 16 millions d'hectares et comprennent un nombre limité d'espèces halophiles (Rhizophora, Avicennia...). Soumises à des contraintes écologiques fortes dues essentiellement à l'inondation cyclique par les marées, elles constituent l'un des écosystèmes les plus fragiles de la planète. Néanmoins, les mangroves présentent une forte productivité primaire et jouent un rôle important de protection (structures côtières) et économique (pêcheries locales). Elles fournissent des biens et des services très divers et de nombreuses communautés en dépendent pour survivre. L'Indonésie, l'Australie, le Nigeria et le Brésil possèdent près de la moitié des mangroves.

3.3.2 Bilan de l'aménagement forestier

Les mangroves semblent bien préservées dans les pays à faible densité de population et ressources en bois suffisantes (Gabon, Guyane, Australie) et en régression dramatique où la pression démographique est forte. Par exemple, aux Philippines et en Equateur, elles ont été abusivement converties en bassins d'aquaculture, tandis qu'en Indonésie, le rythme de leur exploitation forestière est excessif. En Afrique de l'Est, la principale cause de leur régression a été la conversion en marais salants.

Peu d'aménagements durables pour la production de bois (énergie et bois de service) sont appliqués sauf localement dans certains pays asiatiques (Inde, Bangladesh, Thaïlande, Malaisie). C'est l'Australie qui semble le mieux assurer à la fois la protection, la conservation et l'exploitation de ces écosystèmes (vingt trois parcs nationaux et sites effectivement protégés). Le rôle des mangroves dans la protection contre l'érosion côtière et la conservation de la faune aquatique a été reconnu: des reboisements et des remises en état de mangroves dégradées sont réalisés dans certaines zones d'Asie et d'Amérique centrale (étude de cas 13). Les mangroves peuvent être techniquement gérées de façon durable en vue d'un rendement soutenu en produits ligneux et autres produits forestiers. Toutefois les aménagements sont fortement dépendants des pratiques d'utilisation des zones terrestres, surtout en ce qui concerne les variations des régimes hydriques, d'où la nécessité d'intégrer les zones en arrière du littoral dans l'aménagement des mangroves.

3.4 Les forêts sèches


La localisation des forêts tropicales sèches est montrée sur Figure 5.

Figure 5: Les forêts tropicales sèches

3.4.1 Les caractéristiques des forêts tropicales sèches

La forêt tropicale sèche est représentée par une mosaïque de différents écosystèmes comprenant la forêt dense sèche, la forêt claire, la savane boisée, la savane arborée et la savane arbustive. Il existe 238 millions d'hectares de forêts sèches et très sèches dont environ 64% se situent en Afrique. Les écosystèmes tropicaux semi-arides et arides abritent près d'un milliard d'êtres humains et la moitié du cheptel domestique tropical, sans parler de la faune sauvage.

3.4.2 Les causes de la dégradation des ressources

Ces régions sont fragilisées depuis près d'un demi-siècle par les sécheresses répétées et les facteurs anthropiques (non-maîtrise des feux, conversion en terres agricoles, surpâturage, surexploitation des ressources forestières etc.). Le bois représente 50% à 90% de l'énergie utilisée en Afrique (beaucoup moins en Asie/Amérique, Tableau 7). Le bois-énergie a été longtemps, et encore maintenant, considéré comme une ressource gratuite dont le prix se réduit au seul coût de la récolte. L'accès libre à la ressource (terre, bois ou parcours) et l'absence de sécurité foncière concourent à la destruction de la ressource. Les défrichements anarchiques et la collecte de bois de feu dépassent de loin la capacité de régénération naturelle de l'écosystème. Par ailleurs, l'avancée des terres cultivées réduit l'espace disponible pour l'élevage traditionnel (bovins). La transhumance est alors de plus en plus reléguée dans les forêts, où le pâturage est complété par le fourrage que produisent les espèces ligneuses.

Tableau 7: Part du bois de feu dans l'approvisionnement énergétique de quelques pays tropicaux

 

Année

Pays

1978

1982

1990

Sénégal

60%

82%

54%

Mauritanie

69%

94%

nd

Mali

93%

90%

80%

Burkina Faso

94%

94%

91%

Niger

88%

95%

80%

Tchad

89%

nd

80%

Côte d'Ivoire

65%

60%

72%

Thaïlande

nd

nd

24%

Philippines

nd

nd

43%

nd = non disponible, (FAO, 1992)

3.4.3 Bilan de l'aménagement forestier

En zone tropicale sèche, le prélèvement dépasse les capacités de renouvellement des formations ligneuses. Rares sont les forêts sèches réellement aménagées, malgré la conception théorique de divers plans d'aménagement sur les trois continents. En Asie, c'est en Inde qu'ont été mis en place quelques essais d'aménagement en forêt, mais apparemment sans grand succès. En Amérique latine, très peu de références existent. L'importance des enjeux apparaît considérable en Afrique et à Madagascar vu le nombre important de projets réalisés ou en cours dans cette région (études de cas 4 et 5). Ce sont actuellement des projets pilotes pour la plupart, qui ont pour objet d'analyser les conséquences de l'approche participative.

L'aménagement forestier "classique" a été la principale méthode utilisée jusqu'en 1970. Calqués sur des systèmes occidentaux, les plans n'ont jamais été réellement mis en application par manque d'adhésion des populations locales et du fait d'une connaissance restreinte d'un milieu plus complexe et plus fragile que celui des pays colonisateurs.

Durant les années 80, de nombreux projets ont vu le jour en Afrique avec un objectif prioritaire (production de bois d'_uvre ou de feu, gestion de la faune sauvage), mais avec une participation restreinte des populations. Ces dernières étaient consultées et/ou constituées en groupements de gestion forestière, comités locaux de conservation, etc. Par la suite, la prise en compte des problèmes fonciers et de la problématique multi-acteur et multi-usage a infléchi l'aménagement vers une gestion décentralisée des ressources naturelles au profit des habitants des terroirs.

Contre la désertification, stade ultime de dégradation, des efforts considérables ont été déployés pour tenter d'arrêter ou même d'inverser cette tendance: reboisement avec des espèces exotiques; construction de "barrages verts"; développement de l'agroforesterie; etc. Malheureusement, le problème est loin d'être résolu, malgré de forts investissements. Les résultats sont restés inférieurs à l'attente. Pour les plantations, cela est dû aux coûts financiers trop élevés et au rejet de ces méthodes par la population. Les actions de type "barrages verts", quant à elles, n'ont pas été suffisamment associées à la mise en place de politiques conjointes efficaces de développement agricole et pastoral nécessaires à leur pérennité.

La faune est enfin un élément vital d'aménagement de ces forêts. Elle revêt une très grande importance au niveau local en tant que source de viande et d'autres produits non ligneux. Elle représente aussi une ressource touristique de premier plan dans des pays comme le Kenya, la Tanzanie et le Zimbabwe (voir étude de cas 3).

3.4.4 Contraintes et difficultés

Techniques et scientifiques. Les processus d'évolution et de fonctionnement de ces écosystèmes relèvent d'interactions biologiques complexes encore insuffisamment connus. La plupart des écosystèmes forestiers de la zone sèche inter-tropicale ont fait l'objet de descriptions et d'inventaires axés uniquement sur la production ligneuse et non multi-ressources. Pour réaliser des aménagements intégrant les multiples utilisations des terres ("aménagements agro-sylvo-pastoraux intégrés"), il faut non seulement connaître les ressources forestières, pastorales, agricoles, mais aussi celles de la faune sauvage et des différents produits forestiers non ligneux (miel, gomme, ...). La réhabilitation des forêts naturelles, les plantations d'arbres à usages multiples, de brise-vent, de rideaux arborés et de haies vives sont aussi à inclure dans les aménagements agro-sylvo-pastoraux.

Face à la demande croissante de terres agricoles et pastorales, il est important d'appliquer des techniques en vue d'améliorer et de maintenir la productivité des exploitations agricoles et des parcours du bétail dans les programmes forestiers, ceci tout en évitant la dégradation des terres. En effet, l'érosion généralisée des sols et le déclin de leur fertilité restreignent les possibilités d'aménagement durable. La gestion de l'eau est un autre sujet crucial dans ces régions, qui par définition, ne disposent que de précipitations réduites pour la croissance des plantes et le renouvellement des eaux souterraines. Les feux de brousse sont aussi un facteur limitant de l'aménagement durable. Leur gestion raisonnée passe par des pratiques comme les feux précoces (début de saison sèche) combinés avec des pressions de pâturage adaptées.

Socio-économiques et politiques. Les principales contraintes à l'aménagement forestier en zone sèche résultent de facteurs juridiques et socio-économiques: relations complexes, contradictions existant entre la législation foncière et le droit coutumier (propriété et droit d'usage des ressources forestières), difficulté de remplacer les méthodes actuelles d'agriculture et d'élevage par de nouvelles formes d'organisation des terres rurales et d'utilisation des ressources naturelles. Néanmoins, la condition préalable et essentielle au développement durable est avant tout d'améliorer la sécurité alimentaire considérant l'omniprésence de la pauvreté dans ces régions. En effet, le principal problème rencontré lors de la mise en _uvre des plans d'aménagement réside dans l'intensité de l'utilisation des terres forestières. Même dans des zones fortement dégradées, il arrive que des personnes dépendent entièrement de ce qui reste de la forêt pour satisfaire leurs besoins élémentaires. Afin d'éliminer une cause importante de pression sur les formations ligneuses notamment des zones arides, il est aussi indispensable d'apporter des solutions pérennes à l'approvisionnement énergétique des populations. De plus, le contrôle insuffisant de la part des agents de l'administration et les pressions d'ordre politique ont trop souvent pour conséquence l'abandon des plans d'aménagements en cours d'application.

3.5 Les forêts dégradées


3.5.1 Les caractéristiques des forêts dégradées

Il s'agit de forêts où des options de gestion non-durable ont conduit au remplacement total des écosystèmes forestiers par des écosystèmes dominés par des espèces herbacées, arbustives, rampantes, etc. Cette évolution peut être due à une surexploitation progressive du bois des forêts, au raccourcissement des cycles d'agriculture itinérante ou à une culture excessive suivie d'une baisse de fertilité des sols et de l'abandon des terres. Ces sites sont caractérisés par une perte de fertilité et de la structure des sols, une importante érosion et une vulnérabilité aux incendies.

3.5.2 Les mesures à promouvoir

Les superficies des terres forestières dégradées représentent plus de 2,000 millions d'hectares. Selon l'état plus ou moins avancé de dégradation de la forêt, plusieurs actions d'aménagement en vue d'une restauration de la fertilité et/ou de la production peuvent être menées:

· L'aménagement des forêts secondaires est une des possibilités. Ces formations ligneuses spontanées, surgies naturellement sur des terres dont la végétation d'origine a été supprimée par l'homme ont un cortège floristique réduit, facile à conduire sylvicolement, mais dont la valeur intrinsèque est elle aussi réduite (sauf dans quelques cas: Aucoumea klaineana, Cordia alliodora...). Ce type "récent" d'écosystème représente un enjeu croissant du fait de son extension et de son étendue (plus de 350 millions d'hectares dont la moitié en Amérique). Beaucoup reste à faire concernant leur connaissance et leur valorisation.

· La conversion en plantations forestières ou agricoles arborées (hévéa, fruitiers, palmiers, etc.) constitue une autre alternative technique de protection et de production sans conteste recevable. D'ailleurs elles sont rémunératrices, sources d'emploi et en outre, sont à même de contribuer au piégeage du carbone.

3.6 Bilan de l'aménagement forestier - autres types de forêt


3.6.1 Plantations

Le choix du type de plantation doit avant tout tenir compte de la vulnérabilité écologique du milieu et des objectifs. Les reboisements à grande échelle (cas du Teck en Asie), ont commencé pour la plupart durant la première moitié de ce siècle. Le taux de reboisement a progressivement augmenté plus particulièrement en Amérique latine (Brésil) et en Asie (Indonésie).

Jusqu'à présent, la plupart des forêts de plantation ont été établies en tant que monoculture équienne, principalement avec des essences à croissance rapide exotiques, faciles à maîtriser techniquement et plus rentables à court terme (Eucalyptus, Acacias, Pins) avec un objectif de production ligneuse. Il en résulte un rétablissement de la productivité dans certains de ces sites, mais aussi une diminution de la biodiversité accompagnée par une sensibilité accrue aux maladies, aux parasites et aux feux des peup^lements forestiers. Par contre, les peuplements en mélange facilitent le contrôle des adventices, limitent le problème des feux par l'obtention de peuplements pluristrates, permettent le maintien et la restauration de la fertilité et diversifient les possibilités de valorisation. Par expérience, le rendement en bois des plantations forestières est durable si les essences sont adaptées au site et si des méthodes valables d'aménagement sont effectivement utilisées. Il s'avère que le reboisement n'est pas toujours employé à bon escient à cause d'une mauvaise adéquation station/essence et du non respect des différentes opérations d'entretien et de suivi. Des reboisements mal conçus peuvent même accélérer l'érosion, la pollution des eaux et la sédimentation des cours d'eau.

Aujourd'hui, les techniques de reboisement artificiel et de conduite des plantations sont bien connues pour de nombreuses espèces. Les méthodes d'enrichissement ont donné des résultats appréciables, mais des contraintes socio-économiques (main d'_uvre disponible) et techniques (difficulté d'expansion à de grandes superficies) les ont fait écarter au profit de méthodes intensives mécanisées.

Les plantations forestières s'avèrent presque toujours trop onéreuses pour être économiquement rentables à court terme, vu le niveau actuel des prix des produits forestiers sur les marchés. De plus, les revenus des investissements dans les plantations sont à considérer sur le long terme alors qu'ils sont sujets à divers risques, (effondrement des prix, calamités naturelles, instabilité politique...). Il faut aussi tenir compte de l'impact social de ces programmes de plantations sur les paysans sans terre et les défavorisés, qui rentrent en concurrence directe quant au mode d'appropriation de la terre. En effet, les plantations industrielles ont parfois évincé les usagers traditionnels, ont perturbé les systèmes de mise en valeur en cours et ont engendré de graves conflits sociaux. Il est donc difficile de se limiter à une analyse financière hypothéquée par la valeur du bois sur le marché; et ce à long terme. Les analyses doivent aussi prendre en compte les avantages/contraintes socio-économiques (foncier, emploi...) et écologiques (sols, eau, carbone atmosphérique, biodiversité...).

3.6.2 Agroforesterie

Dans les régions traditionnellement agricoles, des arbres à usages multiples ont été plantés (notamment dans le Sud-Est asiatique) afin d'augmenter la productivité et de restaurer la fertilité des sols. L'agroforesterie comprend une grande variété de systèmes d'utilisation des terres qui vont de ceux où les arbres sont plantés sur des terres agricoles à ceux où l'agriculture est pratiquée sur des terres forestières sans en provoquer le déboisement. Le développement de systèmes agroforestiers a accompli de réels progrès lors de cette dernière décennie, grâce aux nouvelles orientations de la recherche et de la vulgarisation, et dans la mise à l'essai de nouvelles techniques. Toutefois, des progrès restent encore à faire pour mettre au point des systèmes viables d'un point de vue biologique et socio-économique.

3.6.3 Forêts secondaires

Leur aménagement est récemment devenu un aspect important de la foresterie tropicale du fait de l'ampleur de la dégradation des ressources forestières. Il apparaît comme l'un des défis majeurs auxquels sont confrontés les aménagistes des régions tropicales. La restauration du couvert forestier peut se faire naturellement via la succession naturelle des formations végétales et grâce à une mise en défens de la zone considérée. Cependant, il faut des pas de temps séculaires pour que la forêt retrouve sa structure et ses fonctions originelles. Le processus est lent et l'expérience montre que de nombreux sites dégradés sont exposés à des perturbations périodiques (feu par exemple), ce qui a pour effet d'inhiber les phénomènes de régénération naturelle et de bloquer la reconstitution forestière. Très souvent l'option de cycles courts (quelques décennies) de jachères arborées est retenue pour restaurer la fertilité des sites dégradés avant leur remise en culture. Cette option doit être combinée avec des options de conservation et de production de ces forêts à plus long terme pour être pertinente et admissible.

Les forêts secondaires détiennent un potentiel de production non négligeable de produits ligneux ou non ligneux et procurent de nombreux services environnementaux: régulation du climat, protection des sols, conservation de la biodiversité, diversité des paysages... De plus, l'aménagement durable des forêts secondaires peut contribuer à préserver les forêts non dégradées. Ce sont en général des motifs économiques (coûts sylvicoles élevés par rapport à la valeur des produits) et des conflits d'intérêts par rapport à l'utilisation des sols qui ralentissent la mise en _uvre des projets d'aménagement des forêts secondaires. Les objectifs de réhabilitation de ces peuplements doivent être élaborés dans le long terme, sans retour financier immédiat. La prise en compte des bénéfices indirects du couvert forestier ainsi régénéré, bien qu'ils soient importants, n'est pas effective durant les procédures de décision.

Les connaissances et la compréhension des successions naturelles dans de tels systèmes complexes sont insuffisantes et demandent un fort investissement de la part de la recherche. D'un point de vue technique, les résultats sur le long terme sont imprévisibles car les possibilités d'évolution naturelle de l'écosystème sont multiples et encore aujourd'hui difficilement modélisables.

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