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8 RECAPITULATIF ET CONCLUSION

8.1 Recapitulatif


Les forêts tropicales naturelles couvrent environ 1,600 millions d'hectares dont 900 millions en Amérique du Sud, 500 millions en Afrique et 260 millions en Asie. Les forêts sempervirentes représentent environ 720 millions d'hectares, les forêts semi-décidues 590 millions d'hectares et les forêts sèches 238 millions d'hectares. Les taux de déforestation actuels varient de 1.1% en Asie à 0.7% en Amérique latine et Afrique. Les superficies des terres forestières dégradées représente plus de 2,000 millions d'hectares.

C'est dans son état naturel ou géré de façon durable que l'écosystème forestier peut assumer au mieux ses fonctions de protection et de conservation. Outre le maintien des ressources en eau et du sol, les forêts tropicales ont un rôle non négligeable sur la régulation du climat aussi bien au niveau local que mondial. Elles abritent plus de 50% des espèces du globe dont beaucoup sont encore inconnues. Elles constituent un potentiel inestimable pour les besoins de l'humanité.

La forêt tropicale que l'on croyait relativement stable depuis 10,000 ans a été en réalité affectée par d'intenses modifications dues à des variations climatiques. Les phases sèches ont été accompagnées en particulier de nombreux incendies de forêts. Ces variations climatiques ont engendré des phases de progression/récession des formations végétales.

Contrairement aux forêts méditerranéennes, la majorité des forêts tropicales n'a fait, à quelques exceptions près (forêt atlantique du Brésil, Caraïbes), que l'objet d'interventions humaines localisées et modérées (agriculture itinérante, cueillette, prélèvement limité de bois précieux, etc.) et ceci jusqu'à la moitié du vingtième siècle. Depuis quelques décennies, ces forêts sont intensément exploitées.

8.1.1 Les forets

Les forêts naturelles, humides ou sèches et les formations végétales fortement anthropisées comme les plantations ou les forêts secondaires sont concernées par la gestion durable.

Les forêts denses humides. Les utilisations de ce type de forêt sont diversifiées: d'une pression de récolte très faible (chasseurs-cueilleurs par exemple) à l'exploitation commerciale d'intensité variable de bois d'_uvre, en passant par les prélèvements de produits non ligneux et de gibiers. L'agriculture itinérante est une forme particulière d'utilisation de la forêt, qui peut conduire à une dégradation des ressources, si elle n'est pas conduite de façon durable. Les analogies sont nombreuses entre régions et continents, avec toutefois quelques différences marquées. En Afrique, dans les zones forestières subissant une forte pression foncière, on assiste schématiquement à l'ouverture des pistes par l'exploitation forestière au sein de massifs intacts, suivi par la pénétration de cultivateurs pratiquant le système défriche/brûlis. En Amérique tropicale, l'élevage est considéré comme la finalité ultime du déboisement. Ainsi, sur les zones défrichées, il y a exploitation agricole intense suivi de la reprise des sols libérés pour la pratique d'élevage extensif sur de grandes surfaces. En Asie du Sud-Est, il s'avère que l'exploitation intensive des peuplements riches en bois d'_uvre est un facteur majeur et parfois suffisant de dégradation.

Les forêts sèches. Plusieurs causes anthropiques, climatiques et biologiques sont à l'origine de la dégradation des ressources et de la déforestation de ces zones. Le déboisement, principalement pour la conversion des terres à l'agriculture, la surexploitation des forêts pour la collecte du bois de feu et le pâturage, conjugués à l'aggravation des conditions de sécheresse, sont les principales causes de la dégradation des sols, et plus globalement de la désertification. Les feux de brousse ne font qu'accélérer ce processus, 70% des zones sèches tropicales seraient touchées par la désertification, induisant une paupérisation toujours croissante des populations.

Les plantations. Les aires plantées en espèces forestières, susceptibles de constituer des relais de production représentent 27.5 millions d'hectares. Elles sont essentiellement localisées en zones humides. Il faut y ajouter autant de cultures agricoles pérennes: Hévéa, Cocotier, Palmier à huile... On estime aujourd'hui que plus de 500 millions d'hectares de terres dégradées peuvent être boisés ou reboisés. Le rythme annuel de reboisement est actuellement de 1.7 millions d'hectares par an. Le rôle des plantations est important pour le piégeage du carbone, leur potentiel en tant que source de bois alternative par rapport aux forêts naturelles, la restauration des terres dégradées et la création d'emplois et de revenus.

Les forêts secondaires. Les forêts secondaires sont définies aujourd'hui comme des formations ligneuses installées naturellement sur des terres dont la végétation d'origine a été supprimée par l'homme. La FAO a estimé qu'à la fin des années 90, 165 millions d'hectares de forêts secondaires existent en Amérique, 90 millions d'hectares en Afrique et 87 millions d'hectares en Asie. Beaucoup de pays d'Asie du sud-est et d'Amérique centrale investissent actuellement dans des programmes de réhabilitation des forêts dégradées. Cela apparaît comme l'un des plus graves problèmes auxquels sont confrontés les aménagistes des régions tropicales. La restauration du couvert forestier peut se faire naturellement via la succession naturelle des formations végétales et grâce à une mise en défens de la zone considérée. Cependant, il faut plusieurs centaines d'années avant que la forêt ne retrouve sa structure et ses fonctions originelles. Le processus est lent et l'expérience montre que de nombreux sites dégradés sont exposés à des perturbations périodiques (feu par exemple), ce qui a pour effet d'inhiber les phénomènes de régénération naturelle et de bloquer la reconstitution forestière. Très souvent l'option de cycles courts (quelques décennies) de jachères arborées est retenue pour restaurer la fertilité des sites dégradés avant leur remise en culture. Cette option doit être combinée avec des options de conservation et de production de ces forêts dans le moyen et le long terme pour être pertinente.

8.1.2 La durabilité des forêts

La pénurie apparaît comme l'un des facteurs déclenchant une démarche d'aménagement durable des ressources naturelles. De plus, la récente prise de conscience médiatique de la pollution atmosphérique et de la dégradation de la couche d'ozone ont restitué à l'arbre ses vertus de fixateur du carbone atmosphérique et de filtre naturel. Produits forestiers non ligneux et services divers entrent en complémentarité avec la fonction de production de biomasse spécialisée. L'aménagement est alors perçu comme une utilisation polyvalente de la forêt. Cette évolution a accompagné l'émergence des concepts-clés de développement durable et de biodiversité. Le facteur social est aussi devenu un élément essentiel de la foresterie (foresterie communautaire, gestion patrimoniale...). La gestion viable des forêts tropicales doit répondre aujourd'hui à plusieurs défis: garantir le fonctionnement des grands cycles écologiques, produire des ressources, fournir des emplois, et surtout participer au développement tant local que national ou régional. La gestion des espaces forestiers ne peut pas se faire indépendamment de celle des espaces agricoles. Tous deux obéissent à la même logique et doivent participer aux mêmes objectifs de développement durable.

8.1.3 État de l'aménagement

D'importants efforts ont été réalisés au cours des dernières années pour la rédaction de plans de gestion. Pourtant, presque partout, la mise au point des plans d'aménagement n'est pas suivie de leur mise en application. En 1990, les forêts naturelles "intouchées" et donc potentiellement gérables de manière durable, représentaient environ 155 millions d'hectares soit 10 % des surfaces forestières. Les autres 90% sont exploitées et donc justifiables au moins partiellement d'une gestion forestière durable.

Objectif bois d'_uvre. Les forêts déjà exploitées pour le bois d'_uvre représenteraient 330 millions d'hectares: plus de 148 millions de m3 en sont extraits pour un potentiel de production durable de 134 millions de m3. Seulement 17% de la production totale de bois rond ont une utilisation industrielle dont environ 18% se retrouvent sur le marché international.

· En Afrique, la situation est variable selon les zones: le Congo, la R.D. du Congo, la RCA, le Gabon, la Guinée équatoriale forment une zone où le prélèvement est inférieur à la production. En Afrique occidentale le seuil de surexploitation des forêts a été largement dépassé (supérieur à 200% de la production potentielle).

· En Amérique du Sud en général, les niveaux de rendement soutenu et d'exploitation actuels sont équilibrés. Par contre, en Amérique centrale la grande majorité des forêts est surexploitée (jusqu'à 10 fois le potentiel).

· En Asie et Océanie, les forêts sont globalement surexploitées. La récolte dépassant largement (d'au moins 70% et souvent plus) la production potentielle, ceci en faisant abstraction du déboisement et des coupes illicites.

Objectif biomasse. La consommation de bois-énergie représente les trois quarts de la consommation totale de produits ligneux. Beaucoup de forêts tropicales apparaissent surexploitées en terme de biomasse. Des ratios de la biomasse actuelle rapportée à la biomasse potentielle indiquent le degré de dégradation, ce dernier étant d'autant plus important que le ratio (biomasse actuelle/biomasse potentielle) est faible. il apparaît que:

· La dégradation s'accroît avec l'aridité et la densité de la population: c'est le cas pour les forêts de l'Inde et du Bangladesh, des forêts de montagne au Burundi et au Rwanda, des forêts sèches d'Afrique de l'Ouest (Niger, Nigeria, Togo et Bénin) et de d'Afrique Australe (Botswana, Somalie, Zimbabwe, Malawi, La biomasse actuelle représente moins de 50% de leur biomasse potentielle.

· Globalement, en zone humide, la situation est plus favorable en Afrique (ratio de 70% entre biomasse actuelle et potentielle) qu'en Asie (ratio de 50%). L'Indonésie, l'Asie péninsulaire, les Philippines, le Sri Lanka ont des ratios biomasse actuelle/biomasse potentielle préoccupants (inférieurs à 45%).

8.1.4 Les actions d'amenagement

Pendant longtemps, les projets d'aménagement durable étaient souvent confondus avec la sylviculture, ceci en vue d'un rendement soutenu en produits ligneux. Les acquis techniques disponibles sont considérables, même si de nombreuses connaissances restent encore à acquérir. En effet, le bilan en matière de sylviculture est plutôt positif et de nombreuses études et projets ont permis de fournir une base solide pour une sylviculture efficace dans les forêts naturelles tropicales.

Adapter le prélèvement à la production. Des estimations de productivité sont disponibles pour l'ensemble des forêts tropicales humides. En forêt dense humide la productivité bois d'_uvre est comprise entre 0.5 et 3 m3/ha/an dans les forêts intouchées. Dans les forêts exploitées de manière durable cette productivité peut atteindre jusqu'à 6 m3/ha/an. Cette production de bois d'_uvre n'est qu'une partie de la production des formations naturelles dont la capacité de production est élevée: la production annuelle de phytomasse est en effet de 10 à 35 tonnes/ha/an alors que la phytomasse aérienne est de 200 à 500 tonnes/ha. Le bois d'_uvre ne représente au plus qu'environ 10% du matériel ligneux produit. Cet aspect ne doit jamais être sous-estimé dans l'aménagement des forêts de production. Pour les mangroves la productivité bois-énergie est de l'ordre de 5 à 10 m3/ha/an. Pour les forêts claires du domaine soudano-guinéen, la productivité bois-énergie varie entre 1 et 5 m3/ha/an.

Zones humides. L'Asie possédait le potentiel valorisable le plus important, compte tenu des techniques de transformation et les caractéristiques du marché des bois tropicaux. De ce fait, de nombreuses zones de cette région, où la forêt dense humide occupait de vastes superficies, ont été très appauvries. Les exportateurs d'autrefois sont devenus importateurs nets (Thaïlande, Philippines).

Le concept d'aménagement forestier en Afrique est beaucoup plus récent qu'en Asie et aucun plan d'aménagement n'a encore atteint le stade de mise en _uvre intégrale. La plupart des pays d'Amérique du Sud disposent encore de ressources forestières importantes. Ce n'est que récemment que s'est fait sentir la nécessité de plan d'aménagement des ressources du fait de la forte pression exercée sur la forêt notamment pour le ranching et l'agriculture.

Le trait commun à la plupart des programmes d'aménagement interrompus dans ces régions est rarement le fait d'infaisabilité technique. En effet, l'expérience asiatique montre que l'aménagement des forêts tropicales pour une production ligneuse durable est techniquement possible bien que les systèmes malais et indonésiens ont plus ou moins été respectés du fait des difficultés d'application et de contrôle. L'interruption des programmes initiés en Amérique latine est due à des problèmes socio-économiques ou politiques (problème des paysans sans terre, d'écoulement du produit ligneux...). En Afrique, ce serait plutôt les déficiences dont souffrent les administrations forestières et les organismes en jeu qui font que la mise en application est difficile

Il est apparu à l'usage que de trop longues durées étaient irréalistes face aux rapides mutations des règles de société. De trop courtes rotations compromettent la durabilité de l'aménagement. L'utilisateur doit disposer de garanties suffisantes pour un investissement important (infrastructures, matériel...) qui est le garant d'une bonne utilisation de la ressource. La rotation doit aussi tenir compte des contraintes de croissance des peuplements. Il est apparu à cet effet qu'il est nécessaire d'attendre plusieurs décennies pour voir se reconstituer les peuplements (sans que pour autant ils soient identiques à ceux d'origine). Dans un délai de 50 à 60 ans en Afrique ou en Indonésie, et de 80 à 100 ans en forêt néotropicale (Brésil/Guyane), la surface terrière prélevée serait reconstituée intégralement. Malgré l'incertitude de ces chiffres, il faut souligner deux faits essentiels: l'existence d'un différentiel de croissance entre les forêts des différents continents et la lenteur du retour vers l'état initial. En tenant compte des contraintes sylvicoles, il faut opter pour des rotations entrant dans le cycle de la mémoire des générations (20-40 ans) en adaptant le prélèvement à la production.

Zones sèches. La plupart des écosystèmes forestiers de la zone sèche inter-tropicale ont fait l'objet de descriptions et d'inventaires axés uniquement sur la production ligneuse et non multi-ressource, connaissances nécessaires pour réaliser des aménagements intégrant les multiples utilisations des terres ("aménagements agro-sylvo-pastoraux intégrés"). Il faut connaître les ressources forestières, pastorales, agricoles, mais aussi les autres ressources telles que la faune sauvage et les différents produits forestiers non ligneux (miel, gomme, etc.) La réhabilitation des forêts naturelles, les plantations d'arbres à usages multiples, de brise-vent, de rideaux arborés et de haies vives sont aussi à inclure dans les aménagements agro-sylvo-pastoraux intégrés. Face à la demande croissante de terres agricoles et pastorales, il est important d'intégrer des techniques visant à améliorer et maintenir la productivité des exploitations agricoles et des parcours du bétail, tout en évitant la dégradation des terres. En effet, l'érosion généralisée des sols et le déclin de leur fertilité restreignent les possibilités d'aménagement durable. La conservation de l'eau est un autre sujet crucial dans ces régions, qui par définition, ne disposent que de précipitations réduites pour la croissance des plantes et le renouvellement des eaux souterraines. Les feux de brousse sont aussi un facteur limitant de l'aménagement durable dans les zones sèches. Leur gestion passe par des pratiques comme les feux précoces (début de saison sèche) combinés avec un pâturage adapté des zones où la diminution de la strate graminéenne est recherchée.

Contraintes et difficultés rencontrées. Les données d'inventaires, préalable à tout projet d'aménagement, sont trop souvent insuffisamment fiables ou inaccessibles par manque de moyen ainsi que les informations concernant la production, la croissance des espèces intéressantes et le rendement à long terme. En effet, la constitution de bases de données (numériques, cartographiques, bibliographiques) rassemblant l'acquis disponible (climat, sol, topographie, flore, faune, etc.) fait souvent cruellement défaut tant au niveau régional que national ou local. L'archivage et la mobilisation des acquis est une source d'économie et d'efficacité. Ces bases de données devraient être actualisées en permanence.

Trois impératifs techniques doivent être respectés:

· Faire coïncider le taux de prélèvement de bois d'_uvre avec le potentiel de production durable d'un massif. Les techniques d'inventaire et d'estimation de la productivité permettent de bonnes estimations.

· Planifier les modalités de prélèvement. Des systèmes d'exploitation convenablement planifiés et contrôlés sont efficaces aussi bien d'un point de vue économique que sylvicole et écologique.

· Assurer la régénération naturelle et stimuler la croissance des essences de valeur tout en s'assurant du maintien de la biodiversité.

Les techniques expérimentalement éprouvées ont du mal à franchir le pas d'application à d'autres échelles: la connaissance existe mais les hommes aptes à les mettre à profit manquent! L'environnement aussi bien politique que social ou économique évolue rapidement durant la période pour laquelle le plan a été conçu. Le manque de souplesse peut aboutir à la remise en question et finalement à l'abandon du plan de gestion. Celui-ci devrait pouvoir tenir compte des changements de contexte et de situation. Une attention accrue devrait être portée au cadre institutionnel et social permettant la mise en _uvre des préconisations techniques. En effet, les pays tropicaux sont dominés par des contraintes de développement agricole et industriel souvent peu compatibles avec les standards de la durabilité. D'une manière générale les ressources forestières naturelles sont surexploitées pour répondre à des impératifs à court terme.

8.1.5 Bilan

La dégradation des ressources issues de l'écosystème forestier est directement liée à leur utilisation abusive ou excessive qui s'explique par une série de facteurs (ou écueils) souvent concomitants de nature: politique, économique, institutionnel, réglementaire, démographique, conceptuel et finalement technique. Avec l'ignorance de la nature précise des ressources et des modalités adaptées de récolte de celles-ci, avec l'inconstance et l'impéritie pour leur maintien et leur reconstitution que regroupent deux facteurs ci-après développés.

Le facteur temps qui, faute d'être pris en compte, est à l'origine de nombreux échecs:

· la reconstitution des ressources issues de la forêt exige un pas de temps jugé excessif par la plupart des décideurs, des bénéficiaires et même des techniciens;

· le recul du temps nécessaire pour la recherche en vue de préciser les mécanismes évolutifs de la forêt fait cruellement défaut par essoufflement expérimental et/ou par carence d'appuis techniques et financiers soutenus;

· la perception du temps est variable et incohérente en fonction des acteurs, de leur échelle de valeurs, des enjeux, des approches... Par exemple, l'impatience des décideurs et des bailleurs de fonds induit des raccourcis, des choix et des approximations, tous techniques, systématiquement préjudiciables au bon déroulement des projets (si ce n'est à leur bon démarrage) et par voie de conséquence, aboutissent à des résultats décevants ou trompeurs. La validité et la durabilité technique de l'entreprise forestière sont assujetties à la volatilité des opinions, celles-ci étant soumises aux changements d'objectifs, en tout premier lieu, du fait des lois du marché international des produits ligneux, mais aussi par la variabilité des priorités à court terme indifférentes non seulement vis-à-vis du long terme, mais en outre du passé et de l'expérience acquise.

Le facteur diversité des écosystèmes forestiers qui est source d'enjeux disparates et antagonistes, et qui alourdit les difficultés d'étude, d'approche, etc., du fait de leur complexité inhérente; ceci est facile à illustrer par:

· le conflit entre "conservateurs" et "développeur" qui n'a pas lieu d'être, mais qui survit et sévit toujours;

· l'antinomie déconcertante entre la forêt qui repose et génère des sols fragiles et relativement peu fertiles dont la dégradation rapide conduit au phénomène de latérisation et cette même forêt qui représente un modèle de réhabilitation de ces sols à plus ou moins longue échéance;

· les difficultés d'application de règles sylvicoles issues de peuplements arborés de spécificité, nature, structure, etc. et certainement évolutions similaires mais non identiques; cette extrapolation problématique de la sylviculture se combinant au défi que pose le changement d'échelle qui consiste à appliquer avec succès (?) aux grands massifs, les techniques éprouvées au sein de forêts de taille modeste, accessibles, bien connues, parfaitement étudiées, etc.;

· les problèmes d'identification appropriée de la ressource qui exige un savoir-faire et un sens de l'opportunité exceptionnels, pour éviter les inventaires coûteux et/ou mal orientés, conduisant à mener la récolte à l'aveuglette (prélèvements hétérogènes, mal guidés, soit excessifs, soit incohérents/insuffisants, entraînant gâchis et dégâts inutiles), et aux problèmes récurrents: productivité imprécise, rotations inadéquates, planification approximative;

· enfin, l'impossibilité de reconstituer à l'identique la nature, la structure, la composition et les fonctions de production d'une forêt primaire exploitée (même modérément) pour du bois d'_uvre. Par exemple, les forêts à méliacées commerciales d'Amérique (Swietenia, Cedrela), d'Afrique sèche ou humide (Khaya, Entandrophragma, Lovoa...), à Dipterocarpacées d'Asie (Shorea, Parashorea, Dipterocarpus, Dryobalanops, Vatica...) et bien d'autres types de formations arborées, telles que celles à Burseracées (Aucoumea, Dacryodes, etc) qui nous viennent de "la nuit des temps" et qui ne peuvent en aucune manière être reconstruites après perturbation même à très longue échéance (peuvent-elles être réellement conservées?).

8.1.6 Fondements techniques des plans de gestion

Un aménagement forestier durable doit être socialement vivable, économiquement viable, écologiquement reproductible et transmissible aux générations futures. Aujourd'hui le concept de forêts à usages multiples exige des aménagements polyvalents. L'aménagement doit aussi dans certains cas intégrer, dans sa conception, des territoires extérieurs à la forêt. Il faut toujours garder à l'esprit que les forêts tropicales sont des écosystèmes complexes et encore peu connus, et localisées dans des zones socio-économiquement très diverses. Les tentatives faites pour essayer de simplifier ces écosystèmes se sont traduites par des échecs dans la plupart des cas. Il est nécessaire de tirer parti de cette réalité en réalisant impérativement une approche souple et adaptative aux différents niveaux d'intervention (local, régional, national). Il n'y a pas de méthode d'aménagement universelle. La gestion forestière durable est donc une notion floue, complexe et vaste qui regroupe des approches multi-critères. Elle intègre de fait différentes composantes:

· La composante humaine avec ses aspects sociaux et culturels qui fait appel à l'ensemble des sciences humaines et de la société prenant en compte l'évolution des sociétés, leur notion de bien-être, la viabilité de leur culture et leur notion de patrimoine.

· La composante économique et financière à travers laquelle on cherche à intégrer l'évaluation des coûts et bénéfices et la prise en compte de toutes les aménités positives ou négatives induites par tout système de développement.

· La composante écologique qui couvre tous les domaines relatifs aux écosystèmes concernés et qui traite, de façon intégrée, de l'ensemble des fonctionnements physiques, chimiques et biologiques des milieux.

· Enfin la composante des pratiques, des techniques et des méthodes mises en _uvre dans les forêts par les sociétés et qui représentent les outils et moyens utilisés pour gérer au profit des sociétés l'exploitation intégrée des ressources forestières.

C'est l'harmonisation de ces différentes composantes qui permet une gestion durable des forêts.

Encadré 5: Recommandations générales pour les pratiques de gestion forestière

Les pratiques de gestion forestière doivent assurer la conservation, en quantité et qualité, des ressources forestières à moyen et long terme. Elles équilibreront l'accroissement et le prélèvement en favorisant les techniques qui minimisent les dégâts directs ou indirects aux ressources forestières, pédologiques ou hydrologiques.

Ces pratiques de gestion devront intégrer de manière économique les structures et processus de la dynamique naturelle des écosystèmes.

Des mesures de sylviculture appropriées doivent être mises en _uvre afin de maintenir la ressource forestière à un niveau souhaitable du point de vue économique, écologique, social et culturel. Les opérations de régénération, d'entretien et d'exploitation devront être programmées dans le temps et dans l'espace de manière à ne pas réduire les capacités de production du site.

La planification, la création et l'entretien des infrastructures minimiseront les impacts négatifs sur l'environnement.

Les règles de sylviculture devront minimiser l'impact des interventions sur les sols, la qualité des eaux, la dynamique des populations animales, la diversité biologique.

Les pratiques forestières devront promouvoir la diversité des structures tant verticales qu'horizontales dans les peuplements forestiers. La régénération naturelle devra être préférée sous réserve que les conditions soient adéquates pour assurer en quantité et qualité le renouvellement des ressources forestières.

Le boisement des jachères ou des terres déboisées devra être pris en considération chaque fois qu'il est susceptible d'ajouter une valeur économique, écologique, sociale et culturelle.

Le reboisement et/ou boisement seront basés sur des essences et des méthodes sylvicoles adaptées aux sites. L'utilisation d'essences autochtones et des provenances locales sera favorisée partout où les conditions économiques le permettent.

Les systèmes agroforestiers et sylvo-pastoralistes doivent être encouragés pour concilier des objectifs de gestion complémentaires économiquement viables.

Des mesures doivent être adoptées pour équilibrer la pression des populations d'animaux et du pâturage sur la régénération et la croissance des forêts, ainsi que sur la biodiversité.

8.2 Conclusion


La forêt tropicale désigne toutes les zones boisées situées entre le tropique du Cancer et le tropique du Capricorne. Elle représente environ 10% de la surface du globe. La forêt tropicale, est un milieu fragile qui est d'une importance cruciale, pour le bien­être de l'ensemble de la planète. Elle nous fournit une multitude de produits utiles (bois, fruits, légumes, champignons, médicaments /molécules, huiles essentielles, gommes, résines, cires, édulcorants, condiments, colorants, gibier, etc.).

La biodiversité des forêts tropicales dépasse, de loin, celle de tous les autres écosystèmes terrestres de la planète. Ces forêts abritent en effet au moins 50% de toutes les espèces végétales et animales du monde, dont seule une infime partie a été décrite et, à ce jour, pratiquement pas encore étudiée. Elles jouent aussi un rôle essentiel dans la régulation du climat, localement et à l'échelle planétaire, en maintenant les équilibres biophysiques et en régularisant notamment les cycles de l'eau et du carbone.

La menace qui pèse sur ces ressources naturelles dans les pays en développement est liée à des processus existant depuis des décennies. Il faut distinguer les causes directes de la déforestation des causes sous-jacentes.

Parmi les causes directes, les plus importantes sont: Les variations climatiques, les cultures itinérantes, l'exploitation de bois, la conversion pour l'agriculture et l'élevage, le développement des infrastructures... Certaines de ces causes ont des répercussions séquentielles. Par exemple, le développement des routes facilite l'accès, encourage l'exploitation des bois et l'ouverture de la forêt à l'agriculture.

Les causes sous-jacentes des problèmes forestiers sont complexes, imbriquées entre-elles et dans beaucoup de cas, sont à rechercher en dehors du secteur forestier. Ces causes sont notamment celles qui:

· sous-estiment les ressources forestières et sur-estiment les bénéfices résultant de la conversion des forêts;

· ne permettent pas de prendre en compte les coûts environnementaux et sociaux résultant de l'exploitation des forêts et du défrichement;

· encouragent la spéculation et rendent peu rentables, voire hasardeux, les investissements pour une gestion durable des forêts.

Ces causes sous-jacentes incluent les subventions accordées pour la conversion des forêts, la colonisation, les routes, l'ajustement structurel, la pauvreté, l'insécurité foncière, la démographie, l'instabilité politique mais aussi les échecs institutionnels ou l'incohérence des politiques sectorielles. Elles tendent d'une part, à orienter les populations vers les zones forestières pour y survivre et d'autre part, à privilégier les options spéculatives à court terme de conversion de la forêt. Ces relations de causes à effets multiples et complexes exigent la prise en compte et le développement des approches inter-sectorielles.

La question de la gestion durable ne peut être réduite à ses seules dimensions scientifiques et techniques. Ce ne sont que des outils qui doivent s'inscrire dans une démarche globale. Celle-ci doit tenir compte en particulier des paramètres biologiques, socio-culturels et économiques. Le fait de créer des conditions institutionnelles, économiques et financières favorables est indispensable à la gestion durable des forêts tropicales. Il est aussi urgent que l'ensemble des acteurs arrive à dialoguer de manière constructive, à s'ouvrir à d'autres domaines de compétence ou d'action que les leurs, afin de mieux se comprendre et de trouver des solutions adaptées aux problèmes toujours complexes rencontrés.

Les outils pour construire ce dialogue reposent notamment sur le contrôle de l'accès à la ressource et sur le contrôle des facteurs de production. Ces questions doivent faire l'objet de véritables débats et conduire à des relations de partenariat authentique. Reconnaître les droits et le rôle de tous les acteurs et fixer leurs devoirs est le meilleur garant de la gestion durable des forêts.

Figure 7: Outils de gestion durable des ressources forestières

CONTROLE

DE L'ACCES

CONTROLE

DES FACTEURS DE PRODUCTION

CONTROLE

DE LA PRODUCTION

Financement

Accès à la

Ressource

Coûts

Facteurs

physiques et

biologiques

Nature et

volume des

prélèvements

Prix des

produits

Systèmes

d'instruments

financiers

Système

de

limitation

d'accès

contrôle financier

des facteurs

de production

Limitation technique

des facteurs

physiques

et biologiques

Systèmes de limitation

des

prélèvements

Système

de contrôle

financier

des produits

Capitaux

taux d'intérêts

licence

permis

droits territoriaux

Taxes

redevances

subventions

Règles de culture

rotation

Quotas

droits d'usages

Régulation

des marchés

taxes

subventions

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