2. La population de l'Afrique subsaharienne en Europe

Nous avons défini la population subsaharienne comme l'ensemble des personnes originaires des pays situés en dessous du tropique de cancer à l'exception de la Mauritanie. Pour simplifier cette appelation, nous allons les désigner par Africains, ce qui nous permet de les distinguer des Maghrébins (Algériens, Egyptiens, Libyens, Marocains, Mauritaniens et Tunisiens). Ces derniers représentent 71 % de la population africaine dans la Communauté Européenne contre 29 % pour les Africains.

La population subsaharienne est composée de 848 393 personnes (Données Eurostat 1994). Ces chiffres ne tiennent pas compte des enfants nés en Europe, des personnes ayant acquis les nationalités européennes et celles qui bénéficient du statut d'exilé politique. Les cinq pays concernés par notre étude accueille 57,5 % de cette population, soit 484 834 personnes (cf. annexe 3). Avec 209 552 personnes, la France est le premier pays d'accueil des Africains. Elle est suivie par le Royaume Uni avec 171 000 personnes, le Portugal avec 72 227 personnes, la Belgique avec 18 709 personnes et l'Espagne avec 13 346 personnes. Le Tableau 1 montre la part de chaque région d'Afrique dans la composition de cette population.

Tableau 1 : Répartition des Africains selon leur région d'origine

Source : Eurostat, 1994.

A travers le Tableau 1, on constate que l'Afrique de l'Ouest est la première région d'origine des Africains vivant dans les pays visités tandis que ceux en provenance de l'Afrique de l'Est et des pays de l'Océan Indien sont peu représentés. Quant à la population de l'Afrique Centrale, elle arrive derrière celle de l'Afrique de l'Ouest. Cela s'expliquerait par le fait que les populations de l'Afrique de l'Ouest seraient plus mobiles que celles venant des autres régions d'Afrique. Ces résultats sont en accord avec ceux trouvés par plusieurs auteurs : Salem (1981), Robin (1996) et Barou (1997). En effet, Robin (1996) montre que l'Afrique de l'Ouest est une région où les migrations existent depuis la fin du 19ème siècle. D'abord, celles-ci étaient limitées entre les pays de la région avant de s'étendre à d'autres régions d'Afrique (ex : l'Afrique Centrale) et à l'Europe où les commerçants sénégalais de la confrerie Mourrides ne passent plus inaperçu. Ces derniers pratiquent la vente ambulante des divers produits artisanaux d'Afrique (masque, statuette, produits de la maroquinerie, etc.) dans toute l'Europe.

La part de l'Afrique de l'Ouest dans l'immigration africaine vers l'Europe est également observée à l'échelle de chacun des cinq pays sauf en Belgique, comme le montre le Tableau 2. Ce pays abrite essentiellement des personnes venant de ses anciennes colonies (Burundi, Congo-Kinshasa et Rwanda). Mais les plus nombreux sont les Congolais avec une population évaluée à 15 868 personnes, ce qui représente 85 % de toute la diaspora africaine en Belgique.

Tableau 2 : Répartition des Africains dans chaque pays selon les régions d'origine

Source : Eurostat, 1994

A partir des Tableau 1 et 2, on peut faire deux constats. Premièrement, la France est le premier marché potentiel des PFNL de l'Afrique subsaharienne. Il est suivi par le Royaume Uni et le Portugal. L'Espagne et la Belgique étant les plus petits marchés potentiels. Deuxièmement, les originaires de l'Afrique de l'Ouest sont les premiers consommateurs potentiels des PFNL au sein de la diaspora africaine des pays concernés, constat confirmé par les résultats du Tableau 3. En effet à l'exception de trois nationalités (Camerounais, Congolais du Congo-Brazzaville, Congolais du Congo-Kinshasa), toutes les nationalités représentées par plus de 10 000 personnes appartiennent à l'Afrique de l'Ouest. Ainsi, il serait intéressant pour les exportateurs de bien connaître les modèles de consommation de chacune de ces nationalités dans le pays ciblé. En Belgique par exemple, la consommation des PFNL dépend des Congolais du Congo-Kinshasa (Tabuna, 1999). Tous les acteurs rencontrés dans ce pays ont bati leur stratégie commerciale en fonction des attentes de ces personnes, ce qui explique l'utilisation des noms commerciaux issus du lingala, une langue véhiculaire du Congo-Kinshasa, comme nous l'avons dit au cours de l'exposé sur la méthodologie. Son influence dans la pratique du commerce des PFNL est tel que certains détaillants, belges et pakistanais, à défaut de bien la parler, utilisent un personnel congolais.

Hormis les acteurs rencontrés à Bruxelles, ceux présents dans les autres villes affirment que les Congolais du Congo-Kinshasa ainsi que les Ghanéens et les Nigérians sont les principaux consommateurs les plus réguliers des PFNL de l'Afrique subsaharienne en Europe. Aussi, pensons-nous qu'il serait intéressant d'étudier prochainement l'origine des acheteurs à la sortie de la majorité des épiceries, ce qui nous permettrait d'infirmer ou de confirmer ce constat. De plus, nous pourrons vérifier l'influence de représentation de chaque nationalité (cf. Tableau 3) sur la demande dans chaque pays.

Tableau 3 : Taux de représentation de chaque nationalité dans la diaspora africaine des pays de l'étude

Source : Eurostat 1994