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1.   INTRODUCTION

L'aménagement des grandes pêcheries industrielles et la recherche à leur sujet ont fait 1'objet pendant un siècle ou davantage d'une étroite collaboration internationale (notamment dans le cadre de divers types d'organismes régionaux des pêches). Cette période, qui commença avec les opérations des premiers chalutiers à vapeur dans la mer du Nord vers la fin du dix-neuvième siècle, en arrive maintenant à sa fin pour la plupart des stocks par suite des modifications apportées au régime juridique des océans.

La collaboration internationale tenait alors à une raison simple: les opérations de pêche se concentraient en haute mer, au-delà des limites de juridiction des états côtiers. Une fois établie 1'existence d'un bon fond de pêche, chacun était libre d'y opérer et on y voyait souvent des pêcheurs de divers pays. Dans les cas où le même fond pouvait attirer des navires appartenant à une demi-douzaine de pays, opérant à peut-être un mille 1'un de 1'autre, la collaboration a pris un certain nombre de formes. En premier lieu, il s'agissait de faire régner un certain ordre dans les opérations de pêche proprement dites et de minimiser les interférences proprement physiques entre les bateaux en établissant des règles; ainsi, la Convention de la mer du Nord de 1882 spécifie de quelle manière doivent opérer les divers types de bateaux et elle stipule, par exemple, que les navires pontés doivent lancer leurs filets du côté situé au vent des navires non pontés. La collaboration internationale dans le domaine de la recherche remonte à presque aussi longtemps, notamment dans l'Atlantique nord-est, puisque le Conseil international pour 1'exploration de la mer (CIEM) fut créé en 1903 (voir par exemple Went, 1972).

La création du CIEM tenait, entre autres, aux préoccupations suscitées dans plusieurs pays par le fléchissement des captures des espèces les plus prisées dans la mer du Nord. I1 fut vite démontré par les hommes de science que cette situation était en grande partie imputable à une exploitation intensive, ce qui conduisit naturellement à la troisième forme de collaboration, à savoir la formulation et la mise en application de mesures de conservation et d'aménagement des stocks. Au milieu des années soixante-dix, de nombreux accords internationaux étaient en vigueur et des commissions étaient officiellement chargées de 1'aménagement des stocks dans telle ou telle région du monde (voir Gulland et Carroz, 1968; Cushing, 1972).

L'extension des zones de juridiction sur les pêches au-delà de la limite des 200 milles a complètement transformé cette situation. Quoiqu'il existe encore de vastes étendues marines au-delà de ces limites, leur production de poisson représente à peine un pour cent des captures mondiales. Les autres zones relèvent maintenant de la juridiction de tel ou tel Etat côtier. L'Etat qui exerce sa juridiction sur un fond de pêche a désormais 1'entière responsabilité des recherches de 1'aménagement et du contrôle des opérations menées sur ce fond. Des navires d'autres pays peuvent être autorisés à pêcher, mais seulement dans les conditions fixées par 1'état riverain. I1 semblerait donc à première vue que la collaboration et la coordination internationales n'aient plus de raison d'être.

Il en est loin d'être ainsi. Des poissons appartenant à presque tous les types commerciaux (y compris les mollusques et les crustacés les plus sédentaires en apparence) se déplacent d'un endroit à 1'autre, même si quelquefois à certains stades seulement de leurs vies. La plupart des organismes dont ils se nourrissent se déplacent également. Dans beaucoup de cas, ces mouvements - surtout s'il s'agit de stades juvéniles d'espèces commerciales ou d'organismes “fourrage” - sont le résultat d'une dérive passive dans les courants océaniques; et, fréquemment, les nouvelles frontières maritimes établies entre les zones de juridiction nationale sont traversées. De ce fait, les événements qui se produisent dans une zone peuvent retentir sur ce qui se passe dans une autre et il peut facilement arriver que les efforts déployés par un pays pour aménager la pêcherie qui se trouve dans sa zone de juridiction puissent être réduits à néant par 1'exploitation non réglementée du même stock dans quelque autre zone de juridiction.

Il sera donc souvent souhaitable, et quelquefois indispensable, d'instaurer quelque forme de collaboration internationale. La nature de celle-ci n'apparaît toutefois pas encore clairement, car elle intéressera les mesures prises par les pays dans des zones sur lesquelles ils revendiquent une juridiction plutôt qu'en haute mer. Cette incertitude peut avoir au moins deux types d'effets adverses. Le premier a déjà été noté: en 1'absence d'une collaboration convenable, il sera impossible à des pays individuels agissant isolément de prendre des mesures efficaces pour un certain nombre de stocks de poissons. Inversement, il y a d'autres stocks qui, en raison du caractère limité des déplacements des poissons individuels ou des bancs, peuvent être aménagés par un pays particulier sans tenir compte des mesures prises par d'autres. Ce dernier groupe comprend divers stocks pour lesquels des mesures d'aménagement s'imposent d'urgence, mais aucune initiative n'a été prise en raison des hésitations quant à la forme à donner à la collaboration internationale, et même quant à la nécessité de celle-ci.

Les participants à la Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer ont reconnu la nécessité de collaborer. Outre une disposition spéciale concernant les “grands migrateurs” (Article 64), le projet de texte demande que les Etats “s'efforcent, directement ou par 1'intermédiaire des organisations sous-régionales ou régionales appropriées, de s'enten-dre sur les mesures nécessaires pour coordonner et assurer la conservation et le développement de ces stocks (se trouvant dans les zones économiques exclusives de plusieurs Etats côtiers)” (Article 63). Toutefois, le texte n'examine pas la nature de cette coordination ni le degré auquel elle pourrait être conditionnée par la biologie et le comportement des stocks.

Le présent document entre dans le cadre des études effectuées sur une base ininterrompue par la FAO pour faciliter 1'examen de ces problèmes. Il analyse des questions générales, y compris les divers modes de déplacement et de comportement des stocks de poisson, les types de coordination nécessaires, les facteurs qui pourraient être pris en considération pour toute action conjointe et les besoins de renseignements. Il est prévu de préparer ultérieurement des documents qui donneront, région, un bref aperçu des principaux stocks se trouvant dans les zones de juridiction nationale de plusieurs pays. L'objet de ces études ne sera pas de suggérer des initiatives précises, mais simplement d'indiquer où il serait nécessaire d'agir.


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