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1 ère partie
Evolution des politiques forestières et orientations futures

Evolution des politiques forestières

La nécessité de produire des recettes et des devises utiles au développement économique national a incité autrefois les gouvernements à élaborer des politiques centralisées et sectorielles afin d'influer sur la manière d'utiliser les ressources forestières. Les décideurs considéraient les forêts comme des réserves lointaines qui devaient être gérées comme des sources de recettes publiques, traitées comme des réservoirs de terres nouvelles destinées à l'agriculture ou bien protégées en tant que réserves naturelles. Cependant, avec le temps, les vues changeantes et parfois contradictoires de la société ont soulevé de graves problèmes politiques, qui concernent à la fois le secteur forestier et le développement national. Les optiques et les exigences de groupes politiquement divergents prolifèrent encore, mettant à rude épreuve les institutions et les politiques actuelles.

Les stratégies nationales de développement nécessitent aujourd'hui des politiques qui intègrent les forêts à l'effort de développement rural et qui, parmi les divers intérêts nationaux, locaux et internationaux, établissent un équilibre entre les besoins économiques et écologiques. Les forêts ne sont plus considérées comme séparées géographiquement, limitées en ce qui concerne l'intérêt politique, ou sectorielles en raison de leur fonction économique. Elles influent directement sur les domaines d'intérêt locaux, nationaux et internationaux, et réciproquement. Les stratégies de développement doivent admettre que l'etat des forêts, façonnées et formées par des utilisations concurrentielles, est une conséquence du développement.

Notre approche des politiques forestières a commencé àévoluer dans les années 70, quand la prise de conscience croissante de la dépendance des communautés locales à l'égard des forêts et de l'importance des petites industries forestières a conduit à renforcer la participation locale à la gestion, aux activités et aux programmes forestiers. De nouveaux types d'activitiés exécutées en coopération entre les communautés locales et les gouvernements sont apparues: la foresterie communautaire, la foresterie agricole et la gestion commune des forêts. Ces activités ont mis en lumière le rôle des forêts dans le développement rural général et ont en même temps ébranlé la confiance dans le contrôle exclusif de l'Etat.

L'importance des forêts pour les communautés locales a conduit les gouvernements, les ONG et les bailleurs de fonds àexaminer toute une gamme de droits, d'obligations, et de mesures d'incitation et de soutien qui pourraient encourager les populations à investir dans le développement et l'aménagement des forêts. Dans le monde entier, les pays ont accordé une plus grande attention aux intérêts locaux concernant les forêts et àla capacité des communautés de les défendre parallèlement aux intérêts nationaux. Ils ont cherché des organisations, structures, règles et régimes fonciers nouveaux qui amélioreraient la productivité des forêts, en défendraient les qualités en matière d'environnement et donneraient les moyens aux communautés rurales d'utiliser les ressources forestières pour répondre aux besoins sociaux et économiques. Ces divers intérêts et objectifs n'étant pas nécessairement compatibles, ils ont progressivement élargi plutôt que résolu les questions forestières contentieuses.

Dans les années 80, les pays ont commencé à prendre conscience du rôle joué par les forêts à l'échelle mondiale dans la stabilité de la biosphère, dans le maintien de la diversité biologique et dans la protection des cultures autochtones et traditionnelles menacées. Ce rôle élargi a aggravé la pression exercée sur les gouvernements. Alors que dans les années 70, ils étaient contraints de chercher à mieux travailler avec les communautés locales, les gouvernements des années 80 ont dû servir d'intermédiaire entre l'intérêt international suscité par les forêts et les exigences et comportements locaux à l'égard des ressources forestières. Les responsables en matière de foresterie ont cherché à concilier l'attente de plus en plus pressante de la communauté internationale et les activités ainsi que les besoins divers et dispersés des familles et des communautés locales.

Dans les années 90, les forêts sont au centre des débats politiques sur le développement durable. Bien qu'il évoque une idée d'harmonie, le concept de durabilité est à l'origine de tensions entre la croissance économique dictée par le marché, les pressions sociales visant à obtenir une distribution plus équitable des avantages économiques et la nécessité de maintenir la productivité de l'environnement, les services écologiques et la diversité biologique afin de satisfaire les aspirations économiques et sociales futures. Les forces exerçant ces pressions ne pourront sans doute pas atteindre leurs objectifs sans faire de compromis.

Les ressources forestières sont également au premier plan des débats politiques nationaux sur la manière de restructurer les systèmes économiques et politiques, ainsi que sur le moyen de concilier ces changements structurels avec les intérêts nationaux concernant les mesures au niveau local, la distribution sectorielle et sociale, les obligations internationales et la souveraineté. Les gouvernements d'aujourd'hui cherchent à créer un cadre politique pragmatique qui tienne compte de manière cohérente des contributions que les forêts apportent au développement ainsi que des structures organisationnelles et institutionnelles indispensables pour mieux mettre à profit ces contributions.

Politiques forestières et développement durable

Elaborer des stratégies et des politiques forestières efficaces pour favoriser le développement durable comporte toute une série de choix difficiles. C'est ainsi que, bien que nous sachions que le défrichement des forêts pour les cultures et le pacage, l'abattage excessif pour le bois de feu, l'exploitation commerciale incontrôlée pour le bois d'oeuvre et l'expansion des infrastructures contribuent tous à la déforestation et à la dégradation, le problème fondamental que doivent résoudre les responsables est celui des causes sous-jacentes. Celles-ci incluent la pauvreté, la faim, l'accès à la terre, le manque d'emplois et d'activités rémunératrices et la demande croissante de biens et services forestiers.

Ironiquement, certaines politiques gouvernementales exacerbent fréquemment ces causes sous-jacentes, ce qui a un impact important et durable sur les ressources forestières. Une documentation de plus en plus vaste démontre maintenant de manière convaincante que les taxes, les clauses et conditions des concessions forestières, les prix imposés, le contrôle des transports de marchandises forestières, l'insécurité du régime foncier et de la jouissance des arbres, les barrières tarifaires et non tarifaires au commerce international, les incitations àl'investissement, les stratégies du secteur agricole et les politiques macroéconomiques influent tous sur les motivations économiques ainsi que sur l'aménagement et la conservation des forêts tempérées et tropicales. Dans de nombreux cas, ces politiques encouragent directement ou subventionnent involontairement la déforestation et la dégradation.

Les pays cherchent à mettre au point des politiques économiques, des dispositifs régulateurs, des incitations financières, des structures administratives et des accords fonciers plus appropriés qui encourageraient les pratiques forestières durables. Dans de nombreux pays, cette recherche de politiques appropriées s'inscrit dans le cadre d'un examen plus général du rôle du gouvernement en tant que régulateur du marché, propriétaire foncier et gestionnaire des forêts. Cet examen est en partie dicté par le besoin des gouvernements de porter au maximum le rendement de la ressource, et en partie par la préoccupation de l'opinion publique qui s'inquiète de l'efficacité du gouvernement et en particulier des prestations des services forestiers et des politiques s'y rapportant.

L'incidence générale des politiques sur l'économie, la société et l'environnement ne dépend pas tant de leur effet sur une forêt, mais de leurs effets nets dans ces divers contextes. L'état des forêts qui en résulte témoigne des conséquences des politiques qui ont engendré et modifié les raisons incitant àcouper et à faire pousser des arbres en différents lieux et àdifférents moments. Par exemple :

L'utilisation, le développement et l'état des forêts sont donc des conséquences fondamentales de la configuration plus générale des politiques et du développement économique nationaux. Le développement national crée constamment des incitations et des moyens d'exploiter et d'améliorer les ressources forestières. La croissance économique et la situation sociale tendent à modifier l'emplacement et la composition des ressources forestières. A l'échelle nationale, la nature de ces liens dépend de la situation économique, démographique et politique particulière d'un pays.

Les forêts et les politiques intérieures

De nombreux gouvernements ont tendance à aborder la question des forêts par l'intermédiaire de programmes et de projets plutôt qu'en les considérant comme des éléments d'un système national. Les forêts sont cependant analogues aux autres systèmes d'intérêt national comme les infrastructures, l'éducation, les finances, les transports et l'énergie. Les politiques choisies pour exprimer et servir ces intérêts influent sur la qualité, la composition, la distribution et l'utilisation globales des forêts d'un pays.

Les forêts sont des systèmes vivants qui évoluent avec le temps, avec ou sans intervention humaine. Ces formations forestières changeantes créent un mouvement kaléidoscopique des diverses utilisations du sol et des arbres dans l'espace. Comprendre les raisons de ces changements permet de prévoir l'orientation et les conséquences des changements futurs. Comprendre comment les politiques nationales influent sur les forêts permet d'obtenir les types de formations forestières souhaités, avec les contributions globales qu'elles apportent, et de faire les compromis nécessaires avec les autres objectifs nationaux. Mais, si les conséquences économiques générales des modèles politiques nationaux sont assez bien connues, les formations des paysages forestiers dans leur ensemble ont été négligées.

Les forêts, ainsi que les ressources consacrées à leur développement, leur entretien et leur protection dépendent des combinaisons d'un grand nombre de politiques diverses : les politiques en matière d'environnnement, d'énergie, de terres, de produits de base, d'échanges commerciaux, d'industrie et d'agriculture; les politiques en matière de prix, de salaires, de revenus et d'investissements; les clauses et conditions des accords internationaux. L'analyse doit consister à établir un rapport entre les combinaisons politiques et leurs conséquences pour les forêts dans des situations diverses et à définir celles qui pourraient servir le mieux les intérêts locaux, nationaux et internationaux.

Une étape importante pour mieux comprendre comment les choix politiques généraux pèsent sur les ressources forestières a été franchie dans les années 80 : dans le cadre des stratégies de développement, l'aide basée sur les projets a été abandonnée au profit des programmes à orientations politiques. Au cours de cette période, les analystes se sont intéressés aux impacts des liens politiques intersectoriels sur le secteur forestier. Ils ont reconnu l'incapacité des stratégies forestières traditionnelles de ralentir le rythme de plus en plus rapide de la déforestation et de la dégradation des forêts et ont compris que la dégradation et la disparition des forêts prennent souvent leurs racines hors du secteur forestier.1 Dans les pays industrialisés, les effets de la pollution (pluies acides) sur les forêts tempérées ont mis ce problème en lumière. Dans les pays en développement, la croissance démographique, les régimes fonciers et les politiques du secteur agricole ont été reconnus comme étant les causes sous-jacentes de la déforestation.

En effet, les politiques directes spécialisées qui ne s'inscrivaient pas dans un contexte de macropolitique ou de politique intersectorielle approprié, leur permettant d'être mises convenablement en oeuvre, se sont avérées remarquablement inefficaces. La manière de définir et d'interpréter ces liens politiques varie selon que les questions forestières sont : vues dans une optique nationale (macro) ou au niveau d'une unité forestière (micro); évaluées en appliquant des concepts de capital, d'espace et d'emplacement orientés vers le développement ou vers la ressource; analysées selon des méthodes macroéconomiques ou microéconomiques (qui établissent donc des séries de priorités macropolitiques ou micropolitiques).

Le travail de recherche en cours sur les conséquences de ces liens en matière d'efficacité et de durabilité doit être consolidé dans quatre domaines essentiels : i) carences du marché et structures d'incitation; ii) carences politiques; iii) politiques du secteur forestier; iv) incidence des politiques en matière de commerce du bois sur l'utilisation des forêts et l'environnement.

Carences du marché et structures d'incitation

Quand il existe des biens publics, notamment des externalités et des biens environnementaux publics, les structures d'incitation peuvent être à l'origine de carences du marché. Le marché n'exige pas des utilisateurs l'intégralité des coûts sociaux qu'impliquent leurs actions. C'est ainsi que les marchés qui ne reflètent pas pleinement les valeurs environnementales (c'est-à-dire les coûts supplémentaires que comporte la gestion viable des forêts) peuvent conduire à une dégradation excessive de l'environnement. Pour pallier les carences du marché, certains types de mesures publiques ou collectives comportant un règlement (direction et commandement), d'incitations basées sur le marché ou de mesures institutionnelles sont nécessaires.

Les forêts peuvent en souffrir de diverses façons. Par exemple, les prix du marché des produits ligneux largement commercialisés ne reflètent habituellement pas les coûts que comporte leur production pour l'environnement. Les prix du marché ne rendent pas compte de la valeur des usages indirects (protection des bassins versants ou du cycle des nutriments), ni de la valeur des utilisations futures et des non-utilisations (valeur d'option ou valeur d'existence), qui peuvent être perdue ou dégradée par la production ou la consommation de produits forestiers. De nombreux avantages en matière d'environnement sont des biens publics et n'ont donc pas de valeur commerciale.

1 M.R. de Montalembert. 1992. Intersectoral policy linkages affecting the forestry sector. In H. Gregerson, P. Oram and J.Spears, eds. Priorities for forestry and agroforestry policy research. Washington, DC, IFPRI.

Si tous les biens et services, y compris les services environnementaux, fournis par les forêts pouvaient être achetés et vendus sur des marchés efficaces, les choix entre les diverses fonctions forestières et entre les utilisations forestière et non forestière du sol seraient déterminés par la volonté du public d'acheter différents services. Si le public préférait les services d'une forêt intacte au bois, le particulier propriétaire recevrait davantage d'argent pour préserver la forêt que pour la récolter. Etant donné qu'il n'est pas possible de limiter les avantages en matière d'environnement à ceux qui les paient, il n'existe aucun marché pour ces services et la plupart des propriétaires sous-évaluent les fonctions environnementales des forêts et n'investissent donc pas assez en leur faveur.

Dans ces cas-là, les coûts et avantages privés et sociaux divergent. Les compagnies d'exploitation forestière peuvent par exemple ne tenir aucun compte de l'incidence de leurs activités sur la faune et la flore sauvages et sur le paysage. La perte de valeur qui en résulte pour la chasse ou le tourisme ne rentre pas dans le calcul des coûts et avantages privés de l'entreprise de bois. Quand toute une industrie refuse régulièrement de reconnaître les coûts externes, les prix pratiqués tendent àtomber au-dessous du niveau optimal du point de vue social. Les politiques idéales inciteraient les propriétaires à peser les coûts et avantages sociaux de leurs décisions en matière d'utilisation des terres de la même manière que les coûts et avantages privés. Les politiques qui cherchent à favoriser ce comportement taxent les propriétaires afin de couvrir les coûts sociaux qu'ils imposent à la société ou les subventionnent pour éviter qu'ils n'imposent les préjudices.

Les droits de propriété déterminent également le système de mesures d'encouragement et de dissuasion en matière d'utilisation des forêts. La structure des droits de propriété définit les règles, les droits et les devoirs dans le cadre desquels les utilisateurs de la forêt opèrent. Les responsables dans le domaine économique accordent une grande importance aux systèmes de droits de propriété parce qu'ils déterminent l'efficacité de l'utilisation de la ressource dans l'ensemble de l'économie ainsi que la distribution du revenu.

Politiques macroéconomiques

Les politiques macroéconomiques et les décisions en matière d'investissement public peuvent fausser les prix du marché des produits et services forestiers commercialisés. Les interventions politiques à divers niveaux dans le domaine économique peuvent altérer la rentabilité des activités forestières vis-à-vis d'autres secteurs nationaux et leur compétitivité par rapport aux producteurs étrangers. C'est ainsi que les dévaluations et le niveau du coefficient du service de la dette influent de diverses manières sur l'utilisation des ressources forestières. Un taux de change surévalué diminue le prix des biens marchands par rapport aux biens non marchands. Dans ce cas, une réelle dévaluation éliminerait les distorsions économiques et renforcerait les incitations en faveur de la production nationale de biens marchands (dont les produits forestiers) par rapport aux biens non marchands. Ceci risquerait de favoriser la récolte des produits forestiers et d'accroître les taux de déforestation à cause de l'accroissement de la production ligneuse pour les marchés internationaux. Plus généralement, les politiques macroéconomiques, qui ont inévitablement une incidence sur l'industrie et les ressources forestières, peuvent modifier la demande sous-jacente et la situation de l'offre.

Les impacts sur le secteur forestier des résultats et des politiques au niveau macroéconomique sont difficiles à évaluer; les études qui ont tenté d'examiner les liens macroéconomiques avec la déforestation dans les zones tempérées sont rares, et celles qui portent sur le déboisement en zone tropicale aboutissent souvent à des conclusions contradictoires.2

L'investissement public a souvent des répercussions directes sur les activités forestières, en particulier quand les infrastructures de transport et les services publics sont étendus à des zones forestières auparavant inaccessibles. Ce type d'investissement peut représenter une importante subvention pour l'industrie de l'exploitation et de la transformation du bois, parce qu'il réduit le coût de l'accès aux ressources forestières. De même, il représente une subvention pour les consommateurs dans la mesure où il permet d'acheminer les produits forestiers vers le marché à moindres frais. L'investissement public dans les zones forestières isolées imprime également un certain élan aux migrations humaines et au développement de l'agriculture, qui est la principale cause de défrichement des forêts dans de nombreux pays.

Politiques du secteur forestier

Parmi les exemples de politiques qui concernent directement l'aménagement des forêts figurent les crédits d'impôt ou les subventions en faveur des conversions des terres forestières, du boisement et de la production ligneuse. Les politiques qui influent sur les incitations et entravent la concurrence dans les industries en aval ou les secteurs connexes, comme la transformation du bois et la construction, portent également atteinte à la foresterie.

2 Voir, par exemple, A.D.Capistrano. 1990. Macroeconomic influences on tropical forest depletion : a cross country analysis. University of Florida (Ph.D. dissertation); A.D. Capistrano and C.F. Kiker. 1990. Global economic influences on tropical closed broadleaved forest depletion, 1967–1985. Food Resources Economics Department, University of Florida; and J.Kahn and J. McDonald. 1990. Third World debt and tropical deforestation. Department of Economics, New York, SUNY-Binghampton.

Ces dernières années, la recherche appliquée a très largement mis l'accent sur les liens économiques entre les politiques forestières et la déforestation3. De nombreuses études concluent que les politiques de fixation des prix des produits forestiers et de gestion faussent souvent les coûts de deux manières. Premièrement, les prix des produits ligneux ou des produits dérivés des terres forestières converties ne tiennent pas compte des valeurs économiques perdues, telle que les redevances concernant le bois, les produits forestiers non ligneux perdus, les fonctions écologiques et de protection des forêts ou la perte de diversité biologique. Deuxièmement, les coûts directs de la récolte et de la conversion des forêts tropicales sont souvent subventionnés (ou faussés d'une autre manière), ce qui encourage donc l'abus et le gaspillage.

L'analyse politique a comme rôle important de déterminer si les avantages de l'intégration de ces valeurs économiques perdues aux décisions concernant l'utilisation des forêts compensent les coûts liés à la réduction de la production ligneuse, des échanges commerciaux, des emplois et des revenus (ainsi que les coûts d'application de ces politiques). L'étape suivante consiste àcorriger les politiques gouvernementales à l'échelle nationale qui engendrent des distorsions ainsi que les carences du marché qui créent une rupture entre les taux privés et les taux sociaux d'utilisation des forêts. Les politiques efficaces sur le plan économique intègrent les coûts écologiques de l'utilisation des forêts aux décisions de production.

Les politiques qui permettent une concurrence incomplète dans l'industrie forestière peuvent avoir de graves conséquences. Les obstacles à l'entrée sur le marché risquent d'empêcher les entreprises les plus efficaces de travailler, ce qui amène l'industrie dans son ensemble à prélever plus de bois que nécessaire pour fournir un approvisionnement donné de produits. A cet égard, l'inefficacité du secteur de la transformation est particulièrement préjudiciable, dans la mesure où elle tend àaccroître les besoins en matières premières et donc l'exploitation du bois, en favorisant des taux de conversion des grumes très faibles et en augmentant excessivement la capacité. La concurrence incomplète peut également empêcher l'adoption de techniques et de pratiques de gestion conçues pour améliorer les activités de récolte forestière qui minimisent la dégradation de l'environnement.

Une certaine inefficacité de la gestion peut être imputable de diverses façons à des politiques forestières susceptibles de : influer sur le niveau des récoltes rentables dans une optique privée et sociale; altérer les autres accords possibles en matière de redevance, de contrat et de concession et sur leurs conséquences en ce qui concerne l'atteinte aux droits, la sélection des qualités les meilleures et les autres pertes pour l'environnement; modifier la distribution du niveau de la redevance. L'élaboration de politiques forestières visant àréduire l'inefficacité des pratiques actuelles de gestion et àcontrôler la dégradation excessive due aux activités d'exploitation est un processus complexe qui nécessite une attention particulière à l'égard des incitations à la récolte. La plupart du temps, les politiques créent de fait des conditions qui incitent les titulaires de concessions à faire des récoltes à court terme et, dans certains cas, elles subventionnent même des récoltes commerciales à des niveaux non rentables.

Toutes ces carences au niveau des politiques et du marché intérieur ont de graves répercussions sur l'aménagement durable des forêts. S'il faut réorienter les politiques de l'Etat pour parvenir à une gestion efficace et durable des ressources forestières, il sera alors nécessaire de procéder à des changements. En permettant de définir l'attitude politique appropriée, l'évaluation économique des politiques actuelles joue un rôle important. Cependant, les données et les informations économiques sont souvent insuffisantes pour permettre une estimation précise des coûts économiques imputables aux carences du marché intérieur et des politiques. Bien que, dans la plupart des cas, les coûts estimatifs, qui donnent un ordre de grandeur et sont des indicateurs de l'orientation des changements, suffisent pour une analyse décisionnelle, souvent, nous n'atteignons même pas ce niveau d'ignorance optimale'.

3 Parmi les récentes études comparatives sur la manière dont les politiques de l'Etat influent sur la déforestation, voir : E. B. Barbier, J. Burgess, J. Bishop, B.Aylward and C. Bann. 1993. The economic linkages between the international trade in tropical timber and the sustainable management of tropical forests. Rapport final pour l'OIBT; W.F. Hyde, D.H. Newman and R.A. Sedjo. 1991. Forest economics and policy analysis: an overview; World Bank Discussion Paper 134, Washington, D.C., World Bank; and R. Repetto and M.Gillis, eds. 1988. Public policies and the misuse of forest resources. Cambridge, Massachusetts, Cambridge University Press.

Forêts, échanges et environnement

Les impacts du commerce international sur l'environnement figurent parmi les questions qui divisent le plus les responsables à l'échelle nationale. Certains groupes écologistes et certains mouvements d'opinion intéressés par le débat commerce-environnement affirment qu'une plus grande libéralisation des échanges commerciaux augmenterait la demande de bois tropical. Il n'est donc pas étonnant que ces groupes aient tendance à se méfier des accords commerciaux régionaux et mondiaux visant à éliminer les barrières commerciales. Un certain nombre de groupes d'intérêts préconisent dans le cadre des négociations multilatérales des mesures commerciales plus restrictives afin de contrôler la disparition excessive des forêts, d'encourager la gestion durable du bois et de trouver des financements compensateurs pour les pays producteurs de bois qui perdent des recettes et encourent des dépenses en changeant leurs politiques forestières.

Parmi les points importants du débat sur les échanges commerciaux et l'environnement figurent : i) l'exploitation des forêts anciennes dans certaines régions du globe pour servir les intérêts du commerce; ii) les incidences des distorsions du marché, des politiques et des échanges commerciaux sur les incitations au commerce du bois; iii) l'incapacité de nombreux pays d'abandonner progressivement et de manière durable leur dépendance à l'égard des forêts primaires en se tournant vers les forêts de deuxième venue, et d'établir un équilibre entre la capacité nationale de transformation et la disponibilité des réserves de bois.

Politiques commerciales et utilisation des ressources forestières

Les pays ayant des industries forestières peuvent avoir recours à des politiques commerciales restrictives afin de protéger leurs propres industries, de favoriser la transformation, génératrice de valeur ajoutée, ou de réduire la proportion de grumes dans les exportations de produits ligneux. Les barrières commerciales comprennent les tarifs, les contingents et autres réglementations qui limitent le type et le volume des produits forestiers commercialisés par rapport à ceux qui seraient commercialisés en libreéchange. Les tarifs et le contingentement des produits forestiers importés protègent les industries forestières nationales. Les subventions et les règlements en matière de normes servent à établir une discrimination contre les produits forestiers importés. Les taxes et les interdictions relatives aux exportations de grumes ont pour objet de favoriser la transformation, génératrice de valeur ajoutée, et de limiter la récolte. Au cours des quatre dernières décennies, les négociations relatives au commerce international ont cherché à réduire les restrictions commerciales pour un large éventail de biens et de services, dont les produits forestiers. Des instances telles que le GATT permettent de parvenir à des accords sur les règlements commerciaux, de régler les litiges et de réduire les barrières commerciales.

La libéralisation des échanges soulève également d'importantes questions concernant la distribution sociale de la richesse, des ressources et du revenu. Les marchés plus ouverts tendent à concentrer la richesse et à la redistribuer aux groupes les plus efficaces sur le plan économique aux dépens des couches de la société moins avantagées et moins efficaces. Ces réorientations nécessitent des interventions de l'Etat afin de corriger la concurrence incomplète et les carences du marché. Comment favoriser une distribution productive et régler les conflits relatifs aux ressources forestières est une question fondamentale dans le nouvel univers des échanges libéralisés, et les pays commencent seulement à se rendre compte de la complexité de ces problèmes.

Les diverses études menées à ce jour laissent entendre que, pour tirer profit des stratégies d'élargissement des échanges commerciaux, les pays doivent s'attaquer aux carences politiques actuelles et à la structure d'incitation qui est à l'origine de la déforestation, ce qui suppose par exemple d'intégrer les effets externes, d'améliorer l'accès aux terres agricoles, d'accroître la productivité agricole, d'offrir des emplois et d'assurer une sécurité de jouissance accrue pour les biens communs et privés.4

D'autre part, pour plusieurs raisons, les mesures commerciales sont rarement les moyens les plus appropriés pour traiter des questions relatives à la déforestation et à la dégradation. Premièrement, il peut déjà exister d'importantes distorsions dans le commerce du bois, dont les effets sur l'environnement ne sont pas bien connus. De nouvelles interventions visant à atteindre les objectifs fixés en matière d'environnement risquent d'aggraver ces incertitudes et de s'avérer lourdes de conséquences involontaires et même nuisibles.

Deuxièmement, les carences du marché et des politiques ont une incidence notable sur la gestion des forêts. Les politiques nationales en matière d'environnement peuvent avoir d'importantes répercussions sur la production, le commerce et les prix du bois. D'autre part, dans le meilleur des cas, les interventions commerciales ne traitent qu'indirectement de ces problèmes. Les mesures commerciales imposées unilatéralement par les pays importateurs n'auraient que peu d'influence sur les politiques nationales à l'intérieur des pays producteurs.

Enfin, c'est sur les prix et les flux transfrontières des produits que l'incidence des mesures commerciales est la plus directe. Ainsi qu'il est noté ci-dessus, les changements survenant dans ces flux internationaux risquent de n'avoir que très peu d'influence sur les principales causes de la déforestation et de la dégradation des forêts dans les pays producteurs. Même dans le cas des opérations forestières, il se pourrait qu'il n'y ait pas de réel contrôle sur la manière dont ces effets de ruissellement pèsent sur les incitations économiques au niveau du peuplement.

Cependant, les politiques en matière de commerce peuvent jouer un certain rôle en encourageant les incitations de nature commerciale qui favorisent une gestion durable des forêts. Ces politiques devraient être appliquées conjointement avec les politiques et réglementations du secteur forestier qui améliorent la gestion forestière et les compléter. Il est certain que d'autres politiques sectorielles et macroéconomiques influençant le schéma de la déforestation doivent être également envisagées.

4 FAO. 1994. Développement forestier et grands dilemmes. Dans: La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture. Rome.

Forêts et orientations pour l'avenir

Les gouvernements traitaient autrefois les forêts comme des réserves de bois circonscrites qui pouvaient être améliorées, maintenues ou converties au profit du bien-être national. Ce type d'approche prenait appui sur des ministères centralisés et sur des politiques sectorielles afin de dégager des recettes et des devises. Aujourd'hui, les gouvernements reconnaissent que les ‘sources’ de bois échappent aux juridictions forestières conventionnelles et que les avantages et services forestiers ne sont pas limités au bois.

Cette conception plus large de la nature des forêts et de leur contribution nécessite des stratégies et des politiques intérieures intégrant les forêts à l'effort de développement rural et établissant un équilibre, parmi les divers intérêts locaux, nationaux et internationaux, entre les besoins économiques et écologiques. En même temps, ces aspirations parfois contradictoires soulèvent de graves problèmes politiques qui concernent à la fois le secteur forestier et le développement national.

Par ailleurs, ces notions qui évoluent et ces priorités redistribuées mettent encore plus à l'épreuve la capacité nationale de gérer des unités forestières individuelles. La notion de durabilité en foresterie, qui mettait autrefois l'accent sur le rendement soutenu du bois, s'est maintenant élargie au concept beaucoup plus vaste de la gestion des processus écologiques, des services liés à l'environnement et des biens sociaux et économiques. Comme pour le concept de développement durable, incorporer ce large éventail de valeurs à la gestion durable de la foresterie est tentant, mais difficile à mettre en pratique. La manière d'envisager la durabilité dépend de l'optique adoptée.

Pour tenir compte de toute la gamme des priorités comprises entre le point de vue local et le point de vue mondial et satisfaire les groupes d'intérêts qui ont parfois des objectifs concurrents, il faut faire des compromis. Des questions d'équité particulièrement importantes se posent quand les intérêts et le bien-être des communautés locales, dont les choix et la capacité de trouver d'autres moyens de subsistance sont limités, divergent des priorités nationales ou internationales. Il est essentiel de consulter et de dédommager ceux qui tirent peu de profit des priorités choisies; le public doit participer à l'établissement de ces priorités.

Pour toutes ces raisons, les gouvernements doivent : concilier les besoins des populations avec les intérêts nationaux et mondiaux; appliquer des politiques qui déterminent la situation des forêts d'une manière telle que les possibilités offertes aux populations et aux communautés soient multipliées; mieux comprendre comment les interactions entre politiques sectorielles et macropolitiques influent sur l'utilisation des forêts par la population et sur les répercussions de cette utilisation sur le développement national.

Faits nouveaux dans la foresterie communautaire

Des enseignements sur les nouveaux modes d'administration locale qui s'efforcent de prendre en considération les intérêts des populations dépendant des forêts peuvent être tirés des expériences récentes menées au niveau local dans le cadre des programmes de foresterie communautaire. Il est maintenant nécessaire et possible de mettre en pratique ces enseignements en prenant des dispositions qui saisiraient également les liens entre politiques intersectorielles et macropolitiques qui déterminent la façon dont la population utilise les ressources forestières.

Jusqu'au début des années 70, les gouvernements centralisés ont eu tendance à accuser les communautés rurales de la destruction des forêts; les communautés locales récoltaient trop de bois de feu, ne contrôlaient pas le surpâturage et transformaient illégalement des terres en terres agricoles. Les besoins locaux sont entrés de plus en plus en conflit avec les besoins nationaux et, durant un grande partie de cette période, les gouvernements ont réagi en nationalisant les forêts, en limitant l'accès local, en réduisant les droits des communautés et en faisant appel à la police. Avec le temps, cette approche autoritaire a déplacé les cultures centrées sur la communauté, a brisé les traditions bien établies en matière de ressources de propriété commune et a accéléré la destruction de la forêt.5

5 M. Sarin. 1993. From conflict to collaboration : local institutions in joint forest management. Joint Forest Management Working Paper No .14. New Dehli, Ford Foundation.

Ce contrôle exercé par l'Etat revenait à éloigner les populations des forêts. L'agriculture et la foresterie étaient considérées comme des activités distinctes et, dans une certaine mesure, comme des utilisations du sol s'excluant l'une l'autre. Il est cependant devenu évident que le renforcement du contrôle exercé par l'Etat et la restriction des droits des communautés ne tenaient pas compte des liens fondamentaux existant entre les forêts, l'agriculture et les populations, en tant que parties intégrantes de l'écosystème rural. La sécurité alimentaire, le revenu, la nutrition, l'emploi, les sources d'énergie et le bien-être général des familles rurales étaient liés aux forêts.

La nouvelle approche qui s'est dégagée a entrepris d'intégrer la foresterie et les communautés dans un cadre unique de politiques et d'action, en particulier dans les zones où sévissent une pauvreté endémique et un taux de disparition de la forêt élevé. La réorientation des politiques et programmes a visé à soutenir la foresterie au profit des populations et à encourager les populations rurales à participer à l'effort de foresterie et de conservation. Foresterie communautaire est le terme général bien connu qui désigne ces activités participatives : foresterie agricole, foresterie sociale, gestion commune des forêts et réserves destinées au prélèvement. Il existe des distinctions subtiles entre les divers programmes, mais ils mettent tous en jeu un type de foresterie qui est basé sur les intérêts locaux et dépend de la participation communautaire.

La foresterie communautaire s'efforce de prendre en compte des situations diverses en renforçant les participations financières locales à la gestion. Les programmes et les activités communautaires doivent néanmoins être mis en oeuvre dans le cadre d'une approche au niveau national nécessitant des structures politiques uniformes. Les macropolitiques et les politiques sectorielles influent notamment sur l'utilisation de la forêt au niveau local en modifiant des facteurs tels que: i) le niveau de concurrence pour les utilisations du sol non forestières (usages agricoles, de pacage et industriels et prix relatifs de leurs produits); ii) la facilité d'accès aux produits forestiers (forêts publiques sans surveillance, bois agricole à bas prix, combustibles commerciaux et autres sources de fourrage); iii) l'accès aux marchés et la disponibilité des services. Les activités de foresterie communautaire s'efforcent de rentrer dans ce cadre politique en influant directement sur l'utilisation des diverses forêts par le biais d'accords officiels et non officiels entre le gouvernement et les groupes locaux.

Les expériences en matière de foresterie communautaire menées dans le monde entier illustrent la diversité en matière de : produits récoltés; organisation des utilisateurs locaux; politiques régissant l'accès; situation initiale; accords contractuels. En raison de la variété des produits, des services et des parties intéressées, il est difficile de classer les divers cas et les diverses politiques en succès et échecs. Il est cependant évident que différents types d'utilisateurs peuvent coopérer et gérer des programmes, planter des arbres et remettre des forêts en état.

D'autre part, en raison de la planification du sommer à la base, de nombreux projets reflètent la conception qu'ont les planificateurs des besoins des populations plutôt que l'opinion de la population locale à cet égard. Une récente analyse de foresterie communautaire de la FAO dégage plusieurs schémas qui diffèrent de ce que les planificateurs avaient supposé ou projeté. D'autres études mettent en doute les réalisations de la foresterie communautaire et certains de ses objectifs. Les critiques sont notamment les suivantes : la population n'a pas participé au niveau voulu; dans certains cas, la pratique généralisée de la monoculture a été écologiquement nuisible; de nombreuses plantations de bois de feu ont produit du bois industriel et commercial plutôt que de remédier aux pénuries de bois de feu; le faible soutien apporté au principe de l'égalité des sexes (de nombreux programmes ont considéré le ménage comme une unité) a aggravé plutôt que renforcé la position économique et la productivité de la femme.

Certains enseignements importants peuvent être tirés de l'expérience de la foresterie communautaire.6 Premièrement, de même que différents secteurs du gouvernement appuient souvent des utilisations concurrentes des forêts (expansion de l'agriculture, production de bois, production des bassins versants, recettes gouvernementales ou développement économique local), les intérêts des communautés varient et divergent entre les divers utilisateurs, groupes d'utilisateurs, communautés et activités. Etant donné que le pouvoir politique et les possibilités économiques ne sont pas distribués uniformément au sein d'une communauté, il n'est pas surprenant que certains groupes tirent peu de profit d'accords conçus à l'intention de l'ensemble des utilisateurs locaux. Ceci est particulièrement vrai pour les femmes qui sont souvent chargées de ramasser le fourrage, le bois de feu et des produits alimentaires dans la forêt. Elles sont pénalisées par les politiques de gestion forestières conçues pour favoriser la croissance de la forêt en limitant l'accès aux produits forestiers. Il est possible de s'attaquer à ces inégalités par l'intermédiaire de politiques nationales, mais elles risqueraient de gêner les initiatives locales. Il est plus efficace de laisser les femmes décider de leurs propres priorités et les négocier avec les groupes d'intérêts rivaux.

6 J.E.M. Arnold. Dans: FAO. 1992. Foresterie communautaire : un examen de dix ans d'activité. Note sur la foresterie communautaire No 7. Rome

Deuxièmement, les exemples d'expériences particulièrement réussies venant du monde entier indiquent qu'il est nécessaire d'établir des contrats explicites dans lesquels les recettes revenant aux diverses parties sont à peu près proportionnelles aux niveaux respectifs d'investissement et de risque. Les accords aux termes desquels le gouvernement cherche à recueillir la majeure partie des avantages rencontrent une certaine résistance au niveau local. D'autre part, les accords prévoyant des subventions généreuses pour les utilisateurs locaux suscitent souvent un intérêt exagéré de la part d'individus politiquement puissants. Même si l'usurpation des ressources rurales peut être contrôlée, les projets fortement subventionnés sont financièrement insoutenables et sont rarement reproduits.

Renforcement des capacités

Les succès remportés par la foresterie communautaire soulignent les avantages que comporte le renforcement des capacités des groupes locaux et des ONG qui participent aux activités forestières. Il est indispensable de renforcer les capacités en vue de la participation individuelle, de la gestion collective, de la cogestion avec les services forestiers gouvernementaux ou des opérations en association avec des groupes du secteur privé. Les groupes locaux et provinciaux ont besoin d'un renforcement de la formation générale et professionnelle et des financements pour les services forestiers nationaux.

Pour développer les capacités locales et nationales en foresterie, il faut disposer de ressources humaines ayant de très bonnes compétences et aptitudes, afin de formuler et de mettre en oeuvre les politiques, stratégies et programmes, ainsi que de meilleurs arrangements institutionnels dans une optique de développement économique.

Il paraît évident que tous les pays ont besoin de renforcer leurs capacités afin de faire face aux demandes croissantes en matière de ressources forestières et aux obligations de plus en plus contraignantes envers la communauté internationale. Ce renforcement est peut-être plus urgent dans certains pays en développement et dans ceux qui passent d'une économie planifiée à une économie de marché, mais il est également nécessaire dans les pays industrialisés. Bien qu'il existe des exemples encourageants de réformes et d'ajustements administratifs sur une petite échelle, chaque pays doit s'atteler à la tâche pour atteindre le type d'équilibre entre développement et environnement convenu à la CNUED.

La FAO distingue six domaines spécifiques qui nécessitent une attention spéciale dans le cadre du renforcement des capacités:7

7 FAO. 1994. Le chemin parcouru depuis Rio: avancer dans le domaine de la foresterie. Rome.

La dimension internationale

L'intérêt croissant suscité à l'échelle mondiale par la situation des forêts (réservoirs de carbone, diversité biologique, zones primitives, etc) stimule la participation internationale à l'aménagement des forêts. Le financement international en faveur de la foresterie assuré par l'APD est passé de 400 millions dollars E.-U. par an au milieu des années 80 à plus de 1,3 milliard dollars E.-U. au début des années 90. Au cours de la dernière décennie, divers accords internationaux nouveaux sont apparus: conversion de dettes en investissements écologiques et programmes de plantation subventionnés; permis négociables, contingents et dispositifs similaires à ceux du marché pour les réservoirs de carbone; aide scientifique, politique et technique et programmes financiers visant àaccroître la disponibilité de la ressource et à augmenter les investissements nationaux par l'intermédiaire de transferts de capital et de technologie; échanges plus libres et libéralisation du marché.

La CNUED a accordé énormément d'attention aux forêts de la planète. La conférence a formulé une déclaration de principes non juridiquement contraignante mais faisant autorité pour un consensus mondial sur la gestion, la conservation et l'exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts, connu sous le nom de ‘principes forestiers’. Le Chapitre 11 d'Action 21 met l'accent sur la déforestation, et la foresterie tient une place importante dans d'autres chapitres traitant de la désertification et de la sécheresse, de la mise en valeur durable des montagnes et de la conservation de la diversité biologique.

Les principes forestiers peuvent être considérés comme un code de bonne gestion applicable à toutes les forêts. Ils respectent la souveraineté nationale à l'égard des forêts et invitent tous les pays à adopter des modes durables de production et de consommation. Ils signalent également les multiples fonctions et utilisations des forêts ainsi que la nécessité d'une conception équilibrée des questions et des possibilités concernant leur conservation et leur développement.

Le Chapitre 11 d'Action 21 met en lumière quatre domaines d'activité : maintenir les rôles et fonctions multiples de tous les types de forêts; renforcer les capacités de planification des évaluations et des observations systématiques de la foresterie ainsi que des programmes, projets et activités connexes; favoriser une utilisation efficace de la ressource et des techniques d'évaluation qui intègrent toute la gamme des valeurs dérivant des forêts, des terres forestières et des surfaces boisées; améliorer, protéger, conserver et aménager les zones dégradées. Le Secrétariat de la CNUED a estimé le coût annuel total de ces programmes à 30 milliards dollars E.-U.

Les gouvernements sont chargés de mettre en oeuvre les accords de la CNUED, mais ce sont les engagements pris par les ONG, les communautés locales et les groupes du secteur privé dans chaque pays qui détermineront le rythme d'avancement des travaux.

La FAO a défini plusieurs niveaux d'action:

A l'avenir, les compromis entre les obligations internationales et les intérêts nationaux et la volonté des gouvernements de négocier les aspects internationaux des forêts (en ce qui concerne le commerce des produits et les services environnementaux) pèseront encore plus sur les choix politiques, le développement national et la situation des forêts.

Les mesures prises dans le seul secteur forestier ne peuvent garantir ni la conservation durable, ni l'utilisation rationnelle des forêts. Pour que les activités de suivi de la CNUED soient mises en oeuvre avec succès, il faut encourager les mesures de suivi dans d'autres secteurs qui influencent la foresterie. Réorienter les politiques de l'Etat afin de parvenir à une gestion efficace et durable des forêts suppose d'importants changements. Cependant, le consensus de la CNUED sur les principes forestiers représente le premier engagement de responsabilités allant au-delà des frontières nationales. L'énorme tâche qui reste à accomplir est de mettre ces principes en application. Les contributions des forêts au développement national dépendront du succès de cette entreprise.


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