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Module 6: Commerce et environnement


Objectif
Points clés
6.1 Introduction
6.2 Les principales dispositions des accords et décisions ministérielles du GATT et de l’OMC relatives au commerce et à l’environnement
6.3 L’expérience des pays en développement et les problèmes non résolus
6.4 Quelques questions intéressant les pays en développement
Bibliographie


Objectif

L’objectif de ce module est de présenter les problèmes liés à l’environnement et au commerce international, particulièrement dans le contexte de l’Accord sur l’agriculture. Cela devrait permettre d’aider les pays à mieux identifier leurs problèmes et leurs intérêts en matière de commerce et d’environnement dans le prochain cycle de négociations.

Points clés

· Fondamentalement, la philosophie de l’OMC concernant le lien entre la libéralisation du commerce et la protection de l’environnement est qu’il s’agit de deux objectifs complémentaires mais que leur relation dépend de ce que les politiques d’environnement soient judicieuses et tiennent compte de la valeur des externalités environnementales.

· Les Membres de l’OMC ont le droit de prendre des mesures pour protéger leur environnement à condition que celles-ci répondent aux principes de nécessité, de non-discrimination et de transparence, qu’elles ne soient pas des barrières déguisées au commerce et qu’elles reposent sur de solides principes scientifiques et d’évaluation du risque.

· L’Accord sur l’agriculture du Cycle d’Uruguay reconnaît que les Etats Membres ont des considérations autres que d’ordre commercial - notamment le besoin de protéger l’environnement de diverses manières - telles que de permettre la financement de la protection de l’environnement par des versements dans le cadre des mesures de soutien interne de la Boite verte. Mais peu de pays en développement font usage de cette exemption.

· Pour les pays en développement, les enjeux se situent dans la relation entre les mesures commerciales incluses dans les accords internationaux sur l’environnement et l’OMC, dans le désir de certains pays d’utiliser les mesures commerciales pour imposer aux autres leurs préférences et réglementations en matière d’environnement, et dans la nécessité de s’assurer que différentes normes nationales ne se combinent pas d’une façon telle qu’elles en deviennent «de fait» des mesures de protection.

6.1 Introduction

Le préambule de l’Accord de Marrakech de 1994 instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) stipule que les Membres devraient mener leurs politiques commerciales et économiques dans le but d’augmenter le niveau de vie, de favoriser le plein-emploi, de promouvoir une croissance ferme et soutenue du revenu réel et de la demande effective, et d’accroître la production et le commerce des biens et services, «tout en permettant l’utilisation optimale des ressources mondiales conformément à l’objectif de développement durable, en vue à la fois de protéger et préserver l’environnement et de renforcer les moyens d’y parvenir d’une manière qui soit compatible avec leurs besoins et soucis respectifs à différents niveaux de développement économique». Le passage pertinent de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT originel de 1947) se limitait par contre à inviter les Membres à «s’orienter vers la pleine utilisation des ressources mondiales». La comparaison de ces deux extraits montre bien que le système du commerce international accorde une importance croissante aux considérations environnementales.

La philosophie de l’OMC est de considérer commerce et environnement comme des objectifs complémentaires...

Fondamentalement, la philosophie de l’OMC concernant la relation entre la libéralisation du commerce et la protection de l’environnement est que ces deux objectifs sont complémentaires. Parallèlement à de sérieuses politiques d’environnement, la mise en place d’un système commercial ouvert, équitable et non discriminatoire peut puissamment contribuer aux efforts déployés aux niveaux national et international pour mieux protéger et conserver le patrimoine naturel et pour promouvoir un développement durable. Cette contribution a deux facettes. D’un côté un système commercial plus ouvert peut encourager une meilleure allocation et utilisation des ressources naturelles aux niveaux national et mondial car il réduit les distorsions découlant de politiques de restrictions et de subventions inappropriées. De l’autre, un système commercial plus ouvert contribue à favoriser une croissance du revenu tout en créant les ressources nécessaires pour lutter contre la fameuse «pollution de la pauvreté»1.

1 OMC (1997).

Bien qu’il y ait à l’OMC un consensus général sur ces principes fondamentaux, les points de vue sur la relation entre le commerce des produits agricoles et l’environnement sont extrêmement contradictoires. Il est largement admis que dans une économie de marché saine, les prix rendent compte de la rareté relative des ressources et des préférences des consommateurs (suivant leur revenu) et permettent d’allouer efficacement les ressources entre des utilisations concurrentes. A lui seul, le marché ne peut toutefois conduire à l’allocation optimale des ressources qu’à la condition que les prix des produits ne reflètent parfaitement les coûts et bénéfices non seulement sociaux mais aussi privés. Or, du fait de son lien étroit avec l’environnement, la production agricole engendre des effets externes positifs et négatifs sur l’environnement - des «externalités» - qui ne sont généralement pas reflétés dans les prix du marché. Il arrive ainsi que les agriculteurs ne paient pas la totalité des coûts associés à leur production lorsque, par exemple, des déchets d’origine animale provenant d’exploitations d’élevage intensif causent des dommages écologiques qui sont à la charge de l’ensemble de la société et non à celle du producteur. De même, il arrive que les agriculteurs ne perçoivent pas l’intégralité des bénéfices de leurs activités lorsque, par exemple, leurs rizières en terrasse améliorent l’environnement en empêchant les inondations. Ces «imperfections du marché» peuvent déboucher sur des formes de production inappropriées lorsque les politiques économiques et environnementales mises en place ne sont pas judicieusement combinées pour les corriger.

... mais cela reste un défi de trouver un équilibre entre les politiques du commerce extérieur et de l’environnement

L’identification et l’évaluation des externalités environnementales de la production agricole et la formulation de réponses politiques adaptées sont de véritables défis. Dans la pratique, les politiques adoptées dans un but précis peuvent elles-mêmes encourager une mauvaise allocation des ressources agricoles qui aura des conséquences néfastes pour l’environnement (par exemple, les subventions aux intrants visant à promouvoir la sécurité alimentaire peuvent se traduire par une utilisation excessive de l’intrant subventionné). Ces «imperfections des politiques» intérieures d’un pays peuvent avoir des conséquences négatives pour d’autres pays, soit directement en provoquant des dommages pour l’environnement, soit en faussant les mouvements des prix internationaux et en encourageant une mauvaise allocation des ressources au niveau mondial. En outre, sur la scène internationale, les priorités et les valeurs que les pays attachent aux externalités environnementales associées à la production agricole peuvent différer en fonction de certains facteurs comme leur niveau de développement économique, la structure de leur système agricole ou le rôle de l’agriculture dans leur société. Compte tenu de ces complexités, l’enjeu pour l’OMC consiste à trouver un équilibre entre les préoccupations écologiques légitimes des Membres et les avantages dérivant d’un système commercial international ouvert, équitable et sans discrimination.

Ce module aborde les points suivants:

· Les principales dispositions de l’Accord sur l’agriculture (AsA) et des autres accords pertinents et Décisions ministérielles du GATT et de l’OMC concernant la protection de l’environnement.

· L’expérience des pays en développement en matière de mise en œuvre de ces dispositions.

· Quelques problèmes non résolus dans le débat sur le commerce et l’environnement.

· Quelques questions à prendre en considération par les pays en développement.

6.2 Les principales dispositions des accords et décisions ministérielles du GATT et de l’OMC relatives au commerce et à l’environnement

6.2.1 Les principes du GATT et de l’OMC concernant les mesures de protection de l’environnement liées au commerce

Un certain nombre d’articles du GATT concernent directement les problèmes d’environnement liés au commerce, notamment et avant tout les Articles I et III sur la non-discrimination. Le principe de non-discrimination du GATT a une influence déterminante sur la formulation et la mise en œuvre des politiques d’environnement des Etats Membres de l’OMC. La non-discrimination a deux dimensions: la clause de la nation la plus favorisée (NPF) contenue dans l’Article I et la clause du traitement national contenue dans l’Article III. En vertu de la clause de la NPF, chaque Membre de l’OMC est tenu d’accorder aux produits des autres Membres un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui accordé aux produits de tout autre pays, quel qu’il soit. Aucun pays ne doit ainsi consentir d’avantages commerciaux spécifiques à un autre pays ou opérer une discrimination à son encontre2. La clause du traitement national signifie qu’une fois que des marchandises sont entrées sur un marché, elles doivent être traitées d’une manière qui ne soit pas moins favorable que des marchandises équivalentes produites dans le pays importateur. En ce qui concerne les mesures environnementales touchant au commerce, le principe de non-discrimination garantit que des politiques nationales de protection de l’environnement ne sont pas adoptées dans le but d’opérer une discrimination arbitraire entre des produits similaires d’origine nationale ou étrangère ou entre des produits similaires importés depuis des partenaires commerciaux différents. Le principe de non-discrimination vise donc à empêcher que les politiques de protection de l’environnement ne constituent pas des façons déguisées de restreindre le commerce international3.

2 Il existe d’importantes exceptions au principe de la NPF, notamment les conditions préférentielles d’accès aux marchés dont bénéficient les pays en développement (Articles XXXVI et XXXVII du GATT) et l’établissement d’unions douanières et de zones de libre-échange (Article XXIV du GATT).

3 OMC (1999d).

L’Article XX donne aux Membres le droit de prendre des mesures pour protéger leur environnement...

Le droit des pays à adopter des mesures de protection de l’environnement est affirmé dans l’Article XX du GATT, qui porte sur les exceptions générales, et dans un certain nombre de dispositions des Accords de l’OMC. Le fondement de ce droit est à rechercher dans l’Article XX qui stipule que rien dans les Accords de l’OMC ne saurait empêcher les pays d’adopter ou d’appliquer des mesures nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes ou à la préservation des végétaux4, et des mesures se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables5, sous réserve que ces mesures soient appliquées de façon telle qu’elles ne constituent un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre des Membres ou une restriction déguisée au commerce international. Le principe de transparence est un élément clé des conditions d’application de ces mesures. C’est pourquoi les Membres doivent garantir que leurs règlements seront publiés dans des délais raisonnables, et expliqués et justifiés par rapport aux dispositions pertinentes de l’OMC.

4 GATT (1994), Article XX, paragraphe 1 et alinéa (b).

5 GATT (1994), Article XX, paragraphe 1 et alinéa (g).

D’autres dispositions des Accords de l’OMC prévoient des types de protection de l’environnement plus spécifiques. Ces dispositions sont formulées un peu différemment mais, d’une manière générale, ces mesures sont soumises aux conditions suivantes:

... mais à certaines conditions

· Elles doivent être nécessaires pour atteindre le niveau de protection recherché.

· Elles ne peuvent pas constituer un moyen de discrimination arbitraire et injustifiable entre des Membres.

· Elles ne peuvent pas être utilisées de façon à constituer un obstacle déguisé au commerce.

· Elles doivent être basées sur des principes et des informations scientifiques et sur des méthodes scientifiques d’évaluation des risques.

· Elles doivent avoir un effet de distorsion minime sur le commerce, être cohérentes avec le niveau de protection recherché et prendre en compte les risques associés à leur non-respect.

· Les pays doivent adhérer au principe de transparence, tant au niveau de l’adoption que de l’application de ces mesures.

· Les pays doivent fournir une assistance technique aux Membres, en particulier aux pays en développement et aux pays les moins avancés, pour leur permettre de se conformer à ces mesures.

6.2.2 Les dispositions environnementales de l’Accord sur l’agriculture

Le Préambule de l’Accord sur l’agriculture reconnaît que les engagements du programme de réforme doivent tenir compte des préoccupations des Membres autres que d’ordre commercial, notamment de la nécessité de protéger l’environnement6. En outre, l’Article 20 de l’AsA engage les Membres à poursuivre le processus de réforme en tenant compte de leurs considérations autres que d’ordre commercial7. Les dispositions de l’Article 6 - sur les Engagements en matière de soutien interne - et de l’Article 7 - relatif aux Disciplines générales concernant le soutien interne - sont celles qui donnent le plus d’importance à ces engagements.

6 AsA, Préambule, Paragraphe 6.

7 AsA, Article 20, Alinéa (c).

Les disciplines concernant le soutien interne à l’agriculture ont pour objet de quantifier l’effet de distorsion des politiques intérieures sur le commerce des produits agricoles, grâce à la Mesure globale du soutien (MGS), puis de réduire progressivement la valeur de la MGS au fil du temps. Certaines mesures de soutien interne, dont on trouvera une liste détaillée dans l’Annexe 2 de l’AsA, sont exemptées des engagements de réduction car on considère qu’elles n’ont qu’un effet de distorsion minime ou nul sur le commerce (voir Module II.1, Les mesures de soutien interne). Plusieurs types de mesures touchant à la gestion de l’environnement rentrent dans la catégorie des politiques dites de la «Boîte verte»8.

8 Les politiques de la «Boîte verte» sont celles qui sont exclues des calculs de la MGS et des engagements de réduction. Dans ce contexte, le terme «verte» est sans rapport avec l’environnement, même si quelques politiques environnementales sont incluses dans la «Boîte verte».

Les mesures de la Boîte verte décrites dans l’Annexe 2 doivent être mises en place dans le cadre d’un programme public financé par des fonds publics (y compris les recettes publiques sacrifiées) et ne doivent pas constituer un soutien aux prix aux producteurs. Il existe quatre types de politiques de la Boîte verte exemptées qui ont un lien direct ou indirect avec l’environnement:

Les paiements pour la protection de l’environnement sont prévus dans le cadre de la Boîte verte de l’AsA...

· Les services de caractère général comprennent des programmes qui fournissent des services ou des avantages à l’agriculture ou à la communauté rurale, mais qui n’impliquent pas de versements directs aux producteurs ou aux transformateurs. Ils couvrent, entre autres, la recherche liée aux programmes de protection de l’environnement, la lutte contre les parasites et les maladies, les services d’inspection sanitaire et d’hygiène, et les services d’infrastructure liés à des programmes de protection de l’environnement9.

9 AsA, Annexe 2, paragraphe 2, alinéas (a), (b), (e) et (g).

· Les versements à titre d’aide en cas de catastrophe naturelle formellement reconnue correspondent à une perte de production de plus de 30 pour cent de la production moyenne d’une période déterminée. Ces versements peuvent être effectués pour indemniser les agriculteurs des pertes de revenu, de terres ou d’autres facteurs de production, consécutives à la catastrophe naturelle en question et ne doivent pas être supérieurs au coût total du remplacement de ce qui a été perdu, ni excéder le niveau requis pour empêcher ou atténuer de nouvelles pertes10.

10 AsA, Annexe 2, paragraphe 8.

· Les versements au titre de programmes de protection de l’environnement. Les critères d’éligibilité à ces versements doivent être déterminés dans le cadre d’un programme public clairement défini de protection de l’environnement ou de conservation et dépendent du respect de conditions spécifiques prévues par ce programme, y compris les conditions liées aux méthodes de production ou aux intrants11.

11 AsA, Annexe 2, paragraphe 12.

· Les versements au titre de programmes d’aide régionale sont destinés aux producteurs des régions défavorisées. Toute région de ce type doit être une zone géographiquement et administrativement bien définie et d’un seul tenant, considérée comme défavorisée sur la base de critères neutres et objectifs reflétant des conditions structurelles et non passagères. Après la période de base, le montant annuel de ces versements ne doit pas être fonction de la nature ou du volume de la production (sauf s’il s’agit de réduire cette production), ni des prix intérieurs ou internationaux. Les versements doivent être généralement disponibles pour tous les producteurs des régions pouvant en bénéficier et ne doivent pas être supérieurs aux coûts supplémentaires ou aux pertes de revenu découlant de la production dans la région désignée12.

12 AsA, Annexe 2, paragraphe 13.

6.2.3 Les autres accords de l’OMC en rapport avec le commerce et l’environnement

... mais les mesures environnementales des autres accords de l’OMC risquent d’avoir encore plus d’impact sur le commerce agricole

L’Accord général sur le commerce des services (GATS) contient dans son Article XIV une clause sur les Exceptions générales similaire à celle de l’Article XX du GATT examinée plus haut. Les deux articles abordent exactement de la même manière les questions d’environnement. L’Article XIV alinéa (b) du GATS autorise les Membres de l’OMC à adopter des mesures nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes ou à la préservation des végétaux, même si elles sont incompatibles avec les dispositions de l’AGCS, sous réserve qu’elles ne constituent pas un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable ou une façon déguisée de restreindre les échanges internationaux.

L’Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC) reconnaît que les Etats peuvent appliquer les règlements techniques et les normes nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux et à la préservation des végétaux, ou à la protection de l’environnement. L’Accord OTC s’applique aux produits agricoles et aux produits industriels mais ne couvre pas les mesures sanitaires et phytosanitaires qui font l’objet d’un accord spécifique (Accord SPS). En général, l’Accord OTC exige que ces mesures soient établies sur la base de preuves scientifiques et appliquées conformément aux principes de non-discrimination et de transparence13. Spécifiquement, l’Accord OTC stipule que les pays feront en sorte qu’il soit accordé aux produits importés en provenance du territoire de tout Membre un traitement non moins favorable que celui qui est accordé aux produits similaires d’origine nationale; que l’élaboration, l’adoption ou l’application des règlements techniques n’aient ni pour objet ni pour effet de créer des obstacles non nécessaires au commerce international; et que les règlements techniques ne soient pas plus restrictifs pour le commerce qu’il n’est nécessaire pour atteindre un objectif légitime, compte tenu des risques que ferait courir sa non-réalisation14.

13 Accord OTC, Préambule.

14 Accord OTC, Article 2.

L’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) affirme que les Membres ont le droit d’adopter des mesures nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux, ou à la préservation des végétaux, sous réserve que ces mesures ne constituent pas une discrimination arbitraire ou injustifiable entre les Membres, ou une restriction déguisée au commerce international.15 Ces mesures doivent être appliquées à un niveau qui ne soit pas supérieur à ce qui est nécessaire pour atteindre le degré de protection sanitaire ou phytosanitaire recherché et elles ne doivent pas être maintenues sans preuves scientifiques suffisantes. Les Membres doivent faire en sorte que leurs mesures sanitaires et phytosanitaires soient fondées sur les preuves scientifiques pertinentes, compte tenu d’une évaluation des risques et du rapport coût-efficacité des autres mesures qui permettraient de limiter les risques16. L’Accord SPS s’efforce de faire avancer l’harmonisation17 des normes sanitaires et phytosanitaires et affirme le principe de l’équivalence18 des différentes méthodes lorsqu’il peut être démontré qu’elles garantissent le niveau de protection approprié. Les Etats se sont engagés à fournir une assistance technique à d’autres Membres, en particulier aux pays en développement, afin de leur permettre de s’adapter et de se conformer à leurs mesures sanitaires et phytosanitaires. Les Etats ont pris l’engagement de tenir compte des besoins spécifiques des pays en développement dans l’élaboration de ces mesures, et en particulier de ceux des pays les moins avancés. Cet engagement vise à préserver les possibilités d’exportation des PVD et PMA.

15 Accord SPS, Préambule.

16 Accord SPS, Article 5.

17 Accord SPS, Article 3.

18 Accord SPS, Article 4.

L’Accord sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) autorise les Etats à refuser d’accorder un brevet à une invention lorsqu’il est nécessaire d’empêcher son exploitation commerciale afin de protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou de préserver les végétaux, ou encore lorsqu’il s’agit d’éviter de graves atteintes à l’environnement. Les Membres peuvent spécifiquement exclure les végétaux et les animaux autres que les micro-organismes du droit à être breveté, ainsi que les procédés biologiques d’obtention de végétaux ou d’animaux autres que les procédés microbiologiques.19

19 Accord ADPIC, Section 5, Article 27.

L’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires (SMC), qui s’applique aux subventions autres que celles autorisées dans le cadre de l’AsA, définit certaines subventions qui «ne donnent pas lieu à une action» et leur accorde une exemption des disciplines de l’Accord. Aux termes de l’Article 8 sur les subventions ne donnant pas lieu à une action, les subventions publiques à l’industrie sont autorisées dans certaines circonstances pour compenser les coûts de mise en conformité avec les nouvelles législations ou réglementations sur l’environnement.

6.2.4 Les décisions ministérielles sur le commerce et l’environnement

Outre les dispositions des Accords du GATT/OMC qui sont juridiquement contraignantes pour les Membres, deux décisions ministérielles portant sur les questions environnementales ont été adoptées durant le Cycle d’Uruguay. Ces décisions n’ont pas force de loi mais servent à exprimer le consensus général des Membres de l’OMC.

Le Comité de l’OMC est maintenant le forum où seront examinées les questions de commerce et d’environnement

La Décision ministérielle sur le commerce et l’environnement20 a établi le Comité du commerce et de l’environnement (CCE) afin de renforcer les liens entre les politiques en matière de commerce international et les politiques de l’environnement. Le CCE est ouvert à tous les Membres de l’OMC. La Décision affirme «qu’il ne devrait pas y avoir, et qu’il n’y a pas nécessairement, de contradiction au plan des politiques entre la préservation et la sauvegarde d’un système commercial multilatéral ouvert, non discriminatoire et équitable d’une part, et les actions visant à protéger l’environnement et à promouvoir le développement durable d’autre part». En ce qui concerne la coordination des politiques dans le domaine du commerce et de l’environnement, la Décision limite le rôle de l’OMC «aux politiques commerciales et aux aspects des politiques environnementales qui touchent au commerce et qui peuvent avoir des effets notables sur les échanges de ses Membres».

20 GATT (1994).

Le CCE a été chargé d’identifier les relations entre les mesures commerciales et les mesures environnementales, d’évaluer les avantages écologiques de la suppression des restrictions et des distorsions commerciales, et de faire des recommandations appropriées pour déterminer s’il y a lieu de modifier les dispositions du système commercial multilatéral en vue de renforcer les interactions positives entre le commerce et l’environnement et de prévenir les mesures commerciales protectionnistes. Le mandat du CCE comprend, entre autres, les mesures commerciales prises à des fins de protection de l’environnement, y compris celles qui relèvent d’accords environnementaux multilatéraux, les impôts et taxes appliqués à des fins de protection de l’environnement, et les prescriptions établies à des fins de protection de l’environnement relatives aux produits, y compris en matière de normes et de règlements techniques et les prescriptions en matière d’emballage, d’étiquetage et de recyclage. De surcroît, le CCE a été chargé d’évaluer «l’effet des mesures environnementales sur l’accès aux marchés, notamment pour les pays en développement et en particulier les moins avancés».

La Décision ministérielle sur le commerce des services et l’environnement21 a en outre invité le CCE à examiner les relations entre le commerce des services et l’environnement, et à émettre des recommandations pour déterminer s’il y a lieu de modifier l’Article XIV du GATS sur les exceptions générales, afin de tenir compte des mesures environnementales.

21 GATT (1994).

6.3 L’expérience des pays en développement et les problèmes non résolus

Dans le contexte de l’OMC, les principales questions touchant au commerce des produits agricoles et à l’environnement sont les suivantes: i) l’impact du commerce international et de la libéralisation du commerce sur l’environnement; ii) les difficultés associées aux exemptions de la Boîte verte ayant trait à des programmes environnementaux; iii) les rapports entre les accords environnementaux et le système commercial international; et iv) les problèmes commerciaux dérivant de l’existence de systèmes de réglementation nationaux disparates et, plus généralement, de la crainte que les réglementations commerciales établies sur la base de considérations environnementales ne constituent une forme de protectionnisme déguisé22.

22 FAO (1995).

6.3.1 La libéralisation du commerce des produits agricoles et l’environnement

Comme on l’a noté plus haut, la libéralisation du commerce des produits agricoles et la protection de l’environnement peuvent être des objectifs complémentaires si des politiques environnementales adéquates sont mises en place. Néanmoins, pour certains Membres de l’OMC, la libéralisation dans le secteur agricole peut avoir des effets négatifs sur l’environnement23 lorsqu’elle perturbe certaines formes de production respectueuses de l’environnement ou que la libéralisation conduit à une réduction drastique des réglementations environnementales au niveau international. Au contraire, pour d’autres Membres, la libéralisation du marché est un facteur crucial pour corriger les pratiques de production nuisibles à l’environnement et pour promouvoir l’adoption de politiques de protection de l’environnement plus rigoureuses24. Il a ainsi été demandé à plusieurs Membres de l’OMC de réaliser des études d’impact sur l’environnement dans leur pays avant de les autoriser à souscrire des accords commerciaux internationaux et il a été proposé que l’OMC envisage de réaliser ce type d’analyse pour tous les accords à venir.

23 Voir par exemple OMC (1999b) et OMC (1999d).

24 Voir par exemple OMC (1999c) et OMC (1999e).

6.3.2 Les exemptions environnementales de la Boîte verte

La Boîte verte de l’AsA identifie les mesures de soutien interne qui sont exemptées des engagements de réduction et comprend divers programmes qui ont un rapport direct ou indirect avec la protection de l’environnement25. Ces exemptions s’appliquent aussi bien aux pays développés qu’aux pays en développement, mais ces derniers ont été très peu nombreux à les revendiquer expressément dans leurs premières propositions concernant le soutien interne. En effet, la majorité des pays en développement se sont contentés de déclarer que leurs politiques de soutien interne échappaient aux engagements de réduction, sans préciser si c’était au titre de la Boîte verte ou au titre du Traitement spécial et différencié. Dans la plupart des cas, il est donc impossible de déterminer si ces pays ont des programmes environnementaux opérationnels répondant aux critères requis pour prétendre aux exemptions de la Boîte verte.

25 L’AsA, Article 6, et l’Annexe 2, paragraphes 2 alinéas (a), (b), (e) et (g), 8 et 13, prévoient des exemptions pour certains programmes indirectement liés à la protection de l’environnement, tels que les programmes de secours en cas de catastrophes, de lutte contre les parasites et les maladies et la recherche liée à ces programmes. L’Annexe 2, paragraphe 12 donne la liste des programmes de protection de l’environnement proprement dits qui sont exemptés.

Les pays développement n’utilisent guère les exemptions de la Boîte verte dans leurs politiques de protection de l’environnement...

Sur les 99 pays en développement (selon la classification de l’OMC) qui ont soumis des tableaux explicatifs concernant les engagements en matière de soutien interne, 40 seulement ont donné des informations suffisamment détaillées pour qu’il soit possible d’évaluer les types de soutien interne qu’ils ont fourni. De cet ensemble, 36 pays ont fait état de programmes qui pourraient être liés de manière indirecte à la protection de l’environnement, comme par exemple des mesures d’aide en cas de catastrophes, des services de mise en quarantaine et d’inspection et des activités de recherche s’y rapportant. Six pays en développement seulement ont déclaré avoir des programmes de protection de l’environnement, les activités de conservation des sols étant les plus souvent citées. En revanche, sur les 13 pays développés qui ont présenté des tableaux explicatifs, 12 ont revendiqué des exemptions de la Boîte verte pour des programmes indirectement liés à l’environnement et 8 d’entre eux ont fait état de programmes de protection de l’environnement.26

26 Tableaux explicatifs concernant les engagements relatifs aux produits agricoles, dans la Partie IV des listes de concessions G/AG/AGST/1-4.

Cette disparité entre pays développés et pays en développement dans l’utilisation des exemptions environnementales montre que les pays développés disposent de ressources financières plus importantes à affecter à des programmes environnementaux et, peut-être aussi, qu’ils accordent une priorité plus grande aux problèmes écologiques. Elle s’explique sans doute aussi en partie par le fait que de nombreux pays en développement ont des capacités institutionnelles insuffisantes pour préparer la documentation nécessaire au titre de l’AsA. Compte tenu du grand nombre de pays en développement qui n’ont pas fourni de tableaux explicatifs détaillés, il est possible que la présente analyse sous-estime le nombre des programmes environnementaux de ces pays répondant aux critères de la Boîte verte. Toutefois, cette disparité confirme les craintes des pays en développement, à savoir que les exceptions environnementales prévues à l’Article 6 profitent essentiellement aux pays développés.

... il faudra donc examiner si une interprétation flexible est de leur intérêt

Plusieurs problèmes peuvent se poser à propos des exemptions de la Boîte verte concernant l’environnement. Le premier tient à ce que la notion «d’environnement» n’est pas définie dans l’AsA si bien que l’on peut se demander quelles sont les exemptions en matière d’environnement qui sont considérées comme valables en vertu de l’Article 6. Il est par exemple couramment admis qu’un versement au titre de la protection de l’environnement qui tend à réduire les superficies de sols fragiles mises en cultures et qui, de ce fait, contribue à limiter l’érosion, peut prétendre à l’exemption. Il n’est pas sûr, par contre, qu’un versement qui aide à préserver la valeur d’agrément d’un paysage agricole traditionnel puisse être considéré comme une exemption valable en matière d’environnement. En outre, il reste encore à déterminer si les exceptions de la Boîte verte en matière d’environnement visent exclusivement à protéger les milieux exploités par l’agriculture, ou plus généralement les milieux dits naturels.

L’un des problèmes qui se posent pour toutes les politiques de la Boîte verte est d’évaluer et de suivre leur application, afin de s’assurer que leur effet sur la production et le commerce reste «minime». Le concept d’«effet minime» n’est, là-encore, pas défini par l’AsA. Tous les types de subventions, y compris celles qui sont accordées à des fins de protection de l’environnement, sont susceptibles de procurer des avantages aux producteurs nationaux et d’avoir un effet sur le commerce, au moins à long terme. Il faudrait donc arriver à déterminer jusqu’à quel point et dans quelles conditions des subventions «au titre de l’environnement» peuvent être autorisées, et trouver une méthode d’évaluation appropriée afin de limiter leurs effets négatifs sur le commerce et l’environnement.

6.3.3 Les accords environnementaux et l’OMC

Les dispositions commerciales des AEM peuvent contredire les engagements de l’OMC

Les Accords environnementaux multilatéraux (AEM) sont le mécanisme préféré de l’OMC pour gérer les problèmes environnementaux transfrontaliers, tant au niveau régional que mondial, car les solutions unilatérales comportent un risque de discrimination arbitraire et de protectionnisme déguisé. L’OMC soutient que, dans le cadre des AEM, les mesures commerciales ne sont pas l’instrument politique le plus efficace, même si elles peuvent dans certains cas jouer un rôle important, en particulier lorsque le commerce est directement lié au problème écologique.

La compatibilité avec les règles de l’OMC peut être contestée lorsqu’un AEM prescrit à ses signataires d’appliquer des mesures commerciales à l’encontre de pays non-signataires qui ne se sont pas conformés à ses dispositions. Dans la mesure où l’AEM a été souscrit par une partie seulement des Membres de l’OMC et où les mesures commerciales prescrites par l’AEM ne sont pas également justifiées en vertu des dispositions de l’OMC, lesdites mesures commerciales contreviennent au principe de non-discrimination de l’OMC et peuvent être contestées dans le cadre du processus de règlement des différends de l’OMC.

Sur les quelques 200 AEM qui sont aujourd’hui en vigueur, une vingtaine contiennent des dispositions commerciales, notamment le Protocole de Montréal relatif aux substances qui appauvrissent la couche d’ozone, la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et leur élimination, et la Convention sur le commerce international des espèces de flore et de faune sauvages menacées d’extinction (CITES). Jusqu’à présent, aucune action judiciaire n’a été intentée à l’OMC à propos de dispositions commerciales appliquées en vertu d’un AEM. En revanche, des sanctions commerciales imposées unilatéralement, pour des raisons environnementales, ont été contestées et invalidées à l’OMC et les dispositions commerciales de certains AEM pourraient être à l’origine de litiges.

Une partie des problèmes tient à ce que l’OMC tendrait à «imposer» les clauses et conditions qui peuvent être négociées dans le cadre des AEM. Dans cette perspective, certains problèmes environnementaux seraient si importants, et les risques associés à l’inaction ou à une action unilatérale si graves, que l’OMC devrait éviter d’obliger les négociateurs des AEM à trouver des solutions aux problèmes d’environnement dans un cadre multilatéral - quitte à tolérer des arrangements commerciaux bilatéraux incompatibles avec les principes de l’OMC. Selon la perspective contraire, l’OMC ferait une place déjà suffisamment large à la protection de l’environnement; les signataires des AEM ne devraient par conséquent pas être autorisés à remettre en cause l’équilibre des droits et obligations de l’OMC. A cet égard, le Secrétariat de l’OMC s’est exprimé clairement en affirmant que «cette question ne saurait être prise à la légère car ce qui est remis en cause, ce sont les obligations de non-discrimination qui sont la pierre angulaire du système juridique de l’OMC, et qui constituent le principal mécanisme de protection des Membres les plus faibles et les plus pauvres du système commercial multilatéral»27.

27 Site web de l’OMC

6.3.4 Les divergences des normes nationales

Des normes sévères sur les marchés d’exportation risquent de limiter leur accès...

Les réglementations techniques et les normes - y compris celles qui sont appliquées à des fins de protection de l’environnement - sont soumises aux règles et aux disciplines des Accords OTC et SPS. Comme on l’a vu, les Etats ont le droit d’établir des réglementations et des normes de protection de l’environnement plus strictes que celles prévues au niveau international, sous réserve qu’elles soient justifiées sur des bases scientifiques et ne constituent ni un moyen de discrimination, ni une restriction inutile au commerce. Plus de 350 normes nationales de protection de l’environnement ont été notifiées au titre de l’Accord OTC, et quelque 1000 normes techniques au titre de l’Accord SPS (en 1998). Ces normes comprennent: des mesures nationales appliquées pour mettre en œuvre des AEM, comme le Protocole de Montréal et la CITES; des interdictions à l’importation de produits ou de procédés nuisibles pour l’environnement; des normes et réglementations sur la pollution atmosphérique, hydrique et sonore; des mesures d’économie de l’énergie et de conservation des sols, de recyclage des produits et enfin des normes phyto- et zoosanitaires. Dans ce domaine, plusieurs questions inquiètent les pays en développement.

... soit en renchérissant les coûts de mise en conformité...

Les coûts de mise en conformité. Les coûts de mise en conformité avec les normes OTC et SPS appliquées sur les marchés d’exportation préoccupent les pays en développement, car ils risquent d’être plus élevés pour eux que pour les pays développés et donc de les pénaliser en termes de compétitivité. Les coûts de la mise en conformité avec les normes appliquées sur les marchés d’exportation varient en fonction de l’écart entre ces normes et celles qui prévalent sur le marché du pays fournisseur. Or, en général, les pays en développement appliquent des normes techniques moins rigoureuses que les pays développés, de sorte qu’ils doivent faire face à des coûts plus élevés de mise en conformité aux normes en vigueur sur les marchés des pays développés vers lesquels ils exportent leurs produits, et ce même si ces normes ne sont nullement discriminatoires28. Des recherches plus approfondies ont montré que les normes de protection de l’environnement pouvaient être des instruments stratégiques efficaces car, en théorie, elles conduisent les pays qui ont un faible coût de production à ne pas les appliquer, ce qui permet aux pays qui ont les coûts de production les plus élevés de monopoliser le segment du marché qui est aux normes29. Les décideurs des politiques ont devraient donc bien réfléchir aux intérêts qu’ils défendent en laissant imposer des normes définies unilatéralement - qui risquent donc de gêner certains partenaires commerciaux même si elles ne sont pas discriminatoires - plutôt que des normes définies par une négociation internationale.

28 Henson, S. et Loader, R. (1998).

29 Matoo, A. (1996).

Les méthodes et procédés de production. L’un des problèmes qui s’est posé à l’OMC est de déterminer dans quelle mesure il est légitime d’imposer des restrictions au commerce pour interdire ce que l’on a appelé des méthodes et procédés de production (MPP) «sans effet direct», c’est-à-dire des MPP qui peuvent engendrer des externalités négatives mais qui sont sans incidence sur la qualité et la sécurité du produit final30. Ainsi, un règlement relatif à l’utilisation ou à l’élimination d’un polluant qui est libéré durant le procédé de production, mais qui n’affecte pas le produit lui-même (ex: réglementations relatives au traitement des déchets animaux) est une prescription relative à un MPP sans effet direct. L’OMC autorise explicitement les pays à adopter des mesures commerciales pour réglementer «les caractéristiques d’un produit ou les procédés et méthodes de production s’y rapportant»31 mais les MPP qui sont sans effet sur les caractéristiques du produit final ne sont pas expressément visés par les Accords de l’OMC32.

30 South Centre (1998).

31 Accord OTC, Annexe 1, Paragraphe 1.

32 A l’exclusion des articles fabriqués dans les prisons qui peuvent être soumis aux disciplines de l’Article XX, alinéa (e) du GATT.

... soit en imposant certains procédés de production...

Les mesures prises à l’encontre de méthodes et procédés de production «sans effet direct sur le produit» peuvent poser un problème dans le domaine des politiques commerciales, principalement lorsqu’un pays importateur souhaite imposer des restrictions sur des MPP sans effet direct pour un procédé de production adopté en dehors de sa juridiction. Quelques pays souhaitent parfois imposer des normes MPP à des producteurs étrangers, soit pour «uniformiser les règles du jeu» lorsque les producteurs nationaux sont eux-mêmes soumis à ces normes, soit parce qu’ils estiment que c’est la «bonne politique» pour protéger l’environnement. La question-clé pour l’OMC est de déterminer si un Membre peut recourir à des mesures commerciales pour que d’autres Membres appliquent ses propres préférences ou réglementations environnementales33.

33 OCDE (1997a).

Quelques pays ont suggéré que soient adoptées des mesures commerciales pour assurer le respect des réglementations concernant les MPP sans effet direct, en particulier lorsque ces MPP ont des effets externes sur l’environnement transfrontalier ou à l’échelle de la planète34. En pareils cas, il conviendrait probablement de s’orienter vers une harmonisation internationale ou une reconnaissance mutuelle des normes nationales mais l’harmonisation n’est pas toujours possible ni appropriée. Certains observateurs considèrent que le système de réglementations environnementales d’un pays fait partie intégrante de ses avantages comparatifs et ne sont donc pas favorables à l’harmonisation, surtout en l’absence d’effets transfrontaliers sur l’environnement associés aux MPP35.

34 Les négociateurs du protocole de Montréal ont tenté de restreindre les importations d’articles produits avec des procédés utilisant des substances chlorofluorocarbonées mais qui n’en contenaient pas, mais cette proposition a été rejetée.

35 OCDE (1997a).

... soit en imposant une discrimination à la commercialisation

L’éco-étiquetage. Ces considérations nous amènent à la question connexe de l’éco-étiquetage - qui consiste à apposer des étiquettes spéciales sur un produit pour indiquer qu’il est conforme à certaines normes environnementales. Certains systèmes d’éco-étiquetage sont gérés par l’Etat ou par des institutions régionales - par exemple le label écologique japonais, le Choix environnemental canadien ou le Cygne nordique - et d’autres par des groupements de consommateurs, des associations d’industries ou d’autres groupes non gouvernementaux. Ce qui est important pour les pays en développement, c’est de déterminer si ces systèmes incorporent des MPP sans effet sur le produit et s’ils sont pleinement conformes avec les principes de non-discrimination et de transparence de l’OMC.

Les prescriptions relatives à un label écologique ne procurent d’avantage commercial que si elles sont plus rigoureuses que les normes auxquelles est habituellement assujetti le produit en question. Toutefois, lorsqu’un produit sur lequel est apposée une étiquette écologique est apprécié par un grand nombre de consommateurs sur un marché déterminé (part de marché estimée à 30 pour cent) la prescription relative à l’étiquette écologique peut devenir la norme de facto du produit.36 Si les prescriptions relatives à l’éco-étiquetage ne sont pas conformes avec les principes de l’OMC, elles peuvent être assimilées à des mesures commerciales discriminatoires.

36 OCDE (1997b).

Encadré 1: Les dauphins et les tortues à l’OMC

Deux différends commerciaux illustrent la portée de la question des MPP sans effet direct. L’affaire «thons - dauphins», qui a été tranchée dans le cadre de la procédure de règlement des différends de l’ancien GATT, avait trait à un litige consécutif à l’interdiction, imposée par les Etats-Unis, d’importer des thons capturés à la senne coulissante dans l’océan Pacifique Est. Dans cette région, les thons et les dauphins nagent souvent ensemble, et les filets à senne coulissante peuvent attraper des dauphins en même temps que les thons. La Loi américaine sur la protection des mammifères marins fixe des normes pour la protection des dauphins auxquelles doit se conformer la flottille de pêche américaine, et les pays qui exportent du thon aux Etats-Unis ont été sommés de se conformer à ces normes, sous peine de se voir confrontés à une prohibition des importations. Les Etats-Unis soutenaient que l’interdiction était nécessaire et justifiée en vertu des alinéas (b) et (g) de l’Article XX du GATT qui autorise les mesures commerciales se rapportant à la protection de la santé des animaux et à la conservation de ressources naturelles épuisables. En 1991, le Mexique et d’autres pays ont contesté la réglementation américaine. Le groupe spécial chargé du règlement des différends a statué que les Etats-Unis ne pouvaient pas interdire les importations de thon ou de produits à base de thon en provenance du Mexique uniquement parce que les réglementations mexicaines sur les méthodes de production du thon n’étaient pas conformes à celles des Etats-Unis. Le groupe spécial a également décidé que les Etats-Unis pouvaient exiger qu’une étiquette portant la mention «protection des dauphins» soit apposée sur les produits à base de thon car cette disposition s’appliquerait aussi bien au thon importé qu’à celui produit dans le pays.

Plus récemment, l’affaire «tortues - crevettes» portait sur des réglementations édictées par les Etats-Unis pour protéger plusieurs espèces de tortues marines menacées d’extinction. Ces règlements exigent que tous les chalutiers-crevettiers nationaux utilisent des «dispositifs d’exclusion des tortues» agréés, là où la capture des crevettes peut constituer une menace pour les tortues marines. En 1991, les Etats-Unis ont interdit les importations de crevettes en provenance des pays qui n’avaient pas obtenu les certificats américains concernant leurs méthodes de capture des crevettes. Ces certificats exigeaient essentiellement que les navires commerciaux (pêcheries artisanales exceptées) utilisent des dispositifs d’exclusion des tortues du même type que ceux utilisés aux Etats-Unis. La prohibition à l’importation a été contestée par la Malaisie, l’Inde, le Pakistan et la Thaïlande, qui soutenaient que l’interdiction contrevenait aux règles de l’OMC et ne pouvait pas être justifiée dans le cadre des Exceptions générales de l’Article XX du GATT de 1994. Le Rapport d’appel final soumis à l’Organe de règlement des différends de l’OMC a statué que la prohibition à l’importation émanant des Etats-Unis rentrait dans le champ d’application des mesures autorisées au titre de l’Article XX et qu’elle pouvait être provisoirement justifiée au titre de son alinéa (g) relatif à la conservation des ressources naturelles épuisables. Néanmoins le Rapport de l’organe d’appel concluait que la mesure américaine n’était pas conforme aux prescriptions du préambule de l’Article XX37 et n’était donc pas justifiée.

37 Le préambule de l’Article XX stipule que ces mesures ne doivent pas être «appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international».

6.4 Quelques questions intéressant les pays en développement

L’analyse qui précède couvre les principaux domaines qui sont d’ores et déjà à l’examen dans le contexte de l’OMC et de l’environnement. Pour les pays en développement, les questions suivantes pourraient tenir une place prépondérante lors du prochain cycle de négociations commerciales multilatérales:

· Quel est le traitement à réserver aux «considérations autres que d’ordre commercial» mentionnées dans l’Article 20 de l’AsA? Auront-elles seulement leur place dans un débat sur la révision de la Boîte verte ou seront-elles insérées dans un débat plus large sur le «caractère multifonctionnel» de l’agriculture?

· Les pays en développement voudront-ils négocier un «OMC plus vert» pour des concessions dans d’autres domaines? Auront-ils intérêt à le faire?

· Quel rôle devrait jouer l’OMC lorsque certains Membres recourent à des mesures commerciales «discriminatoires» pour imposer leurs normes environnementales à d’autres Membres? Est-il préférable que ces mesures soient appliquées unilatéralement ou dans le cadre d’un AEM? Y a-t-il une différence si ces mesures affectent des MPP se rapportant au produit, ou des MPP sans effet sur le produit?

· De nombreux pays développés veulent défendre leur droit d’établir des règlements techniques et environnementaux plus rigoureux que les normes internationales correspondantes. Comment l’OMC peut-elle garantir que ces normes plus sévères n’imposent pas des coûts de mise en conformité prohibitifs aux pays en développement exportateurs et ne constituent, en réalité, des mesures protectionnistes?

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