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TROISIÈME PARTIE
Points saillants des études spéciales de la FAO

COMPRENDRE LA CULTURE DES COMMUNAUTÉS DE PÊCHEURS
EST FONDAMENTAL POUR LA GESTION
DES PÊCHES ET LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

GÉNÉRALITÉS

En 1995, une conférence sur la contribution durable des pêches à la sécurité alimentaire a été organisée par le Gouvernement japonais, en collaboration avec la FAO, à Kyoto (Japon). Cette conférence a conclu, entre autres, qu'il était fondamental de comprendre la culture des communautés de pêcheurs pour orienter et gérer de manière équitable les pêches de capture et l'aquaculture et maintenir la sécurité alimentaire dans les régions tributaires de la pêche.

Dans le cadre du suivi de la conférence, la FAO a fait réaliser une étude sur la culture des communautés de pêcheurs. Il a été convenu que l'étude se fonderait sur un examen des ouvrages techniques, complété par une série de monographies spéciales réalisées sur commande. L'étude, qui est achevée et sera publiée par la FAO dans sa série de documents techniques sur les pêches1, donne aux responsables des pêches des orientations qui les aident à mieux comprendre les cultures des communautés vivant de la pêche artisanale et, en fin de compte, à améliorer les conditions de vie de ces communautés. L'idée de base - généralement admise - est qu'il est aussi important de chercher à garantir des conditions de vie décentes aux populations qui vivent de la pêche que de s'efforcer de maintenir des stocks de poissons en bonne santé ou d'obtenir un rendement économique maximal des ressources halieutiques; or, cet objectif ne peut être atteint que si la culture et l'organisation sociale des pêcheurs sont mieux comprises et respectées.

On trouvera dans la section ci-après une description de quelques points saillants des monographies, puis un résumé des conclusions; la plupart sont tirées de la littérature examinée et quelques-unes sont illustrées par les monographies.

POINTS SAILLANTS DES MONOGRAPHIES

Les six monographies sur des communautés contemporaines de pêcheurs provenant de régions et de cultures différentes montrent comment les pratiques et les politiques d'aménagement des pêches peuvent renforcer ou affaiblir les cultures des populations vivant de la pêche artisanale.

Gestion communautaire des pêches par espèce

La monographie de T. Akimichi sur la gestion des ressources orientée sur une espèce et sur la conservation des poissons de récifs dans les pêcheries artisanales des îles Yaeyama décrit les mesures complexes et hautement participatives qui doivent être prises pour promouvoir une gestion des pêches basée sur la coopération avec les communautés.

Par suite de la récente dégradation des écosystèmes marins de récifs de corail et de l'augmentation de l'effort de pêche des pêcheurs professionnels et amateurs autour des îles Yaeyama au sud-ouest du Japon, l'introduction de nouvelles méthodes de gestion des pêches plus intégrées a suscité des inquiétudes. Tenant compte de ces préoccupations, le gouvernement préfectoral a lancé un projet pour promouvoir la gestion par les communautés d'une espèce de poisson empereur (Lethrinus mahsena), qui a longtemps été l'un des principaux poissons consommés dans la région. Les pêcheurs locaux qui exploitent cette espèce à des fins commerciales ne forment pas un groupe homogène ou unifié; au contraire, leurs conceptions de la pêche et les méthodes qu'ils adoptent sont différentes. Ils sont cependant tous membres de l'Association coopérative des pêches de la région (ACP), qui coordonne l'effort de pêche dans les territoires qui lui sont assignés et a des prérogatives en ce qui concerne certaines mesures d'aménagement; toutefois, l'association n'est pas compétente pour tout ce qui concerne la pêche de loisirs. Dans cette région, les intérêts de la pêche récréative sont aussi assez divers puisqu'ils regroupent les opérateurs des bateaux de plaisance, les guides de pêche et les vendeurs de matériel de pêche.

Les administrations préfectorales locales coordonnent les différentes ACP dans la limite de leur juridiction et exercent certaines autres prérogatives de gestion. Elles jouent également un rôle essentiel de médiateurs dans les litiges qui surviennent entre les différentes ACP relevant de leur juridiction, avec les ACP des juridictions riveraines ou avec des secteurs qui ne sont pas du ressort des ACP, comme celui de la pêche de loisirs. L'Agence nationale des pêches japonaise, à Tokyo, supervise l'administration de la préfecture et des autorités locales.

En 1996 et 1997, l'administration préfectorale a pris l'initiative d'organiser à l'ACP de Yaeyama une série de réunions au cours desquelles des propositions d'aménagement ont été faites aux différents pêcheurs professionnels de poisson empereur. À ces réunions assistaient des membres de l'ACP, le préfet et d'autres fonctionnaires du gouvernement, ainsi que des particuliers pratiquant la pêche récréative. Il a été difficile de recueillir le consensus des membres de l'ACP sur les mesures de gestion proposées, principalement parce qu'ils avaient des approches différentes de la pêche, mais aussi parce que certains d'entre eux contestaient la nécessité d'un nouveau programme d'aménagement, et parce que l'on doutait que tous les membres s'y conforment. En revanche, pratiquement tous les membres de l'ACP étaient inquiets de l'impact de la pêche récréative sur les stocks de poisson empereur.

En définitive, le programme d'aménagement proposé a été remanié et les membres de l'ACP ont provisoirement accepté par consensus de s'y conformer, alors que les membres du secteur de la pêche récréative se sont déclarés disposés à promouvoir le programme pour le faire accepter dans leur secteur.

Les autorités gouvernementales se sont appuyées sur les connaissances en écologie des membres de l'ACP pour élaborer ce programme, qui sera à la fois efficace et complet grâce à la concertation entre toutes les parties intéressées par les stocks de poisson empereur. Le programme en cours n'est pas encore achevé, mais on prévoit qu'il évoluera au fur et à mesure que les divers groupes d'intérêts, qui ont depuis peu renforcé leur collaboration, acquerront plus d'expérience.

Utilisation des systèmes de crédit traditionnels pour le développement des pêches artisanales au Nigéria

La monographie de M. Ben-Yami sur l'intégration des institutions traditionnelles et la participation des populations à un projet de développement des pêches artisanales dans le sud-est du Nigéria montre comment l'accès limité au crédit entrave la productivité des artisans-pêcheurs, et décrit un système de développement du crédit efficace en faveur des communautés vivant de la pêche artisanale dans le sud-est du Nigéria. La réussite de ce projet a été due à une forte participation des communautés d'un bout à l'autre du projet, depuis la phase initiale de planification jusqu'à la phase finale de l'exécution.

Ben-Yami note que, dans le secteur artisanal, l'effort de pêche total n'a pas été entravé par les stocks de poissons, qui sont longtemps restés stables et sous-exploités, mais par la difficulté d'accéder à des crédits à des taux raisonnables pour financer les opérations halieutiques. Les communautés locales ont déjà des institutions de crédit traditionnelles, mais celles-ci ne sont pas en mesure de fournir les crédits supplémentaires qui, s'ils étaient concédés à des taux intéressants, favoriseraient une augmentation significative de la production halieutique. En reliant les institutions de crédit traditionnelles des communautés à une banque de prêt moderne, le projet de développement a su faire fond sur une importante composante préexistante de la culture de la communauté locale.

Globalement, le projet a amélioré les conditions de vie d'un grand nombre de personnes vivant de la pêche artisanale; son succès a toutefois été limité par certains individus (qui ne sont généralement pas membres des communautés) qui ont tenté d'exploiter le projet à leurs propres fins, et par les tendances inflationnistes de l'économie nationale. Quelques années plus tard, d'autres projets de développement ont été lancés dans la même région, sans toutefois consulter au préalable les communautés locales. De ce fait, des sommes considérables ont été dépensées pour des innovations technologiques qui se sont révélées inappropriées, et qui n'ont guère amélioré le bien-être des membres des communautés de pêcheurs.

Identité culturelle et pêche artisanale à la baleine en Amérique du Nord

La monographie de M.M.R. Freeman sur la pêche artisanale à la baleine en Amérique du Nord se concentre sur le cas des populations aborigènes inuites du nord de l'Alaska et du Canada, et montre comment les pratiques de pêche traditionnelles de ces populations les ont aidées à maintenir leur identité culturelle et ont favorisé une bonne conservation des stocks baleiniers. Ainsi, si la chasse à la baleine joue un rôle important dans l'économie de subsistance contemporaine des Inuits, elle a peut-être une valeur encore plus grande comme symbole de leur identité culturelle.

La distribution des aliments à base de baleine à l'échelle de la communauté est notamment un instrument important pour maintenir la cohésion sociale et l'identité culturelle en ce sens que le processus de distribution a plus d'importance que les quantités effectivement distribuées. Ainsi, durant les deux dernières décennies, alors que la population inuite a doublé, le nombre moyen de baleines capturées chaque année est demeuré à peu près constant, et les populations ne cherchent guère à élargir les débouchés commerciaux.

Selon Freeman, les approches conventionnelles de l'aménagement des pêches - en vertu desquelles les baleines ne sont rien de plus qu'un stock de poissons sauvages, qui doit être conservé afin de pouvoir nourrir les populations - menacent à la fois l'identité culturelle des Inuits et les stocks de baleines. Le maintien de la culture inuite et la conservation des baleines reposent principalement sur la compréhension des multiples significations de la chasse à la baleine et de la distribution des produits qui en sont dérivés, dans les communautés inuites.

Considérations socioculturelles pour le développement de la pêche artisanale en Inde

La monographie de J. Kurien sur les aspects socioculturels des pêches et leurs implications pour la sécurité alimentaire et la garantie des moyens d'existence rend compte d'un projet mis en œuvre dans l'État du Kerala (Inde), et montre l'inutilité, pour les communautés tributaires de la pêche artisanale, des initiatives de développement qui ne cherchent pas à s'adapter aux cultures traditionnelles. L'auteur décrit ces communautés dans le Kerala, où le niveau de vie des populations a baissé à la suite d'initiatives de développement qui ont ignoré leurs stratégies de pêche traditionnelles, établies depuis des générations.

Avant ces initiatives de développement, l'accès aux pêcheries et l'allocation des ressources halieutiques étaient réglementés par des traditions et des institutions communautaires qui prônaient le partage des aliments marins et des revenus qui en dérivent, et mettaient l'accent sur la participation des communautés à la gestion des pêches. Les pratiques traditionnelles prévoyaient également des mécanismes efficaces pour le règlement des différends et garantissaient le maintien d'une offre abondante d'aliments marins dans toute la région. Toutefois, depuis environ quatre décennies, les politiques de développement, qui favorisent l'expansion d'une industrie moderne de la crevette à vocation d'exportation, ont réorienté les politiques halieutiques sur les besoins de ce secteur, qui fournit pourtant relativement peu d'emplois aux membres des communautés vivant de la pêche artisanale.

D'importants écosystèmes marins ont commencé à se dégrader, les approvisionnements de la région en aliments marins ont diminué, de même que le nombre de femmes employées sur les marchés de poisson de la région. Dans les communautés mêmes, d'autres initiatives de développement ont obligé les artisans-pêcheurs à se détourner des approches traditionnelles de la pêche et encouragé une nouvelle culture individualiste et compétitive qui était davantage centrée sur les marchés que sur les communautés. Cela a bouleversé les traditions culturelles qui avaient longtemps guidé la vie économique et sociale locale, en favorisant de nouvelles divisions politiques et sociales dans et entre les communautés.

Kurien soutient que la toute première priorité des politiques halieutiques futures devrait être d'améliorer les conditions de vie des membres des communautés vivant de la pêche artisanale. Il recommande également de redynamiser les systèmes de valeurs traditionnels des communautés et la gestion communautaire des pêches, de prendre davantage en considération les approches traditionnelles de la pêche et de relancer les marchés régionaux des aliments marins, en encourageant les femmes à y retourner travailler.

Effets externes sur la gestion traditionnelle des ressources dans une communauté de pêcheurs en République dominicaine

La monographie de R.W. Stoffle, intulée When fish is water: food security and fish in a coastal community in the Dominican Republic, illustre les diverses interactions d'une communauté de petits pêcheurs avec les populations et les cultures «extérieures». L'auteur décrit un petit village côtier de la République dominicaine qui, bien qu'il paraisse isolé, a en réalité tout un réseau d'interconnexions aux niveaux local, national et même mondial. Cette monographie décrit les diverses conséquences des liens qu'une communauté de pêcheurs entretient avec le monde extérieur et montre l'incidence que peuvent avoir ces interactions sur les conditions de vie des nombreuses personnes concernées.

Les villageois qui pratiquent la pêche à plein temps - les spécialistes de la pêche, comme on dit là-bas -
produisent du poisson pour nourrir leur famille et pour le vendre sur les marchés de la région et du pays, afin de se procurer un revenu. Une bonne partie des poissons de qualité inférieure qu'ils capturent est vendue dans les villes côtières du pays, où ils sont, pour les pauvres des villes, une importante source de protéines animales.

Toutefois, pour bien comprendre les rôles que jouent les communautés de pêcheurs aux plans local, national et mondial, il faut comprendre leurs interactions avec les agriculteurs du village. Lorsque les agriculteurs locaux voient diminuer leur production alimentaire réservée à leur subsistance et leurs revenus, en raison de sécheresses localisées ou de réformes des politiques économiques nationales ou internationales qui font baisser les prix des cultures de rapport, beaucoup se tournent temporairement vers la pêche pour mieux nourrir leur famille et se procurer le revenu qui leur manque. Ces augmentations de l'effort de pêche total s'accompagnent inévitablement de diminutions des stocks de poissons locaux.

Durant ces périodes de déclin de l'agriculture, les pêcheurs augmentent la part de leurs captures de qualité inférieure qu'ils vendent à leurs voisins agriculteurs, au lieu de les écouler sur les marchés urbains. Cela a pour effet de réduire les approvisionnements en poisson des pauvres des villes, dont beaucoup n'ont pas les moyens d'acheter d'autres sources de protéines animales. Dans le même temps, les pêcheurs du village ont dû, de plus en plus, résister à l'empiétement de pêcheurs plus riches venus de l'extérieur et à l'expansion du tourisme national et international qui a un impact négatif sur les stocks de poissons et sur d'autres ressources halieutiques importantes.

Par surcroît, comme les ressources en eau potable des villages sont souvent insuffisantes - problème commun à toutes les communautés de pêcheurs, en particulier dans les pays en développement -, les pêcheurs locaux sont parfois obligés de vendre les poissons destinés à assurer la subsistance de leur famille pour acheter l'eau potable dont ils ont besoin pour boire ou pour faire cuire des aliments de base riches en calories et peu coûteux.

Incidence des politiques halieutiques sur la pêche artisanale en Écosse

La monographie de D. Thomson sur l'importance sociale et culturelle des communautés côtières vivant de la pêche et leur contribution à la sécurité alimentaire montre que, dans les Hébrides et sur la côte occidentale de l'Écosse, ces communautés sont culturellement et économiquement appauvries par des politiques halieutiques qui favorisent la pêche industrielle à plus grande échelle.

Thomson note que l'ouest de l'Écosse est l'une des régions rurales les plus éloignées et économiquement défavorisées de la CE, où les pêches de capture et les activités connexes fournissent encore environ 20 pour cent des emplois totaux, même si elles sont en déclin depuis plusieurs années. Jusqu'au début des années 80, les ressources marines naturelles de cette région étaient abondantes et faisaient vivre un secteur de la pêche artisanale florissant, ainsi que de nombreuses entreprises de pêche extérieures à la région. Toutefois, par la suite, les pêcheries de la région ont constamment décliné, à la fois parce qu'elles avaient été surexploitées pendant des années et à cause de l'avancée de la pollution marine.

Ce déclin a eu un impact dévastateur pour les communautés vivant de la pêche artisanale, non seulement dans le secteur de la production, mais aussi dans les secteurs de la transformation et de la distribution du poisson qui employaient auparavant un grand nombre de femmes. Récemment, de grosses entreprises de pêche venues d'autres régions de l'Écosse ont acheté des licences (qui ne sont délivrées qu'en nombre limité), faisant ainsi concurrence aux artisans-pêcheurs locaux économiquement défavorisés, qui se voient ainsi privés de toute possibilité de maintenir leur activité. Cela a fait monter le prix des licences et a encore réduit la participation des communautés d'artisans-pêcheurs dans les pêcheries qui les ont longtemps fait vivre.

En plus de tout cela, les communautés de petits pêcheurs de la région s'appauvriront encore avec la mise en application intégrale de la Politique commune de la pêche de la CE, qui autorise l'accès des flottilles de tous les pays membres. Cela conduira presque certainement à une escalade du commerce des licences et des contingents, de sorte qu'ils deviendront beaucoup trop chers pour la majorité des petits opérateurs de l'ouest de l'Écosse, et que de plus en plus d'avantages économiques des pêcheries de la région seront transférés à des intérêts étrangers. Ainsi, alors que le développement régional est l'un des objectifs de la Politique commune de la pêche de la CE, Thomson fait valoir que, sous sa forme actuelle, elle favorise tellement la pêche à grande échelle qu'elle risque de sonner le glas des communautés de petits pêcheurs et de leurs cultures.

L'auteur recommande que la CE place en tête des priorités de sa politique de pêche l'amélioration des conditions de vie des communautés d'artisans-pêcheurs. Une telle politique procurerait des avantages pour tous: accroissement de la sécurité alimentaire et création d'emplois dans les communautés côtières de l'ouest de l'Écosse; récolte plus efficace des stocks de poissons de la région, s'accompagnant d'effets moins nuisibles sur les écosystèmes marins qu'avec les techniques de pêche industrielle; et renversement général de la tendance au dépeuplement à long terme et au déclin économique, enregistrée dans la région.

POINTS SAILLANTS DES PRINCIPALES CONCLUSIONS

Les principales conclusions du document technique sur les pêches de la FAO insistent sur l'importance des communautés d'artisans-pêcheurs, vers lesquelles doivent être orientées les pratiques et les politiques de gestion des pêches qui seront élaborées à l'avenir, ainsi que sur la nécessité d'approfondir notre compréhension de leur culture et de leur organisation sociale. Le document souligne l'importance de la participation des communautés à la définition des pratiques et des politiques de gestion des pêches et recommande que soient garantis leurs droits d'accès aux ressources halieutiques et à leur exploitation.

Ces conclusions et recommandations se fondent sur les connaissances et les compétences accumulées par un grand nombre de personnes. Les expériences de ceux qui se sont efforcés de garantir la durabilité des pêcheries et leur gestion équitable dans les communautés vivant de la pêche artisanale, et qui ont noté une série de caractéristiques culturelles communes à de nombreuses autres communautés de petits pêcheurs, sont fondamentales et présentent un intérêt particulier pour les responsables des pêches. En général, les membres des communautés vivant de la pêche artisanale développent ces caractéristiques culturelles pour pouvoir continuer à vivre de la pêche et répondre à leurs autres besoins. Souvent, la gestion des pêches gagne en efficacité lorsqu'elle exploite certaines de ces caractéristiques, ou tout au moins contribue à minimiser celles qui représentent une entrave. Les principales caractéristiques culturelles communes à la plupart des communautés de pêcheurs sont les suivantes:

LA VIABILITÉ ÉCONOMIQUE DES PÊCHES
DE CAPTURE MARINES

GÉNÉRALITÉS

Pendant la première moitié des années 90, le Département des pêches de la FAO a étudié la viabilité des flottilles de pêche du monde. Pour ces études, les pays ont fourni à la FAO des informations sur la taille de leurs flottilles de pêche et sur les débarquements enregistrés. En s'appuyant sur les connaissances qu'elle a accumulées sur les opérations des différentes flottilles, la FAO a élaboré des estimations générales des coûts et des recettes des opérations de pêche des navires classés par taille. Il ressort de ces estimations que, pour l'ensemble des flottilles du monde, les coûts ont largement dépassé les recettes.

Ce résultat est en contradiction avec le fait que la plupart des pêcheries individuelles semblaient rentables sur le plan économique. Le Département des pêches a donc décidé de suivre les dépenses et les recettes des principales pêcheries du monde. Cette opération a débuté en 1995, en étroite coopération avec les institutions de recherche halieutique et les pêcheries nationales de certains pays d'Asie, d'Afrique, d'Amérique latine et d'Europe2. Une première analyse comparative des conclusions des études nationales achevées en 1997 a été publiée dans la série des documents techniques sur les pêches de la FAO3. Les points marquants des conclusions sont résumés dans cette section. Les données présentées sont extraites des études effectuées entre 1995 et 1997, sauf celles concernant un bateau de pêche traditionnel indien (kattumaram), qui ont été établies à partir d'informations rassemblées en 1999.

CONCLUSIONS

Vue d'ensemble et comparaison par continent

Bien que les ressources halieutiques soient fortement exploitées, voire surexploitées, les pêches de capture marines restent une entreprise viable sur le plan économique et financier. En général, elles rapportent suffisamment pour couvrir le coût de la dépréciation et le coût d'opportunité du capital, de sorte qu'il reste des fonds à réinvestir. Les pêches de capture marines sont une importante source de revenus, d'emplois et de recettes en devises, en particulier dans les pays en développement. Si l'on compare les conclusions des études par continent, la situation se présente comme suit.

Afrique. Au Ghana et au Sénégal, différentes techniques de pêche ont été étudiées: pêche artisanale avec ligne et hameçon; pêche au filet dérivant; pêche au filet maillant de fond; pêche à la senne de plage; pêche à la senne coulissante; opérations de pêche polyvalente à petite échelle; pêche chalutière industrielle au poisson et à la crevette; et pêche à la canne. Seuls les petits bateaux à filets maillants au Sénégal avaient une capacité d'autofinancement négative. Tous les autres avaient des soldes créditeurs nets.

Amérique latine. Tous les types de chalutiers et de senneurs étudiés au Pérou et en Argentine avaient un solde créditeur net.

Asie. Toutes les unités des flottilles de pêche étudiées en République de Corée, à Taïwan Province de Chine et en Malaisie présentaient un solde créditeur net, de même que cinq des sept unités de pêche à moyenne et grande échelle, typiques de l'Indonésie. Les unités de pêche qui procuraient un bénéfice net sont les senneurs, les chalutiers de fond et les chalutiers pélagiques, les chalutiers-bœufs, les turluttes, les navires à filet fixe, les senneurs, les thoniers-palangriers et autres, et les canneurs. Les résultats nets étaient négatifs pour les petits trémailleurs en Indonésie et les petits bateaux équipés de chaluts-bœufs de fond et de filets Baudroie en Chine. En Inde, trois types d'unités de pêche à moyenne et grande échelle, à savoir les thoniers- palangriers, les senneurs et les chalutiers, avaient un solde créditeur net, alors que sur les trois unités de pêche artisanale étudiées, deux - à savoir les senneurs et les ligneurs à lignes à main - équilibraient à peine ou avaient un solde débiteur net.

Europe. sur les 27 types de navires de pêche à petite, moyenne et grande échelle étudiés en France, en Espagne et en Allemagne, seuls deux types de chalutiers de haute mer opérant en France obtenaient un résultat net négatif. Les 25 autres types - qui comprenaient les ligneurs à ligne à main, les trémailleurs, les senneurs, les canneurs, les palangriers et les chalutiers artisanaux et hauturiers - avaient un solde créditeur net.

Ces résultats concordent avec ceux d'une étude effectuée pour le compte de la CE sur la rentabilité économique des pêches de capture marines dans les pays d'Europe4.

On note que les rares catégories d'unités de pêche dont les soldes d'exploitation étaient négatifs à l'époque de l'enquête se situaient aux deux extrêmes de l'échelle des opérations de pêche, c'est-à-dire qu'ils étaient soit très petits, soit très grands, et comprenaient aussi bien des trémailleurs de pêche artisanale que de gros chalutiers industriels de haute mer. Dans le premier cas (petits bateaux), le résultat financier négatif semble dû à la surexploitation des ressources des pêcheries côtières et à la concurrence d'autres techniques de capture plus efficaces, comme la pêche à la senne coulissante et le chalutage côtier. Dans le deuxième cas (gros bateaux), la capacité de capture excessive et les coûts d'exploitation et d'investissements excessifs, par rapport à des fonds de pêche et à des ressources halieutiques limités, semblent être des facteurs importants.

Structure des coûts des chalutiers et des navires de pêche artisanale

La structure des coûts des flottilles de pêche chalutières est très différente dans les pays développés et dans les pays en développement. Ces différences semblent principalement liées aux variations du coût de la main-d'œuvre qui dépend du niveau de développement économique global.

Comme le montre la figure 30, et comme on pouvait s'y attendre, le coût de la main-d'œuvre est la principale composante des coûts dans les pays développés couverts par l'étude (Allemagne, Espagne, France). Les frais de gestion sont la deuxième composante, suivie de près par les coûts des navires5.

Dans les pays en développement étudiés (Pérou, Sénégal, Inde, Malaisie et Chine), les coûts de la main-d'œuvre représentent à eux seuls entre 17 et 40 pour cent du coût d'exploitation total des chalutiers, et les frais de gestion et les coûts des navires constituent la part la plus importante des coûts. Au fur et à mesure que les pays se développent et que leurs niveaux de rémunération du personnel augmentent, ces différences dans la structure des coûts devraient s'aplanir. C'est par exemple ce qui se produit en République de Corée
où le coût de la main-d'œuvre est devenu au moins aussi élevé que dans les pays d'Europe concernés par l'enquête.

Si l'on examine la structure des coûts des flottilles chalutières, en valeur absolue et par rapport aux recettes brutes, on note avec intérêt que le coût de production par unité de recettes brutes est considérablement plus élevé dans les pays de l'OCDE (Allemagne, Argentine, Espagne, France et République de Corée) que dans les pays en développement (Chine, Inde, Malaisie et Pérou). La seule exception est le Sénégal, où une compagnie française gère des chalutiers dans le cadre d'un contrat d'entreprise commune (ce qui explique aussi les coûts des navires relativement élevés qui apparaissent à la figure 30).

Comme le montre la figure 31, le coût à engager pour obtenir 1 dollar EU de recettes brutes s'échelonne entre 0,91 et 0,78 dollar EU dans les pays développés étudiés, alors que dans les pays en développement, la fourchette correspondante va de 0,74 à 0,68 dollar EU.

Si l'on compare la structure des coûts des navires de pêche artisanale (figure 32) à celle des chaluts industriels (figure 30), des différences intéressantes apparaissent. Dans un pays développé comme la France, les coûts de la main-d'œuvre des navires de pêche artisanale demeurent la composante la plus élevée, comme c'était le cas pour les flottilles chalutières industrielles. Toutefois, les dépenses de gestion sont la composante la plus faible, alors que les coûts des navires sont à la deuxième place.

Dans trois pays en développement (Inde, Ghana et Sénégal) sur les quatre qui sont représentés à la figure 32, les coûts de la main-d'œuvre sont la principale composante des coûts de quelques-unes des unités de pêche artisanale couvertes par l'étude. Cela s'explique par le système de rémunération qui prévoit le partage des recettes provenant de la vente du poisson entre les membres de l'équipage. Dans les cas où l'équipage reçoit un salaire fixe, les coûts de gestion demeurent l'élément principal des coûts.

Si l'on considère les coûts de production des navires de pêche artisanale étudiés par rapport aux recettes brutes, on note quelques différences marquées par rapport aux coûts de production des chalutiers. Premièrement, ils sont plus bas. La figure 33 montre que, pour la plupart des navires de pêche artisanale, le coût à engager pour obtenir 1 dollar EU de recettes brutes s'échelonne entre 0,56 dollar EU (pour les trémailleurs ghanéens) et 0,78 dollar EU (pour les trémailleurs français).

Aux deux extrêmes de la fourchette des coûts se trouvent le trémailleur à voile traditionnel indien avec lequel il suffit de dépenser 0,19 dollar EU pour obtenir 1 dollar de recettes brutes, et le gros palangrier sénégalais pour lequel le coût à engager n'est pas moins de 0,91 dollar EU. Ces données laissent penser que, à la différence des chalutiers industriels, les navires de pêche artisanale ont à peu près les mêmes coûts de production par rapport aux recettes brutes dans les pays de l'OCDE que dans les pays en développement.

Productivité et rentabilité financière

En ce qui concerne la productivité et la rentabilité financière des pêcheries chalutières, il existe des différences marquées entre pays développés et pays en développement. On a constaté que la productivité, mesurée par la valeur de la production par membre de l'équipage, était généralement plus élevée dans les pays développés et, qu'au contraire, le taux de rentabilité de l'investissement était généralement supérieur dans les pays en développement (figure 34).

Les pays à plus forte productivité étaient, dans l'ordre, la France, l'Argentine, le Pérou, l'Allemagne, l'Espagne et la République de Corée. En revanche, les pays où le taux de rentabilité de l'investissement était le plus élevé sont, dans l'ordre, la République de Corée (37 pour cent), le Pérou (34 pour cent), l'Inde (24 pour cent), le Ghana (22 pour cent) et la Chine (15 pour cent). Les niveaux de productivité plus élevés dans les pays développés couverts par l'étude sont probablement dus au degré de mécanisation plus élevé et aux équipements plus modernes pour la détection, la capture et la manutention à bord du poisson. La rentabilité plus grande des pêcheries chalutières dans les pays en développement couverts par l'étude s'explique par les coûts d'exploitation plus faibles par rapport aux recettes brutes, et par un coût de l'investissement plus bas ou une dépréciation plus élevée, ces pays utilisant des bateaux de pêche plus vieux.

La différence de rentabilité par rapport aux pays développés devrait normalement disparaître progressivement au fur et à mesure que les coûts de la main-d'œuvre augmenteront avec le degré de développement économique général des pays en développement et que les vieux navires seront remplacés par des nouveaux.

Dans le cas des navires de pêche artisanale, les différences entre la productivité, d'une part, et la rentabilité financière de l'autre, sont encore plus marquées. Comme le montre la figure 35, ce sont les palangriers et les trémailleurs français qui ont de loin la productivité la plus élevée. Cela s'explique par la taille extrêmement réduite des équipages et par un degré de mécanisation et une efficacité des captures relativement élevés. Toutefois, les taux de rentabilité de l'investissement - 15 pour cent pour les palangriers et 1 pour cent seulement pour les trémailleurs - sont très inférieurs à ceux de la plupart des unités de pêche artisanale étudiées dans les pays en développement.

La rentabilité financière plus grande des unités de pêche artisanale des pays en développement couvertes par l'étude s'explique par les coûts de l'investissement et d'exploitation plus bas. Cela est particulièrement bien illustré par le plus petit et le plus traditionnel des navires de pêche artisanale représenté à la figure 35, qui est le kattumaram ou teppa indien, sorte de radeau à voile fait de rondins de bois et équipé d'un trémail. Cette embarcation a un taux annuel de rentabilité de l'investissement très élevé, de 388 pour cent, en raison de ses coûts d'investissement et d'exploitation négligeables et de sa méthode de pêche sélective axée sur des espèces de haute valeur.

PERSPECTIVES: DURABILITÉ ET VIABILITÉ ÉCONOMIQUE

Les conclusions de l'étude indiquent que, si l'on excepte quelques unités de pêche artisanale en Indonésie, en Inde et au Sénégal, quelques gros chalutiers industriels en France et un type de chalutier-bœuf et un navire pêchant au filet Baudroie en Chine, les pêches de capture marine rapportent d'une manière générale suffisamment pour couvrir leurs coûts d'exploitation et réinvestir, dans les pays d'Amérique latine, d'Afrique, d'Europe et d'Asie concernés par l'enquête.

Ces conclusions semblent contredire les enquêtes précédentes de la FAO qui montraient que la flottille de pêche perdait de l'argent, (tous les navires de pêche du monde étant considérés comme une seule et unique flottille). Cette discordance peut s'expliquer de deux manières.

Premièrement, il faut savoir qu'il existe des navires actifs et d'autres qui sont inactifs. Dans les études mondiales antérieures, tous les navires étaient compris qu'ils soient ou non actifs, alors que dans la plus récente étude, seuls sont pris en considération les navires actifs. Le deuxième facteur est lié aux subventions ou «transferts financiers». Les études mondiales contenaient des estimations standard des coûts et des recettes, calculées par la FAO sur la base des coûts moyens connus des principaux facteurs de production et de la durée de vie des actifs matériels. Ces études ne comprenaient aucun transfert de fonds des gouvernements des pays à leurs secteurs de la pêche. L'étude plus récente adopte une autre approche. Les coûts et les recettes des différentes flottilles sont calculés sur la base des dépenses et des recettes au fil du temps, sans tenir compte des transferts de fonds individuels. La présente étude comprend tous les transferts financiers, qui étaient pratiquement tous exclus des études mondiales.

Il est difficile de déterminer dans quelle mesure l'un ou l'autre de ces facteurs peut expliquer la différence entre les deux études, mais les spécialistes considèrent que le premier est particulièrement significatif.

L'étude plus récente montre aussi que les pêches de capture marines sont une source d'emplois et de revenus et contribuent à procurer les recettes d'exportation dont beaucoup de pays en développement ont un besoin vital. Elles contribuent aussi dans une large mesure à la satisfaction des besoins nutritionnels des populations et à la sécurité alimentaire, en particulier dans les pays en développement. Toutefois, ce bilan économique dans l'ensemble positif est obtenu dans un contexte où les ressources halieutiques sont pleinement exploitées, souvent même surexploitées. Alors, combien de temps cela durera-t-il?

Le secteur des pêches à petite et à grande échelle et le grand public ont tout intérêt à préserver et à favoriser le rôle bénéfique des pêches, sur le plan économique et nutritionnel. Pour garantir la durabilité et la viabilité des pêcheries, il faut de toute urgence renforcer et mettre sur pied des mesures efficaces pour limiter l'effort de pêche et remettre en état les zones côtières et les ressources aquatiques. Or, pour être efficaces, ces mesures doivent être conçues et mises en application en coopération étroite avec les pêcheurs et les associations du secteur.

L'impact des mesures d'aménagement des pêches sur la rentabilité économique de l'industrie halieutique et de ses différents secteurs doit être suivi de près par des études du type de celle décrite dans cet article, de façon à maximiser leurs avantages et à minimiser leurs effets négatifs. L'autre domaine important à surveiller à l'avenir est l'impact des subventions, des incitations économiques et des politiques et des mesures fiscales sur la rentabilité et la durabilité des opérations de pêche.

Pour sauvegarder l'importante fonction économique et sociale du secteur des pêches artisanales comme source d'emplois, de revenus et de nourriture, en particulier dans les zones rurales des pays en développement, des efforts particuliers doivent être faits pour protéger le secteur. Les conclusions de l'étude laissent penser que les résultats économiques du secteur ont déjà pâti de la surexploitation des ressources halieutiques côtières et de la concurrence avec des navires de pêche industrielle dont les techniques de capture sont plus efficaces, comme les senneurs et les chalutiers.

Le secteur des pêches à grande et à petite échelle a absolument besoin d'un appui du gouvernement et du secteur privé, sous la forme d'orientations et d'avis techniques, de services de formation et d'un appui à l'investissement et au crédit, pour parvenir à s'adapter aux changements accompagnant l'introduction de pratiques de pêche responsables et durables, et de réglementations et de mesures de gestion en rapport avec ces pratiques.

ÉVOLUTION DES PÊCHERIES MONDIALES
ET DE LEURS RESSOURCES, DE 1974 À 19996

INTRODUCTION

Après la publication de son premier examen mondial des stocks de poissons marins7, le Département des pêches de la FAO a suivi l'état de ces stocks. Les résultats ont été publiés de temps à autre dans le document The state of world fishery resources: marine fisheries (Situation des ressources halieutiques dans le monde: pêches maritimes), qui décrit et commente l'évolution de l'état et de l'utilisation de ces ressources. Cet article présente un résumé des informations dont on dispose actuellement sur ces stocks. Il s'appuie sur l'ensemble des rapports de situation entre 1974 et 1999, dernière année pour laquelle des informations sont disponibles. L'analyse porte sur:

NIVEAUX DE PRODUCTION RELATIFS

D'après les données disponibles pour 1998 en provenance des 16 régions statistiques de la FAO (voir encadré 16), l'océan Antarctique étant considéré comme une région, quatre régions océaniques - l'océan Indien oriental et l'océan Pacifique Nord-Ouest, Sud-Ouest et Centre-Ouest - étaient, en 1998, à leur niveau de production le plus élevé jamais enregistré8. Toutes les autres régions maritimes ont des niveaux de production plus faibles (figure 36). Cela pourrait dériver, du moins en partie, d'oscillations naturelles de la productivité (par exemple du phénomène El Niño de 1997 dans l'océan Pacifique Sud-Est), mais les valeurs les plus faibles observées pourraient indiquer qu'une forte proportion de ces ressources sont surexploitées (par exemple dans l'Antarctique, ainsi que dans l'Atlantique Sud-Est et Nord-Ouest).


ENCADRÉ 16
Zones statistiques de la FAO

Afin de mieux organiser ses données, la FAO a décomposé les zones de pêche du monde en régions statistiques identifiées par un numéro à deux chiffres allant de 21 à 88. Les abréviations ci-après sont utilisées dans les figures 36, 38 et 39.

AEC Atlantique, Centre-Est (34)
ACW Atlantique, Centre-Ouest (31)
ANE Atlantique, Nord-Est (27)
ANT Antarctique, total (48, 58, 88)
ANW Atlantique, Nord-Ouest (21)
ASE Atlantique, Sud-Est (47)
ASW Atlantique, Sud-Ouest (41)
IE Océan Indien, Est (57)
IW Océan indien, Ouest (51)
MBS Mer Méditerranée et mer Noire (37)
PEC Pacifique, Centre-Est (77)
PCW Pacifique, Centre-Ouest (71)
PNE Pacifique, Nord-Est (67)
PNW Pacifique, Nord-Ouest (61)
PSE Pacifique, Sud-Est (87)
PSW Pacifique, Sud-Ouest (81)

NIVEAUX D'EXPLOITATION MONDIAUX

Les données disponibles à la FAO à la fin de l'année 1999 identifiaient 590 types de stocks. Pour 441 (ou 75 pour cent) d'entre eux, on dispose de quelques informations sur l'état du stock; bien qu'elles ne soient pas toutes récentes, ce sont les meilleures disponibles. Les différents stocks sont classés comme stocks sous-exploités (U), modérément exploités (M), pleinement exploités (F), surexploités (O), épuisés (D) ou en reprise (R), suivant leur situation - en termes de biomasse et de pression de pêche - par rapport aux niveaux correspondant à la pleine exploitation. Le niveau de pleine exploitation est considéré comme à peu près équivalent à la production maximale équilibrée (PME) ou au rendement moyen maximal à long terme (RMMLT). Voici quelques caractéristiques des stocks appartenant aux différentes catégories:

Les stocks U et M sont considérés comme pouvant produire davantage à condition d'augmenter la pression de pêche, ce qui ne veut pas dire qu'il soit recommandé de le faire.

Les stocks F sont considérés comme exploités à des niveaux proches de leur PME ou RMMLT. Il peuvent être légèrement au-dessus ou en dessous de ce niveau car les données et l'évaluation des stocks manquent de précision. Ces stocks doivent être soumis, si ce n'est pas déjà le cas, à des mesures efficaces pour contrôler leur capacité de pêche.

Les stocks O et D sont à l'évidence exploités à un niveau supérieur à leur PME et des stratégies efficaces doivent être mises en œuvre pour réduire la capacité de pêche et reconstituer les stocks.

Les stocks R sont ordinairement très inférieurs à leurs niveaux antérieurs. La pression de pêche directe a parfois été réduite (pour les besoins de l'aménagement ou à cause du manque de rentabilité), mais il arrive que ces stocks soient encore soumis à une pression de pêche excessive. Dans certains cas, leur exploitation indirecte, en tant que captures accessoires dans une autre pêcherie, est suffisante pour qu'ils continuent à baisser, malgré la diminution de la pression de pêche.

Selon la figure 37, en 1999, 4 pour cent des stocks étaient sous-exploités, 21 pour cent modérément exploités, 47 pour cent pleinement exploités, 18 pour cent surexploités, 9 pour cent épuisés et 1 pour cent en phase de reprise. La PME (modifiée par des facteurs environnementaux et économiques) étant un point de référence fondamental pour l'aménagement consacré par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, cela signifie que 28 pour cent (O + D + R) des stocks mondiaux pour lesquels des données sont disponibles sont en deçà du niveau d'abondance représenté par la PME (ou sont soumis à une capacité de pêche supérieure à ce niveau) et que l'aménagement doit viser à les reconstituer jusqu'à ce qu'ils retrouvent au moins un niveau compatible avec la PME. Quelques-uns de ces stocks sont parfois déjà soumis à un programme d'aménagement de ce type. Si l'on ajoute à cela les 47 pour cent de stocks qui sont exploités à un niveau à peu près équivalent à la PME et qui ont aussi besoin que la capacité de pêche soit contrôlée pour éviter le classique syndrome de surcapacité, on constate que 75 pour cent (F + O + D + R) des stocks mondiaux pour lesquels des données sont disponibles doivent être soumis à des mesures rigoureuses de contrôle de la capacité et de l'effort pour se stabiliser ou se reconstituer, de façon à retrouver au moins le niveau de biomasse correspondant à la PME.

La figure 37 indique que 25 pour cent des stocks (U + M) pour lesquels des données sont disponibles sont au-dessus du niveau d'abondance correspondant à la PME (ou sont soumis à une capacité de pêche inférieure à ce niveau). Si l'on tient compte des 47 pour cent qui sont au niveau de la PME, on en déduit que 72 pour cent des stocks sont égaux ou supérieurs au niveau d'abondance correspondant à la PME (c'est-à-dire qu'ils sont soumis à une capacité de pêche inférieure à ce niveau) et peuvent donc être considérés comme conformes aux prescriptions essentielles de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

Ces deux manières d'interpréter les données montrent que «le verre est à la fois à moitié plein et à moitié vide», et elles sont toutes les deux correctes, suivant l'optique dans laquelle on se place. Du point de vue de «l'état des stocks», il est réconfortant de voir que 72 pour cent des ressources mondiales peuvent encore donner une PME, en cas de besoin. Cependant, du point de vue de la gestion, on note que 75 pour cent des ressources requièrent un aménagement rigoureux de la capacité de pêche. Certains stocks sont d'ores et déjà soumis à une mesure quelconque pour contrôler leur capacité (principalement dans quelques pays développés), mais la plupart ont besoin que des mesures soient prises de toute urgence pour les stabiliser ou les reconstituer. Pour 28 pour cent de ces stocks, des mesures doivent absolument être imposées pour les reconstituer.

ÉTAT DES STOCKS PAR RÉGION

Les données dont on dispose sur l'état des stocks peuvent être décomposées par régions et comparées, en tenant présent à l'esprit que la qualité des données, le pourcentage des stocks pour lesquels des informations sont disponibles et la taille relative des stocks varient suivant l'espèce considérée. Là encore, la comparaison peut être faite en se basant sur l'état d'un stock par rapport à la PME.

Le pourcentage des stocks exploités à un niveau égal ou supérieur à la PME (F + O + D + R), dont la capacité de pêche doit par conséquent être contrôlée, s'échelonne entre 41 pour cent (dans le Pacifique Centre-Est) et 95 pour cent (dans l'Atlantique Centre-Ouest) (figure 38). Globalement, dans la plupart des régions, au moins 70 pour cent des stocks sont déjà pleinement exploités ou surexploités. Le pourcentage de stocks exploités à des niveaux inférieurs ou égaux à la PME (U + M + F) s'échelonne entre 43 pour cent (dans le Pacifique Sud-Est) et 100 pour cent (dans le Pacifique Sud-Ouest et l'océan Indien occidental) (figure 39). Pour mesurer les performances de l'aménagement et du développement, la proportion de stocks exploités au-delà du niveau de la PME (O + D + R) va de 0 pour cent (dans le Pacifique Sud-Ouest et l'océan Indien occidental) à 57 pour cent (dans le Pacifique Sud-Est).

TENDANCES MONDIALES

L'analyse qui suit porte sur l'évolution des pourcentages des stocks classés dans chacune des catégories d'exploitation. Les années et les chiffres mentionnés dans le texte se réfèrent à l'année de publication de la Circulaire sur les pêches de la FAO Review of the state of world fishery resources: marine fisheries (Situation des ressources halieutiques dans le monde: pêches maritimes).

La figure 40 montre que le pourcentage des stocks maintenus au niveau correspondant à la PME (F) a légèrement régressé depuis 1974, alors que les stocks sous-exploités (U + M), offrant un potentiel d'expansion, ont régulièrement diminué. Logiquement, vu ces tendances, la figure 40 indique aussi que le pourcentage de stocks exploités au-delà des niveaux compatibles avec la PME (O + D + R) a augmenté durant la même période, passant de 10 pour cent au début des années 70 à près de 30 pour cent à la fin des années 90. Dans le même temps, le nombre de stocks pour lesquels des données sont disponibles a aussi augmenté, passant de 120 à 454.


L'évolution des stocks exploités au-delà des niveaux de la PME peut être décomposée suivant les grandes régions des océans Atlantique et Pacifique (figures 41 et 42).

Dans l'analyse qui suit, une distinction a été faite entre les zones nord des océans (développées, principalement) et les zones du centre et du sud (principalement régions tropicales et en développement). Les données ont été représentées graphiquement, avec leur évolution, par un polynôme de troisième ordre.

Les résultats concernant l'Atlantique Nord (zones de pêche 21 et 27 de la FAO), et le Pacifique Nord (zones de pêche 61 et 67 de la FAO) (figure 41) indiquent qu'un pourcentage croissant des stocks étaient exploités à des niveaux supérieurs à la PME jusqu'à la fin des années 80 ou au début des années 90. Dans l'Atlantique Nord, la situation semble s'améliorer et se stabiliser dans les années 90, alors que dans le Pacifique Nord, elle semble demeurer instable.

La figure 42 montre qu'un pourcentage croissant de stocks sont exploités au-delà des niveaux de la PME dans les deux océans tropicaux étudiés. Cette augmentation pourrait prendre la forme d'une asymptote dans l'océan Atlantique tropical (zones de pêche 31, 34, 41 et 47 de la FAO), mais cela ne semble pas être le cas dans la partie tropicale du Pacifique (zones de pêche 71, 77, 81 et 87 de la FAO). On note aussi que la situation est plus grave dans l'Atlantique tropical. De fait, si l'on compare les figures 41 et 42, on constate que l'ampleur du problème est similaire dans les régions tropicales et septentrionales de l'Atlantique, alors que le problème est moins grave dans les zones méridionales du Pacifique. Pour les zones situées à l'extrême sud de ces océans (Antarctique), la situation paraît plus grave, mais en amélioration.

DISCUSSION

Le tour d'horizon de l'état des stocks mondiaux, établi à partir de la séries d'études biennales de la FAO, révèle un certain nombre de tendances marquées. Globalement, entre 1974 et 1999, on note une augmentation du pourcentage de stocks classés dans la catégorie «exploités au-delà de la limite de la PME», c'est-à-dire surexploités, épuisés ou en phase de lente reprise. Si l'on découpe les informations par grandes régions océaniques, on constate que la situation s'est continuellement aggravée dans l'Atlantique Nord et le Pacifique Nord jusqu'aux années 80 ou au début des années 90, pour éventuellement se stabiliser par la suite - en particulier dans l'Atlantique Nord. Dans les régions tropicales et méridionales de ces océans, il semble que la situation continue à se détériorer, sauf peut-être dans l'Atlantique tropical, où il est possible qu'elle ait commencé à se stabiliser. Ces conclusions concordent avec les constatations d'une étude antérieure de la FAO, réalisée par Grainger et Garcia9.

Ces conclusions sont sujettes à caution car elles sont basées sur un échantillon des stocks mondiaux, et très incomplètes à cause de l'insuffisance des informations disponibles à la FAO. Il est difficile de dire jusqu'à quel point les données disponibles reflètent la réalité. Les stocks existant dans le monde sont beaucoup plus nombreux que ceux répertoriés à la FAO. En outre, quelques éléments des ressources mondiales que la FAO appelle «stocks» sont en réalité des conglomérats de stocks (et souvent d'espèces), et il n'est pas certain qu'une information concernant un conglomérat soit valable pour les stocks individuels qui en font partie.

Toutefois, d'une manière générale, on peut partir, sans risque, du principe que les tendances mondiales observées reflètent bien l'évolution des stocks surveillés car les observations concordent généralement avec les rapports des enquêtes conduites à une échelle «inférieure», qui se fondent habituellement sur des données plus détaillées et sur une connaissance plus approfondie. Par exemple, une analyse des pêcheries cubaines a été effectuée par Baisre10 pour la FAO. Utilisant la même approche que celle adoptée par Grainger et Garcia pour l'ensemble du monde, l'analyse de Baisre a abouti à des conclusions étrangement analogues, sur la base d'agrégats moins grossiers et de séries chro-nologiques encore plus longues, et ses conclusions
peuvent être à nouveau vérifiées par rapport aux résultats d'évaluations conventionnelles des stocks.

Il est bien entendu possible que des stocks soient «remarqués» et apparaissent dans la base d'informations de la FAO comme de «nouveaux» stocks, uniquement lorsqu'ils commencent à avoir des problèmes. Lorsque cela se produit, les scientifiques accumulent suffisamment de données pour commencer à résoudre les problèmes, puis produire les rapports auxquels la FAO a accès. Cela pourrait expliquer l'augmentation du pourcentage de stocks exploités au-delà des niveaux de la PME depuis 1974, mais cette hypothèse semble improbable pour les raisons suivantes:

Le nombre de stocks identifiés par la FAO sur lesquels les informations disponibles sont insuffi-santes a aussi sensiblement augmenté au fil du temps (149 en 1999 contre 7 en 1974 ), ce qui montre bien que les nouvelles données introduites dans le système ne concernent pas uniquement les stocks à problèmes.

Depuis les années 80, les scientifiques hésitent de plus en plus à cataloguer les stocks comme «surexploités» car ils reconnaissent que la détermination du niveau de la PME est incertaine et que les déclins peuvent être dus à des fluctuations naturelles décennales. Le plafonnement apparent du pourcentage de stocks surexploités dans les régions septentrionales des océans du monde pourrait être en partie dû à cette nouvelle tendance. 

1 FAO. Understanding the cultures of fishing communities: a key to fisheries management and food security, par J.R. McGoodwin, en collaboration avec T. Akimichi, M. Ben-Yami, M.M.R. Freeman, J. Kurien, R.W. Stoffle et D. Thomson. FAO Document technique sur les pêches no 401. Rome. (sous presse)
2 En 1997, des enquêtes par sondage et des monographies nationales avaient été achevées dans 13 pays d'Asie, d'Afrique, d'Amérique latine et d'Europe. En 1995, ces pays représentaient 49 pour cent de la production des pêches de capture marines de leur région et 41 pour cent de la production marine totale. Les paramètres examinés comprennent les caractéristiques techniques, économiques et opérationnelles des flottilles et des unités de pêche; la disponibilité de certains services financiers en faveur du secteur des pêches (programmes de crédit institutionnel); les niveaux d'exploitation des ressources halieutiques; et les plans nationaux de restructuration et d'ajustement des flottilles. Ces études sont en ce moment mises à jour et développées pour inclure le rôle et l'impact des captures. Des informations sur l'impact des subventions sur la rentabilité et la durabilité des opérations de pêche seront aussi recherchées et l'on analyse les données concernant d'autres pays notamment du Pacifique Sud, des Caraïbes et du nord de l'Europe. La méthodologie adoptée pour étudier et analyser les données sur les coûts et les recettes des unités de pêche a été reprise dans le document Costs and earnings of fishing fleets in four EC countries. 1993. Agricultural Economics Research Institute, Département des pêches, La Haye, Pays-Bas.
3 FAO. 1999. Economic viability of marine capture fisheries. Findings of a global study and an interregional workshop. FAO Document technique sur les pêches no 377. Rome.
4 Agriculture Economics Research Institute, op. cit., note de bas de page no 2.
5 Les coûts de la main-d'œuvre comprennent les salaires et les autres charges de personnel, telles que les frais d'assurance et les contributions des employeurs aux fonds de retraite. Les frais de gestion comprennent le combustible, les lubrifiants, les frais de commercialisation du poisson, les droits portuaires, les coûts de la glace, ainsi que les achats de nourriture et d'autres fournitures pour l'équipage. Les coûts des navires comprennent les dépenses d'entretien et de réparation des navires et des engins, et les primes d'assurance des navires.
6 Les données de référence utilisées dans cette partie sont des mises à jour des informations publiées dans: FAO. 1997. Review of the state of world fishery resources: marine fisheries (Situation des ressources halieutiques dans le monde: pêches maritimes). FAO Circulaire sur les pêches no 920. Rome. 173 p. (une version mise à jour est en préparation)
7 FAO. 1970. The state of world resources, par J.A. Gulland. FAO, Document technique sur les pêches no 97. Rome. 425 pages; et
J.A. Gulland. 1971. The fish resources of the ocean. Fishing News Books (International), Royaume-Uni. 255 pages.
8 Fishstat Plus (2.3), FAO 1996-2000.
9 FAO. 1996. Chronicles of marine fisheries landings (1950-1994). Trend analysis and fisheries potential, par R. Grainger et
S.M. Garcia. FAO, Document technique sur les pêches no 359. Rome. 51 pages.
10 FAO. 2000. Chronicle of Cuban marine fisheries (1935-1995): Trend analysis and fisheries potential, par J.A. Baisre. FAO, Document technique sur les pêches no 394. 26 pages.

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