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AUX MAIRES, AUX CONSEILLERS MUNICIPAUX ET AUX PLANIFICATEURS DES VILLES

La sécurité alimentaire dépend des moyens financiers disponibles, des habitudes alimentaires des consommateurs et des prix auxquels les consommateurs des villes doivent payer pour accéder aux aliments dans de bonnes conditions d’hygiène.
Vous gouvernez et planifiez des villes qui ont connu une expansion parfois spectaculaire. Certaines comptent plusieurs millions d’habitants. Les villes d’Afrique, du Proche-Orient et d’Asie en particulier, montrent de très forts taux de croissance (voir tableau 1). Vos administrés ont besoin de travail, de nourriture, de routes, de lieux d’accueil, d’hôpitaux, d’écoles, de sécurité et de services. Ils comptent sur vous pour vivre dans de bonnes conditions d’hygiène et pour un avenir meilleur.

Quelques villes - telles que Bouaké, Cochabamba, Dacca, Guatemala, Ibadan, Kinshasa, Saint-Domingue - sont confrontées à des taux de pauvreté atteignant les 50 pour cent et même plus. Les résidents les plus pauvres vivent souvent dans des faubourgs et des bidonvilles déficients en infrastructures et en équipements.

Les pauvres doivent lutter pour se nourrir dans vos villes. Ces difficultés suscitent une augmentation de la mendicité et des vendeurs à la sauvette. Même les risques d’émeutes de la faim sont dus à ce dilemme lié à l’accès à la nourriture.

Une production alimentaire assez importante est fournie par certaines villes (production alimentaire urbaine) ou par leur périphérie (production alimentaire périurbaine). Ces producteurs locaux manquent souvent de terres cultivables, d’eau salubre et d’intrants adéquats.

Conformément aux récents programmes de libéralisation des marchés, les activités du commerce alimentaire sont maintenant entre les mains du secteur privé. Cependant, les routes, les marchés, les abattoirs, les licences, la réglementation, les procédures de contestation et les possibilités de crédit n’ont pas suivi.

Les mauvaises conditions et habitudes d’hygiène à chaque étape de la chaîne alimentaire peuvent être à l’origine d’une contamination croissante des aliments. La santé des consommateurs est de plus en plus mise en péril par de la viande et des produits de la viande non contrôlés. L’air, l’eau et les sols sont infectés par le mauvais usage de produits chimiques et de déchets urbains auxquels s’ajoutent les émanations et les émissions de gaz des véhicules.

On est également confronté à des interventions peu claires et souvent arbitraires de certains gouvernements dans le commerce alimentaire.

Par conséquent, les coûts de la production et de la distribution alimentaires par le secteur privé sont souvent plus élevés qu’il ne le faudrait.

Les villes ont un besoin accru d’aliments

Des quantités et des variétés croissantes d’aliments frais et transformés sont nécessaires pour répondre aux besoins des consommateurs urbains (voir tableaux 2 et 3). D’autres besoins couvrent:

  • la gestion de l’utilisation des terres en conservant des terres arables dans les régions urbaines et périurbaines pour une production alimentaire rentable et durable;
  • des mesures pour protéger la santé humaine et l’environnement;
  • des réserves d’eau adéquates en qualité et en quantité pour la production et l’industrie alimentaire ainsi que la boisson;
  • un approvisionnement suffisant en combustibles pour la transformation et la cuisson des aliments;
  • des espaces suffisants pour permettre le stationnement, le chargement et le déchargement d’un nombre grandissant de camions;
  • des marchés de gros et des abattoirs éloignés des centres villes avec suffisamment d’installations et de gestionnaires compétents;
  • des marchés de détail aisément accessibles, efficacement équipés et gérés, particulièrement dans les quartiers défavorisés;
  • des installations pour des marchés spontanés;
  • des marchés de producteurs, des associations de commerçants itinérants et de détaillants dans les quartiers défavorisés;
  • des investissements privés pour les boutiques d’alimentation, l’amélioration des marchés, les transports, etc.;
  • des aménagements pour mieux gérer le surcroît de déchets sur les marchés et les abattoirs;
  • des informations sur les marchés afin de mieux orienter les décisions quant à la production et à la commercialisation;
  • de meilleures méthodes de conditionnement et de manipulation des denrées afin de réduire les pertes;
  • une réglementation simple, cohérente et facilement assimilable concernant l’approvisionnement et la commercialisation.


Tableau 1
Estimation de la population urbaine supplémentaire dans certains pays (par année)

Rép. Démocratique du Congo

755 000

Viet Nam

677 000

Haïti

103 800

Guinée

117 500

Cambodge

125 300

Togo

72 000

Source: Données de Habitat (1998) élaborées par l’auteur.
Les villes ont un besoin accru d’aliments qui doivent être non seulement produits ou importés, mais également transportés et distribués d’un bout à l’autre des zones urbaines.

Tableau 2
Estimation de l’augmentation de la consommation de céréales dans certaines villes
(en milliers de tonnes)


Année 2000

Année 2010

Abidjan

1 761

2 718

Kinshasa

2 405

3 886

Brazzaville

580

842

Conakry

774

1 249

Hanoi

507

742

Port-au-Prince

441

685

Source: Données de la FAO (2000) sur la consommation moyenne nationale, élaborées par l’auteur.
Il résulte de ce contexte une certaine résistance du secteur privé à investir.

Dans nombre de pays, l’expansion urbaine est galopante et a de graves répercussions sur la sécurité alimentaire future.

Des quantités croissantes de denrées sont produites, transportées et distribuées d’un bout à l’autre des zones urbaines (voir tableaux 2 et 3). De plus, dans vos villes et leurs environs, la demande de terres pour les logements, les industries et les infrastructures est en concurrence avec la production agricole.

À moins que ne soient effectués d’importants investissements pour augmenter la production agricole, les approvisionnements alimentaires risquent de provenir de distances toujours plus grandes, et les denrées atteindre les consommateurs à des coûts toujours plus élevés. L’accès à la nourriture pourrait être limité en raison d’une progression importante de la population urbaine.

Les réserves d’eau seront-elles suffisantes en quantité et en qualité pour faire face à la production agricole, à la transformation des produits et à la consommation humaine?

Les abattoirs existants, les moyens de transport, les marchés et les infrastructures, seront-ils capables de faire face à la transformation et à la distribution de quantités toujours plus élevées de denrées?

Qui fera face aux besoins supplémentaires en équipements et en services si les conditions actuelles n’encouragent pas l’investissement privé?

Quelles contraintes supplémentaires peuvent avoir des effets sur l’environnement? Si les activités relatives à l’approvisionnement et à la distribution alimentaires sont mal planifiées et mal gérées, celles-ci risquent d’engendrer des problèmes pour l’eau, les sols, l’air et les forêts.

Ceci devrait vous concerner!

Mais beaucoup d’entre vous n’accordent que peu d’importance aux problèmes de l’approvisionnement et de la distribution alimentaires. Le manque de clarté dans la répartition des tâches incombant aux diverses agences gouvernementales et l’insuffisance de dialogue avec les utilisateurs des marchés, sont la source de la majorité de ces problèmes.

Cependant, la principale cause se trouve être le manque de compréhension existant au sujet:

Tout ceci fait l’objet d’une prise de conscience de plus en plus grande de la part des autorités locales - régionales, métropolitaines, municipales et autres institutions gouvernementales locales concernées directement par le développement urbain - qui veulent jouer un rôle de prévention et de coordination pour sécuriser l’approvisionnement urbain, comme le confirment les déclarations de Dakar, de Medellín et de Barcelone.

Les groupes d’urbains les plus vulnérables sont: les sans-emplois, les immigrants de fraîche date, les mères célibataires avec des enfants à charge, les retraités, les personnes âgées ou invalides dépourvues de soutien familial, les indigènes, les minorités ethniques, les travailleurs du secteur formel dont les revenus diminuent ou restent instables, et ceux qui dépendent d’un secteur d’activités informel et «saturé».

La production alimentaire urbaine et périurbaine

La production alimentaire urbaine et périurbaine peut contribuer a (voir annexe 5):

  • fournir au niveau local des aliments frais et nutritifs, tels que de la volaille, de la viande de petits ruminants, des fruits, des légumes et des produits laitiers;
  • alléger la pauvreté et améliorer la sécurité alimentaire grâce à la consommation d’aliments produits sur place, à la création d’emplois et à l’accroissement de revenus;
  • gérer efficacement l’environnement grâce à l’utilisation de déchets organiques comme engrais;
  • utiliser de manière productive les espaces appropriés et inutilisés. Cela peut contribuer également à la bio-diversité et à une meilleure gestion des ressources en eaux.


Les jardins potagers urbains fournissent des aliments frais à bon marché. Mais cela peut constituer un danger pour la santé.

La santé dans les villes commence dans la chaîne alimentaire.

La santé publique et l’environnement

Lorsque la planification, la gestion, le contrôle et l’information n’existent pas, les inconvénients qui en découlent portent sur:

  • la contamination des aliments, de la terre et de l’eau par l’utilisation erronée d’eau croupie, de déchets solides et de produits chimiques;
  • l’augmentation des embouteillages, de la pollution de l’air et du bruit autour des marchés et des abattoirs en raison des défauts d’infrastructures;
  • les quantités croissantes de déchets provenant des usines de transformation, des marchés et des abattoirs, de même que des emballages plastiques et des ordures brûlées qui augmentent l’insalubrité et la pollution de l’eau, des sols et de l’air;
  • la nourriture contaminée pouvant être causée par les équipements insuffisants des marchés, notamment l’approvisionnement en eau, le drainage, les latrines et les égouts;
  • la progressive déforestation parce que le bois est utilisé comme combustible pour cuisiner et transformer les produits.


Votre mandat est le propos de ce guide. Son contenu peut vous aider à formuler des politiques d’approvisionnement et de distribution alimentaires des villes. Il s’adresse aussi à des spécialistes en matière de santé publique, d’environnement, d’eau et d’agroforesterie. Le but est de favoriser l’accès de tous à la nourriture. Vous pouvez y parvenir: il s’agit de faire mieux ce que vos institutions font déjà.

Cela nécessite à la fois, une bonne compréhension des conditions locales et une conception d’ensemble de vos villes. Pour trouver des solutions durables, vous êtes vivement conseillés d’adopter une approche interdisciplinaire, pluri-sectorielle et participative. L’engagement direct du secteur privé dans la phase de planification, de même que dans celle de la mise en œuvre des décisions, est indispensable pour obtenir un résultat durable.

La FAO est prête à vous fournir une assistance technique.

Tableau 3
Augmentation des chargements de denrées alimentaires transportées par camion vers certaines villes (prévue en 2010)


Camions d’une cargaison de 10 tonnes

Dakar

36 800

Yaoundé

48 500

Abidjan

124 600

Yangon

86 900

Ho Chi Min

83 500

Bandung

58 200

Port-au-Prince

32 300

Source: Données de la FAO (2000) sur la consommation moyenne nationale, élaborées par l’auteur. Année de base: 2000.
La commercialisation des denrées alimentaires est une source d’emplois et de revenus pour les plus démunis, en particulier pour les femmes et les jeunes.

Profil socioéconomique des quartiers défavorisés à Ahmedabad en Inde

  • La population vivant dans les quartiers défavorisés est passée de 23 pour cent en 1976 a 41 pour cent en 1997;
  • 16 pour cent des foyers sont tenus par des femmes;
  • la taille moyenne des familles est de sept personnes;
  • seuls 5 pour cent des foyers ont plus de trois membres qui gagnent leur vie;
  • 75 pour cent des adultes actifs gagnent moins que le salaire minimum;
  • le taux d’analphabétisme est élevé;
  • la plupart des habitants vit dans la rue ou dans des abris temporaires en tôle ondulée;
  • 87 pour cent des femmes actives emmènent leurs enfants sur leur lieu de travail, tels que les chantiers de construction et les marchés (ces enfants ne peuvent donc être scolarisés);
  • 80 pour cent des foyers n’ont pas d’eau courante, 93 pour cent sont sans toilettes et seulement 50 pour cent d’entre eux ont l’électricité;
  • deux tiers doivent parcourir plus d’un kilomètre pour atteindre l’arrêt de bus, l’école, le bureau de poste ou la clinique la plus proche.

Ces conditions sont typiques de nombreuses villes dans les pays en développement et en transition.

Source: Onumah, E.G. et Hubbard, M., 1999.

Déclaration de Dakar

«Les maires... affirment l’importance du rôle des collectivités locales africaines pour assurer la sécurité alimentaire des villes dont ils ont la charge... Ils se déclarent disposés, en collaboration avec les Etats et les partenaires privés locaux, à:

DÉCLARATION DES MAIRES AFRICAINS
PARTICIPANT AU SÉMINAIRE SOUS-RÉGIONAL
FAO-ISRA «APPROVISIONNEMENT ET
DISTRIBUTION ALIMENTAIRES DES VILLES DE
L’AFRIQUE FRANCOPHONE»,
DAKAR, SÉNÉGAL,
14-17 AVRIL 1997

Déclaration de Medellín

«...il est prioritaire de faciliter l’accès pour tous les consommateurs, et ceux les moins aisés en particulier, à une alimentation saine par le biais de programmes participatifs et intersectoriels ayant comme objectif de renforcer l’efficacité des systèmes privés pour l’approvisionnement et la distribution à bas coûts des denrées alimentaires et la création d’emplois.»

DÉCLARATION DES MAIRES ET DES
FONCTIONNAIRES MUNICIPAUX À LA SANTÉ
AU 3ÈME CONGRES DES MUNICIPALITÉS ET
COMMUNAUTÉS SANITAIRES DES AMERIQUES,
MEDELLÍN, COLOMBIE,
8-12 MARS 1999

Déclaration de Barcelone

«Nous reconnaissons comme objectif principal des politiques et programmes du développement local... l’importance d’assurer l’accès aux aliments aux personnes les plus démunies dans les circonscriptions des pays à faibles revenus, suivant les recommandations du Sommet mondial de l’alimentation, tenu à Rome en 1996.»

DÉCLARATION DES MAIRES, DES CONSEILLERS
MUNICIPAUX ET DES REPRÉSENTANTS DES
COLLECTIVITÉS LOCALES AU 34ÈME CONGRES
MONDIAL DE L’UNION INTERNATIONALE DES
VILLES ET POUVOIRS LOCAUX,
BARCELONE, ESPAGNE,
20-24 MARS 1999


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