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PREMIÈRE PARTIE
PRINCIPES ET CONCEPTS

1. INTRODUCTION

L'introduction retrace l'évolution historique et le cadre actuel des systèmes d'information sur la sécurité alimentaire, l'intérêt technique de la méthodologie SISAAR contenue dans le présent manuel, et ses avantages spécifiques, sa structure et sa logique ainsi que son approche pédagogique. Elle donne enfin la définition de la sécurité alimentaire, acceptée aujourd'hui par toutes les instances mondiales.

La structure du manuel suit trois grandes parties. La première partie définit les principaux aspects de la méthode SISAAR (définitions, présentation du contexte national et international, finalités du système, etc.). La deuxième partie, de loin la plus longue, décrit les différentes étapes du montage du SISAAR dans la réalité, les contraintes rencontrées et les solutions envisageables. La troisième tente de replacer le système dans un contexte plus vaste de durabilité et d'adaptabilité dans le temps et de déterminer la place qu'il occupe sur la scène mondiale, dans le domaine de la sécurité alimentaire et de l'évolution des techniques.

Ce manuel est destiné aux cadres moyens des pays en développement car ce sont eux qui réalisent le montage et permettent le fonctionnement d'un SISAAR, aussi bien au sein d'un système de suivi statistique d'un des volets de la sécurité alimentaire, ou en tant qu'acteurs de la sécurité alimentaire (dans le secteur public, associatif ou privé), ou en qualité de pourvoyeurs ou de demandeurs d'information. C'est de leur collaboration que peut naître un SISAAR et qu'il peut fonctionner durablement. La volonté politique nationale, secondée éventuellement d'un appui technique extérieur sont les deux autres éléments importants de ce montage, et sont étroitement liés au travail des cadres nationaux auxquels s'adresse ce manuel.

Le texte du manuel fait la synthèse de divers travaux techniques proposés par des experts et des techniciens nationaux et internationaux. Il a été mis en forme au siège de la FAO, après une révision technique globale par les services compétents et par tous les participants.

1.1 Historique des systèmes d'information sur la sécurité alimentaire

Le développement de l'utilisation des images satellitaires apparut comme une solution pour l'estimation de la masse végétale de chaque pays, particulièrement pour les cultures annuelles sèches. Ainsi les grands donateurs ont pu disposer d'informations globales sur ces productions au niveau mondial.

1.2 Opportunité de la démarche décrite dans le présent manuel

1.3 Intérêt technique de la méthodologie présentée

La méthodologie SISAAR n'est pas une invention de spécialistes, mais le fruit de longues années de travail menées sur le terrain par des équipes nationales et internationales. Le présent manuel recueille cette expérience et codifie les étapes indispensables à la définition et la mise en place d'un système national (spécifique à chaque pays) de suivi de la sécurité alimentaire et d'alerte rapide, qui présente les caractéristiques particulières suivantes:

1.4 Définition de la sécurité alimentaire

La définition et la mise en place d'un système de suivi doivent obligatoirement s'appuyer sur une analyse détaillée de la sécurité alimentaire dans le pays, et de ses problèmes spécifiques.

Cette définition est compatible avec les trois volets classiques de la sécurité alimentaire: disponibilité des aliments de base, stabilité des approvisionnements et accès de tous à ces approvisionnements, mais rajoute la notion d'alimentation adaptée, c'est ce que l'on a appelé «l'utilisation biologique» des aliments.

2. LA NOTION DE PRÉVISION ET DE PILOTAGE

Les prévisions sont à la base de toute alerte. Elles doivent être faites dans les quatre domaines de la sécurité alimentaire (disponibilités, stabilité, accès, utilisation biologique) en tenant compte d'échéances assez longues pour que les décideurs aient le temps de mettre en place une réaction à l'alerte, mais avec un taux de fiabilité suffisamment élevé (en général plus les prévisions sont faites à l'avance, moins elles sont fiables) permettant d'éviter les risques de fausse alerte. Toute prévision comporte une probabilité (calculable ou non) de réalisation, qui donne une bonne idée de sa fiabilité.

Dans les quatre domaines de la sécurité alimentaire, les techniques de prévision s'appuient généralement sur les données du suivi de la situation et sur les diagnostics, en utilisant:

Les prévisions sont parfois réalisées par les organismes responsables du suivi des données (les responsables du suivi des marchés font souvent des analyses de tendance d'évolution des prix), mais aussi fréquemment par des entités différentes (les services de météorologies - souvent dépendants des transports aériens - peuvent être chargés de prévision agrométéorologie), ou par une entité spécifique centralisant des informations sur la sécurité alimentaire et l'alerte rapide. Les résultats des prévisions (indicateurs, clignotants. etc.), doivent être présentés par l'entité responsable dans un tableau de bord de la sécurité alimentaire constamment mis à jour, et disponible à tout moment pour les décideurs. Ce tableau de bord, incluant les clignotants, a pour objectifs de permettre le pilotage de la sécurité alimentaire, et d'alimenter les supports d'informations destinés aux décideurs, à tous niveaux (bulletins, émissions radio, flash télécopié, etc.).

L'intérêt d'un tableau de bord dans le pilotage d'un engin est de permettre l'anticipation des événements par une analyse combinée de différents types d'informations, dans chacun des domaines du suivi et de la prévision. Par exemple, le pilote d'un avion évaluera un risque important de crash par la vision simultanée de la jauge d'essence proche du zéro, du clignotant montrant une élévation trop importante de température du moteur, et du niveau à bulle montrant une inclinaison très importante de l'appareil. De même, les autorités nationales se préoccuperont d'une hausse trop rapide du prix des céréales sur les marchés, du blocage de certaines routes par les inondations, de l'augmentation du taux de morbidité, et d'un clignotant prouvant un déplacement excessif de populations, même si ces données sont assez imprécises. En effet, la combinaison de ces éléments est beaucoup plus importante que la connaissance, même exacte, de l'un ou l'autre de ces éléments. C'est souvent l'accumulation d'indices, même biaisés, qui permet la prévision et la prise de décision. L'utilisation d'indices même imparfaits permet d'attirer l'attention et incite à en savoir davantage, à vérifier. Quand dans une voiture l'un des voyants rouges s'allume, on s'arrête, on ouvre le capot, et le, cas échéant, on effectue des réparations.

Disponibilité des aliments de base. Les aliments dont il faut assurer le suivi sont ceux qui servent à l'alimentation de base des populations les plus pauvres (voir Deuxième partie, Chapitre I). Les prévisions de récoltes de ces produits se font, dans le cas des céréales annuelles de culture sèche, par un calcul d'estimation reposant sur des données d'agrométéorologie, sur les surfaces ensemencées et en utilisant des paramètres agronomiques propres à la région et aux cultures. Différentes méthodes de calcul plus ou moins sophistiquées sont employées. Les prévisions de récoltes de racines ou de tubercules en zone humide, sont faites par des estimations de surfaces et de rendements souvent grossières, les prévisions relatives à la production animale utilisent d'autres paramètres (évolution de l'état des pâturages, nombre d'animaux recensés à certains points d'eau, etc.). Les prévisions d'importation et d'exportation peuvent constituer des données fiables lorsque les importateurs (publics ou privés) acceptent de fournir leurs plans d'import-export, dans les pays où le système douanier est très précis (certains pays insulaires par exemple). Cependant, dans la majorité des pays en voie de développement ces prévisions sont faites sur la base d'estimations fournies ponctuellement par des spécialistes et sont assez approximatives. Dans les pays où les importations et les exportations sont soumises à autorisations administratives préalables, les estimations les plus fiables relatives aux transferts des produits alimentaires de base, pourront donc être obtenues auprès des services pertinents.

Stabilité des approvisionnements. Les prévisions dans ce domaine relèvent généralement de l'analyse des tendance d'évolution des marchés, compte tenu de l'environnement socioéconomique et politique (tendance d'évolution des prix et des quantités disponibles sur les marchés, des stocks, des transferts interrégionaux, etc.). Dans le domaine commercial, comme nous l'avons déjà mentionné, les prévisions sont souvent très difficiles et peuvent se révéler peu fiables.

Accès de tous aux approvisionnements. Cet accès est lié aux contraintes de pauvreté relative (disponibilité financière/prix des produits alimentaires de base) et aux possibilités d'accès physique à ces produits (voir ci-après analyse plus détaillée). Les indicateurs de suivi de la pauvreté et des prix au détail permettent des analyses de tendances, à moyen ou long terme, mais sont généralement peu utiles pour la prévision à court terme et le «pilotage à vue». En général, on utilise comme pour les prévisions nutritionnelles (voir ci-dessous), des batteries d'indicateurs indirects portant sur les prévisions à court terme de l'évolution de la pauvreté et de l'accès physique aux aliments. Les sociologues déterminent et suivent les stratégies utilisées par les individus ou les groupes vulnérables en cas de crise prévisible à court terme (stockage excessif de produits, coûte que coûte, vente d'objet de première nécessité, recherche systématique de travail extérieur, etc.). Souvent les batteries d'indicateurs portant sur les prévisions à court terme de la pauvreté et de la nutrition (accès et utilisation biologique) se confondent car l'aggravation rapide de la pauvreté entraîne presque automatiquement l'aggravation de l'état nutritionnel, du groupe ou de la famille touchés. On sait que les jeunes gens des familles pauvres ont tendance à émigrer vers les villes dés qu'ils prévoient un manque à gagner. Ainsi, des phénomènes d'immigration non justifiés, sont probablement un indice de problèmes à court terme. De même, la présence importante sur les marchés, de matériel de première nécessité usagé, vendu par des familles vulnérables, indique qu'elles monétisent leurs dernières ressources en prévision d'une grave crise financière. Certaines pratiques religieuses sont également symptomatiques. Pour pouvoir établir un type ou une batterie d'indicateurs, il est nécessaire de procéder préalablement à une étude socioéconomique du comportement des individus, par zone homogène, et de bien connaître les groupes et les individus vulnérables (voir ci-après, Deuxième partie, Chapitre 1).

Utilisation biologique des aliment. Les indicateurs sanitaires ou anthropométriques sont des indicateurs d'état qui ne permettent pas d'anticiper l'évolution de l'état nutritionnel des populations et surtout les couches les plus vulnérables. En effet, ces indicateurs donnent une idée de l'alimentation passée d'une population, parfois de son état nutritionnel actuel, mais jamais d'indications sur l'avenir. On utilise donc généralement des indicateurs (ou des batteries d'indicateurs) socioéconomiques indirects pour mesurer la perception que les individus ont eux-mêmes des futurs problèmes nutritionnels. L'analyse des stratégies d'adaptation utilisées par les individus ou par les groupes vulnérables en cas de crise alimentaire (en anglais Coping Strategies), donne en général de bons indicateurs indirects de prévision des problèmes nutritionnels. Les adultes savent dans l'ensemble bien interpréter leur amaigrissement, ou le retard de croissance des enfants, et en prévoir les conséquences

3. LES SYSTEMES EXISTANTS DE SUIVI DE LA SECURITÉ ALIMENTAIRE

3.1 Description des systèmes existants

La majorité des systèmes existants de suivi de la sécurité alimentaire, s'articulent autour de quatre axes principaux:

Ces quatre volets ont des objectifs spécifiques et mettent en œuvre une organisation et des moyens qui leur sont propres. Ils ont généralement une couverture nationale et sont reliés aux services statistiques de chacun des ministères concernés.

Le montage d'un Système d'information sur la sécurité alimentaire et l'alerte rapide (SISAAR) par les entités nationales responsables de la fourniture d'informations sur la sécurité alimentaire, ne doit négliger aucun de ces aspects, mais les prendre tous en considération dans le montage d'un système global. Ainsi le suivi des disponibilités alimentaires (production + importations - exportations - pertes) devra s'appuyer à la fois sur les informations du suivi de la production (SPA) et sur celles du commerce extérieur fournies par le Système d'information sur les marchés; le suivi de la stabilité des approvisionnements utilise surtout sur les données intérieures du SIM, ainsi que les données relatives à l'état des infrastructures et des stocks; le suivi de l'accès à ces approvisionnements doit tenir compte surtout des indicateurs sociaux (pauvreté, chômage, déplacement de population, etc.); et le suivi de l'utilisation biologique, doit utiliser des données de suivi sanitaire et nutritionnel.

3.1.1 Le suivi de la production agricole (SPA)

Le suivi de la production agricole est souvent centré sur les céréales, et comprend parfois un volet de suivi de la production animale et/ou des pâturages. Il est normalement établi, par les services statistiques du Ministère de l'agriculture, qui s'appuie sur des enquêtes régulières menées sur le terrain, en principe par le personnel provincial de l'administration. Il fait l'objet de publications statistiques ordinaires, dont la parution est en général annuelle.

La plupart des méthodes de suivi et de prévision des cultures sont construites autour du bilan hydrique, calculé pendant la saison de production et en tenant compte du développement phénologique de la plante. L'approche agrométéorologique a donné de bons résultats dans les pays semi-arides où le déficit hydrique est le principal facteur de limitation de la productivité. Cette approche donne des résultats moins satisfaisants2 dans les régions (même semi-arides) où:

Le suivi de la production animale peut utiliser les données des services vétérinaires (vaccinations, abattages), des services fiscaux (impôts, taxes), des enquêtes zootechniques (lorsqu'elles existent) ou le suivi des pâturages (principalement dans les zones de nomadisme).

Le suivi des cultures sèches se base principalement sur les techniques suivantes:

En termes généraux, ces outils permettent une évaluation qualitative de l'état des cultures (développement, phase du cycle, etc.), qui peut devenir quantitative dans la mesure où d'autres informations additionnelles sont disponibles (données agronomiques, statistiques des rendements, séries historiques, etc.) et à condition que soit exécuté un travail de validation des informations. Par ailleurs, certaines institutions effectuent les mesures de terrain nécessaires au calibrage des modèles d'analyse utilisés (voir plus loin les méthodes utilisées). Elles sont en effet indispensables au bon fonctionnement des modèles de simulation et pour les tests effectués dans différentes conditions d'application. L'utilisation des images satellitaires NOAA est aussi un outil intéressant à l'échelle régionale ou même nationale mais, vu la taille moyenne des exploitations et la variabilité de leur distribution sur le territoire, le calibrage des valeurs de NDVI5 reste un procédé lourd qui demande plusieurs années de vérification. Le traitement des images Meteosat semble plus facile, mais même dans ce cas, des tests soigneux sont nécessaires.

Du point de vue institutionnel, les systèmes de suivi de la production agricole et de prévision des récoltes sont le plus souvent établis en deux phases:

Les systèmes sont généralement basés auprès du Ministère de l'agriculture et auprès des services de la météorologie nationale. Dans le premier cas, le travail est effectué sur la base de relevés des agents de district (suivi phénologique) et des enquêtes agricoles par échantillon, servant à l'estimation de la production. Dans le deuxième cas le travail repose sur la base des données météorologiques et sur le développement d'analyses agrométéorologiques, plus ou moins sophistiquées. De plus, un rôle important est souvent joué par les services de la protection des végétaux, pour le suivi des conditions phytosanitaires des cultures et des attaques d'insectes et d'acridiens. En principe, les services de l'agriculture, de la météorologie, de la vulgarisation, de la protection des végétaux, de l'élevage, de l'hydraulique et autres, fournissent, chacun dans leurs domaines, des informations qu'ils intègrent aussi dans leurs analyses, en cours de saison. Ce qui fait souvent défaut, c'est une synthèse et une analyse systématique des informations (passées, présentes et futures), des procédures et des méthodologies utilisées, afin que tous les utilisateurs puissent disposer d'une base de référence transparente et objective.

Ce système pluri-institutionnel et pluridisciplinaire assure le recours à une méthodologie de focalisation progressive, pour le rassemblement des informations. Cette approche permet d'anticiper les zones à risque de mauvaise production vivrière et d'effectuer une surveillance de plus en plus fine, pouvant aller jusqu'à des enquêtes par échantillon, auprès des populations concernées.

3.1.2 Système d'information sur les marchés (SIM)

On désigne par système d'information sur les marchés (SIM6) un service, généralement public, qui se charge de collecter périodiquement, auprès des marchés de groupage ruraux, des marchés de gros et des marchés de détail, toutes les informations nécessaires relatives aux cours et aux prix pratiqués, et éventuellement aux quantités des denrées agricoles le plus couramment commercialisées afin de les porter, régulièrement et en temps utile, à la connaissance des agriculteurs, des négociants, des responsables de l'administration, des gouvernants et autres, y compris les consommateurs, en les diffusant par l'intermédiaire des différents médias disponibles.

Il s'agit d'un système de collecte, traitement et diffusion des données sur le commerce des produits. Ils devraient comporter des données de suivi des prix et des volumes disponibles sur les marchés de certains produits (pas uniquement agricoles et alimentaires), des variations de stocks (publics et privés) et des conditions de transport des marchandises. En général, les SIM tiennent également compte du suivi des importations et des exportations des produits. Il convient de noter que les SIM, jouent un rôle primordial, et essentiel, dans la diffusion des informations auprès des opérateurs publics et privés. Ce rôle a souvent réduit les SIM au suivi des prix sur les marchés, car la demande des commerçants était très forte dans ce domaine. Le suivi des volumes disponibles, plus difficile à mettre en œuvre, a souvent été négligé.

Un SIM doit respecter les étapes suivantes:

Les SIM dépendent des services statistiques, qui relèvent, selon les pays, de divers Ministères (commerce, agriculture, etc.). Dans certains pays, un Institut national des statistiques, généralement rattaché au Ministère du plan, est chargé du SIM. Dans d'autres, les divers ministères, dans leurs domaines respectifs (par exemple le Ministère de l'agriculture pour les produits agricoles et alimentaires, y compris les intrants agricoles) peuvent avoir la responsabilité directe de la collecte et du traitement des données.

Les responsables de la collecte des données sur les marchés alimentaires (quantités, prix, fonctionnement du marché, provenance des produits, etc.) sont parfois des agents rattachés à divers ministères (commerce, agriculture ou intérieur), ou dépendant du secteur privé (chambres de commerce) ou d'organisations non gouvernementales (ONG). Ils sont généralement regroupés au niveau provincial, où une unité centralise les données recueillies, les traite, les transmet à une unité centrale, et assure (théoriquement) la formation du personnel de terrain. Les responsables chargés de la collecte des données (appelés souvent «collecteurs», ou «enquêteurs»), ne sont parfois affectés qu'au SIM . S'ils appartiennent à une unité globale de statistiques, il leur arrive de devoir s'acquitter d'autres enquêtes, ou d'opérations administratives; s'ils appartiennent au Ministère de l'agriculture à des actions de vulgarisation ou autres.

3.1.3 Suivi des groupes à risques (SGR)

Le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) a entériné en juin 1999, la répartition de la vulnérabilité (ou du risque d'insécurité alimentaire) en trois classes, établies par le groupe de travail du SICIAV7. On distingue donc trois types d'insécurité alimentaire8.

Dans les systèmes de suivi on considère généralement que la pauvreté (à part le seuil absolu correspondant aux besoins minimum nécessaires pour assurer la survie biologique), est une situation relative et ne peut donc être appréhendée que comme telle.

Les informations pertinentes et précises provenant de la saisie systématique et périodique de certains indicateurs (socioéconomiques ou autres) - en parallèle avec les mesures propres à déterminer l'état nutritionnel et de santé de la population - permettent de comprendre l'évolution de la vulnérabilité et de déterminer les actions appropriées pour améliorer le bien-être des populations les plus démunies. Le suivi des facteurs qui influent sur les situations de dénuement permet de révéler un niveau de pauvreté donné. Ainsi, d'une famille à l'autre, ou d'un pays à l'autre, et compte tenu des habitudes, on peut considérer qu'un même revenu, relève ou non de la pauvreté.

Les rations alimentaires (quantité et qualité) consommées, le revenu, l'emploi, l'accès ou non aux ressources (terre, crédit, etc.) et aux services de base (santé, éducation, etc.), sont les indicateurs indirects de pauvreté, le plus couramment utilisés, après une tentative d'évaluation en termes quantitatifs ou monétaires.

Actuellement, et sauf pour certains indicateurs partiels ou synthétiques ayant fait l'objet d'une collecte large (revenu, indice de développement humain-IDH, taux de scolarisation, couverture sanitaire, etc.) on dispose de davantage d'études de cas que de séries exploitables dans des bases de données.

La majorité des pays en développement ne disposent pas d'un suivi régulier et convenable de la pauvreté, ni des groupes marginaux ou vulnérables.

Les ONG et les services sociaux nationaux (ministère des affaires sociales, le cas échéant) peuvent disposer de données, plus ou moins régulièrement collectées et traitées, concernant certaines zones du pays. Ces données servent avant tout au suivi communautaire, et à une meilleure prise en charge des populations par elles-mêmes, mais elles peuvent se révéler très utiles pour le suivi des groupes à risques et l'estimation de l'évolution locale de la sécurité alimentaire au niveau des Comités provinciaux9.

Les organisations internationales (dont la FAO) impliquées dans le développement de l'initiative SICIAV10, lancée dans le cadre du suivi du Sommet mondial de l'alimentation11, s'efforcent actuellement d'analyser les méthodes locales de suivi des groupes vulnérables, pour tenter d'élaborer un système de classification qui puisse être utilisé afin de surveiller l'évolution de ces groupes au niveau mondial.

3.1.4 Le suivi (surveillance) alimentaire et nutritionnel (SAN)

L'état nutritionnel d'un individu et/ou d'une population dépend de tous les facteurs ayant une incidence sur la relation alimentation/santé. Le suivi alimentaire et nutritionnel observe l'état nutritionnel des populations et leur consommation alimentaire, afin d'orienter les prises de décisions dans ce domaine. Les SAN ont vu le jour dans les pays en voie de développement, à partir de 1976. Les modalités et les objectifs des SAN ont considérablement évolué, surtout depuis les années 90. Plusieurs pays, notamment en Afrique subsaharienne, ont mis en place des SAN dans le but de suivre et d'évaluer l'impact des politiques d'ajustement structurel sur les couches vulnérables de la population.

Les enfants ont été, jusqu'à présent, la cible privilégiée des nutritionnistes mais on s'intéresse de plus en plus à l'état nutritionnel des autres tranches d'âge de la population (adolescents, adultes, personnes âgées) en utilisant des indicateurs dérivant de l'indice de masse corporelle12. Les enquêtes budget-consommation donnent une bonne vision de la situation alimentaire et nutritionnelle, mais elles sont effectuées au mieux tous les dix ans. En plus de ces approches, assez centralisées, se développe un suivi local des populations vulnérables dans le cadre des activités de routine des institutions gouvernementales ou des ONG, travaillant au niveau communautaire.

En général, les données relatives au suivi de la santé et de la nutrition proviennent de cinq grandes sources13:

Les SAN sont organisés en général de manière centralisée et fonctionnent à partir de la capitale du pays. Le suivi alimentaire et nutritionnel est effectué par les responsables de la santé et de la nutrition (il s'agit souvent du Ministère de la santé), mais dispose parfois d'instances décentralisées (centres de santé à l'échelon provincial, départemental, local ou communautaire). La collecte des données de base dépend des agents de la santé publique qui s'appuient sur des indicateurs anthropométriques (rapport poids/âge, taille/âge, taille/poids). Les instituteurs sont parfois aussi mis à contribution pour le suivi de l'état sanitaire et nutritionnel des enfants.

3.1.5 Autres systèmes de suivi existants pouvant être utilisés dans le cadre de la sécurité alimentaire

Le suivi de la sécurité alimentaire utilise parfois d'autres données provenant de diverses sources:

D'autres suivis tels que celui des facteurs environnementaux sont d'une importance cruciale dans certains pays.

La sécurité alimentaire peut être (ou non) considérée comme l'un des objectifs poursuivis par les responsables de chacun de ces systèmes. Ceux-ci limitent souvent leurs objectifs à la recherche d'un équilibre offre-demande pour certains produits alimentaires considérés comme primordiaux. Les bilans céréaliers fournissent un exemple de cette approche. D'autres responsables, considérant le développement économique comme prioritaire, s'attachent à une démarche dite «sociale» de la sécurité alimentaire, en cherchant à corriger les problèmes de sécurité alimentaire issus de la croissance économique, sans toutefois intégrer cette dimension dans la planification globale. Ces derniers en général limitent donc leur suivi de la sécurité alimentaire au suivi nutritionnel et des groupes à risques, en recherchant des actions ponctuelles et ciblées sur les populations. D'autres responsables, particulièrement dans les zones de culture sèche, tendent à privilégier la démarche productive, et considèrent que le suivi des cultures vivrières de base et les prévisions de récoltes correspondantes est la principale source d'information sur la sécurité alimentaire des populations, et qu'elle suffit donc pour permettre de prendre une décision. On comprend aussi, que les chambres de commerce se sentent davantage concernées par les informations sur les marchés (prix, quantités, stocks) que par la connaissance des groupes vulnérables, par définition peu solvables. Cette démarche plus mercantiliste, est cependant assez proche et complémentaire, de la recherche de l'équilibre entre l'offre et la demande.

3.2 Les contraintes de ces systèmes

Les principales contraintes rencontrées par les systèmes actuels d'information sur la sécurité alimentaire dans les pays en développement sont de deux ordres:

Il existe aussi des contraintes fonctionnelles, (inhérentes à beaucoup de systèmes dans les pays en voie de développement), dont il faudra tenir compte dans l'organisation du SISAAR.

3.2.1 La mauvaise organisation du système

Les principales critiques peuvent être les suivantes:

3.2.2 Manque de clarté des objectifs du système 

Les systèmes peuvent aussi présenter les défauts suivants :

3.2.3 Contraintes fonctionnelles

Les principales contraintes fonctionnelles peuvent être résumées ainsi:

3.3 Evolutions récentes du contexte socioéconomique

L'urbanisation rapide et l'intégration progressive des pays en voie de développement dans l'économie mondiale sont les deux facteurs principaux de l'évolution des systèmes d'information sur la sécurité alimentaire et d'alerte rapide.

Ce contexte est responsable des changements suivants, dans le domaine qui nous intéresse:

4. LA GESTION DE LA CRISE

Le système d'information pour la sécurité alimentaire et l'alerte rapide peut aussi servir d'instrument privilégié dans la gestion des crises alimentaires bien que son objectif principal soit surtout de prévenir les crises et de permettre d'éviter des répercussions désastreuses sur la sécurité alimentaire, à court, moyen et long terme.

Lorsqu'il fonctionne, un tel système de suivi constitue un élément privilégié de gestion des crises alimentaires. Il permet, en effet, de:

5. LE SCHÉMA THÉORIQUE D'UN SISAAR

La démarche préconisée dans ce manuel vise à aider les responsables nationaux à définir et à mettre en place un système de suivi de la sécurité alimentaire et d'alerte rapide (SISAAR), parfaitement adapté aux contraintes de chaque pays. En pratique, un SISAAR s'appuie sur les systèmes de suivi existants pour la disponibilité des produits de base, la stabilité des approvisionnements, l'accès de tous à ces approvisionnements et l'utilisation biologique de la nourriture (définie comme la relation entre la santé et la nutrition). Dans les pages suivantes, les schémas présentent un SISAAR théorique. Les étapes du montage d'un tel système font l'objet de la deuxième partie de ce manuel.

L'expérience atteste que, pour bien fonctionner et être utilisé correctement, un SISAAR doit pouvoir disposer:

Comme cela ressort des schémas suivants, un SISAAR théorique devrait être placé idéalement auprès du secrétariat du Comité national de sécurité alimentaire, être relayé par des Comités provinciaux et posséder deux instruments informatisés de suivi: Une base de données, synthétisant les bases de données existantes dans le domaine de la sécurité alimentaire, et un Tableau de bord résultat des analyses croisées des données, et des prévisions d'évolution de la sécurité alimentaire à court ou moyen terme, en fonction d'indicateurs complexes, indirects ou d'estimations.

(Pour plus de détails sur l'organisation institutionnelle du SISAAR, voir Deuxième partie, Chapitre 4, Point 4 - Proposition d'organisation institutionnelle).

L'objectif d'un tel système est double: à court terme il sert d'instrument de pilotage de la sécurité alimentaire, et représente donc un instrument privilégié de prévention des crises alimentaires. A moyen et long terme, il devrait être un relais indispensable à toute action de programmation et de planification, en fournissant aux planificateurs les données et analyses nécessaires à la prise en compte de la sécurité alimentaire.

Il s'agit surtout d'un organe qui permet d'établir une concertation et de proposer dans le domaine de la sécurité alimentaire, des actions destinées à tous, mais en particulier aux groupes les plus vulnérables.

Organisation d'un SISAAR théorique



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